Bruno Boutleux, Adami : « Il est temps de légiférer en faveur des artistes et musiciens interprètes »

L’Adami, société de gestion collective des droits des artistes et musiciens interprètes, fête ses 60 ans cette année et vient d’organiser les 15e Rencontres européennes des artistes. A cette occasion, son DG Bruno Boutleux explique à EM@ l’impact du numérique sur la rémunération et les mesures à prendre.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Vous dénoncez le partage
« inéquitable » de la valeur dans la musique en ligne, notamment pour le streaming. Que gagne un musicien lorsque sa musique passe sur Spotify, Deezer ou Qobuz ? Perçoit-il plus en téléchargement avec iTunes ? Bruno Boutleux : Un transfert de valeur de l’amont vers l’aval
au profit des géants du numérique s’est opéré depuis plusieurs années, remettant en question le partage de la valeur entre les différents acteurs. Pour un titre téléchargé sur iTunes, l’artiste ne touche que 0,04 euros sur 1,29 euros. Pour le streaming, la répartition est d’environ 90 % pour le producteur et 10 % pour l’artiste. Alors qu’elle est de 50-50 sur les diffusions radio. Au final, pour un abonnement streaming payé près de 9,99 euros par l’utilisateur, les artistes ne perçoivent que 0,46 euro à partager entre tous ceux écoutés sur un mois.

La société Xandrie lance Allbrary, plateforme numérique culturelle aux ambitions internationales

En gestation depuis cinq ans, la bibliothèque digitale culturelle Allbrary – ebooks, jeux vidéo, logiciels, créations et bientôt films, musiques et presse – devient accessible (site web et application Android). Edition Multimédi@ a rencontré son PDG, Denis Thébaud.

Denis ThébaudC’est sans précédent en France, voire en Europe : pour la première fois, une plateforme numérique unique propose une offre culturelle diversifiée. Son nom : Allbrary. La société française Xandrie qui l’a conçue a l’ambition de proposer une bibliothèque digitale « tout en un » que chacun peu personnaliser à sa guise en fonction de ses goûts et loisirs culturels, plutôt que d’aller courir différents sites Internet d’offres de livres numériques, de jeux vidéo, de logiciels, de films ou encore de musique.

Marie-Pierre Sangouard, Amazon France : « L’accueil de Kindle Unlimited a été très positif »

Directrice des contenus Kindle d’Amazon France depuis 2011, après avoir été directrice du livre à la Fnac, Marie-Pierre Sangouard nous répond à l’occasion du Salon du livre de Paris sur l’auto-édition, le livre numérique, la TVA, le format AZW, ainsi que sur le lancement d’Amazon Publishing en France.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Marie Pierre SangouardEdition Multimédi@ : Le groupe Amazon est présent au Salon du livre de Paris encore cette année (après une absence remarquée en 2013) : que présentez-vous ?
Marie-Pierre Sangouard (photo) : Cette année nous serons à nouveau présents au Salon du livre avec notre stand Kindle Direct Publishing (KDP) placé sous le signe de l’auto-édition et de la lecture numérique. C’est l’occasion pour les visiteurs de se familiariser avec les nouvelles formes de diffusion de la culture
et de simplification de la création littéraire que nous proposons aux lecteurs d’une part, et aux auteurs en devenir d’autre part.
En ce sens, nous organisons la 2e édition du « speed dating KDP » à destination des auteurs en herbe sur notre stand au Salon du livre. Les gagnants seront publiés via notre programme d’auto-édition KDP et soutenus sur Amazon.fr pendant un mois :
une belle opportunité de se faire remarquer du grand public, tout comme les plus de 600.000 auteurs auto-édités présents aujourd’hui sur notre plateforme KDP partout dans le monde. Nos toutes dernières liseuses Kindle seront également exposées afin de permettre à tous les lecteurs d’en découvrir les multiples avantages et fonctionnalités.

Stream ripping : la question de la licéité de la copie privée à l’ère du streaming reste posée

Le streaming s’est imposé face au téléchargement sur Internet. Si mettre en ligne une oeuvre (musique, film, photo, …) nécessite l’autorisation préalable des ayants droit, les internautes ont-ils le droit à la copie privée – exception au droit d’auteur – lorsqu’ils capturent le flux (stream ripping) ?

Par Christiane Féral-Schuhl, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Christiane Féral-SchuhlLe streaming désigne, dans une traduction littérale (de l’anglais « stream »), une « diffusion en flux ». Dans le cas d’un direct, le diffuseur est ainsi maître du moment et du contenu de la diffusion et l’internaute peut décider de se connecter ou non, mais sans pouvoir choisir le contenu ou le moment de la diffusion.
Dans le cas d’œuvres protégées stockées et disponibles en ligne (oeuvres musicales, audiovisuelle, photographiques …), cette technologie permet à l’internaute – au moyen d’un logiciel fourni habituellement par le site de « diffusion » – d’avoir accès à ces fichiers en lecture seulement mais sans qu’il ait besoin d’effectuer préalablement une copie entière et pérenne par téléchargement sur son disque dur.

Gestion collective des droits d’auteur : la Cisac s’impatiente sur les remontées d’Internet

La Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), présidée par le musicien Jean-Michel Jarre, s’impatiente sur les recettes du numérique qui « ne représentent que 5 % du montant total ». Membre, la Sacem prône toujours une taxe sur les hébergeurs.

« Nous sommes souvent à la merci des entreprises qui contrôlent les canaux de distribution de nos œuvres. L’environnement numérique actuel, dont les créateurs sont les acteurs les plus fragiles, nous le fait cruellement sentir », déplore le pionnier de la musique électronique Jean-Michel Jarre (photo), président depuis juin 2013 de la Cisac, laquelle représente au total dans le monde plus de 3 millions d’ayants droits, créateurs de musiques et de chansons pour l’essentiel (87,2 % des recettes), mais aussi de films, de livres, de peintures, de poèmes ou encore d’illustrations.
Jean-Michel Jarre peste contre Internet
Au global, les 230 sociétés de gestion collective membres de la Cisac – laquelle fut créée en 1926 et est installée en France à Neuilly-sur-Seine, à côté de la Sacem qui
en est membre – ont collecté toutes ensemble plus de 7,7 milliards d’euros sur l’année 2013 (le bilan global avec un an de décalage).
Mais cette année, l’impatience de la Cisac est perceptible quant aux montants perçus du monde digital. « Les droits liés au numérique ont augmenté de 25 % mais ne représentent toujours que 5 % du montant total des perceptions mondiales », souligne
le directeur général de la confédération, Gadi Oron. Le « numérique & multimédia » (dixit la terminologie de la Cisac) a rapporté sur l’année 380 millions d’euros – soit 4,9 % en réalité. Et ce montant émane à 99 % du secteur de la musique. « Le solde provient
des autres répertoires (arts visuels en fait). Ce qui ne signifie pas que le digital ne représente rien dans les autres répertoires (audiovisuel, littéraire, dramatique) où
les droits issus du numérique ne sont pas distinctement identifiés dans les données
de ces répertoires que nous remontent les sociétés membres de la Cisac. La part des perceptions issues du numérique peut dès lors à ce titre être considérée comme sous-estimée dans notre rapport », nous indique Frédéric Patissier, consultant pour la confédération. Bien que sous-estimé, le digital a augmenté de près de 25% sur un an (voir graphique ci-dessous). Il y a même une accélération significative car, l’année précédente, la croissance du digital n’était que de 7 %. Plus de la moitié de ces recettes numériques proviennent de l’Europe, où la croissance sur un an atteint même 40,8 %,
à 207 millions d’euros.
Parmi les autres régions du monde qui contribuent aussi aux recettes digitales musicales, il y a notamment l’Amérique du Nord (44 millions d’euros) et l’Amérique
du Sud-Caraïbes (6 millions). Reste que les retombées du numérique en monnaies sonnantes et trébuchantes restent faibles aux yeux de la Cisac, alors que le marché
de la musique enregistrée est proche du « point de basculement » où les droits perçus proviendront davantage du numérique que des ventes physiques. « Nous ne bénéficions absolument pas d’une juste rémunération pour les utilisations numériques. Certaines entreprises gagnent des milliards grâce à nos œuvres et nous méritons d’en retirer notre juste part », s’était insurgé Jean-Michel Jarre il y a un an, lors du Marché international du disque et de l’édition musicale (Midem).