La publicité en ligne est menacée par les règles anti-cookies et la fiscalité numérique

Alors que le marché français de la publicité en ligne enregistre un ralentissement de sa croissance au 1er semestre 2012 et que ses prévisions pour l’ensemble de l’année sont revues à la baisse, son avenir s’assombrit avec la protection des données personnelles et la fiscalité numérique.

Par Charles de Laubier

Selon les prévisions du Syndicat
des régies Internet (SRI), le marché français de la publicité en ligne n’atteindra pas en 2012 les 8 %
de croissance qu’il espérait il y a
six mois. Cela devrait être finalement 6 %, pour atteindre 2,726 milliards d’euros d’investissements publicitaires sur Internet. Ce taux
de croissance est presque la moitié des 11 % de croissance entre 2010 et 2011 (voir tableau ci-contre). La conjoncture économique (1) y est pour beaucoup. « Le digital n’échappe pas au tassement voire au gel des budgets chez certains annonceurs », constate le SRI (2) pour le 1er semestre.

Les opérateurs télécoms veulent prendre le contrôle de l’Internet et de la diffusion de contenus

A défaut d’avoir été des Internet natives, le monde sous IP leur ayant été imposé par l’industrie informatique dans les années 90, les opérateurs télécoms veulent aujourd’hui reprendre la main sur le réseau des réseaux et devenir diffuseurs de contenus (vidéo en tête).

Par Charles de laubier

C’est un tournant historique qui est en train de s’opérer dans le monde de l’Internet, quarante ans après la création du réseau des réseaux. Les opérateurs télécoms, qui ont dû devenir à partir des années 1990 fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dans un univers ouvert, veulent rajouter une corde à leur arc : la diffusion de contenus sur Internet.

Google Books : éditeurs et auteurs reprennent la main

En fait. Le 11 juin, Google a annoncé deux accords avec l’édition en France, l’un avec le Syndicat national de l’édition (SNE), l’autre avec la Société des gens de lettres (SGDL). Un accord-cadre va permettre aux éditeurs qui le souhaitent de confier au géant du Net la numérisation de leurs livres épuisés.

En clair. Six ans après l’ouverture des hostilités, engagé en juin 2006 devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris par le groupe La Martinière (1) le Syndicat national de l’édition (SNE) et la Société des gens de lettres (SGDL), Google et les professionnels français de l’édition enterrent la hache de guerre. Les ex-plaignants reprochaient à Google Books d’avoir numérisé sans autorisation préalable des éditeurs concernés quelque 100.000 livres et lui réclamaient 15 millions d’euros de dommages et intérêts. Ils exigeaient en outre que la firme de Mountain View cesse la numérisation des ouvrages, sous peine d’une astreinte de 100.000 euros par jour. Le 18 décembre 2009, Google avait été condamné à verser 300.000 euros de dommages et intérêts aux maisons d’éditions du groupe La Martinière (2), ainsi que 1 euro au SNE et à la SGDL, pour avoir numérisé des livres sans autorisations. Le géant du Web avait fait appel, sans succès, et avait finalement dû – malgré un recours en référé – publier le jugement de première instance le condamnant sur la page d’accueil française de Google Livres. Malgré ce revers judiciaire, Google avait poursuivi les négociations avec les éditeurs disposés à le faire. Bien lui en a pris. Un accord-cadre sur la numérisation des livres indisponibles a été élaboré avec le SNE, en concertation avec la SGDL. A chaque maison d’édition ensuite de dire si elle le signe effectivement, et à chaque auteur concerné d’accepter ou pas de voir indexées ses œuvres. Les organisations professionnelles se sont ainsi mises au diapason, après la signature par le groupe La Martinière fin août 2011 d’un protocole d’accord avec Google, lequel avait le mois précédent signé avec Hachette Livre un accord similaire annoncé dès novembre 2010. Tandis que Gallimard, Flammarion et Albin Michel avaient décidé finalement de suspendre au début du mois de septembre de l’an dernier – en vue de discuter – leurs actions en justice qu’ils avaient engagées de leur côté contre Google (3). Il s’agit de redonner vie à des milliers de livres indisponibles à la vente et plus édités. Cette quantité de livres épuisés, sous droits, représente 75 % de l’ensemble des œuvres dans le monde. Quel est l’intérêt des éditeurs ? Avec un tel accord, ils gagnent ainsi l’opportunité de vendre en ligne les livres que les maisons d’édition ne distribuaient plus dans les circuits classiques. @

Le tandem Filippetti-Pellerin en ordre de marche

En fait. Le 12 juin 2012, est paru au J.O. un arrêté sur les dernières nominations
– notamment de Gilles Le Blanc et Kim Pham – au cabinet de la ministre de la Culture et de la Communication. Le 6 juin, auprès de la ministre en charge de l’Economie numérique, ont été nommés Jean-Baptiste Soufron et Matthieu Agogué.

En clair. L’arrêté daté du 6 juin fait entrer (entre autres) au cabinet d’Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, Gilles Le Blanc au poste de directeur adjoint du cabinet, en charge de la presse, du numérique et de l’enseignement supérieur, et Kim Pham comme conseiller chargé de l’audiovisuel et du cinéma. Gilles Le Blanc était jusque-là professeur d’économie à l’Ecole des Mines ParisTech et chercheur au Cerna (1). Il est co-auteur en 2006 de « Modem le Maudit : économie de la distribution numérique des contenus ». Quant à Kim Pham, il quitte son poste de DG adjoint de gestion chez France Télévisions qu’il avait rejoint après avoir été directeur financier
et juridique du CNC (2). Les attributions de la ministre, fixées par décret du 24 mai, précise : « [Aurélie Filippetti] veille au développement des industries culturelles. [Elle] contribue au développement des nouvelles technologies de diffusion de la création et du patrimoine culturels. [Elle] veille au développement et à la valorisation des contenus et services culturels numériques ». En outre, la ministre « prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement dans le domaine des médias » et « veille notamment au développement et à la diffusion de la création audiovisuelle ». Au cabinet de Fleur Pellerin, ministre déléguée en charge notamment de l’Economie numérique, arrivent Jean-Baptiste Soufron (avocat et directeur du programme Think Digital chez Cap Digital), par arrêté du 29 mai, comme conseiller numérique, Matthieu Agogué nommé conseiller technique communications électroniques (et postes) et Aymeril Hoang conseiller innovation (ces deux derniers sont d’anciens de l’Arcep). Aziz Ridouan, lui, est conseiller presse et communication. A noter qu’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif (dont dépend Fleur Pellerin) est – par décret du 24 mai – compétent pour le développement de l’économie numérique et a autorité sur la Délégation aux usages de l’Internet (DUI) et dispose de la DGMIC (3) du ministère de la Culture. Et par décret du 9 juin, Fleur Pellerin s’occupe notamment du « développement de l’économie numérique, qui comprend notamment les réseaux, les équipements, les services, les usages et les contenus numériques, en lien avec les autres ministres concernés, ainsi qu’à la promotion et la diffusion des nouvelles technologies ». @

Facebook en Bourse : vers l’éclatement de la 2e bulle ?

En fait. Le 18 mai, la start-up Facebook (créée en 2004) est entrée en Bourse
– signe « FB » – après deux semaines d’un road show de son jeune fondateur Mark Zuckerberg (né en 1984) pour tenter de lever 16 milliards de dollars (valorisant le réseau social 104 milliards !). Mais plus dure est la chute…

En clair. Douze ans après l’éclatement de la première bulle Internet, l’économie numérique mondiale est à nouveau dans une nouvelle bulle spéculative. Facebook, valorisé un temps plus de 100 milliards de dollars après seulement huit ans d’existence, s’annonçait être la plus grosse introduction en Bourse jamais réalisées dans ce secteur. Le numéro 1 des réseaux sociaux, qui devrait dépasser en fin d’année 1 milliard d’utilisateurs sur la planète (1), espèrait lever plus de 15 milliards de dollars. En ayant levé en Bourse moins de 2 milliards de dollars en août 2004, Google fait figure de petit joueur – bien que la valorisation du premier moteur de recherche atteigne aujourd’hui plus de 156 milliards de dollars, la plus importante valorisation du Net (2). Des investisseurs jugent le prix de l’action – 38 euros dollars – trop élevé. Les premiers jours de cotation, l’action s’effondrant d’environ 10 % sous son seuil d’introduction, leur ont donné raison. Reste à savoir si Mark Zuckerberg (tout juste 28 ans en mai) a survendu son entreprise, laquelle accusait un fléchissement de son dernier chiffre d’affaires trimestriel (3). Le cas Facebook pourrait préfigurer la fin d’un « bulle Internet II » qui pourrait exploser sous l’effet de la crise financière et économique. Facebook a affiché en 2011 un chiffre d’affaires de 3,7 milliards de dollars, certes en croissance sur un an de 88 % mais cela reste très peu par rapport à la valorisation de plus de 100 milliards qu’on lui prête : plus de 25 fois ses revenus ! La start-up de Menlo Park (Californie) a bien affiché l’an dernier, pour la première fois, un bénéfice net de 1 milliard de dollars, en croissance de 65 %. Or c’est justement ce que le jeune groupe (déjà plus 3.500 salariés dans le monde) doit débourser pour racheter Instagram, le réseau social d’échange de photos qui aurait pu lui faire de l’ombre, ainsi que la start-up Glancee spécialisée dans l’Internet mobile. Autre doute : 85 % des revenus de Facebook dépendent du marché hyper concurrentiel de la publicité sur Internet, elle aussi sensible à la crise. Facebook, qui ne détient que 5 % du marché mondial de l’e-pub, vient de lancer tardivement sa boutique d’applications « App Center » pour concurrencer Apple, Google et Samsung. Facebook en Bourse pourrait être la grosse goutte qui pourrait faire déborder le vase… D’autant que les plaintes s’accumulent. @