e-G8 et e-Europe : Internet devient une affaire d’Etats

En fait. Les 24 et 25 mai, la France a organisé à Paris – la veille du G8 à Deauville
– le forum « e-G8 » consacré à Internet – pour lequel Nicolas Sarkozy veut
« des règles du droit » et « de la morale ». La Commission européenne, elle,
a lancé le 24 mai sa stratégie sur les droits d’auteur à l’heure du Net.

En clair. Quarante ans après l’invention d’Internet, selon une gouvernance sans but lucratif ni emprise des Etats, les huit pays les plus riches de la planète (1) réunis au sein du G8 et les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne – « associée » à ce G8 – lancent une OPA (hostile ?) sur le Net. Deux Français se sont fait les porte-parole de cette volonté politique de reprise en main du réseau des réseaux. L’un, Nicolas Sarkozy, président de la République française, est l’initiateur du e-G8 au cours duquel
il a mis en garde les Eric Schmidt (Google), Mark Zuckerberg (Facebook) et autres Jeffrey Bezos (Amazon) : « Il s’agissait aussi pour les États (…) de signifier que l’univers que vous représentez n’est pas un univers parallèle, affranchi des règles du droit, affranchi de la morale. (…) Ne laissez pas la révolution que vous avez lancée véhiculer le mal, sans entrave ni retenue (…) Personne ne doit pouvoir être impunément exproprié (…) de sa propriété intellectuelle ». L’autre, Michel Barnier, commissaire européen chargé du Marché intérieur, est l’initiateur de la proposition communautaire en matière de droits de propriété intellectuelle DPI) sur Internet : aux 320 millions d’internautes des Vingt-sept, il explique qu’« il est essentiel d’assurer le niveau approprié de protection des DPI dans le marché unique ». Si le premier, Nicolas Sarkozy, est à l’origine de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) créée en 2009, le second, Michel Barnier, est le maître d’oeuvre de l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage – créé en 2009 également (EM@ 35, p. 3) – qui est « renforcé » et rattaché à l’OHMI (2).
Le chef de l’Etat français est de son côté l’artisan de la « réponse graduée », qui conjugue « radars » sur le Net et développement de l’offre légale en ligne. Le membre de la Commission européenne va pour sa part proposer au printemps 2012 une révision de la directive sur le respect des DPI – avec notamment la « coopération » anti-piratage des FAI (lire p. 8 et 9) – après une consultation publique au second semestre 2011 sur la distribution en lignes des œuvres audiovisuelles. Pour l’un, il s’agit de « civiliser Internet » (EM@ 34, p. 5). Pour l’autre, il est question d’« établir un juste équilibre ». @

Comment le droit d’auteur se met en ordre de bataille

En fait. Le 16 mars, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) – qui regroupe les « Sacem » dans le monde – a interrogé Francis Gurry, DG de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi) en prévision du Sommet mondial du droit d’auteur début juin.

En clair. Le Sommet mondial du droit d’auteur, qui est organisé tous les deux ans par
la Cisac et dont la troisième édition se tiendra à Bruxelles les 7 et 8 juin prochains, sera décisif pour les industries culturelles – musique en tête – dans leur quête de « création
de valeur dans l’économie numérique » (slogan de l’événement). Pour cela, elles doivent s’organiser au niveau international comme l’explique Francis Gurry, DG de l’Ompi, qui interviendra pour la première fois au Copyright Summit. « Dans un monde en réseau,dans lequel les œuvres de l’esprit ne connaissent pas de frontières, l’absence de système mondial cohérent hypothèque sérieusement le financement de
la culture à l’avenir », met-il en garde. C’est une critique à peine voilée des systèmes
de gestion collective des droits d’auteur nationaux, qui sont de véritables patchworks faisant obstacles – selon la Commission européenne – au développement de l’offre légale de catalogues d’œuvres sur Internet. D’autant que le commissaire européen Michel Barnier, en charge du Marché interne et des services, a prévu dès cette année une « loi européenne sur la gestion collective », afin d’éviter « le morcellement des droits entre auteurs, éditeurs, artistes, producteurs » et « la difficulté d’obtenir des licences sur mesure [qui] entrave le développement de nouveaux services en ligne » (1). Résultat : « De grands sites de vente de musique en ligne ne sont accessibles que sur certains territoires de l’Union », a-t-il déploré. Le patron de l’Ompi est sur la même longueur d’onde : « D’où la nécessité d’un système mondial, permettant un accès rapide et efficient à un répertoire très étendu d’œuvres de l’esprit à un prix compétitif », a expliqué Francis Gurry au Cisac. Rappelons que la Cisac a eu maille à partir avec l’exécutif européen depuis sa condamnation en 2008 pour entente illicite (2) par Neelie Kroes, alors en charge de la Concurrence – elle est maintenant à l’Agenda numérique. Michel Barnier a, en outre, prévu de dévoiler ce printemps un «Plan d’action de lutte contre la contrefaçon et le piratage » en s’appuyant notamment sur l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, créé il a maintenant deux ans (avril 2009)
et remis au goût du jour par le rapport Gallo (3) (*) (**) (***). Et, selon nos informations, c’est en avril que la Commission européenne a prévu d’adopter la proposition de ratification de l’accord commercial anticontrefaçon – Anti-Counterfeiting Trade Agreement (ACTA) – signé le 15 novembre dernier par onze pays (4). @

Le Geste veut être le fédérateur des éditeurs de services de musique en ligne

Le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) se pose en rassembleur des plateformes de musique en ligne. Edition Multimédi@ révèle les propositions qu’il a formulées à la mission Hoog pour une gestion collective des droits musicaux sur Internet.

Depuis que le projet de syndicat des plateformes de musique sur Internet – initié par le cofondateur de Deezer, Jonathan Benassaya – a été abandonné, le Geste (1) entend plus que jamais fédérer les éditeurs de musique en ligne. Via sa commission « Musique en ligne », il a représenté plusieurs d’entre eux auprès de la mission Hoog chargée de mettre en place, en France, la gestion collective des droits musicaux pour les services de musique en ligne. Dans un document de 33 pages (que Edition Multimédi@ s’est procuré) cosigné le 25 octobre par huit acteurs – Orange, Deezer (détenu à 11 % par France Télécom), Beezik, Starzik, VirginMega, NRJ et le Syrol (2) –, le Geste a fait ses propositions.

Pas de film français sur YouTube et Dailymotion ?

En fait. Le 29 novembre, Edition Multimédi@ a voulu savoir auprès de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), l’une des quatre signataires
de l’accord annoncé le 25 novembre avec YouTube, et de l’Association des producteurs de cinéma (APC) si les films de cinéma français étaient concernés.

En clair. C’est le flou artistique ! « Accord avec Google pour diffuser du cinéma français sur YouTube », titrait Reuters le jour de l’annonce de l’accord entre le site avec trois sociétés de gestion collective de droits d’auteurs : SACD, Scam (1) et ADAGP (2),
soit moins de deux mois après avoir signé avec la Sacem (3). YouTube et Dailymotion peuvent-ils pour autant diffuser des films du cinéma français ? Doivent-ils se limiter
à la mise en ligne de vidéos musicales ou de productions audiovisuelles, voire des animations vidéo ? « Je ne vois pas en quoi les sociétés d’auteurs peuvent autoriser la diffusion des œuvres de cinéma sur des plateformes vidéo comme YouTube sans les producteurs, lesquels sont les seuls habilités à négocier les droits de diffusion de leurs films », nous explique Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour lui, ces accords ne permettent pas la mise à disposition de films français sur YouTube. Les accords passés par les sites web de partage vidéo avec les sociétés d’auteurs n’engagent donc pas les producteurs de cinéma français, d’autant qu’il n’y a pas de gestion collective des droits dans le Septième Art, contrairement à la filière musicale
où il y a gestion collective et minima garantis.
Pour le directeur général de la SACD, Pascal Rogard, « les œuvres cinématographiques font partie [de notre] répertoire ». Et de citer l’exemple de « Valse avec Bachir », un film d’animation documentaire, que YouTube et Dailymotion ont retransmis dans le cadre de leur accord avec la chaîne Arte et son service Arte+7
de catch up TV. « Bien entendu, l’accord ne couvre que les œuvres licitement mises
en ligne par les détenteurs de droit. Et c’est pour cela que les sites communautaires négocient avec des sociétés [de production de films] comme EuropaCorp », poursuit Pascal Rogard,. YouTube négocie toujours avec le groupe de Luc Besson, dont il a
déjà diffusé le film documentaire « Home » en 2009. Contacté par Edition Multimédi@, Anthony Zameczowski, directeur partenariats YouTube France et Europe de l’Est (4) explique être « en discussion avec tous les producteurs et diffuseurs de fiction française, dont certains ont déjà des chaînes sur YouTube, comme Lagardère Active, Arte, EuropaCorp, Universal Pictures ou encore Gaumont ». Comme pour Disney, il s’agit d’aller au-delà des bandes annonce. Reste que ni les plateformes Internet ni les sociétés d’auteurs n’ont pris la peine d’informer les organisations du cinéma français (Bloc, APC, UPFI, …) de leurs accords. @

Musique en ligne : l’Adami prône l’obligation de gestion collective des droits

La mission de médiation sur la gestion collective des droits pour la musique
sur Internet s’est réunie pour la seconde fois le 14 octobre. La Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) plaide
pour le caractère obligatoire .

« Nous disons non à la gestion collective sur la base du volontariat », a insisté Bruno Boutleux, directeur général de l’Adami, lors d’une séance de travail le 8 octobre. Il réaffirme ainsi le caractère « obligatoire » de la gestion collective des droits musicaux pour le Net. Ce dispositif, qui doit permettre de faciliter l’accès des plateformes de téléchargement de musique en ligne aux catalogues des producteurs, doit faire l’objet d’ici à la fin de l’année d’un accord. « Faute de le faire, la négociation des droits relèverait par la loi de la gestion collective obligatoire », avait prévenu Nicolas Sarkozy, le 7 janvier. Est-ce à dire que l’Adami aurait tout intérêt à voir la concertation s’enliser
à l’issue de la troisième et dernière réunion prévue le 28 octobre prochain ? « Cela n’a jamais été notre attitude que de faire échec à la mission Hoog. Nous faisons des propositions raisonnables et constructives, tout en essayant de briser des tabous », explique Bruno Boutleux. L’Adami n’est pas seule, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). ou UFCQue Choisir étant aussi favorable à la gestion collective.