Derrière le bras de fer Amazon-Hachette, le livre numérique remet en cause le prix unique

Amazon bouscule le monde de l’édition et la politique du prix unique du livre en voulant vendre moins chers les ebooks par rapport à leurs équivalents imprimés. Des éditeurs et des auteurs se rebiffent. La France monte au créneau. Pourtant, les lecteurs veulent des ebooks plus abordables.

Après la musique et le cinéma, le livre est confronté à la concurrence – voire à la cannibalisation – de ses versions physiques par leurs équivalents dématérialisées.
Le livre imprimé ne sortira à son tour pas indemne de cette révolution numérique, à l’instar des CD ou des DVD pour la musique et la vidéo. C’est inéluctable : les ventes de livres « papier » vont être appelées à décliner au profit des ebooks. Cette dématérialisation induit une désintermédiation qui, là aussi, immanquablement, aura
un effet sur la baisse des prix au profit des consommateurs, étant donné que les coûts d’édition papier, de stockage et de distribution n’existent plus.

8e génération de consoles de jeux : à quitte ou double

En fait. Le 26 juin, l’Interactive and Digital Entertainement Festival (IDEF)
– organisé par le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) – a fermé
ses portes à Cannes après trois jours de rencontres des professionnels des
jeux vidéo. Avec le nouveau cycle, le marché pourrait doubler en valeur.

En clair. « Le marché des consoles de jeu vidéo fonctionne par cycles. Chaque génération de consoles a permis de doubler le chiffre d’affaires de l’industrie », explique David Neichel, président du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). Après les sorties des consoles de salon de 8e génération (la Wii U de Nintendo fin 2012, la PS4 de Sony et la Xbox One de Microsoft fin 2013), et leur démarrage « très rapide » sur
les deux premiers trimestres de commercialisation (+ 14 % en valeur par rapport à la
7e génération des Xbox 360, PS3 et Wii), le marché français du jeu vidéo table sur un nouveau doublement sur les prochaines années de son chiffre d’affaires avec cette 8e génération.

Numérisation des médias : pas sans les journalistes

En fait. Le 19 mai, l’Association mondiale des journaux et des éditeurs d’informations – appelée Wan- Ifra depuis cinq ans (juillet 2009) – a organisé
la première édition de « Innovation Day » pour accompagner les médias dans
leur transformation numérique. Parmi les intervenants, aucun journaliste…

En clair. « Les journalistes sont indécrottables ! », a lancé Eric Scherer, directeur
chez France Télévisions, en charge de la prospective, de la stratégie numérique et des relations internationales liées aux nouveaux médias. « Ne serait-ce que lui faire bouger son bureau, cela déstabilise le journaliste… », a-t-il pontifié. De là à accuser les journalistes de freiner l’innovation numérique des journaux et de leurs rédactions, il n’y a qu’un pas (1)…
Eric Scherer, par ailleurs vice-président du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), ressert là son qualificatif d’« indécrottable » déjà servi sur son blog « Méta-média » le 16 mai dernier. Pour lancer sans discernement cette charge qui n’engage que lui contre les journalistes, il fait état de deux documents américains très critiques sur les rédactions face au numérique.
Le premier est une étude de l’université privée Duke publiée en mai tendant à démontrer que « les outils numériques manquent dans la plupart des salles de rédaction », lesquelles n’auraient pas fait leur mue ni fait leur révolution culturelle (2). Le second document émane du New York Times, journal dont la directrice de la rédaction Jill Abramson vient d’être licenciée pour des raisons non précisées : il dresse un bilan très négatif sur les soi-disant« freins culturels » des journalistes dans l’appropriation des nouveaux outils de communication (3). Est-ce à dire qu’en France les crises aigües que traversent les rédactions des quotidiens Libération, Le Monde ou autres sont dues aux réticences
des journalistes à franchir là aussi le pas de l’innovation rédactionnelle ?

Ventes d’ebooks : vers 400 millions d’euros en 2017

En fait. Le 7 février, Xerfi a publié une étude intitulée « La distribution de livres face aux enjeux du numérique. Prévisions et perspectives à l’horizon 2017 ». Les ventes d’ebooks en France devraient progresser de près de 20 % par an en moyenne d’ici là, après avoir généré 190 millions d’euros en 2013.

En clair. Après avoir été embryonnaire, le marché français du livre numérique va enfin décoller, si l’on en croit le cabinet d’étude Xerfi. L’an dernier, le chiffre d’affaires des ventes de ebooks en France a atteint 190 millions d’euros pour représenter 4,5 % du marché global du livre. Et la croissance à deux chiffres devrait se poursuivre d’ici à 2017, à raison de 20 % en moyenne chaque année. Dans trois ans, le poids du livre numérique dans l’Hexagone devrait être proche de 400 millions d’euros. Ce décollage s’explique par le fait que les Français adoptent de plus en plus la lecture numérique et s’équipent en liseuses et tablettes.
Les maisons d’édition, qui ont numérisé leurs catalogues au cours des deux dernières années, publient désormais les nouveautés quasi systématiquement en format imprimé
et en numérique. A cet élargissement de l’offre de ebooks, s’ajoute le fait que les éditeurs pratiquent des « décotes » sur les prix des livres digitaux par rapport aux livres-papier,
ce qui favorise les ventes de livres numériques.

Salon du livre de Francfort : l’édition sans éditeurs ?

En fait. Le 9 octobre, la 65e édition du salon du livre de Francfort – le Frankfurt Book Fair, organisé par l’association allemande des éditeurs et des libraires – a ouvert ses portes et… ses livres. Pour la première fois, un espace « Self-Publishing Area » met en avant les plates-formes d’auto-édition.

En clair. La vente directe, de l’auteur au lecteur ! Telle est la nouvelle tendance de l’industrie du livre. L’auto-édition, qui permet aux auteurs de se publier eux-mêmes sans passer par une maison d’édition et de percevoir jusqu’à 70 % du prix de leurs œuvres vendues directement au public (1), est à l’honneur du salon du livre de Francfort. « Nous avons environ 300 self-publishers », nous indiquent les organisateurs. Cela va du géant Amazon avec KDP (Kindle Direct Publishing) à de nombreuses start-up venant des quatre coins du monde, telles que Books on Demand (BoD), Epubli, Redshelf, Widbook (2) ou encore Xlibris.
Selon une étude de New Publisher House, le marché de l’autoédition pèserait déjà 52 milliards de dollars de chiffre d’affaires aux Etats-Unis. Ailleurs, les chiffres manquent.
En France, la BnF estime à 12 % la part du dépôt légal français concernant des livres auto-édités (imprimés et numériques). Le Syndicat national de l’édition (SNE) nous
indique n’interroger ses adhérents que sur leur activité, d’autant qu’il nous précise que
ses membres « doivent être éditeurs à compte d’éditeur » s’ils veulent adhérer. Les plates-formes d’auto-édition, qui font peur à bon nombre de maisons d’éditions (3), ne
sont pas les bienvenues au SNE. « Nous observons simplement que dès lors qu’un auteur auto-édité remporte un certain succès, il se tourne vers un éditeur professionnel », souligne le syndicat. Tout juste sait-on que l’édition numérique a généré en France 81,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012, soit 3 % des revenus totaux des éditeurs.