Pourquoi le groupe de médias allemand Axel Springer sort son joker « KKR » face aux GAFAM

C’est le plus grand groupe de médias en Europe. Créé il y a 73 ans par Hinrich Springer et son fils Axel, le groupe Axel Springer réalise aujourd’hui les trois-quarts de son chiffre d’affaires dans le numérique, lequel contribue pour près de 90 % à sa rentabilité. Mais la pression des GAFAM se fait plus forte.

« Le journalisme est l’âme et l’esprit de la société Axel Springer. Notre mission : l’établissement réussi du journalisme indépendant dans le monde numérique. Nous voulons devenir l’éditeur numérique le plus prospère au monde. (…) Environ 16.000 employés travaillent avec passion chez Axel Springer SE : l’éditeur leader du digital en Europe ». Le ton est donné sur le site web Axelspringer.com. Le groupe allemand – encore détenu à 42,6 % par Friede Springer (photo), la veuve du cofondateur Axel Springer (1), et à 9,8 % par les petits-enfants de ce dernier (Axel Sven et Ariane) – est « actif dans plus de 40 pays dans le monde, avec des holdings et des licences sur six continents ». Pourtant, le journalisme – si indépendant soit-il – est passé au second plan sur fond de déclin de la presse papier, derrière les petites annonces. Ce ne sont plus ses quotidiens allemands Die Welt (fondé en 1946) et Bild (lancé en 1952) que le plus grand conglomérat médiatique européen met en avant, mais désormais ses sites web de petites annonces – les fameuses classifieds : SeLoger (numéro un en France de l’immobilier en ligne), Logic- Immo (également leader en France), LaCentrale (là aussi présent en France dans l’automobile), Immowelt (immobilier en Allemagne), Autobazar.eu (en Slovaquie), ou encore StepStone, Jobsite et Totaljobs (dans les annonces d’emplois).

Directive européenne sur le droit d’auteur : vers un nouveau modèle économique du numérique

La directive sur « le droit d’auteur dans le marché unique numérique » est sur
le point d’être promulguée au Journal officiel de l’Union européenne, après sa validation du 15 avril par les Etats membres (19 pour, 6 contre et 3 abstentions). Mais sa transposition nationale d’ici mi-2021 va être délicate.

Par Véronique Dahan (photo), avocate, et Mahasti Razavi, associée gérante, August Debouzy

La presse ne veut pas laisser aux GAFA la mainmise sur l’accès et les données de ses lecteurs

Alors qu’Apple a lancé le 25 mars aux Etats-Unis et au Canada son kiosque numérique par abonnement baptisé News+ (plus de 300 titres pour 9,99 dollars par mois), qui arrivera en Europe dans quelques mois, la presse s’organise pour ne pas perdre le contrôle de ses cyberlecteurs.

Après Newsstand lance en 2011 et Apple News qui a suivi en 2015, la pomme vient de lancer News+, son nouveau kiosque numérique. D’abord disponible aux Etats- Unis et au Canada (1), ce service par abonnement le sera ensuite dans le courant de l’année en Australie et, pour l’Europe, au Royaume-Uni dans un premier temps. News+ donne accès à un bouquet de journaux – quotidiens et magazines, soit plus de 300 titres de presse à ce jour. Mais les éditeurs prennent des risques à y être présents.

Livre numérique en France : chiffres paradoxaux

En fait. Le 18 mars, le 39e Salon du livre de Paris, organisé par le Syndicat national de l’édition (SNE), a refermé ses portes au bout de quatre jours de fréquentation en baisse (- 2 %). Le marché de l’édition est aussi en recul en 2018, selon GfK, sauf pour les livres numériques.

En clair. Bien que les ventes de livres numériques soient en hausse en France (+ 6 %) selon l’institut d’études GfK et que le taux de Français déclarant lire un livre numérique n’a jamais été aussi élevé (22 %) selon l’enquête OpinionWay, le nombre de lecteurs
de ces mêmes ebooks stagne selon le sondage Ipsos. Autrement dit, les chiffres de
ce marché encore marginal en France sont paradoxaux, lorsqu’ils ne sont pas contradictoires. Une chose est sûre : le livre numérique est encore étouffé par un marché de plus en plus oligopolistique et accroché au papier (1).
Les premiers chiffres de GfK, présentés peu avant le salon Livre Paris, montrent un marché global de l’édition française en recul de près de 1 % à 3,94 milliards d’euros pour 354 millions d’exemplaires vendus (livres papiers et numériques). La littérature générale accuse même une baisse de 5,4 %. La seule hausse notable : le livre numérique, qui génère un chiffre d’affaires en augmentation de 6 %, à 103,3 millions d’euros, pour près de 14 millions d’ebooks vendus (2). GfK avance même un nombre de lecteurs de ces livres dématérialisés : 2,3 millions en 2018, soit moins de 5 % des Français. Ce lectorat estimé par GfK apparaît moins disant que celui avancé par l’enquête OpinionWay pour le SNE, la SGDL et la Sofia (3), d’après laquelle 22 % des Français âgés de 15 et ans et plus (4) déclarent en début d’année avoir lu un livre numérique – ce qui représente (selon un échantillon de personnes représentatif de
la population française, constitué par la méthode des quotas) plus de 6,3 millions de lecteurs d’ebooks (près de trois fois plus que les acheteurs de GfK). Conclusion : ce taux record illustre, depuis huit ans qu’est réalisé ce baromètre, une augmentation régulière des lecteurs de livres numériques. Mais ce constat n’est pas celui du Centre national du livre (CNL), dont le sondage Ipsos affirme que « le taux de lecteurs de livres numériques marque un palier en 2019 [à 24 % des sondés, soit le même taux qu’en 2017, ndlr], après une nette progression entre 2015 et 2017 [de 19 % à 24 %] ». Mais ce taux de lecteurs d’ebooks atteint les 47 % lorsqu’il s’agit des 15-24 ans (5), ce que les maisons d’édition – encore trop frileuses à diffuser leurs catalogues dématérialisés – devraient prendre en compte si elles ne veulent pas se couper du jeune lectorat. @

Le livre numérique est soluble dans le marché des géants de l’édition, de plus en plus oligopolistique

Alors que le 39e Salon du livre de Paris se tient du 15 au 18 mars, le marché français de l’édition n’a jamais été aussi concentré entre les mains de quelques « conglomérats » du livre. De cette situation oligopolistique, le livre numérique peine plus que jamais à émerger.

L’année 2018 a été marquée par la consolidation accrue du marché français de l’édition de livres. Il y a d’abord l’intégration entre les groupes Média Participations et La Martinière, qui se hissent ensemble à la troisième place des groupes d’édition français derrière Hachette Livre (contrôlé par Lagardère) et Editis (jusqu’alors propriété de Planeta). Il y a ensuite le rachat justement d’Editis à Planeta par le groupe Vivendi, qui s’offre ainsi cette deuxième place du marché français du livre.