Tout en justifiant son soutien à la directive « Copyright », Qwant prépare une grosse levée de fonds et vise la Bourse

Slogan de Qwant : « Le moteur de recherche qui respecte votre vie privée » – … « et le droit d’auteur », rajouteraiton depuis que son PDG Eric Léandri soutient la directive « Droit d’auteur » – adoptée le 26 mars. Mais il se dit opposé au filtrage du Net. Côté finances, le moteur de recherche veut lever 100 millions d’euros et vise la Bourse.

User-Generated Video (UGV) : la directive SMA ne doit pas tuer ni la liberté d’expression ni la créativité

La nouvelle directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) vient
d’être promulguée au JOUE du 28 novembre. Mais, afin d’épargner la liberté d’expression et la créativité, la Commission européenne consulte encore en
vue de publier « le plus rapidement possible » des « lignes directrices ».

Le 14 novembre, les présidents respectifs du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne ont signé la nouvelle directive concernant « la fourniture de services de médias audiovisuels, compte tenu de l’évolution des réalités du marché ». Cette directive dite SMA (services de médias audiovisuels), qui fut définitivement adoptée le 6 novembre,
a été publiée le 28 novembre au Journal Officiel de l’Union européenne (JOUE). Ce texte communautaire – en français ici (1) – doit maintenant être obligatoirement transposé par les Etats membres « au plus tard le 19 septembre 2020 ».

Une menace pour les droits fondamentaux
Mais le plus délicat reste à venir pour les régulateurs audiovisuels nationaux tels que
le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en France. Les YouTube, Dailymotion et autres plateformes vidéo (Facebook, Snapchat, Musical.ly/TikTok, …) sont en effet désormais visés – comme les services de télévision traditionnels et les services de diffusion à la demande (replay et VOD) – par la nouvelle directive SMA censée protéger les mineurs contre les contenus préjudiciables comme la pornographie et protéger tous les citoyens européens contre la haine et les propos racistes, ainsi qu’en interdisant tout contenu incitant à la violence et au terrorisme. Or la question la plus sensible est celle de la définition des User-Generated Video (UGV), qui sont aux plateformes vidéo en particulier ce que les User-Generated Content (UGC) sont à Internet en général. Autrement dit, la liberté d’expression et la créativité des internautes et mobinautes
– rompus aux contenus créés par eux-mêmes – ne doivent pas être les victimes collatérales de la nouvelle régulation des plateformes vidéo.
La tâche des régulateurs nationaux de l’audiovisuel est d’autant moins facile que le nouveaux texte législatif européen manque de clarté, au point qu’il prévoit lui-même que la Commission européenne doit « dans un souci de clarté, d’efficacité et de cohérence de la mise en oeuvre, (…) publier des orientations, après consultation
du comité de contact, sur l’application pratique du critère relatif à la fonctionnalité essentielle figurant dans la définition d’un “service de plateformes de partage de
vidéos” ». Selon les informations de Edition Multimédi@, la Commission européenne
a tout juste commencé à discuter de ces lignes directrices lors d’une première réunion le 12 novembre dernier (2). D’après une porte-parole, Nathalie Vandystadt (photo),
« aucune date précise n’est encore prévue pour la publication des lignes directrices mais la Commission européenne compte les adopter le plus rapidement possible,
après consultation des Etats membres [comité de contact, ndlr] et un atelier sur cette question ». Car entre la théorie et la pratique, les « CSA » européens sont quelque peu démunis face à un texte sujet à interprétations – notamment vis-à-vis des UGV. « Ces orientations devraient être rédigées en tenant dûment compte des objectifs d’intérêt public général à atteindre par les mesures à prendre par les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos et du droit à la liberté d’expression », prévient le considérant n°5 de la directive SMA révisée. Les acteurs du Net, eux, étaient plutôt favorables à une autorégulation et non à une nouvelle réglementation contraignante (3). Trois pays – la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas – avaient même émis des réserves sur la portée de cette nouvelle directive modifiant l’ancienne directive SMA de 2010 (4). Dans leur déclaration conjointe du 18 octobre dernier, ils estiment que « la directive SMA n’est pas le cadre approprié pour réglementer les plateformes de partage de vidéos, étant donné que le reste du champ d’application de la directive couvre uniquement les services de médias audiovisuels pour lesquels le fournisseur de services a la responsabilité éditoriale du contenu du programme ». Ces trois pays du Nord de l’Europe mettent en garde contre les dérives possibles au détriment de la liberté d’expression et de la créativité, tout en justifiant qu’ils ne voteront pas pour cette directive révisée : « La réglementation proposée des plateformes de partage de vidéos est difficile à contrôler et elle peut provoquer des effets secondaires indésirables et occasionner une charge administrative disproportionnée ».

Des UGC (Content) aux UGV (Video)
Et la Finlande, l’Irlande et les Pays-Bas d’enfoncer le clou : « Nous estimons que le manque de clarté, aggravé par l’absence d’analyses d’impact et de base factuelle solide, est susceptible de compromettre la sécurité juridique dont ont besoin les régulateurs et le secteur pour mettre en oeuvre les dispositions d’une manière claire, cohérente et effective et dont a besoin le secteur pour innover. Il peut également menacer la capacité des citoyens européens à exercer leurs droits fondamentaux, en particulier leur liberté d’expression ». La convergence entre la télévision et les services Internet a profondément révolutionné le monde de l’audiovisuel et les usages, tant dans la consommation de vidéos que dans leur production par les utilisateurs eux-mêmes. La génération « Millennials » est plus encline à partager des vidéos sur les médias sociaux et les plateformes numériques qu’à rester dans le salon à regarder les chaînes linéaires. Le phénomène des UGV, souvent pétris de liberté d’expression, change la donne.

Des allures de régulation de l’Internet
La directive SMA n’a pas pour but, nous explique-t-on, de réguler les services de médias sociaux en tant que tels, mais elle devrait s’appliquer à ces services « si la fourniture de programmes et de vidéos créées par l’utilisateur en constitue une fonctionnalité essentielle ». Or le législateur européen a considéré que la fourniture
de programmes et des UGV – ces vidéos créées par l’utilisateur – constitue une fonctionnalité essentielle d’un service de médias sociaux « si le contenu audiovisuel n’est pas simplement accessoire ou ne constitue pas une partie mineure des activités de ce service de médias sociaux » (5).
Mais le diable est dans les détails : lorsqu’une partie dissociable d’un service constitue un service de plateformes de partage de vidéos au sens de la directive SMA, seule cette partie « devrait » être concernée par la réglementation audiovisuelle et uniquement pour ce qui est des programmes et des vidéos créées par l’utilisateur.
« Les clips vidéo incorporés dans le contenu éditorial des versions électroniques de journaux et de magazines, et les images animées, au format GIF notamment, ne devraient pas être couverts (…).
La définition d’un service de plateformes de partage de vidéos ne devrait pas couvrir les activités non économiques, telles que la fourniture de contenu audiovisuel de sites web privés et de communautés d’intérêt non commerciales », peut-on lire au considérant n°6. Les « CSA » européens, réunis au sein du Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (ERGA (6)), s’interrogent d’ailleurs eux-mêmes sur l’application qui doit être faire – qui plus est de façon harmonisée à travers les Vingt-huit – de cette directive SMA qui prend des allures de régulation du Net. Dans leur livre d’analyse et de discussion publié le 6 novembre (7) sur l’implémentation de la nouvelle directive SMA, les gendarmes de l’audiovisuel en Europe s’attardent sur la notion de
« service de plateformes de partage de vidéos » introduite dans le premier article de la directive révisée. Ce service de type YouTube ou Dailymotion consiste en « la fourniture au grand public de programmes, de vidéos créées par l’utilisateur [UGV, ndlr], ou des deux, qui ne relèvent pas de la responsabilité éditoriale du fournisseur de la plateforme de partage de vidéos, dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer ». Parmi leurs 34 propositions, les membres de l’ERGA appellent la Commission européenne à fournir une orientation (guidance) afin d’aborder les questions soulevées par la définition de UGV. En substance, quelle est la différence entre une vidéo créée par l’utilisateur et un programme audiovisuel ? Les « CSA » européens veulent disposer de l’interprétation la plus compréhensible possible de la notion d’UGV afin de protéger les publics de ces plateformes vidéo, sur lesquelles sont « uploadées » par les utilisateurs des vidéos qui relèvent de la liberté d’expression et de droits fondamentaux. Toujours dans l’article 1er de la directive SMA révisée, la vidéo créée par l’utilisateur est définie comme étant « un ensemble d’images animées, combinées ou non à du son, constituant un seul élément, quelle qu’en soit la longueur, qui est créé par un utilisateur et téléchargé vers une plateforme de partage de vidéos par ce même utilisateur ou par n’importe quel autre utilisateur ». Quant à l’article 28 ter, il stipule dans le détail que « les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos relevant de leur compétence prennent les mesures appropriées pour protéger : a) les mineurs des programmes, vidéos créées par l’utilisateur et communications commerciales audiovisuelles susceptibles de nuire à leur épanouissement physique, mental ou moral (…) ; le grand public des programmes, vidéos créées par l’utilisateur et communications commerciales audiovisuelles comportant une incitation à la violence ou à la haine visant un groupe de personnes ou un membre d’un groupe (…) ; le grand public des programmes, vidéos créées par l’utilisateur et communications commerciales audiovisuelles comportant des contenus dont la diffusion constitue une infraction pénale au titre du droit de l’Union, à savoir la provocation publique à commettre une infraction terroriste (…), les infractions liées à la pédopornographie (…) et les infractions relevant du racisme et de la xénophobie (…) ». On l’aura compris, les vidéos créées par l’utilisateur sont désormais mises sous surveillance par les plateformes du Net qui risquent bien d’appliquer le principe de précaution juridique pour ne pas tomber sous le coup de la loi.

Ni surveillance généralisée ni de filtrage ?
Afin de ne pas être en contradiction avec la directive européenne « Commerce électronique » de 2000 (8), notamment avec son article 15 (« Absence d’obligation générale en matière de surveillance ») selon lequel les Etats membres ne doivent pas imposer aux [hébergeurs] une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites », la directive SMA révisée se veut compatible. « Ces mesures n’entraînent pas de mesures de contrôle ex anteni de filtrage de contenus au moment de la mise en ligne qui ne soient pas conformes à l’article 15 de la directive [« Commerce électronique »] ». C’est à voir. @

Charles de Laubier

Un cadre légal attendu pour le renseignement technique

Le projet de loi explicite les finalités et les techniques associées du renseignement dans un cadre attendu d’autorisation et de contrôle renforcés, avec l’installation d’une nouvelle autorité indépendant (CNCTR) et l’instauration de voies de recours devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat se pose en allié de la neutralité de l’Internet et de la liberté d’expression

Dans son rapport 2014 sur « le numérique et les droits fondamentaux », le Conseil d’Etat met en garde la France contre toutes atteintes à la neutralité de l’Internet et à la liberté d’expression. Il prône notamment la création du statut de « plateforme d’intermédiation » et un recours au droit à l’oubli.

Par Winston Maxwell, avocat associé, Hogan Lovells

Winston MaxwellAprès une étude sur « le droit souple » en 2013, le Conseil d’Etat consacre son étude annuelle 2014 au numérique et aux droits fondamentaux (1). En 1998 le Conseil d’Etat avait déjà publié un rapport précurseur en matière de droits sur Internet (2).
Seize ans plus tard, le Conseil d’Etat examine de nouveau la délicate cohabitation entre le droit et l’Internet, s’attaquant cette fois-ci aux problèmes de Big Data, algorithmes, neutralité de l’Internet, loyauté des plateformes, droit à l’oubli, activités de renseignement, et gouvernance de l’Internet.

Neutralité du Net versus « priorisation »
La grande qualité de cette étude tient à sa prise de hauteur par rapport aux débats actuels sur la dominance des plateformes américaines et les menaces posées par la collecte de renseignement. Le rapport refuse toute attitude caricaturale sur la lutte entre le droit des citoyens français et la menace posée par des plateformes « GAFA » (3). Même en matière d’activités de renseignement, le Conseil d’Etat reste mesuré. Sur l’affaire Snowden, le Conseil d’Etat souligne les dérapages de la National Security Agency (NSA) à l’égard de la surveillance de citoyens non-américains, mais remarque en même temps que la loi française accorde une liberté similaire aux agences de renseignement françaises pour espionner les communications en dehors du territoire français. Le rapport préconise un renforcement des contrôles des activités de renseignement en France par la création d’une autorité administrative indépendante.

Financement de la création contre meilleure bande passante ?
En matière de neutralité de l’Internet, le rapport soutient le principe d’une neutralité des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), mais estime « prématurément contraignantes » certaines propositions du parlement européen qui encadreraient strictement les « services gérés ». Selon le rapport, tant qu’il n’existe pas de baisse dans la qualité de service de l’Internet « meilleurs efforts » (best effort), il serait disproportionné d’encadrer trop strictement des services payants de « priorisation » (3).
De plus, le Conseil d’Etat critique l’idée du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) selon laquelle un FAI pourrait accorder une bande passante prioritaire aux plateformes qui s’engageraient volontairement à appliquer les mesures en faveur de la création française. Une telle discrimination dans la bande passante serait contraire à la neutralité du Net. Une priorisation pourrait s’envisager toutefois dans le cadre d’un service géré, ou bien au niveau des magasins d’applications (App Stores). Le rapport analyse le concept de « neutralité des plateformes » (5), proposé par le Conseil national du numérique (CNNum) et par le rapport de la sénatrice Catherine Morin-Desailly (6). Selon le Conseil d’Etat, la dichotomie « hébergeur/éditeur » envisagée
par la directive « Commerce électronique » (7) n’est pas satisfaisante. Un intermédiaire qui propose, conseille et organise des contenus n’est pas un hébergeur. Mais il n’est pas un éditeur non plus, car il ne crée aucun contenu. Il serait disproportionné de lui applique une responsabilité d’éditeur. Le rapport propose de créer une nouvelle catégorie d’intermédiaire technique, dénommée « plateforme d’intermédiation »,
qui inclurait « tous les sites qui servent de point de passage pour accéder à d’autres contenus, notamment les moteurs de recherche, les agrégateurs ou les comparateurs de prix ». (p. 216). Le rapport reconnaît que les plateformes d’intermédiation détiennent un certain pouvoir, mais rejette l’idée de leur appliquer le statut d’« infrastructure essentielle », ni de leur appliquer un devoir total de neutralité. Selon le Conseil d’Etat,
il ne serait pas envisageable d’appliquer à ces plateformes un devoir de neutralité car l’objet même de ces plateformes est de hiérarchiser des contenus et de les conseiller aux utilisateurs.

Appliquer un « devoir de loyauté »
Ces plateformes d’intermédiation ont une activité de sélection qui est incompatible avec un devoir de neutralité. Appliquer aux plateformes une obligation de non-discrimination nierait leur rôle de tri et de recommandation. Le Conseil d’Etat suggère de reconnaître aux plateformes un rôle de conseil à l’internaute, et de leur appliquer un « devoir de loyauté » à l’égard des utilisateurs. Ce devoir de loyauté se traduirait essentiellement par une transparence à l’égard des utilisateurs sur la méthodologie utilisée par la plateforme, et notamment les algorithmes de recherche ou de recommandation (8).
Les critères utilisés dans l’algorithme doivent être pertinents par rapport aux objectifs recherchés. Le devoir de loyauté interdirait aux plateformes de cacher certains objectifs ou conflits d’intérêts, tels que favoriser ses propres services par rapport aux services d’un fournisseur tiers qui rempliraient mieux les besoins de l’utilisateur.

Balkanisation et surblocage du Net
La plateforme devra fournir aux utilisateurs une information claire sur les critères de retrait de contenus licites, et permettre à l’utilisateur de fournir ses observations en
cas de retrait de contenus par la plateforme. A l’égard d’utilisateurs commerciaux,
la plateforme devra fournir une information préalable avant de changer les règles
de référencement, afin que les utilisateurs commerciaux puissent s’adapter.
Enfin, le rapport ne s’alarme pas de l’existence de règles d’utilisation au sein des plateformes. Il s’agit d’une forme de droit souple. Certes les règles d’utilisation peuvent conduire au retrait de certains types de contenus, et éventuellement poser une menace pour la liberté d’expression. Mais interdire aux plateformes la possibilité de retirer des contenus en fonction de leurs règles internes créerait une interférence disproportionnée avec leur liberté d’entreprendre et leur liberté contractuelle. En tant qu’instrument du droit souple, ces règles internes devraient en revanche obéir à certaines règles de transparence et de procédure. Le rapport propose que les règles d’utilisation soient élaborées en concertation avec les utilisateurs. La création d’un nouveau statut de
« plateforme d’intermédiation » nécessiterait une modification de la directive
« Commerce électronique » (9).
Concernant l’application de la loi française aux sites étrangers, le Conseil d’Etat propose de créer un socle de règles fondamentales qui s’appliqueraient à tout service qui viserait le public français. Ces règles viseraient la protection de droits fondamentaux de l’individu, et seraient considérées comme des « lois de police » qui seraient prioritaires par rapport aux contrats privés. Parmi ces règles de police figurerait la protection des données personnelles, ainsi qu’un devoir de coopérer avec la justice en France. Pour le Conseil d’Etat, un service étranger qui vise le public français devrait avoir une obligation de coopérer avec la justice en France. En revanche, il n’est pas favorable à une application systématique de toute la réglementation française. Il rappelle que la France n’est pas seulement un pays consommateur de services en provenance de l’étranger, mais qu’elle produit elle-même des services et contenus disponibles à l’étranger via l’Internet. Appliquer une règle de « pays de destination »
à l’égard de tous les aspects de la réglementation créerait un précédent international regrettable, car chaque pays pourrait dès lors interdire un service Internet qui n’était pas en conformité avec l’ensemble de la réglementation locale. Pour le Conseil d’Etat, une telle balkanisation de l’Internet serait dommageable pour la liberté d’expression et pour l’innovation.
En matière de lutte contre la contrefaçon en ligne, le rapport préconise de créer une
« injonction de retrait prolongé » qui pourrait être appliquée par une autorité administrative indépendante telle que l’Hadopi, ou son éventuel successeur. Il suggère de légitimer l’utilisation des outils de reconnaissance de contenus au sein des plateformes, mais souhaite les mieux encadrer afin de limiter les risques de surblocage. A l’instar des autres obligations de transparence qui pèseraient sur les plateformes, celles-ci auraient une obligation de publier les règles de fonctionnement des outils de reconnaissance de contenus, et les mesures prises par les plateformes pour éviter le surblocage. Sur la protection des données à caractère personnelles, le Conseil d’Etat soutient la proposition de règlement européen, tout en critiquant certains de ses aspects. Certaines dispositions du règlement sont trop détaillées, selon lui, et risquent de devenir obsolètes rapidement. Certaines dispositions sont trop vagues et seraient contraires à la règle constitutionnelle de prévisibilité de la loi (p. 194). Il soutient l’idée d’un droit à l’oubli sur les moteurs de recherche, tout en soulignant la nécessité de prendre en considération la liberté d’expression de l’éditeur du site déréférencé, et la liberté d’expression de l’internaute qui ne pourra plus trouver l’information déréférencée. L’éditeur du site déréférencé doit bénéficier d’un droit de recours efficace contre le déréférencement.

Droit à l’oubli versus liberté d’expression
Le Conseil d’Etat a publié, à la fin de leur rapport, un article dont je suis l’auteur sur
la liberté d’expression aux Etats-Unis. Dans cet article (10), je soutiens que le droit
à l’oubli tel que défini par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) serait contraire à la liberté d’expression aux Etats-Unis, car il créerait un « effet réfrigérant » (chilling effect) nuisible à la libre circulation des idées. Je soutiens par ailleurs que la CJUE, dans sa décision sur le droit à l’oubli, n’a pas suivi sa propre méthodologie en matière de proportionnalité, car elle n’a pas pris la mesure des effets négatifs du droit
à l’oubli sur la liberté d’expression, ni examiné si d’autres mécanismes, moins attentatoires à la liberté d’expression, pouvaient atteindre l’objectif recherché. @

* Winston Maxwell est membre de la Commission
de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge
du numérique à l’Assemblée nationale.

Viviane Reding : « C’est à la Cnil de décider s’il faut sanctionner Google sur ses nouvelles règles »

La vice-présidente de la Commission européenne, en charge de la Justice,
des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, répond aux questions de Edition Multimédi@ sur la réforme de la protection des données personnelles, les règles
de confidentialité de Google, le « cloud » ou encore l’ACTA.