Livre numérique : réforme du CNL et offre légale en vue

En fait. Le 9 octobre, le Centre national du livre accueille dans ses locaux une soirée débat organisée par la revue Nonfiction.fr sur « l’avenir du livre dans la dimension numérique ». Le 17 octobre, la commission Economie numérique
du CNL se réunit pour notamment parler d’« offre légale ».

En clair. Selon nos informations, le Centre national du livre doit accélérer sa réflexion
sur le livre numérique dans le cadre de son contrat 2011-2013 signé – l’an dernier en
tant qu’établissement public administratif – avec le ministère de la Culture et de la Communication. Et ce malgré un budget en baisse pour l’an prochain, à 30,5 millions environ après amputation de 2,8 millions de subventions non reconduites. Or, selon l’annexe du projet de loi de Finances 2013 présenté en Conseil des ministres le 28 septembre dernier, le CNL a comme première priorité de « poursuivre et augmenter
le soutien à la numérisation et au développement d’une offre légale à travers le renforcement des aides aux projets expérimentaux et innovants ». Cette offre légale de téléchargement d’ebooks fait actuellement l’objet d’une concertation – avec le Syndicat de la librairie française (SLF), le Cercle de la librairie et l’ADELC (1) – menée par le président du CNL, Jean-François Colosimo, en vue de créer un « portail apte à servir l’ensemble de la librairie indépendante ». Cette plateforme de vente de livres numériques succèderait ainsi à l’arrêt en début d’année du site 1001librairies.com
de  la société PL2i. Le CNL devrait subventionner ce projet d’offre légale portée par
les librairies indépendantes, tandis que les grandes maisons d’éditions, Gallimard-Flammarion, Editis et Seuil-La Martinière, préparent leur propre plate-forme avec Orange, SFR et ePagine (2). De son côté, Hachette a Numilog et l’Harmattan l’Harmathèque (sans parler de Librairie.actualitte.com ou de REA-Decitre). Alors qu’en mars dernier, le Centre d’analyse stratégique du Premier ministre, avait plaidé pour
« une plateforme unique de distribution » de livres numériques. Alors que les enjeux
du numérique pèsent de plus en plus lourds pour la filière du livre, notamment le risque de disparition des librairies indépendantes court-circuitées par la vente d’ebooks sur Internet, le CNL est lui-même confronté à un problème de financement. Jean-François Colosimo songe, en plus de la taxe sur la reprographie (85 % de ses ressources), à une taxe prélevée sur les FAI pour renflouer ses caisses (3). De plus, Aurélie Filippetti a lui demandé que la réforme contestée de l’établissement – laquelle, décidé sous l’ancien ministre Frédéric Mitterrand, devant entrer en vigueur le 1er janvier 2013 – soit suspendue. @

Interopérabilité : que fait la Commission européenne ?

En fait. Le 3 septembre, la commissaire européenne Neelie Kroes en charge du numérique retwettait une information de « TechCrunch » selon laquelle « Bruce Willis ne poursuivait pas Apple à propos des droits de propriété sur iTunes ».
La rumeur affirmait que l’acteur américain menaçait Apple d’un procès.

En clair. C’est le « Daily Mail » daté du 2 septembre qui a lancé l’affaire. « Bruce Willis se bat pour léguer le contenu de son iPod à sa famille », titrait le tabloïd britannique, ajoutant que l’acteur américain envisageait d’intenter une action en justice contre Apple pour savoir à qui appartiennent les musiques téléchargées à partir de iTunes. La rumeur s’est aussitôt propagée en l’état sur les sites web, les réseaux sociaux et les microblogs. Jusqu’à ce que la femme de l’acteur, Emma Hemming-Willis, y mette un terme en lançant un twitt laconique le 3 septembre : « It’s not a true story ». Ce démenti est parvenu jusqu’aux oreilles de la commissaire européenne Neelie Kroes, en charge du numérique, laquelle a twitté le jour-même l’information provenant du site web américain TechCrunch.
Au-delà de la question de savoir à qui appartiennent les fichiers d’œuvres culturelles (musique, films, livres, …) après le décès d’un utilisateur, cette histoire illustre bien les interrogations que soulèvent les problèmes récurrents d’interopérabilité et de droits d’auteurs (utilisation de DRM) entre les différentes plates-formes de téléchargement,
plus ou moins verrouillées, telles que iTunes d’Apple (1) ou Kindle d’Amazon. Depuis 2010, Neelie Kroes en a pourtant fait son cheval de bataille. « Les questions d’interopérabilité dans le secteur des TICs sont une priorité de la stratégie numérique.
(…) Des mesures (…) pourraient conduire les acteurs économiques importants à continuer à privilégier l’interopérabilité. (…) Nous prévoyons de produire un rapport sur la faisabilité de telles mesures avant 2012 », nous avait-elle indiqué dans une interview en novembre 2010 (EM@24).
Depuis les «mesures correctrices » tardent à venir et la question de l’interopérabilité demeure, surtout depuis l’émergence de nouveaux services en ligne comme le « could computing » ou de nouveaux contenus comme le livre numérique. Neelie Kroes a justement participé le 26 juin dernier à une table-ronde sur les ebooks organisée par
la Task Force pour la coordination des Affaires Médias de la Commission européenne. Les participants ont signé ce jour-là la « déclaration on ebooks » où il s’engagent à ce qu’il n’y ait « pas de frontières pour les consommateurs lorsqu’ils achètent des livres numériques dans différents pays, plates-formes et terminaux ». @

Les ebooks en ligne dépassent ceux sur support

En fait. Le 28 juin s’est tenue l’AG du Syndicat national de l’édition (SNE), qui a élu un nouveau président : Vincent Montagne remplace Antoine Gallimard. En tête de ses priorités : le livre numérique. « Avec les auteurs et les libraires, l’éditeur doit s’adapter à cette nouvelle donne et ne pas la subir ».

En clair. Ne générant pourtant qu’une part encore infime des recettes de l’industrie du livre en France, le numérique devient la priorité du SNE qui représente 600 membres. Les ventes de livres numériques ont généré 56,8 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2011, dont 34,8 millions de ventes d’ebooks en ligne, ce qui représente respectivement 2 % et 1,2 % des revenus globaux de l’édition française. Cette part très embryonnaire du digital, sur le total des 4,27 milliards d’euros réalisés l’an dernier, est d’autant plus paradoxale que le livre revendique sa position de « premier bien culturel en poids économique » dans l’Hexagone devant – selon les chiffres de GfK – le jeu vidéo (1,8 milliard d’euros de revenus), la vidéo (1,4 milliard) et la musique (0,8 milliard). Comme l’a souligné Antoine Gallimard, « l’édition numérique (…) ne progressent dans l’ensemble “que” de + 7,2 % ». Une tendance se confirme en 2011 : la substitution du numérique sur support physique par le numérique en ligne s’accélère. En effet, en 2011, les ebooks sur support physique sont en recul à 21,5 millions d’euros : une chute de -38,5 % sur un an. Ils sont dépassés pour la première fois par les ebooks en ligne, lesquels doublent leurs ventes à 34,8 millions d’euros (1) : un bond de + 98 % en un an, pour représenter (on l’a vu) 1,2 % du chiffre d’affaires global de l’édition l’an dernier. Les autres industries culturelles, elles, sont engagées depuis plusieurs années dans la dématérialisation numérique de leurs œuvres. Le livre fait donc pâle figure en affichant un retard structurel et culturel dans la numérisation. Faute d’avoir anticipé et de ne pas avoir retenu des enseignements de la musique qui, elle, a essuyé les plâtres bien avant, les maisons d’éditions françaises ont été contraintes de sortir de leur attentisme par un Google déterminé. Résultat : le livre a perdu six ans à ferrailler devant les tribunaux, jusqu’à l’accord conclu le 11 juin avec le géant du Net (2), au lieu de faire évoluer rapidement son modèle économique et développer une offre légale. Reste que le rapport d’activité annuel du SNE publié à l’occasion de son AG ne dit mot – contrairement au précédent (lire EM@39, p. 3) – sur le piratage d’ebooks.
En novembre dernier, sa déléguée générale Christine de Mazières nous avait indiqué (lire EM@46, p. 3) que l’Hadopi n’était plus une priorité. @

Déverrouiller les bibliothèques en ligne et baisser les prix des livres numériques

Si l’industrie du livre ne veut pas être victime du numérique, comme ce fut le
cas pour la musique, elle devra non seulement déverrouiller les plateformes et
les enrichir, mais aussi accepter de vendre jusqu’à 30 % moins cher les livres numériques par rapport aux livres imprimés.

Contrairement aux industries de la musique et du cinéma, les maisons d’édition ne voient pas les réseaux peer-to-peer (P2P) de type eDonkey ou Torrent comme une menace. Dans le premier baromètre des usages du livre numérique publié au Salon du livre par le SNE (1), la Sofia (2) et la SGDL (3), seuls 4 % des personnes interrogées y vont pour chercher des ebooks.

e-Libraire cherche e-Lecteur

En ce samedi matin ensoleillé, après avoir bu un café en terrasse accompagné d’un journal sur tablette, j’ai poussé
la porte de ma librairie préférée. Mais ce rêve nostalgique s’évapore au réveil. C’est presque un cauchemar pour
moi qui aie toujours entretenu avec les livres une relation particulière grâce à la médiation des présentoirs des librairies : entrer au Furet du Nord, chez Mollat ou chez Sauramps, et au hasard d’un rayon se laisser attirer par
un titre, une couverture, un auteur, pour repartir avec ce
qui se révélera être un trésor pour le modeste prix d’une édition de poche. Le lent déclin de la librairie s’est encore accéléré après une longue histoire. Au XVIIIe siècle, le métier de libraire se sépara de celui d’éditeur pour éclore progressivement au XXe. Le temps que l’alphabétisation gagne du terrain et le livre devienne plus accessible. Durant une période assez courte, qui fût sans doute son âge d’or, la librairie accueillait de nombreux lecteurs heureux de pouvoir se créer à domicile leur propre bibliothèque personnelle. Ce qui fut l’apanage des lettrés durant de longs siècles, de l’antiquité à la renaissance. Si être Montaigne n’est toujours pas donné à tous, s’entourer de ses livres préférés devenait enfin un objectif raisonnable.

« Nous avons découvert que le livre pouvait aussi se lire en streaming, le monde de la littérature adoptant le modèle déjà existant dans la musique. »