Dévalorisé dans les comptes d’Orange, Dailymotion a 10 ans et se retrouve convoité par Fimalac

Fondé en mars 2005, Dailymotion ne vaut plus que 58 millions d’euros dans les comptes 2014 d’Orange, lequel cherche toujours à en céder 49 % du capital (après l’avoir acquis 127 millions d’euros). Mais l’Etat actionnaire (1) souhaite
un partenaire plutôt européen – comme Fimalac – qu’asiatique.

« Un écart d’acquisition de 69 millions d’euros [au lieu de 127 millions, ndlr] a été comptabilisé, après allocation du prix d’acquisition aux actifs acquis (principalement plateforme technique) et passifs assumés ». C’est en ces termes quelque peu abscons qu’Orange a présenté la dépréciation de sa filiale Dailymotion dans ses comptes consolidés sur l’année 2014. La plafeforme française de partage vidéo, dont le PDG est Cédric Tournay (photo) depuis juillet 2009, a ainsi perdu au moins 54 % de sa valeur comptable en quatre ans.

Plus de 200 M€d’injectés dans Dailymotion
Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a indiqué en décembre dernier avoir investi
au total plus de 200 millions d’euros dans Dailymotion. Ce montant comprend les
66 millions pour s’emparer de 49 % du capital de la société cofondée par Benjamin Bejbaum et Olivier Poitrey il y a dix ans, ainsi que les 61 millions d’euros dépensés en janvier 2013 pour acquérir les 51 % restants, auxquels s’ajoutent les apports financiers successifs depuis qu’Orange détient 100 % du capital de Dailymotion. Créée un mois presque jour pour jour après son rival mondial : à peine 20 millions de visiteurs uniques sur le mois de janvier selon Médiamétrie ; un peu plus de 23 millions selon ComScore en février. « L’avenir de Dailymotion n’est pas en France », avait lancé Stéphane Richard, lors du Sommet de l’économie en décembre dernier. L’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique constituent la première audience mensuelle de Dailymotion avec 1,3 milliard de vidéos vues, suivis de près par l’Asie-Pacifique avec 1,2 milliard de vidéos vues, loin devant les Amériques (Etats-Unis, Canada, Amérique du Sud) qui ne dépassent pas, elles, les 500 millions de vidéos vues. Outre-atlantique, lutter contre YouTube relève du pot de terre contre le pot de fer. Où l’on comprend dans ces conditions que la maison mère Orange ait engagé des négociations avec le hongkongais PCCW (2). Fin 2014, des discussions avec le japonais Softbank avaient aussi été évoquées (3). En février 2014, Stéphane Richard avait confirmé des discussions avec Microsoft.
Mais coup de théâtre le 1er avril dernier : deux ans après qu’Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, ait émis son veto au rachat pas Yahoo, Le Monde a révélé que son successeur Emmanuel Macron – à l’Economie, l’Industrie et au Numérique – a bloqué les négociations avec PCCW et demandé à Orange d’aller YouTube, Dailymotion a maintenant dix ans d’existence. Mais l’heure est moins à la fête qu’aux incertitudes sur l’avenir, voire sur la pérennité de la plateforme française de partage vidéo qui aurait réalisé quelque 70 millions d’euros de chiffre d’affaires l’an dernier (4). Le PDG d’Orange s’était fixé l’objectif d’atteindre les 100 millions d’euros en 2016. Que cela soit avec 128 millions de visiteurs uniques par mois selon ComScore, ou avec plus de 200 millions de visiteurs uniques par mois selon la plateforme DMX (Dailymotion Exchange), la filiale de partage vidéo d’Orange se targue d’être le site français à l’audience la plus forte dans le monde.
Quoi qu’il en soit, si l’on s’en tient au nombre de visiteurs uniques par mois âgé d’au moins 15 ans dans le monde et regardant Dailymotion à partir d’un ordinateur, l’audience stagne depuis un an (voir tableau ci-dessous). La France, elle, ne pèse pas grand-chose dans ce total dans le sens de la « souveraineté numérique européenne ». En novembre dernier, la secrétaire d’Etat au Numérique Axelle Lemaire s’était dite favorable à un investisseur étranger – sans aucune réserve… Du coup, des candidats potentiels sont évoqués : Axel Springer, Bertelsmann (5), Vivendi (6), Fimalac, … Ce dernier ayant indiqué à l’AFP être en train de préparer une offre de participation dans Dailymotion, malgré les dénégations de Véronique Morali (7) quelques jours plus tôt… En fait, Marc Ladreit de Lacharrière, patron de Fimalac, étudie le dossier depuis… 2013 (lire EM@ 84, p. 1 et 2).
En attendant son sauveur industriel, Dailymotion – valorisé 250 millions d’euros – a changé en mars de logo, lancé un nouveau lecteur vidéo sous HLML5 pour mieux s’adapter à tous les écrans – web et mobile – et entrepris de créer (à Palo Alto) une plateforme de streaming vidéo pour mobile. @

Charles de Laubier

eComédie humaine

En ce mois de décembre 2025, la vie semble suivre son cours. Le monde s’agite autour de moi pour préparer les fêtes de fin d’année. Symbole de cette permanence : la place qu’occupe comme tous les trois ans, sur les écrans publicitaires de nos villes, le nouvel épisode de l’inépuisable saga Star Wars. Le numéro X de cette nouvelle trilogie utilise, pour les quelques salles nouvellement équipées, les dernières avancées du cinéma holographique : 24 images par seconde et 64 points de vue différents ! Les spectateurs sont assis tout autour d’un écran central, lequel permet une expérience immersive inégalée pour suivre le retour des héros sur la planète Naboo… Et les acteurs s’adresseront à eux pour choisir en temps réels des scénarios alternatifs. En fonction des sentiments collectifs exprimés par la salle, de nouvelles scènes seront proposées. Avec ce système, Disney estime que les fans pourraient revenir voir le film plus de dix fois en moyenne…
Cette apparente banalité, ballottée entre nos habitudes et nos étonnements, ne masque cependant pas les défis qu’affronte notre époque.

« Ce n’est pas la fin des pure players, mais un nouveau cycle de partage des positions et de la valeur avec le retour en force d’entreprises venues de l’économie traditionnelle. »

Notre société change vite. Ce qui faisait débat il y a seulement dix ans parait aujourd’hui simplement accepté : l’euro, qui fut en son temps autant vanté que décrié,
a été le ciment empêchant l’Europe d’éclater ; les frontières du Vieux Continent s’ouvrent pour accueillir une jeunesse « étrangère » venant épauler une population tellement vieillissante ; les femmes finissent de conquérir les droits qui leur manquaient encore, sur fond de diversification des modèles familiaux ; la sélection dès la conception de certaines caractéristiques des enfants à naître est une pratique presque courante, où l’on ne parle plus d’eugénisme mais d’« enfant choisi ». Le monde numérique, qui semblerait peu de chose face à ces évolutions profondes de nos sociétés éloignées de leurs modèles historiques, participe à l’accélération des processus. Les forces actuelles sont telles que les tensions qu’exerce le flot continu d’innovations tiraillent la société. La massification de l’Internet dans tous les domaines, de la mesure de soi à la mesure du monde, a fait émerger une nouvelle génération de services en passe de générer de nouveaux gains de productivité. Tandis que la destruction des intermédiaires traditionnels et de la valeur associée à ces activités continue son oeuvre. Dans le même temps, l’histoire ne se répétant pas, nous avons assisté au retour en force d’entreprises venues de l’économie traditionnelle – énergie, transports, distribution, santé, finance – qui ont finalement trouvé une place centrale en adoptant les nouvelles avancées digitales. Ce n’est pas la fin des pure players, mais un nouveau cycle de partage des positions et de la valeur. Quant à nous, pour apprivoiser les nouveaux codes de notre humanité numérique, nous nous débattons, le plus souvent avec enthousiasme, pour bénéficier par exemple des derniers apports de la sharing economy. Mais non sans révolte, parfois, lorsqu’il n’est plus possible d’accepter les conséquences poussées à leurs limites du fameux paradox privacy.
Aujourd’hui, on peut presque paraphraser Balzac qui, dans La maison Nucingen, appliquait aux Lois cette maxime que je transpose au Web : « Comme une toile d’araignée à travers laquelle passent les grosses mouches et où restent les petites ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les rares philosophes du siècle dernier, qui avaient réfléchi à la place de l’Homme face à ses créations techniques, viennent de trouver
un public qui les relit enfin pour comprendre, avec un Günther Anders, comment l’Etre humain pourrait être définitivement dépassé par ses innovations à l’heure des algorithmes, des systèmes experts et des robots omniprésents… Mais le temps presse, car la fenêtre temporelle que j’ai utilisée pour vous faire parvenir mes chroniques va se refermer dans quelques heures. Il est n’est pas impossible, cependant, que je puisse un jour en trouver une autre, et même que vous puissiez me répondre… @

Jean-Dominique Séval*
* Directeur général adjoint de l’IDATE, auteur du livre
« Vous êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/Broché2025).

« Internet pose la question du choix de société » (Treppoz)

En fait. Le 3 décembre, les 1ères Assises Médias/Entreprises étaient organisées par l’Association des journalistes économiques et financiers (AJEF). Un des intervenants, Stéphane Treppoz, ex-PDG d’AOL France et aujourd’hui PDG de Sarenza dans le e-commerce, a fait part de ses doutes à propos d’Internet.

Mash-up manifesto

Cette semaine, l’événement est la première grande rétrospective consacrée au Mash-up qui vient de
s’ouvrir au Grand Palais. Une manière de reconnaître
que les artistes à l’origine de ces œuvres, dites
« transformatives », sont des créateurs à part entière. Etonnantes, surprenantes, dérangeantes, amusantes,
ces œuvres sont bien issues d’un courant artistique majeur né de façon désorganisée. Apparues spontanément en l’an 2000, elles ont fleuri sur Internet grâce à la disponibilité d’une infinité de contenus et d’outils, très simples d’utilisation, permettant de réaliser ces fameux copier-coller, comme autant de possibilités de reproduire, découper, modifier des musiques, des photos ou des vidéos, voire des textes. Le Mash-up est
une composition originale réalisée à partir d’éléments hétérogènes, un assemblage numérique de morceaux visuels, sonores ou textuels provenant de sources très diverses. Le phénomène a d’abord démarré à l’initiative d’internautes s’amusant à détourner des fichiers musicaux, à créer des photos ou des animations, puis très
vite des vidéos réalisées à partir de clips vidéo ou de bandes annonces – donnant naissance à une nouvelle oeuvre souvent drôle et décalée.

« Vers une économie nouvelle de la combinaison
et de la réutilisation, naviguant entre les notions
de Creative Commons et de copyright revisités. »

Cet art ne s’inscrit-il pas dans la continuité de collages pratiqués par de nombreux artistes célèbres, cubistes de Braque et Picasso, surréalistes de Max Ernst ou poétiques de Prévert ? Sans parler des siècles de pratiques de l’emprunt ou de
la citation par les plus grands maîtres florentins jusqu’aux œuvres de Manet, Goya
ou Delacroix. Comme le Ready Made, un siècle plus tôt, marqua l’entrée dans une nouvelle ère, le Mash-up a ouvert un nouveau terrain de jeu pour les nouvelles générations d’artistes. Certains photographes ne s’y sont pas trompés, qui, dès 2011, par la voix d’un collectif comptant dans ses rangs le grand Martin Parr, signèrent un manifeste : désormais les choses seraient différentes car, à l’âge du numérique, les ressources sont illimitées et les possibilités infinies. Dès lors, les actes artistiques se sont multipliés, comme ce film Mash-up réalisé en 2013, « Globodrome » de Gwenola Wagon, proposant de refaire le Tour du Monde en 80 jours de Jules Verne à travers
des lieux visités par Phileas Fogg sur Google Earth grâce à des centaines de photos
et de vidéos prises par autant de photographes ou de caméras. Bien sûr, la loi a dû s’adapter pour définir un cadre réglementaire prenant en compte le droit des auteurs des contenus réutilisés dans certaines œuvres qui voyaient leurs cotes s’envoler. Des artistes se trouvaient dans la situation paradoxale de ne pouvoir présenter leur travail, car en but à ce que d’aucuns dénonçaient comme une véritable prohibition. C’est le Canada qui fut le premier pays au monde, dès 2012, à se doter d’une « exception Mash-up », permettant de faire prévaloir la notion d’oeuvre innovante sur le traditionnel copyright. L’usage « transformatif » fut mieux accepté aux Etats-Unis grâce à la tradition du fair use. Tandis que la France se prévalait d’une vision très restrictive, rejetant les œuvres dans les limbes de la contrefaçon.

Péniblement, l’Europe s’est également dotée d’un cadre légal basé sur l’élargissement
de l’exception de courte citation. Le Mash-up a également débordé le domaine de l’art et représente un potentiel d’innovation important par la fusion de multiples services Internet. Avec les quantités de données de l’Open Data, le Mash-up d’applications
offre la possibilité de livrer des applications Web rapidement, à faible coût avec des composants réutilisables. Ce gisement de création a pris des formes très diverses, allant de la création de services comme Pinstagram (combinaison de Pinterest et d’Instagram), au succès de très nombreuses start-up chinoises (Shan Zhai) qui utilisent autant la simple copie de sites Internet occidentaux à succès que le Mash-up pour créer de nouveaux services. Une économie nouvelle de la combinaison et de la réutilisation, naviguant entre les notions de Creative Commons et de copyright revisités, est bien
en train de se tailler une place au soleil. La preuve est désormais faite que la réutilisation peut être synonyme d’innovation. Ce que nous avait dit Max Ernst,
il y a bien longtemps : « Si ce sont les plumes qui font le plumage, ce n’est pas la
colle qui fait le collage. » @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Les régulateurs
* Directeur général adjoint de l’IDATE,
auteur du livre « Vous êtes déjà en 2025 »
(http://lc.cx/en2025).

Décret SMAd : le CSA pourrait proposer des modifications à partir de juin 2012

Le CSA a environ un an pour élaborer son rapport sur l’application du décret
SMAd (VOD, TV de rattrapage, SVOD, …), entré en vigueur il y a maintenant huit mois, et le transmettre au gouvernement. Avec, à la clé, d’éventuelles modifications.