Contenus : Orange devient « agrégateur intelligent »

En fait. Le 16 juin, Xavier Couture, directeur des contenus d’Orange, a esquissé devant l’Association des journalistes médias (AJM) quelques grandes lignes du plan stratégique que Stéphane Richard, patron de France Télécom, présentera
en interne le 1er juillet et le 5 juillet au médias.

En clair. France Télécom renonce à sa diversification dans la production de contenus pour se recentrer sur son métier d’« éditeur de réseaux » ou, comme aime à le dire son patron Stéphane Richard, d’« agrégateur intelligent » de contenus. Après avoir investi
203 millions d’euros (1) rien que dans les droits 2008-2012 de la Ligue 1 de football et après avoir lancé ses propres chaînes payantes (Orange Cinéma Séries et Orange Sport), France Télécom va désormais « privilégier les partenariats » dans la télévision,
la musique, les jeux vidéo et, même la presse (lire ci-dessous). Et vis-à-vis des acteurs du Web (Google, Microsoft, …) et des fabricants de terminaux interactifs (Apple, Samsung, …) « qui cherchent à utiliser [son] réseau », Xavier Couture indique qu’Orange doit « [se] positionner de manière claire (…) comme opérateur de réseau, dont l’intelligence a un coût ». Le directeur des contenus d’Orange cite par exemple
« Dailymotion qui y contribue à la marge ». Orange, qui investit environ 400 millions d’euros par an dans des contenus, tire un trait sur sa politique d’exclusivités très critiquée par la Justice, l’Autorité de la concurrence et le rapport Hagelsteen (lire EM@7 p. 8 et 9). « Remettre en cause nos exclusivités serait une très mauvaise nouvelle », avait pourtant prévenu Xavier Couture dans une interview accordée à Edition Multimédi@ (n°4). Aujourd’hui, il explique que ces exclusivités étaient une
« défense de la part d’Orange contre un Canal+ prédominant sur le marché de la télévision payante et présentant alors une menace sur le triple play ». Xavier Couture compte maintenant sur le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour obliger les distributeurs de contenus – chaînes thématiques, vidéo à la demande ou encore télévision de rattrapage – à les proposer (« must offer ») aux autres opérateurs de réseaux (2).
Ainsi, Orange pourrait distribuer à ses abonnés des chaînes payantes comme celle de la Ligue de football envisagée par son président Frédéric Thiriez. A l’inverse, France Télécom serait tenu d’accepter que des Free, SFR et autres Numericable redistribuent ses propres chaînes. Reste à savoir ce qu’il adviendra d’Orange dans le cinéma français, audelà des « 80 millions d’euros minimum » de pré-achats de films qu’Orange Cinéma Séries s’est engagé à investir jusqu’en 2012.
Quant à la filiale de coproduction de films Studio 37, elle devrait se limiter l’innovation cinématographique comme la 3D. @

Droits d’auteur : vote du rapport Gallo reporté…

En fait. Le 1er juin, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen
a adopté le rapport de la Commission européenne sur le « Renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur »,
établi par l’eurodéputée Marielle Gallo (UMP, PPE).

En clair. Le débat sur la propriété intellectuelle à l’heure du numérique ne fait que commencer. Le rapport de Marielle Gallo sur le « renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle » doit encore faire l’objet d’un vote en assemblée plénière au Parlement européen. Cela aurait dû se faire le 15 juin à Strasbourg mais, selon nos informations, le groupe d’opposition (socialistes et verts) a obtenu le report du vote au 6 ou 7 juillet. Entre temps, le 1er juillet, une conférence des présidents doit dit si ce rapport est « stratégique » (amendements possibles seulement) ou pas (rapport alternatif possible). Pour l’heure, le scrutin de la Commission des Affaires juridiques du 1er juin lui a été favorable : 15 pour, 8 contre et aucune abstention. Partant du constat que « des lacunes persistent en en ce qui concerne la lutte contre
le piratage sur Internet », ce rapport parlementaire prône « une législation européenne adéquate sur les mesures pénales » et soutient « une coopération stratégique et opérationnelle étroite entre toutes les parties intéressées au sein de l’Union européenne, en particulier Europol (1) (…) ».

La musique en ligne sera-t-elle à la Fête le 21 juin ?

En fait. Le 1er juin, David El Sayegh, DG du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), indique à Edition Multimédi@ qu’il est favorable à un syndicat des sites de musique en ligne. Et réaffirme par ailleurs qu’il est opposé
à la gestion collective obligatoire des droits musicaux sur Internet.

En clair. L’industrie de la musique sera-t-elle à la fête, à l’occasion de la 29e édition de la Fête de la musique, le 21 juin prochain ? Non seulement les jeunes devrait être fixée sur la création de la carte musique qui leur sera dédiée, mais aussi les professionnels de la filière musicale devraient avoir un nouveau syndicat dédié aux plateformes de musique en ligne. Et ce, en plein brain storming autour du projet de gestion collective obligatoire des droits musicaux sur Internet. C’est à l’initiative de Jonathan Benassaya, PDG fondateur de Deezer, qu’une organisation syndicale regroupant les sites web de musique en ligne présents en France doit être créée : SFR, Orange, Starzik, Fnac, MusicMe, Jiwa ou encore VirginMega sont parmi la douzaine de membres déjà pressentis depuis quelques semaines. Le Snep, qui réunit les majors du disque, s’interroge sur cette initiative. « Nous sommes favorables à la création de ce syndicat sous réserve qu’il soit représentatif. S’il s’agit d’une structure qui ne regroupe que des acteurs franco-français, un véritable problème de représentativité se pose car la problématique des plateformes est avant tout internationale. D’ailleurs, nous avons toujours précisé que l’un des principaux écueils de la gestion collective obligatoire était de proposer une solution exclusivement française à une problématique internationale. De nombreuses plateformes, comme iTunes ou Dailymotion, partagent notre point de vue », nous explique David El Sayegh, directeur général du Snep. Quelle légitimité sans iTunes Music Store, Spotify ou AmazonMP3 ? Quoi qu’il en soit, il s’agirait d’une association loi 1901. Et sa création devait être concrétisée ces jours-ci, afin de participer aux différentes tables rondes thématiques (accès catalogues, exclusivités, minimums garantis ou avances aux producteurs, etc…) qu’organise fin juin la mission Hoog (1) autour de la gestion collective. Quant à la « carte musique jeune », autre idée du rapport Zelnik (lire EM@5 p. 1 et 2), elle devrait être officialisée par le ministre de la Culture et de la Communication à l’occasion de la Fête de la Musique. Mais, depuis les arbitrages rendus le 18 mai, sa disponibilité a été reportée à septembre prochain au moment où la riposte graduée battra son plein (lire page 7) – le temps de parfaire son financement et d’avoir l’aval de la Commission européenne pour l’aide d’état de 25 millions d’euros (2). @

L’Europe numérique et les industries culturelles

En fait. Le 19 mai, la Commission européenne a publié son « plan d’action » quinquennal pour une « stratégie numérique ». Les deux premières mesures qui arrivent en tête consistent à créer un « marché unique numérique » et à élaborer une « directive-cadre sur la gestion collective des droits [d’auteur] ».

En clair. Après deux consultations publiques sur les « contenus créatifs en ligne »,
l’une en 2006 et l’autre en 2010 (EM@ 1 p. 4), la Commission européenne vient d’arrêter sa « stratégie numérique » d’ici à 2015, voire 2020. Les industries culturelles
– musique, cinéma et autres œuvres (1) – se retrouvent en première ligne de ce que la commissaire européenne Neelie Kroes en charge de la Stratégie numérique appelle
« la révolution numérique ». Ainsi le premier des « sept obstacles les plus importants » identifiés par l’exécutif européen concerne le « cloisonnement des marchés
numériques » – provoqué par une « mosaïque de marchés en ligne nationaux ».
Le second a trait au « manque d’interopérabilité » à cause de « défaillances en matière de normalisation » et du manque de « plateformes ouvertes ». L’industrie de la musique est la première à être épinglée par Bruxelles : « Autant les consommateurs peuvent acheter des CD dans n’importe quelle boutique, autant il leur est souvent impossible d’acheter de la musique sur des plateformes en ligne à travers l’Union européenne parce que les droits sont accordés sur une base nationale ». Résultat : « Il y a quatre fois plus de téléchargements de musique aux Etats-Unis qu’en Europe qui pâtit du manque d’offres légales et du cloisonnement des marchés ». La filière musicale fait figure de « bête noire » depuis cinq ans aux yeux de Neelie Kroes, qui était auparavant commissaire en charge de la Concurrence (2).
Le secteur audiovisuel est lui aussi dans le collimateur et fera l’objet, cette année, d’un
« livre vert » sur notamment « les problèmes posés par la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles ». Concernant le cinéma, une « recommandation sur la promotion de la numérisation du cinéma européen » (et « autres contenus créatifs ») sera publiée
« d’ici à 2011 ». En conséquence, la première « action clé » de la Stratégie numérique
de l’Europe est de « simplifier l’acquittement et la gestion des droits d’auteur et l’octroi de licences transnationales », à commencer par « renforcer le régime et la transparence de la gestion des droits (en ligne) et l’octroi de licences paneuropéennes en proposant une directivecadre sur la gestion collective des droits d’ici à 2010 ». Et d’ici à 2012, Neelie Kroes proposera des mesures pour « la libération du potentiel des industries de la culture et de la création » qui font l’objet d’une consultation jusqu’au 30 juillet 2010. @

Licence globale : les députés vont-ils re-débattre ?

En fait. Le 29 avril, le député Michel Zumkeller a déposé à l’Assemblée nationale
une proposition de loi pour « la création d’une licence globale à palier, visant à financer les droits d’auteurs dans le cadre d’échanges de contenus audiovisuels sur Internet ». Montant moyen pour l’internaute : 5 euros par mois.

En clair. La licence globale n’est pas morte ; elle bouge encore. Bien qu’elle ait été écartée – un peu trop vite ? – par le rapport Zelnik, et après avoir été rejetée par les députés en mars 2009 lors des débats sur la loi « Création & Internet », l’idée d’une somme forfaitaire versée par les internautes ou par leurs fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au profit des ayants droits perdure. Il y avait la « contribution compensatoire » proposée en décembre par la Sacem et l’Adami, ainsi que la
« contribution créative » de Jacques Attali, ou encore la « licence musique » de l’exprésident de la Sacem (1) (*) (**). Voici le retour de la licence globale.
Le député Michel Zumkeller, qui s’est opposé à la loi Hadopi considérée par lui
comme « une erreur », espère que sa proposition de loi pour une « licence globale
à palier » ne sera pas enterrée par la commission de l’Assemblée nationale chargée des Affaires culturelles et de l’éducation. « Le montant moyen de la licence devra s’établir aux environ de 5 euros par mois et par abonné, afin d’établir une véritable correspondance économique avec l’impact de légalisation du téléchargement », explique le député UMP du Territoire-de-Belfort et comptable de profession. Il entend ainsi ajouter un article dans le code de la propriété intellectuelle stipulant qu’« une licence globale à palier est versée par les titulaires d’un accès Internet » et que « le montant de cette cotisation, perçue par les [FAI], varie par palier de 0 euro mensuel pour une personne ne téléchargeant pas, à un montant de 10 euros pour une personne téléchargeant beaucoup ». Mais l’initiative ne fait pas l’unanimité. « Je ne soutiens pas en tant que telle, la proposition de loi de Michel Zumkeller, car je pense qu’il n’y a pas besoin de légiférer dans un premier temps. Le marché déterminera s’il faut que ce soit une licence globale à palier, globale forfaitaire ou une offre d’achat à l’unité, ou une palette d’offre à des prix différents selon les usages », répond la députée Laure de La Raudière à Edition Multimédi@. Alors que la Commission pour la libération de la croissance a été relancée en février dernier, son président Jacques Attali réactivera-t-il la « décision 57 » de son premier rapport de 2008 : « Faire verser une contribution aux FAI » ? A suivre. @