Audiovisuel : YouTube n’est pas « éditeur », quoique…

En fait. Le 27 septembre, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a organisé ses premières Rencontres sur le thème de « L’audiovisuel dans l’espace numérique : plateformes et données ». En première ligne, Google a défendu son statut d’hébergeur : « Nous ne sommes pas éditeur de contenus ». Vraiment ?

En clair. Alors que le statut d’hébergeur de certaines plateformes vidéo telles que YouTube ou Dailymotion est remis en question par les industries culturelles, en particulier en France, les premières Rencontres du CSA ont permis d’entendre Google à ce sujet. « Nous ne sommes pas éditeur de contenus, mais nous travaillons en partenariat avec les éditeurs de contenus », a affirmé Laurent Samama, directeur
des relations stratégiques Média et Divertissement de la firme de Mountain View pour
la région EMEA (1). Et le Français d’insister : « Nous ne nous considérons pas comme
un acteur à part entière car nous ne sommes pas éditeur de contenus ; nous ne faisons pas de contenus ». Le statut d’hébergeur permet aux plateformes vidéo de non seulement bénéficier d’une responsabilité limitée dans la lutte contre le piratage mais aussi de ne pas être soumises à des obligations de financement de la création (lire aussi p. 6 et 7).
Le CSA, lui, s’interroge sur le statut de YouTube. Dans un rapport publié peu avant
ces Rencontres, le régulateur écrit :« Certaines plateformes, (…), opèrent désormais simultanément à plusieurs niveaux et exercent à la fois les fonctions de production, d’édition et de distribution de contenus (exemple de YouTube) » (2). Ce qu’a aussitôt nuancé Nicolas Curien, membre du CSA : « Le CSA dit effectivement que YouTube n’est pas seulement un hébergeur. Le CSA ne dit pas qu’il est éditeur ou distributeur, mais il invite à repenser les catégories traditionnelles des fonctions des métiers de l’audiovisuel ». Laurent Samama est alors remonté au créneau : « Sur YouTube, on
a vraiment pas de fonction d’édition. (…) La seule chose est [que] nous avons des algorithmes et parfois de la vérification manuelle pour éviter ces contenus interdits ».
Francine Mariani-Ducray, membre du CSA, a saisi la balle au bond : «Mais est-ce
que les algorithmes de recommandation ne sont pas une manière d’éditorialiser ? … J’ai ma réponse personnelle ! (…) C’est “oui’” ». Le dirigeant de Google lui a répondu :
« C’est une bonne question. Nous, nous considérons que “non”. Ensuite, il y a une
vraie réflexion sur la part de la personnalisation des algorithmes, tout en gardant une part d’accès à la diversité. Donc, effectivement, il y a des formules à mettre en place mais qui, pour nous, ne s’apparentent pas à un choix éditorial de contenus à mettre
en avant ». @

Olivier Huart, PDG de TDF, craint un « tsunami pour la télévision » et appelle les chaînes à jouer collectif

A la tête de TDF depuis maintenant plus de six ans, Olivier Huart a lancé le 14 juin dernier un appel à l’union aux éditeurs de chaînes de télévision afin de lancer en France une plateforme numérique commune – sur le modèle de Freeview en Grande-Bretagne, où toutes les chaînes sont accessibles.

« Pour la télévision de demain, il faut penser collectif – esprit collectif. Mon appel, je l’adresse à tous les acteurs de la télévision (…) : unissez-vous, unissons-nous. C’est comme ça que la vague du numérique ne se transformera pas en tsunami pour la télévision », a lancé le 14 juin Olivier Huard, le PDG de TDF (1). « La télévision de demain nécessite de basculer vers
un monde multipolaire, beaucoup plus hybride pour intégrer la TNT au cœur de l’écosystème digital. (…) Ce monde multipolaire impose également de travailler de manière beaucoup plus collaborative. Les chaînes seront encore puissantes dans vingt ans. Mais à une condition : qu’elles joignent leurs forces pour faire le saut numérique », a-t-il prévenu.

La taxe « copie privée » sur le cloud se précise

En fait. Le 11 mai, la commission de la Culture du Sénat a adopté un amendement du rapporteur de la loi « Création », Jean-Pierre Leleux, pour préciser l’extention de la redevance « copie privée » aux services de stockage à distance dans le cloud proposés par les éditeurs ou distributeurs audiovisuels.

En clair. L’extension de la taxe « copie privé » à une portion du nuage informatique est en marche. Dans le cadre du projet de loi « Création », qui doit être discuté en séance publique au Sénat du 24 au 26 mai prochains, la commission de la Culture de la chambre haute a adopté le 11 mai un amendement (1) du rapporteur LR Jean-Pierre Leleux qui prévoit un « accord interprofessionnel » d’ici le 1er janvier 2017 entre les éditeurs de radio ou de télévision et les distributeurs sur les modalités de mise en oeuvre des services d’enregistrement numérique à distance – dit nPVR ou magnétoscopes numériques personnels en ligne (2) – mis en place par ces derniers.
Il s’agit in fine pour les acteurs de l’audiovisuel et de l’Internet de se mettre d’accord
en vue du versement « par l’éditeur d’un service de radio ou de télévision ou son distributeur » de la rémunération pour copie privée étendue au cloud par un amendement du sénateur PS David Assouline adopté en janvier dernier (3). Et ce,
dès lors que le fournisseurs du service audiovisuel en ligne « met à la disposition d’une personne physique un espace de stockage à distance sur lequel sont conservées les reproductions d’œuvres réalisées par cette personne physique pour son usage privé
à partir d’un programme diffusé de manière linéaire par cet éditeur ou son distributeur (…), à partir ou à l’aide d’un dispositif fourni par l’éditeur ou le distributeur de ce service de radio ou de télévision, sous réserve que chaque reproduction soit mise en oeuvre par cette personne physique avant la diffusion du programme ou au cours de celle-ci pour la partie restante ». Si les chaînes de télévision telles que TF1, M6, Canal+ ou celles de France Télévision ne parvenaient pas à un accord à cette date avec les distributeurs en ligne de type Molotov.tv, « il reviendra au gouvernement de déterminer les mesures d’application par décret en Conseil d’Etat ».
Cet amendement prévoit en outre de mettre en conformité l’article 7 bis AA concerné
de la loi « Création » avec la jurisprudence européenne, laquelle exige que la copie soit réalisée par la personne physique bénéficiaire pour que s’applique le régime de copie privée, « quand bien même les moyens de cette réalisation seraient fournis par des tiers ». Pour l’heure, en France, la redevance pour copie privée rapporte aux ayants droits plus de 200 millions d’euros par an. @

Défaut de consentement préalable des internautes avant tout cookie : la Cnilmet en demeure et va sanctionner

La Cnil multiplie ses contrôles auprès des sites web, régies publicitaires et réseaux sociaux pour épingler ceux – une cinquantaine d’éditeurs à ce jour –
qui déposent des cookies sans en informer les internautes ni recueillir leur consentement préalable. Après les mises en demeure, les sanctions financières vont tomber.

Selon nos informations, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’apprête pour la première fois à sanctionner des éditeurs de sites web, de presse en ligne et de réseaux sociaux, ainsi que des régies de publicité sur Internet, pour non respect de la législation sur les cookies. Sa prochaine formation restreinte composée de six membres et seule habilitée à prononcer des sanctions se réunira le 21 avril prochain. Les condamnations financières peuvent atteindre un montant maximum de 150.000 euros, et, en cas de récidive, portées jusqu’à 300.000 euros (1).
Certaines sanctions pourraient être rendues publiques si elles étaient assorties de l’obligation d’insérer la condamnation dans des journaux et sur le site web incriminé
– et ce, aux frais de l’éditeur sanctionné. L’autorité reproche aux éditeurs Internet de
ne pas recueillir le consentement préalable de chaque internaute ou mobinaute avant de déposer sur son ordinateur ou son mobile un cookie ou un traceur. Après plus de 500 contrôles sur place et/ou en ligne menés depuis la fin du troisième trimestre 2014 auprès des éditeurs de services et de presse en ligne, et malgré quelque 50 mises
en demeure notifiées depuis juin 2015, les premières sanctions vont tomber. « Des échanges ont été organisés avec les éditeurs de site de presse et se poursuivent encore actuellement », nous a répondu une porte-parole de la Cnil que préside Isabelle Falque-Pierrotin (photo).

E-pubs : des éditeurs s’engagent à « limiter la gêne »

En fait. Le 21 mars, les sites web du Monde, du Figaro, du Parisien, de L’Express, de L’Equipe et d’autres encore, membres du Groupement des éditeurs de contenus et de services en ligne (Geste), ont lancé une action pour stopper les adblockers en leur promettrant de rendre l’e-pub moins… « gênante ».

En clair. « Bonjour. Vous utiliser un bloqueur de publicité. C’est votre droit », affiche
par exemple L’Express avec accolé un logo d’une main barrée en guide de « Stop »,
le tout sur un large bandeau rouge vif agressif affiché en plein milieu de la page web consultée. Et Lexpress.fr d’expliquer qu’il est « un site d’information en temps réel, auquel travaillent une centaine de personnes ». Et de tenter de faire comprendre au bloqueur de publicité en ligne les conséquences de son acte : « Chaque mois, nous vous donnons accès à 10 articles gratuits. Ces articles sont payés par la publicité.
Sans cette publicité, qui finance notre équipe mais aussi le développement du site,
son amélioration constante, sur ordinateur comme sur mobile, L’Express ne peut pas vivre ».
Deux options sont alors proposées à l’internaute, lequel hésite entre bienveillance et culpabilité. « Mais si, à la place, vous… choisissiez notre formule 100 % numérique et son affichage publicitaire limité et non intrusif ; … [ou] désactiviez partiellement votre bloqueur de publicité pour naviguer tranquillement sur notre site ». Les autres sites de presse en ligne ont chacun adapter ce panneau d’avertissement en fonction de leur sensibilité. A l’internaute, l’éditeur anti-adblocker propose alors une contrepartie :
« En échange, en relation avec les agences [de publicité] et les annonceurs, L’Express s’engage à limiter au maximum à l’avenir la gêne occasionnée par l’affichage publicitaire ». Le Figaro, lui, bloque sans effort de pédagogie l’accès à son site web. Cette campagne surprise devait se poursuivre jusqu’au 27 mars. La presse française n’est pas la première à faire barrage aux adblockers de plus en plus nombreux (1). Le quotidien allemand Bild, du groupe Axel Springer, est le pionnier en Europe dans ce type de campagne anti-adblockers. D’autant que la société allemande Eyeo est l’éditeur du numéro des logiciels de blocage de publicité, Adblock Plus. A l’issue d’une première expérience en octobre 2015, le DG et président du directoire d’Axel Springer, Mathias Döpfner, avait affirmé que « plus des deux tiers des utilisateurs qui utilisaient un adblocker l’avaient désactivé ». Revers de la médaille : cela démontre que les internautes sont majoritairement favorables à la gratuité de la presse en ligne et qu’ils ne sont pas disposer à payer pour éviter l’e-pub en s’informant. @