Rémunération des artistes sur Internet : toujours pas de consensus à l’horizon

Après la mission Olivennes et les laborieuses lois Hadopi 1 et 2, la question centrale de la rémunération des artistes ne fait toujours pas l’unanimité malgré
la tentative du gouvernement de proposer, notamment via la mission Hoog,
des solutions sur la base du rapport Zelnik.

Par Katia Duhamel (photo) , avocate, cabinet Bird & Bird

Après les débats homériques qui ont présidé à l’adoption
des volets 1 et 2 de la loi Hadopi centrés sur une politique répressive contre le téléchargement illégal (malgré les mesures préventives sinon pédagogiques du volet 1),
le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, avait enfin souhaité engager la réflexion sur la question centrale de la rémunération des créateurs sur la Toile, notamment, dans le domaine musical. Soutenue par ce dernier lors du Midem (1) qui s’est tenu à Cannes fin janvier (2), la proposition d’introduire la gestion collective obligatoire des droits voisins pour le streaming et le téléchargement est loin de faire l’unanimité.
Si la Société française de collecte des droits d’auteurs (Sacem) y est favorable, les représentants des majors comme Pascal Nègre, le patron d’Universal Music ou bien le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) crient à l’abus de collectivisme et
au « kolkhoze ». Ils expliquent que – contrairement aux assertions du rapport remis le
6 janvier dernier par Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti – le marché du numérique est en train de décoller avec +56 % de croissance en 2009, que les majors ne freinent pas son développement, que les indépendants y sont déjà très présents ou que cela n’améliorera pas la rémunération des artistes etc…

Neutralité des réseaux et droits d’auteur : Internet ne veut pas devenir un Minitel

Laure Kaltenbach et Alexandre Joux, deux anciens de l’ex-Direction du développement des médias du Premier ministre, devenus directeurs du
Forum d’Avignon, publient « Les nouvelles frontières du Net ». Edition Multimedi@ fait état de leurs reflexions sur la future gouvernance de l’Internet.

En Europe, contrairement aux Etats-Unis, le débat sur la neutralité de l’Internet est
« très centré sur les contenus en ligne et la problématique du droit d’auteur, même si les deux combats (neutralité du réseau et propriété intellectuelle) ne s’opposent pas.
Se complètent-ils pour autant ? ». C’est du moins l’une des questions que se posent Laure Kaltenbach et Alexandre Joux, coauteurs d’un livre intitulé « Les nouvelles frontières du Net » (1) et anciens de la Direction du développement des médias (DDM) auprès du Premier ministre, devenue en début d’année la DGMIC (2).

Bernard Miyet, Sacem : « Les fournisseurs d’accès à Internet devraient verser une compensation »

Alors que, le 10 février, la commissaire européenne Neelie Kroes prendra en charge le Numérique, Bernard Miyet, président du directoire de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) explique à Edition Multimédi@ les nouveaux enjeux musicaux face à Internet.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : La musique a été la première industrie culturelle a être confrontée au piratage sur Internet.
A combien évaluez- vous les pertes subies l’an dernier en France ? Les autres industries culturelles doivent-elles s’inquiéter ?
Bernard Miyet :
Pour 2009, les pertes pour les droits d’auteurs s’élèvent à près de 80 millions d’euros sur le secteur de la musique enregistrée (phonogrammes). Nous estimons à 325 millions d’euros environ les pertes cumulées depuis 2003.
Le plus inquiétant pour nous reste que le marché légal de la musique en ligne ne décolle pas, et ne rapporte pratiquement rien aux auteurs, compositeurs et éditeurs
de musique : 6,5 millions d’euros seulement de droits d’auteur perçus en 2009 pour
la musique sur Internet et pour la téléphonie mobile. Cela représente moins de 1 %
des perceptions totales de la Sacem. Il est donc très clair que les revenus générés ne reflètent pas les usages des internautes. Contrairement à la musique qui a « essuyé
les plâtres », je pense que les autres industries culturelles bénéficieront (et bénéficient déjà) de la prise de conscience des pouvoirs publics et notamment de soutiens financiers pour leur permettre de passer le cap difficile de la transition économique. L’édition du livre, dont Internet représente 0,1 % du chiffre d’affaires cette année en France, est pourtant largement mise en avant dans le rapport Zelnik. La presse et les médias ont également reçu des soutiens financiers des pouvoirs publics. Le cinéma adapte sa chronologie des médias – mais est-ce que cela sera suffisant ? – et bénéficie d’une taxe Cosip [Compte de soutien aux industries de programmes, ndlr] prélevée
sur les fournisseurs d’accès à Internet [FAI]… Or, à ce jour, seuls les auteurs et compositeurs de musique – pourtant les plus précaires d’entre les précaires – n’ont bénéficié d’aucune mesure de compensation ou de soutien de la part des pouvoirs publics. Est-ce juste et moral ?

L’Etat français vole au secours de ses industries culturelles face à Internet

Musique, cinéma et audiovisuel, livre… Les industries de la culture n’ont pas su s’adapter à Internet, ou ne savent pas comment s’y prendre. En France, l’année 2010 marque la reprise en main de leur avenir par le gouvernement. Jusqu’à
130 millions d’euros pourraient être nécessaires sur trois ans pour les aider.

Trois jours. Le 6 janvier, la mission « Création & Internet » remettait son rapport au ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Le 7 janvier,
le président de la République, Nicolas Sarkozy, présentait ses vœux aux professionnels du monde de la culture. Le 8 janvier, le ministre de la Culture installait
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).

Le livre numérique cherche sa plateforme unique

En fait. Le 30 septembre, le ministre de la Culture et de la communication, Frédéric Mitterrand, s’est prononcé – au Centre national du livre – en faveur de la création d’une « plateforme unique d’accès à l’offre numérique en matière de livre » qui « devra réunir les éditeurs français ».

En clair. Le gouvernement fait de cette future « plateforme unique » de téléchargement de livres numériques un « projet stratégique » qui permettra la création d’une offre alternative à Google. « Je veillerai particulièrement à l’accompagnement que mes services pourront apporter pour faire aboutir ce projet », avait insisté le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, auprès des professionnels réunis au Centre national du livre. Mais le géant américain du Net dispose d’une longueur d’avance dans la numérisation des livres : 500.000 titres disponibles dès le « premier semestre 2010 », au moment où sa bibliothèque en ligne Google Editions sera lancée en Europe (1). Autre géant du Net, l’américain Amazon est le seul rival sérieux avec son Kindle Store offrant déjà plus de 200.000 titres numériques. Si la France ne veut pas qu’un duopole ne s’installe durablement, les éditeurs français sont appelés à faire bloc en proposant au grand public une alternative crédible. Il ne s’agit pas de répéter les mêmes erreurs que l’industrie du disque, laquelle n’avait pas proposé rapidement d’offre légale. Car le gouvernement veut aussi « éviter la dérive vers le piratage ». Mais pour l’heure, plusieurs grandes maisons d’édition sont déjà parties en ordre dispersé. Le numéro 1 français de l’édition, Hachette Livre, a racheté en 2008 la société Numilog à l’origine de la première plateforme de ce type en France avec environ 60.000 titres téléchargeables aujourd’hui. Hachette Livre chercherait à fédérer autour de lui les autres maisons – quitte à leur proposer d’entrer dans son capital –, mais sans succès jusque-là. Le deuxième éditeur français, Editis, entend lui aussi rassembler autour de sa E-Plateforme lancée le 9 octobre dernier avec déjà une centaine de maisons ou groupes d’édition : Michelin, Michel Lafon, Média-Participations ou encore le canadien Quebecor Média, sans oublier l’espagnol Planeta (la maison mère d’Editis). Quant au groupe La Martinière, qui attend pour le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, il a formé un triumvirat avec les éditions Gallimard et Flammarion autour de sa plateforme baptisée Eden-Livre (2). Mais pour mettre d’accord tout son monde, Frédéric Mitterrand va réformer la loi « Lang » sur le livre pour que l’ebook bénéficie aussi du prix unique et d’une TVA à 5,5 %. @