Brainstorming politique et législatif sur les multiples enjeux de l’intelligence artificielle

Il ne se passe pas un mois sans que l’intelligence artificielle (IA) ne fasse l’objet d’un rapport, d’un livre blanc, ou d’une déclaration politique. Il en va pour les uns de la « souveraineté », pour les autres de droit de propriété intellectuelle, ou encore de révolution numérique, c’est selon. Et après ?

La Commission européenne a publié le 19 février – dans le cadre de la présentation de sa stratégie numérique (1) – son livre blanc intitulé « Intelligence artificielle. Une approche européenne axée sur l’excellence et la confiance » (2), soumis à consultation publique jusqu’au 19 mai (3). En France, le 7 février, c’était le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui publiait son rapport sur l’IA et la culture au regard du droit d’auteur (4). En octobre 2019, l’OCDE (5) présentait son rapport « L’intelligence artificielle dans la société » (6). Le gouvernement français, lui, présentait à l’été 2019 sa stratégie économique d’IA (7), dans le prolongement du rapport Villani de 2018.

Les plateformes numériques sont-elles parties pour un grand chelem de sanctions ?

Les géants du Net sont pris entre deux feux principaux : le droit de la concurrence, d’une part, et la protection des données, d’autre part. Mais ces deux référentiels juridiques s’entremêlent de plus en plus et se démultiplient, au risque d’aboutir à des doubles sanctions. Ce que l’Europe assume.

Par Olivier de Courcel, avocat associé, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Alors que les textes de référence s’accumulent, de même que les procédures de contrôle et les sanctions (aux amendes toujours plus élevées), la mise en conformité (compliance) devient comme un grand chelem pour les plateformes numériques. Les procédures se multiplient: aux Etats-Unis, 5 milliards de dollars imposés à Facebook par la FTC américaine en juillet 2019, contrôle en cours par le DoJ sur les GAFA, enquête préliminaire conjointe de 48 Etats fédérés ; en Europe, amende de 2 millions d’euros en Allemagne pour le manque de transparence de Facebook sur les contenus illicites (1), enquête préliminaire lancée par la Commission européenne sur la collecte et l’utilisation des données des utilisateurs de Google (2), contrôle en cours par la « Cnil » irlandaise sur les ventes aux enchères d’espaces publicitaires de Google, pré-rapport de l’autorité de la concurrence britannique (CMA) sur les plateformes (3), etc…

Droit moral des auteurs de films et de séries : le final cut «à la française» s’imposera par la loi

Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ seront tenus de respecter le final cut « à la française », qui requiert l’accord du réalisateur pour le montage définitif d’un film ou d’une série. Ce droit moral est visé par le projet de loi sur l’audiovisuel présenté le 5 décembre dernier.

Charles Bouffier, avocat conseil, et Charlotte Chen, avocate, August Debouzy

Le final cut désigne la version définitive du montage d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle – un film ou une série par exemple – distribuée ou diffusée. Le final cut désigne également un droit, celui que détient la personne qui a le pouvoir de décider de ce montage définitif. S’il est d’usage aux Etats-Unis que le producteur ait ce pouvoir décisionnel (laissant éventuellement au réalisateur le loisir d’éditer une version « director’s cut »), la situation française est différente en vertu notamment des droits moraux dont jouissent les auteurs.

A la poursuite du droit à l’oubli et d’un équilibre par rapport aux autres droits fondamentaux

Le droit à l’oubli sur Internet – dont le droit au déréférencement sur les moteurs de recherche – n’est pas un droit absolu. Il s’arrête là où commencent d’autres droits fondamentaux comme la liberté d’informer – selon le principe de proportionnalité. Mais cet équilibre est à géométrie variable.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

L’oubli est une préoccupation récente aux racines millénaires. C’est d’abord un concept auquel notre civilisation est rompue depuis le code de Hammurabi (1). Cependant, l’effectivité de l’oubli a été profondément remise en cause par la révolution numérique car la donnée devient aujourd’hui indéfiniment apparente sur les sites web et immédiatement accessible par les moteurs de recherche. Dès lors, le législateur comme le juge œuvrent pour adapter un droit à l’oubli (2) à l’outil numérique.

Décisions de justice à l’heure du RGPD : délicat équilibre entre liberté de la presse et vie privée

Jusqu’à maintenant, la jurisprudence favorise habituellement – mais pas toujours –
le droit à l’information en cas de différends sur la publication de données issues de comptes-rendus de procès ou de décisions de justice. Depuis l’entrée en vigueur du RGPD, la recherche d’un juste équilibre s’impose.

Par Christiane Féral-Schuhl*, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Entré en vigueur en mai 2018, le Règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique aussi aux comptesrendus de procès ou de décisions de justice citant des personnes physiques parties ou témoins aux procès. Le RGPD confie aux Etats membres de l’Union européenne le soin de concilier « […] par la loi, le droit à la protection des données à caractère personnel au titre du présent règlement et le droit à la liberté d’expression et d’information, y compris le traitement à des fins journalistiques et à des fins d’expression universitaire, artistique ou littéraire » (1).