L’industrie musicale sauvée par… le numérique

En fait. Le 4 mai, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) a présenté les chiffres du marché de la musique enregistrée qui atteint au premier trimestre les 128,6 millions d’euros, dont 82 % réalisés par les ventes physiques et 18 % par les ventes de musique en ligne (téléchargement en tête).

En clair. « Le marché français du numérique pour la musique se structure et devient significatif avec près de 20 % du revenu total sur le premier trimestriel de l’année. Cela commence à compter et nous commençons à retrouver nos investissements dans le numérique », s’est félicité David El Sayegh, directeur général du Snep, qui réprésente notamment les majors du disque (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music). D’autant que la croissance trimestrielle de la musique en ligne – 28,7 % à 23,1 millions d’euros – tire plus que jamais le marché de la musique enregistrée, même si les ventes physiques (albums et vidéoclips en tête) se sont ressaisies en début d’année de 4,3 % à 105 millions d’euros, après cinq années du chute continue. Total : 128,6 millions d’euros de janvier à mars, soit une hausse de 8 % sur un an (1). Mais le numérique est « encore loin de compenser » les pertes sur le physique, qui caracollait alors à 305 millions d’euros au premier trimestre 2002. Aujourd’hui, le téléchargement continue de mener la danse avec un bond sur un an supérieur à 50 % sur les trois premiers mois de l’année, avec un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros. Pour la première fois, le téléchargement devient majoritaire en termes de parts de marché trimestrielles (54 % contre 46 % un an auparavant). C’est cependant le streaming (écoute en ligne sans téléchargement préalable) qui progresse le plus : +100 %, à 2,6 millions d’euros, avec une part de marché trimestrielle qui croît de quatre points à 11 %. Quant aux revenus trimestriels des abonnements musicaux en ligne, ils progressent de près de 27 % sur un an, avec un chiffre d’affaires de 3,8 millions d’euros et une part de marché stable à 17 %. Seul continue de chuter le marché des sonneries sur téléphone mobile. Comme lors du dernier Midem de janvier (lire EM@6 p 3), le Snep veut voir dans la maturation du marché de la musique en ligne les premiers effets dissuasifs de la loi Hadopi – même si la « riposte graduée » ne sera pas mise en oeuvre avant juin prochain. David El Sayegh parle d’« effet psychologique » sur les internautes qui sont allés plus souvent sur les plateformes légales, tout en reconnaissant que « la loi Hadopi ne va pas éradiquer la piraterie sur Internet, car certains trouveront toujours des outils pour la contourner ». @

Neutralité du Net : l’Europe consultera avant l’été

En fait. Le 13 avril, le colloque organisé par l’Arcep sur la « neutralité des réseaux » s’est tenu en présence de Neelie Kroes, commissaire européenne chargée de la Stratégie numérique, et, dans la salle, de la députée européenne Catherine Trautmann qui fut en charge du Paquet télécom.

En clair. La question du principe de neutralité de l’Internet, qui consiste pour les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à ne pas discriminer l’accès aux contenus numériques pour des raisons de concurrence ou de gestion de trafic, devrait être au cœur d’un débat plus européen que national. Pour ne pas dire mondial. « Le débat n’en est encore qu’au début en Europe », a prévenu lors du colloque Neelie Kroes, commissaire européenne en charge de la Stratégie numérique. « J’ai l’intention de lancer une consultation publique avant l’été, afin de faire progresser le débat sur la Net Neutrality en Europe », a-t-elle annoncé, tout en précisant que le nouvel Organe des régulateurs européens des communications électroniques – ou Berec (1), créé en janvier 2010 (EM@ 7 p. 5) – « a déjà constitué un groupe de travail sur cette question ». Elle a surtout rappelé que les nouvelles directives européennes du Paquet télécom adopté en novembre dernier, qui consacre « le droit des utilisateurs d’accéder et de distribuer de l’information ou de profiter des applications et des services de leur choix ». Et ce, au nom des « libertés fondamentales des internautes ».
Dans la salle, la députée européenne Catherine Trautmann (2) a pris ensuite la parole pour faire une piqûre de rappel sur ce principe du Parquet télécom : « Il y aura un problème si l’utilisateur signe avec son fournisseur d’accès un contrat dans lequel il n’est pas dit explicitement que ce dernier est susceptible de donner son adresse personnelle, au cas où une autorité politique, administrative ou juridique l’exigerait,
et sans que la reconnaissance de la non culpabilité initiale de l’utilisateur soit reconnue. Dans l’article 8 de la directive “‘Cadre”, il est demandé aux régulateurs de promouvoir
la neutralité du Net, et pas seulement de gérer un équilibre, tout en évitant les effets de politiques publiques qui seraient attentatoires aux libertés des citoyens internautes ». Cette disposition proscrit en effet toute discrimination dans l’accès à tous types de services et applications sur Internet, tandis que l’article 2 de la directive « Accès » donne pouvoir aux régulateurs de non seulement fixer le « niveau de qualité minimale » qu’ils pourront imposer aux opérateurs et FAI, mais aussi arbitrer les différends portant sur l’accès entre les réseaux et les fournisseurs de contenus numériques. @

Gestion collective : le rapport Hoog dans six mois

En fait. Le 15 avril, Emmanuel Hoog a été désigné président de l’AFP. Il quitte ses fonctions de PDG de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et devrait poursuivre sa mission de concertation en vue d’aboutir à une gestion collective des droits musicaux pour les sites de musique sur Internet.

En clair. Selon nos informations, Emmanuel Hoog poursuit ses auditions jusqu’à fin avril début mai, dans le cadre de la mission que lui a confiée il y a trois mois le ministre de la Culture et de la Communication sur demande du président de la République. Il s’agit de convaincre les producteurs de musique de « libérer leurs fichiers musicaux
sur toutes les plateformes » de téléchargement sur Internet (lire EM@8, p. 5). Ensuite,
se tiendront en juin une dizaine de « rencontres thématiques entre acteurs de la filière musicale » sur des thèmes allant des catalogues aux exclusivités de titres, en passant par les difficultés des plateformes de musique en ligne, et les minimums garantis ou avances exigés par certains producteurs. Si Nicolas Sarkozy a donné un an aux acteurs de la filière musicale pour se mettre d’accord, Emmanuel Hoog compte rendre son rapport « entre septembre et octobre prochain ». S’il n’y avait pas d’accord
« volontaire » d’ici fin 2010, la loi instaurerait ce « régime de gestion collective obligatoire des droits exclusifs » par les sociétés civiles (Sacem, SCPP, SPPF,
Adami, …). Le 1er avril, par exemple, a été auditionné le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) qui, au nom de ses membres (Universal Music, Sony Music, EMI ou encore Warner Music), a remis ce jour-là un argumentaire d’une quinzaine de pages pour exprimer l’opposition de ses membres à ce projet de « gestion collective des droits musicaux » proposé en début d’année la mission Zelnik-Toubon-Cerutti. Contrairement à la Sacem ou à l’Adami qui y sont favorables, le Snep y est farouchement hostile et dénonce les « erreurs de diagnostic » de la mission Création
& Internet pour arriver à sa proposition controversée. Dans son document que Edition Multimédi@ a pu se procurrer, il estime que « la solution d’une gestion collective obligatoire pour le streaming et le téléchargement soulève de nombreuses difficultés tant d’un point de vue économique que juridique » (voir notre article juridique pages 8 et 9). Notamment, selon le syndicat des majors,« la gestion collective obligatoire ne permet pas une meilleure répartition des richesses entre acteurs du numérique », d’autant qu’elle est « par définition un système peu rémunérateur pour les ayants-
droit » (1). De plus, ce régime empêcherait le producteur de demander au service
en ligne des « avances et minimums garantis » permettant de couvrir ses risques. @

Blocage des sites Internet : la nécessaire intervention de l’autorité judiciaire

Il existe au moins un point commun entre les projets de loi « Sécurité intérieure » et « Jeux d’argent en ligne », c’est le blocage des sites web illégaux. Ce qui ne va pas sans soulever des problèmes, notamment de contournement, de surblocage ou encore d’insécurité juridique.

Par Christiane Féral-Schuhl (photo) , avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Frédéric Mitterrand est confiant en l’Hadopi…

En fait. Le 25 mars, Frédéric Mitterrand – ministre de la Culture et de la Communication depuis dix mois – était l’invité de l’Association des journalistes médias (AJM). Accompagné de son directeur adjoint de son cabinet Mathieu Gallet, il a répondu aux questions d’une trentaine de journalistes.

En clair. Sur la mise en place de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et
la protection des droits sur Internet (Hadopi), il a précisé que les derniers décrets d’application de la loi faisaient encore l’objet de « discussions interministérielles » (Industrie, Culture, Justice, …) et seront publiés « dans les semaines à venir ».
Les premiers décrets d’installation de la nouvelle autorité et de sa Commission de protection des droits ont été publiés entre décembre et mars, mais il reste celui précisant la procédure à suivre par l’Hadopi pour la sanction et la suspension de l’abonnement des internautes pirates. Quant à l’avis que la Commission nationale
de l’informatique et des libertés (Cnil) a rendu le 14 janvier dernier sur le décret “Traitement automatisé de données à caractère personnel” (voir EM@ 9 p. 3), il sera publié. « Il n’y aucun problème ; il le sera », a répondu Frédéric Mitterrand à Edition Multimédi@. Le ministre table toujours sur « l’envoi des premiers emails d’avertissement à la fin du printemps » et – à propos de « la première évaluation des effets de la loi Hadopi » par l’Université de Rennes – constate que si le piratage a augmenté depuis la loi (+ 3 %), « le recours à l’offre légale augmente aussi ». Reste quand même à se mettre d’accord avec les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui estiment à environ 100 millions d’euros le coût de la mise en oeuvre de la sanction (1). « Il y a encore des discussions avec Free sur la prise en charge des coûts », a indiqué Frédéric Mitterrand. A ses yeux, « le volet pédagogique » a plus d’importance que le volet répressif. Dans ce sens, il a réaffirmé que la “carte musique jeune” sera prête
pour la Fête de la musique, le 21 juin prochain. Au sein de son ministère, la DGMIC vient d’achever – le 24 mars – son appel d’offres en vue de mettre en oeuvre d’une plateforme Internet correspondante. Lors du Marché international de la musique et
de l’édition musicale (Midem) fin janvier, il avait indiqué que la carte à 50 euros serait payée pour moitié par les 15-24 ans, l’autre étant prise en charge par l’Etat et les industriels. Le ministre suit en outre avec attention les discussions de la filière musicale
– sous la houlette d’Emmanuel Hoog (EM@8 p 5) – sur la mise en place, avant la fin de l’année, d’un régime de gestion collective obligatoire des droits. @