L’article 17 de la directive « Copyright » validé, le filtrage des contenus sur Internet peut commencer

La Cour de justice européenne (CJUE) a validé le 26 avril 2022 l’article 17 de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique ». Le filtrage des contenus mis en ligne soulève des questions. La liberté d’expression et d’information risque d’être la victime collatérale.

En France, aussitôt après que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ait – dans un arrêt du 26 avril 2022 – validé le controversé article 17 sur le filtrage des contenus mis en ligne sur Internet, au nom de la lutte contre le piratage, l’Arcom a publié deux questionnaires pour l’ « évaluation du niveau d’efficacité des mesures de protection des œuvres et des objets protégés » par le droit d’auteur et les droits voisins. L’un s’adresse aux fournisseurs de services de partage de contenus (de YouTube à TikTok en passant par Facebook et Twitter). L’autre s’adresse aux titulaires de droits (de l’audiovisuel à la musique en passant par la radio, les podcasts, la presse écrite, les photos, les illustrations, les livres ou encore les jeux vidéo). Ils ont tous jusqu’au 20 juin 2022 pour y répondre (1).

Quelle protection en droits d’auteur et droits voisins pour les œuvres utilisées dans les podcasts ?

En attendant d’autres grilles de sociétés de gestion collective des droits d’auteur pour permettre aux créateurs de podcasts de connaître les tarifs en cas d’utilisation d’œuvres protégées, seule la Sacem a publié la sienne – négociée avec le Geste. Les droits voisins, eux, ne sont pas concernés.

Par Véronique Dahan, avocate associée, Joffe & Associés.

Création d’une œuvre ou d’une invention par une IA : la justice commence à faire bouger les lignes

C’est un peu le paradoxe de l’oeuf et de la poule : qui est apparu le premier ? Dans le cas d’une création ou d’une invention par une intelligence artificielle, qui est l’auteur : la personne humaine ou la technologie créatrice ? Cette question existentielle commence à trouver des réponses, en justice.

Par Boriana Guimberteau (photo), avocatE associéE, cabinet Stephenson Harwood

L’intelligence artificielle (IA) fait l’objet de développements exponentiels dans des domaines aussi variés que les voitures autonomes (et les données générées par celle-ci), la rédaction d’articles ou la création de musiques. Au-delà de la compréhension de son fonctionnement, l’intelligence artificielle soulève la question de la paternité et de la titularité des œuvres créées ou des inventions générées par elle.

Vers un « Artificial Intelligence Act »
Avant d’explorer plus en amont cette question, il convient de fournir une définition de l’intelligence artificielle. Selon l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’intelligence artificielle désigne une branche de l’informatique qui a pour objet de concevoir des machines et des systèmes à même d’accomplir des tâches faisant appel à l’intelligence humaine, avec un intervention humaine limitée ou nulle. Cette notion équivaut généralement à l’intelligence artificielle spécialisée, c’est-à-dire aux techniques et applications programmées pour exécuter des tâches individuelles. L’apprentissage automatique (machine learning) et l’apprentissage profond (deep learning) font tous deux parties des applications de l’intelligence artificielle (1).
L’IA peut ainsi produire différents résultats dont certains pourraient être qualifiés de créations ou d’inventions, les premières protégeables par le droit d’auteur et les secondes par le droit des brevets d’invention. La question est alors de savoir qui sera titulaire des créations ou des inventions générées par l’IA, et si l’IA pourrait être qualifiée d’auteur ou d’inventeur par le droit positif français.
En matière de droit d’auteur tout d’abord, de nombreux auteurs se sont penchés sur la question de savoir si l’intelligence artificielle pouvait bénéficier de la qualité d’auteur. La majorité d’entre eux reconnaissent la conception personnaliste et humaniste du droit français qui considère comme auteur la personne qui crée une œuvre. Par définition, un fait créatif est un fait matériellement imputable à une personne humaine. Cette conception s’impose également par le seul critère d’admission à la protection des œuvres de l’esprit qu’est l’originalité, laquelle se caractérise par l’empreinte de la personnalité de l’auteur (2). Eu égard à la personne de l’auteur, le professeur Christophe Caron a pu affirmer que « le duo formé par la notion de création et de personne physique est indissociable » et donc que « le créateur est forcément une personne physique ». Si la définition de l’auteur est absente du code de propriété intellectuelle (CPI), on y retrouve néanmoins diverses références : « Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques » (3) ; « Ont la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette œuvre » (4). Dans le cadre de l’œuvre radiophonique, « ont la qualité d’auteur d’une œuvre radiophonique la ou les personnes physiques qui assurent la création intellectuelle de cette œuvre » (5). La seule exception à la naissance ab initio du droit d’auteur sur la tête d’une personne physique : l’œuvre collective (6).
De plus, la nécessité d’une intervention consciente de l’homme implique qu’un animal ou une machine ne peuvent être considérés comme auteurs. L’intelligence artificielle ne peut alors être qu’un outil de création supplémentaire.

L’AFP réinvente avec Google la « licence globale »

En fait. Le 13 juillet, le PDG de l’AFP, Fabrice Fries, et le directeur général de Google France, Sébastien Missoffe, « dans des déclarations transmises conjointement à l’AFP », ont indiqué qu’ils étaient « proches d’aboutir à un accord » sur les droits voisins de l’Agence France-Presse mais aussi sur une « licence globale ».

En clair. C’est le retour de la licence globale. Des sociétés de gestion collectives de droits d’auteurs et de nombreux internautes en avaient rêvée il y a une quinzaine d’années pour la musique en ligne ; l’Agence France-Presse va la faire pour tous ses contenus (textes, photos, vidéos, infographies, …) – quel que soit le support. Son PDG, Fabrice Fries, et le DG de Google France, Sébastien Missoffe, l’ont chacun fait savoir à l’AFP, le 13 juillet, le jour même où par ailleurs l’Autorité de la concurrence (ADLC) rendait publique sa décision prise la veille d’« inflig[er] une sanction pécuniaire de 500.000.000 euros » à Google. Et ce, pour ne pas avoir négocié « de bonne foi » avec les éditeurs de presse la rémunération des droits voisins due à ces derniers – et malgré les injonctions (1) prononcées le 9 avril 2020 par l’ADLC.
Et ce n’est pas l’accord-cadre signé entre Google et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig) le 12 février dernier – soit cinq mois après la deadline imposée par l’ADLC – qui a allégé l’amende. Auprès des journaux membres de l’Apig, lesquels doivent à leur tour signer individuellement un contrat encadré, le géant du Net s’était engagé à verser sur trois ans 62,7 millions d’euros (2) de rémunération globale incluant leurs droits voisins. Quant à l’AFP, elle s’apprête enfin à signer avec Google non seulement sur ses droits voisins – que le géant du Net a rechigné à reconnaître et à rémunérer en tant que tels – mais aussi sur une « licence globale » pour l’exploitation de tous ses contenus sur Google Search, Google News, Google Discover et le nouveau service Showcase (3). Cette licence globale à rémunération forfaitaire annuelle, incluant les droits voisins, est en fait une exigence de la firme de Mountain View pour avoir « le même accès global, mondial et sans limite aux images (photos, vidéos et infographies) produites par l’AFP », ainsi qu’à « de nouveaux services (web stories, contenus audio, news corner, etc.) ».
Dans ces négociations débutées il y a un an avec l’AFP, Google a même doublé le montant de son offre initiale, dite « term sheet », étendue notamment à des contenus audio en anglais. Mais la direction de l’AFP avait fait part à Google de ses craintes, concernant ses photos, vidéos et iconographies, sur « une licence totale, mondiale, sans limite ni restriction d’usage, portant sur l’intégralité [de ses] contenus d’images ». @

Rupert Murdoch, magnat des médias avec News Corp, fête ses 90 ans le 11 mars et tient tête aux GAFAM

Le milliardaire australo-américain Rupert Murdoch est une légende vivante mondiale de la presse et de l’audiovisuel. Le dirigeant nonagénaire et fondateur de News Corporation, l’un des plus grands groupes de médias,est presque le seul à faire trembler les Google, Facebook et autres Microsoft pour les forcer à rémunérer ses contenus.

Le Parlement australien a finalement légiféré le 25 février en faveur des médias de l’île-continent d’Océanie, lesquels vont pouvoir être rémunérés par les plateformes numériques – Google, Facebook et Microsoft en tête – qui utilisent leurs contenus journalistiques sur leurs moteurs de recherche, leurs agrégateurs d’actualités et leurs réseaux sociaux. Cette loi historique pour la presse en ligne dans le monde entier, bien qu’elle ne concerne que l’Australie, instaure dans la loi australienne sur la concurrence et la consommation ainsi que dans les lois du Trésor un « code de négociation obligatoire pour les médias d’information et les plateformes numériques ».
Ce code sans précédent instaure un cadre permettant aux entreprises de média et aux plateformes numériques de « négocier de bonne foi en vue d’obtenir une rémunération pour l’utilisation et la reproduction des contenu d’actualités ». Les GAFAM sont tenus aussi de fournir aux éditeurs des informations sur l’exploitation de leurs contenus journalistiques et de donner un préavis lors de changements dans un algorithme qui auront un effet important sur le trafic de référence ou la publicité associée. Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur une rémunération, un comité arbitral choisira entre deux offres finales ou à défaut infligera une amende à la plateforme numérique récalcitrante.