Les priorités 2019 du nouveau président du CSPLA

En fait. Le 21 janvier prochain se réunira le prochain « trilogue » de négociation sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique ». Pendant ce temps-là, le nouveau président du CSPLA, Olivier Japiot, a fixé les priorités de son mandat de trois ans.

Droit d’auteur : pourquoi la SACD n’a pas cosigné le communiqué à charge contre Google et YouTube

Le communiqué du 4 décembre 2018, cosigné par une trentaine d’organisations et d’entreprises françaises, ne fait pas l’unanimité dans le monde des industries culturelles car il semble fait l’impasse sur la rémunération supplémentaire des auteurs d’œuvres mis en ligne. La SACD ne le cautionne pas.

Edition Multimédi@ a demandé à Pascal Rogard (photo), directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), laquelle compte plus 50.000 auteurs membres, pourquoi celle-ci n’avait pas été cosignataire le
4 décembre du communiqué commun de 33 organisations, syndicats et entreprises françaises accusant Google et sa filiale YouTube de «campagne de désinformation massive (…) en abusant de leur position dominante » dans le cadre du projet de directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Droit d’auteur exclusif ou inaliénable ?
« Parce qu’il [le communiqué du 4 décembre, ndlr] ignore la position du gouvernement défendant globalement les articles 11, 13 et ‘-14’ de la directive pour ne se concentrer que sur l’article 13. Au surplus, nous n’avons pas de problèmes avec YouTube, même si leur campagne de presse ne nous a pas plue », nous a répondu celui qui dirige depuis 2004 l’influente SACD, société de gestion collective des droits très présente dans l’audiovisuel, le cinéma et le spectacle vivant. A y regarder de plus près, le contenu de ce communiqué – intitulé « L’Europe doit résister au chantage de Google
et YouTube » (1) – parle seulement de « rééquilibrer un partage de la valeur aujourd’hui inégalitaire entre les plateformes et les industries de la culture et des médias ».
Ce que prévoit bien pour la presse l’article 11 (rémunération juste et proportionnée des publications par les plateformes numérique en guise de « droit voisin ») et l’article 13 (contrats de licence justes et appropriés avec les ayants droits dans la musique, le cinéma, l’audiovisuel, etc.). En revanche, l’article « -14 » pour les auteurs (rémunération juste et proportionnée des auteurs, interprètes et exécutants) n’est pas évoqué dans le communiqué collectif du 4 décembre. Alors que, pourtant, la déclaration commune est signée par de nombreuses sociétés d’auteurs telles que la Société française de collecte des droits d’auteurs (Sacem), la Société civile des auteurs multimédias (Scam), l’Union nationale des auteurs et compositeurs (Unac), la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques (ADAGP), la Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe (Saif), la Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (Sofia), ou encore la Société des gens de lettres (SGDL). La SACD, qui a d’ailleurs conclu il y a huit ans avec YouTube et plus récemment avec Netflix des accords pour rémunérer les auteurs quand leurs œuvres sont diffusées en ligne, manque donc à l’appel du côté des auteurs (2). Mais ce n’est pas la seule société de gestion collective des droits d’auteur
à ne pas avoir signé le 4 décembre la charge contre Google et YouTube. N’y figurent pas non plus l’Adami (Administration des droits des artistes et musiciens interprètes), qui gère les droits de 73.000 membres, ainsi que la Spedidam (Société de gestion des droits des artistes interprètes), qui, elle, reverse à 110.000 sociétaires. L’Adami est membre de l’organisation européenne AEPO-Artis (3), laquelle regroupe 36 organismes de gestion collective. Et cette dernière est elle-même membre de la coalition des artistes-interprètes européens « Fair Internet for Performers », qui milite pour une juste rémunération des artistes pour l’exploitation en ligne de leurs prestations (4). Les producteurs et éditeurs (musique, films, livres, …) ne veulent pas, eux, entendre parler de rémunération proportionnelle, ni de gestion collective si elle n’est pas obligatoire, estimant avoir un droit exclusif de la propriété intellectuelle sur l’oeuvre dès lors qu’ils ont un contrat avec l’auteur (réalisateur, scénariste, musicien, créateur, …), lequel est
le plus souvent un forfait (buy out).
Des sociétés d’auteurs comme la SACD, l’Adami, la Spedidam, mais aussi la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac), leur opposent le « droit inaliénable » de l’auteur. Pas étonnant que le communiqué du 4 décembre tirant à boulets rouge sur la firme de Mountain View soit cosigné aussi par : (pour les producteurs de musiques) la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), le bras « droit d’auteur » du Snep, également cosignataire, la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF), le pendant « droit d’auteur » de l’UPFI, cosignataire aussi ; (pour les producteurs audiovisuels et cinématographiques) la Procerep, l’UPC, le SPI, l’API, l’USPA et le SPFA : (pour les chaînes) France Télévisions, Canal+, M6 et TF1 ; pour les éditeurs) le Syndicat national de l’édition (SNE).

Le « droit voisin » médiatique
Concernant le projet de droit voisin pour la presse (article 11 de la directive), sont cosignataires l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), la Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS), le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), et le CFC (5), sans parler du Syndicat national des journalistes (SNJ). @

Charles de Laubier

Fabrice Fries, PDG de l’AFP : « Trouver un équilibre entre notre visibilité sur Internet et nos clients »

A la tête de l’AFP depuis huit mois, Fabrice Fries a répondu le 3 décembre aux questions de l’Association des journalistes médias (AJM) – notamment sur la prolifération des dépêches à travers les sites web et blogs, ainsi que sur le « droit voisin » réclamé par la presse face à Google, Facebook et autres agrégateurs d’actualités.

Si les dépêches de l’AFP se retrouvent reprises par une multitude de sites de presse en ligne et des blogs d’information, qui les mettent en libre accès sur Internet et les mobiles, à quoi bon pour les médias de s’abonner aux « fils » de l’AFP ? C’est l’une des toutes premières questions posées par l’Association des journalistes médias (AJM) à Fabrice Fries (photo), président-directeur général de l’Agence France-Presse depuis le 15 avril 2018. « Vous pointez le doigt sur un vrai sujet. La vraie question est un problème d’équilibre à trouver entre un minimum de visibilité sur les sites (web) et la génération du chiffre d’affaires que l’on fait avec nos clients », a-t-il répondu. Cette surabondance en ligne de dépêches d’agences de presse telles que celles de l’AFP, mais aussi de Reuters, d’Associated Press (AP) ou encore de Bloomberg, ne date pas d’hier mais elle n’a jamais été aussi visible depuis que la presse sur Internet (1) est apparue avant les années 2000, accompagnée d’une multiplication de sites web et de blogs d’information. Cette prolifération de dépêches – plus ou moins « bétonnées » (2) – aboutit à un effet « moutonnier » des médias en ligne, avec pour conséquence une uniformisation de l’information. Cela tend à décrédibiliser au passage le journalisme et la presse aux yeux du grand public, les internautes et les mobinautes se retrouvant à lire les mêmes dépêches d’un titre à l’autre, ou ayant une impression de déjà lu…

L’AFP face au « copié-collé » de ses dépêches sur le Net
Ce « copié-collé » médiatique a d’ailleurs été démontré par une étude publiée en mars 2017 par l’Institut national de l’audiovisuel (INA) et intitulée « L’information à tout prix » (3). Ses auteurs ont décrit l’ampleur du phénomène et les liens de cause à effet : « Sur l’actualité chaude, (…), nous avons montré que deux-tiers du contenu était en fait du copié-collé, ce qui vient, d’une part, d’une utilisation très forte des dépêches d’agences, que ce soit l’AFP mais aussi Reuters ou AP. D’autre part, cela est lié au fait qu’on a malheureusement des rédactions qui ont pas mal réduit la voilure ». Résultat : « 64 % de ce qui est publié en ligne est du copié-collé pur et simple » !

Anti-piratage : l’AFP surveille Web et TV
L’AFP se retrouve face à un sérieux dilemme, d’autant que, une fois les dépêches publiées en ligne par de nombreux éditeurs de sites web, de blogs ou d’applications mobiles (abonnés ou pas à l’AFP d’ailleurs), ces mêmes dépêches accessibles gratuitement sur Internet peuvent être reprises et partagées en l’état par les internautes et mobinautes. Quelque peu embarrassé par le problème soulevé par l’AJM, Fabrice Fries a indiqué que cela rejoignait la question de la lutte contre le piratage de photos ou de vidéos produites par l’agence de presse, laissant répondre sur ce point Marie-Noëlle Vallès, nommée directrice de la marque et de la communication de l’AFP en novembre dernier : « Nous-mêmes, nous mettons en ligne et sur les réseaux sociaux une sélection de dépêches. C’est en effet un outil de visibilité et un enjeu d’attractivité de
la marque. Sur le texte, la lutte contre le piratage est très compliquée. Pour l’image (photos et vidéos), nous avons en revanche un outil technologique très élaboré de
lutte contre le piratage », explique-t-elle, également en charge du développement commercial de la vidéo au sein de la direction commerciale et marketing de l’AFP –
où elle est entrée il y aura 30 ans en 2019.
Selon nos informations, l’Agence France-Presse a confié il y a plus de deux ans à PicRights la gestion du respect des droits d’auteur des images qu’elle produit (3.000 photos et 75 infographies par jour). Cette société suisse basée à Zürich scanne les sites web à la recherche d’images AFP par similarité. Près de 400 millions de scans sont ainsi opérés chaque année pour l’AFP, dans une douzaine de pays pour l’instant (Europe, Amérique du Nord/Canada, Moyen-Orient et récemment Brésil). PicRights s’occupe non seulement de l’identification des photos présumées piratées, mais aussi de la collecte des sommes à payer auprès des éditeurs de sites web « en faute » pour rémunérer les ayants droit des images utilisées sans autorisation. Pour la vidéo, cette fois, l’AFP – dont la production est actuellement de 250 vidéos par jour – fait appel depuis plus de dix ans à Teletrax. Cette société britannique (basée à Londres et filiale de Medialink) scrute pas moins de 2.100 chaînes de télévision dans plus de 76 pays, afin de détecter très précisément les vidéos de l’AFP dans les programmes télévisés grâce à la technologie d’empreinte numérique développée par Civolution (4). Quant aux dépêches AFP, elles sont plus délicates à protéger dans la mesure où elles pullulent sur Internet au rythme des 5.000 produite chaque jour. Toujours selon nos informations, l’agence de la place de la Bourse a confié à la MatchHamster le pistage de ses textes sur le Web. Cette société néerlandaise (basée à Amsterdam) scanne tous les sites web (du moins ceux indexés par Google) pour calculer le pourcentage de similarité des pages « texte » des sites web avec les dépêches. « Normalement, nous concédons des droits de licence [avec un droit de reprise d’un certain nombre de dépêches par mois, ndlr] mais nous ne donnons pas le droit à nos clients de mettre tous nos contenus sur les plateformes (en ligne). C’est pour cela que nous pensons être légitimes à bénéficier du droit voisin », a expliqué le patron de l’AFP devant l’AJM. Faisant l’objet d’un âpre débat dans le cadre du projet de directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique (5), ce droit voisin a pour but de faire payer les Google News, Yahoo News et tous les agrégateurs d’actualité. C’est, selon Fabrice Fries,
« d’abord une question de principe avant d’être un enjeu de business ». L’AFP recours au cabinet de lobbying GPlus (groupe Omnicom) à Bruxelles. Il s’agit de faire reconnaître « la valeur de l’information en ligne, de qualité et honnête, qui a un prix », même sous la forme de snippets, ces courts extraits associés aux hyperliens. « Pour que l’on puisse suivre si rémunération il y a, il faudra que l’on ait des outils d’anti-piratage et de tracking », envisage-t-il. Le nouveau PDG, dont mandat de cinq ans court jusqu’au 15 avril 2023, compte-t-il donner encore plus de visibilité à l’agence sur Internet en sélectionnant encore plus de contenus (dépêches, photos et vidéos), comme peuvent le faire ses concurrents mondiaux Reuters, AP ou Bloomberg, et comme l’avait envisagé son prédécesseur Emmanuel Hoog avant d’y renoncer sous la pression des clients « presse » historiques de l’AFP ? « Ce n’est pas dans les dossiers que j’ais en ce moment. Pour moi, ce n’est pas d’actualité. On a déjà fait beaucoup ; l’AFP est déjà très présente (en ligne). Et cela rejoint la question de savoir ce que l’on retrouve sur Internet et quel est l’impact », a répondu Fabrice Fries. Bien que Emmanuel Hoog ait dû réfréner ses ambitions initiales de « sortir d’un système strict où les agences vendent des contenus aux journaux, qui les vendent au grand public » (6), jamais l’AFP ne s’est autant déployée sur Internet : site AFP.com, compte Facebook, chaîne YouTube, @AFP sur Twitter, AFPphoto, AFPsport et AFPentertainment sur Instagram, Making-of.afp.com, le site data EDNH.news européen, …

Internet et mobile : présence ambiguë
« Nous pourrions arriver sur Instant Articles [le fil d’actualité de Facebook, ndlr],
en tant qu’AFP. C’est en tout cas une possibilité que l’on étudie », avait même avancé Emmanuel Hoog devant l’AJM, le 5 avril 2017, ayant conscience de marcher sur des oeufs : « Quand je dis que l’AFP doit être présente sur Internet, cela a toujours été mal compris » (7). L’ambiguïté perdure. @

Charles de Laubier

La blockchain taraude plus que jamais les industries culturelles, les médias et la publicité

Les blocs de chaînes, réseaux de tiers de confiances décentralisés fonctionnant en mode peer-to-peer, pourraient révolutionner la musique, le cinéma, le livre, les médias, la publicité ou encore les jeux vidéo. En France, la réflexion s’intensifie. Miroir aux alouettes ou véritable nouvel écosystème ?

Blockchain rime désormais avec brainstorming. Il ne se passe plus une semaine sans que des colloques, des conférences, des salons ou des annonces ne convoquent la blockchain dans les sujets d’actualité. Par exemple, le 27 novembre prochain, le Groupement des éditeurs de services en ligne (Geste) – qui compte 119 membres issus des médias et des acteurs du Net, parmi lesquels Edition Multimédia@ – se penche sur des cas d’utilisation de la blockchain.

L’exemple du Groupe Sud Ouest (GSO)
Le Geste, présidé depuis juin 2017 par Bertrand Gié (directeur des nouveaux médias du groupe Le Figaro, où il a été promu il y a plus de six mois directeur délégué du pôle News (1)), réunira ce jour-là les participants professionnels, venus de divers horizons, dans les locaux de Deezer France. Ils vont tenter d’y voir plus clair dans les usages
qui peuvent être faits des chaînes de blocs et sur l’impact possible sur… la chaîne de valeur des secteurs concernés. Et ce, après une présentation en avant-première d’une étude intitulée « La blockchain : solution miracle pour les industries culturelles ? », que NPA Conseil prévoit de commercialiser à partir de décembre. « Tous les métiers sont concernés : créateurs de contenus, médias, sociétés de gestion de droits, régies publicitaires, annonceurs, agences média, pouvoirs publics… Des créateurs aux annonceurs, se fait entendre un besoin de simplification et de confiance restaurée.
La blockchain est-elle le moyen idéal de répondre à ces attentes des industries culturelles ? », s’interroge le cabinet de conseil dirigé par Philippe Bailly.
Autrement dit, les blocs de chaîne peuvent-ils être une solution technologique et économique aux bouleversements numériques qui « ont complexifié les process, les chaînes de valeur et engendré un émiettement des revenus issus de la gestion des droits, de propriété intellectuelle et d’exploitation des œuvres d’une part, de monétisation publicitaire des contenus de l’autre » ? En attendant cette étude, qui analysera aussi les développements internationaux (Amérique du Nord et Europe),
la table-ronde du Geste fera état de cas concrets. Un des use cases sera celui de l’intégration de la blockchain dans les médias avec l’exemple du Groupe Sud Ouest (GSO). Le deuxième plus grand éditeur français de quotidiens régionaux (derrière Ouest-France), présidé par Olivier Gerolami (photo), s’est lancé au printemps dernier dans la blockchain avec une start-up, Inblocks, qu’il finance via son fonds d’accélération Théophraste. Créée en 2017, cette société bordelaise se revendique comme étant
« la première plateforme française de ‘preuve d’existence d’actif’ dans la blockchain » et édite une plateforme en mode SaaS (Software as a Service) permettant la création
et mise en place de blockchains dédiées pour le compte de ses clients. Avec son aide, l’éditeur de Sud-Ouest, de Charente Libre ou encore de Dordogne Libre a mis en oeuvre une première application qui pourrait intéresser non seulement les médias mais aussi toutes les industries culturelles en ligne tenues d’apporter la preuve du consentement de leurs utilisateurs à accepter des cookies, conformément au règlement européen sur la protection des données (RGPD) en vigueur depuis le 25 mai 2018. Avant de déposer dans les terminaux (ordinateurs, smartphones, téléviseurs, …) de tels petits fichiers que d’aucuns considèrent comme des mouchards électroniques, tous les éditeurs de médias et de sites web doivent obligatoirement demander le consentement préalable des internautes et/ou des mobinautes, lesquels peuvent refuser d’être ainsi tracés et géolocalisés à des fins d’usages ou de publicités (lire p. 8 et 9). « Engagé dans une politique de transparence vis-à-vis de ses lecteurs et de ses annonceurs,
le groupe Sud Ouest va stocker les consentements de ses utilisateurs dans une blockchain privée développée par Inblocks dans laquelle il sera le seul à pouvoir
écrire », explique l’éditeur de presse régionale qui considère cette démarche comme un gage de confiance qu’il se devait de donner à ses clients lecteurs et ses annonceurs.

Blockchain versus « opacité » de la pub
« Cela s’appelle le Proof of Consent dans le langage “blockchain”. Immutable, infalsifiable, la preuve de l’historique du consentement pourra être consultée par l’utilisateur. Elle aura une empreinte publique, gage de sa véracité. Elle pourra également servir de preuve auprès du régulateur ». GSA a déjà investi dans une plateforme dite DMP (Data Management Platform), en partenariat avec Google (Analytics), tout en étant actionnaire de l’alliance publicitaire Gravity (2). De la blockchain dans les médias et la publicité, il en a aussi été question lors du colloque NPA-Le Figaro, organisé par le cabinet de conseil le 11 octobre dernier. Jean Luc Chetrit, directeur général de l’Union des annonceurs (UDA) depuis un an, a dit tout
le bien qu’il pensait des chaînes de blocs, après avoir dénoncé « le niveau d’opacité maximal de l’univers de la publicité digitalé » qu’engendrent notamment les nombreux intermédiaires. Celui qui fut auparavant président de l’Union des entreprises de conseil et d’achat média (Udecam), et ancien président de Carat France, fonde beaucoup d’espoirs sur la blockchain en tant qu’outil permettant « la traçabilité, la transparence,
le contrôle et le paiement » des impressions effectivement vues.

Les « AdTech » : AdEx, Varanida, Brave, …
Est sur la même longueur d’onde Benjamin Grange, président de Dentsu Consulting (groupe publicitaire japonais Dentsu Aegis Network) et porte-parole de l’association Crypto Asset qu’il a cofondé cette année dans le but de promouvoir la blockchain et les actifs crypto ainsi que leurs écosystèmes. Selon lui, les chaînes de blocs sont un des moyens de « restaurer la confiance » dans la publicité digitale. « La blockchain est une base de données décentralisée qui n’appartient à personne et dont la principale vertu est d’être un juge de paix totalement neutre et indépendant », explique Benjamin Grange qui voit là « un potentiel de disruption fort pour tous les secteurs » et « la possibilité de création de valeur additionnelle ». Pour le président de Dentsu Consulting, « la blockchain est l’Internet de la valeur car elle permet de recréer de
la rareté » et elle a en outre le potentiel de remettre en cause l’hégémonie des géants du Web qui fonctionnent de manière fortement centralisée et donc inadaptée à la blockchain.
De plus en plus de start-up spécialisées apportent des solutions. Parmi ces « AdTech », entre autres : Varanida qui oeuvre pour « un écosystème digital équitable et
transparent » et « un Internet meilleur grâce une technologie publicitaire décentralisée » (3) ; AdEx qui s’engage à « réduire la fraude et à protéger les données des
internautes » avec sa plateforme de place de marché basée sur la blockchain destinée à « améliorer la connexion entre les éditeurs et les annonceurs » ; Brave qui permet aux utilisateurs de récupérer les tokens générés en utilisant le navigateur éponyme et d’obtenir ainsi une rémunération pour les publicités dont ils autorisent l’affichage ; Papyrus qui est un écosystème publicitaire décentralisé avec lequel les utilisateurs contrôlent les publicités qu’ils voient et les données qu’ils partagent (tout en bloquant les publicités inappropriées et/ou malveillantes), les utilisateurs étant rémunérés pour le partage de leurs données et le fait de répondre aux annonces ; Moonify qui monétise le trafic et l’audience. La blockchain serait devenue « la nouvelle écologie digitale », selon Benjamin Eymere, directeur général depuis dix ans des Editions Jalou, le groupe de presse familial qui publie les L’Officiel, Jalouse, L’Optimum ou encore La Revue des Montres. Au colloque de NPA, il s’est présenté comme ayant « la foi d’un converti » dans ce qu’il voit devenir le standard de « la nouvelle normalité » du marché publicitaire au profit de tous les acteurs, annonceurs, communautés d’utilisateurs et médias – alors qu’il avait auparavant une vision très négative avec le bitcoin. « La blockchain est le moyen de redonner le pouvoir aux communautés, aux utilisateurs, car il me semble anormal que ceuxci ne soient pas rémunérés pour leur data, leur temps, leurs goûts » , a-t-il expliqué en substance. Concrètement, les Editions Jalou ont lancé un système de jetons numériques, les « TasteTokens », qui permettent à ses lecteurs de réaliser des achats auprès de ses annonceurs. Sur 1 euro, 10 centimes sont redonnés aux utilisateurs, afin de « créer un cercle vertueux décentralisé entre marque, lecteurs et monétisation des contenus, car la confiance est dans le code ». Les campagnes de branding et les rémunérations en tokens permettent de récompenser les actions de conversion (4).
En matière de droits d’auteur cette fois, la blockchain permet d’enregistrer différents types de preuves liées à la propriété intellectuelle (5) et de remplacer à terme les bases de données centralisées (ISBN, EAN, ISRC, CNC, …). La Sacem teste la blockchain pour la rémunération des ayants droit. Sony déploie une plateforme de DRM (Digital Rights Management) basée sur la blockchain. Tron, spécialiste de la blockchain, a racheté la société BitTorrent réputée dans le peer-to-peer (6). La start-up Bandnamevault propose aux artistes de protéger la paternité d’un nom de groupe dans une chaîne de blocs. Les photos peuvent aussi être protégées (Binded, Monegraph, Verisart, …).

Des droits d’auteur et de la désintermédiation
Au-delà, c’est la désintermédiation des industries culturelles qui se profile (Bittunes, Vevue, Streamium, …), où les auteurs, artistes et réalisateurs pourraient distribuer et monétiser eux-mêmes leurs œuvres. Sans parler de la lutte contre le piratage grâce
à la blockchain, que promeuvent la Commission européenne et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EU IPO) avec le notamment le
« Blockathon » (7) qu’elles ont organisé à Bruxelles en juin dernier. @

Charles de Laubier

Rémunération proportionnée, pas proportionnelle

En fait. Lors des 28èmes Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD), qui
se sont déroulées du 7 au 9 novembre, Radu Mihaileanu, le président de L’ARP,
a voulu entraîner Google sur le terrain glissant de la « rémunération proportionnée » introduite dans le projet de directive européenne
« Droit d’auteur ».