L’autoédition fait bien peur aux maisons d’éditions

En fait. Le 25 mars, le 33e Salon du livre de Paris – organisé par le Syndicat
national du livre (SNE) fort de 600 membres – a fermé ses portes après avoir
été visité durant quatre jours par plus de 190.000 personnes pour 1.200 exposants. Mais « à quoi sert un éditeur » au juste à l’ère du numérique ?

En clair. Une question pertinente a été posée au Salon du livre : « A quoi sert un
éditeur ? ». C’était le thème d’une table ronde organisée sur la Scène des auteurs le
25 mars. La question était défensive, seules des maisons d’éditions ayant droit au chapitre : aucune plate-forme d’autoédition était conviée ! Pourtant, le Salon du livre
en accueillait bien : ADN autoédition, TheBookEdition.com, Bookelis.com, Fastedit.fr,
… « Alors que les nouveaux auteurs sont nombreux à opter pour l’autoédition, il est
grand temps de redécouvrir les missions d’un éditeur », expliquait-t-on à cette table
ronde.
En fait, en France, l’autoédition est encore taboue pour l’industrie du livre. Alors qu’aux Etats-Unis, où les ebooks pèsent déjà près de 15 % du marché selon BookStats, l’autoédition fait partie intégrante des chiffres de ventes des livres. D’autant qu’il se vendraient outre-Atlantique, grâce notamment à Amazon, Smashwords ou YouScribe, plus de livres auto-édités que de livres de maisons d’éditions ! En Europe, des succès littéraires auto-édités montrent la voie, tels que « Cinquante nuances de Grey » que son auteur, la Britannique Erika Leonard, a auto-publié (1) en 2011.
Bien qu’absent cette année du Salon du livre, Amazon rencontre un réel succès en France avec sa plate-forme Kindle Direct Publishing (KDP), d’où sont issus 37 ebooks best-sellers qui ont caracolé en tête du top 100 au mois de février 2013 (2). Les auteurs peuvent percevoir jusqu’à 70 % du prix de vente de leur livre numérique sur Kindle, contre des pourcentages souvent inférieurs à 10 % avec les maisons d’éditions traditionnelles. Les 70 % sont aussi la règle sur iBooks Author d’Apple. De quoi séduire de nombreux auteurs. Des pionniers français tels que Lulu.com.
Selon un sondage Ifop réalisé pour MonBestSeller.com et publié en février dernier, 17 % des Français déclarent avoir déjà écrit un manuscrit et 55 % se disent prêts à le publier sur Internet. Or les maisons d’éditions n’éditent chaque année que 1 % des manuscrits
qui leur sont soumis… Selon le baromètre de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) publié le 18 mars, seuls 37 % des auteurs sont satisfaits de l’exploitation commerciale de leurs livres et 35 % de la communication et de la promotion de leurs œuvres faites par leur éditeur. D’après la BnF, 12 % du dépôt légal français concerne
des livres auto-édités. @

La réforme IPRED remise aux calendes grecques ?

En fait. Le 5 décembre, la Commission européenne a dévoilé un nouveau calendrier « pour moderniser [adapter] le droit d’auteur dans l’économie du numérique » et relancé pour 2013 un dialogue sous la houlette de trois commissaires : Michel Barnier, Neelie Kroes et Androulla Vassiliou. Décisions en… 2014.

En clair. La directive Respect des droits de propriété intellectuelle, dite IPRED (Intellectual Property Rights Enforcement Directive) et datant de 2004 (1), ne sera
pas révisée avant 2014, voire 2015. Surtout que le mandat de l’actuelle Commission européenne de José Manuel Barroso se termine en… octobre 2014. Bruxelles a en
effet prévu de « décider en 2014 de l’opportunité de présenter ou non des propositions
de réforme législative ». Autrement dit : un pas en avant, deux pas en arrière ! Malgré l’explosion de la musique en ligne depuis dix ans et les bouleversements que le numérique engendre dans cette industrie culturelle, suivie aujourd’hui par le cinéma notamment, la Commission européenne a décidé de se hâter lentement. Alors qu’initialement des propositions législatives devaient être présentées au printemps 2011 (2) (*) (**), elles ont été repoussées ensuite au printemps 2012 comme le commissaire européen Michel Barnier nous l’avait indiqué (cf. son interview en juin 2011 dans EM@37 p. 1 et 2). Puis, mi-2012, on apprenait que la Commission européenne ne fera pas d’emblée des propositions législatives au Conseil et au Parlement européens mais lancera une consultation publique auprès des parties prenantes (auteurs, artistes, producteurs, éditeurs, sociétés de droits d’auteur, plateformes numériques, etc) et une étude de marché et analyse d’impact. Rapidement, le calendrier glissait à fin 2012, les lobbies étant à l’oeuvre.
Nous y sommes ! Or la réforme est renvoyées aux calendes grecques : le président
de la Commission européenne, José Manuel Barroso, vient de demander à trois de ses commissaires – Michel Barnier (Marché intérieur), Neelie Kroes (Agenda numérique) et Androulla Vassiliou (Education et culture) – de poursuivre la réflexion baptisée Licencing Europe. Certes, la Commission a transmis le 12 juillet au Parlement européen et au Conseil de l’Union son projet de directive sur la gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins, ainsi que sur les licences multi-territoriales pour les plates-formes de musique en ligne (3). Mais le plus dur reste à venir avec la révision de la directive IPRED, notamment des notions d’exceptions au droit d’auteur et de copie privée. C’est sur ce sujet sensible que le médiateur António Vitorino doit remettre dans les toutes prochaines semaines ses recommandations. @

Presse multi supports et droits des journalistes

En fait. Le 14 juin était l’échéance à laquelle les éditeurs de presse devaient avoir signé un accord sur les droits d’auteurs avec leurs journalistes. La loi Hadopi du
12 juin 2009 leur donnait trois ans, afin de pouvoir diffuser les articles sur tous
les supports sans rémunération supplémentaire des journalistes.

En clair. La loi Hadopi (dite « Création et Internet »), promulguée il y a trois ans,
a accordé aux éditeurs de journaux la possibilité de ne pas avoir à demander d’autorisation à leurs journalistes, ni à leur verser de rémunération supplémentaire lorsque les articles sont exploités sur de multiples supports – papier et numérique – dans le cadre du « titre de presse » (1) ou d’une « famille cohérente de presse ».
Et ce, pour une durée déterminée dite « période de référence » (le plus souvent 24
ou 48 heures, voire 7 jours). Les Echos, ouvrant le ban le 14 décembre 2009 (voir EM@20, p. 4), Le Figaro, La Dépêche du Midi et Paris Turf sont les premiers quotidiens à avoir signé des accords de droits d’auteurs « Hadopi compatibles ».
Ainsi, à condition d’avoir conclu un accord collectif dans l’entreprise de presse (avec les organisations syndicales) et de l’avoir fait signer à chaque journaliste (sous la forme d’un avenant au contrat de travail), l’éditeur peut exploiter les articles non seulement sur le journal imprimé mais aussi sur toutes les déclinaisons numériques et sur tous les terminaux (web, mobile, tablette, version numérique de type PDF ou appli mobile, etc),
y compris sur des sites tiers comme Google ou Yahoo (2), mais pas la diffusion audiovisuelle.
Au moment où les rédaction web-papier ou « bi médias » se mettent en place, ce régime dérogatoire donne l’avantage aux éditeurs. Au détriment des journalistes ?
A défaut de percevoir à chaque fois une rémunération supplémentaire avec leur autorisation express, comme c’est le cas sous le régime de droit commun de l’oeuvre collective, les journalistes ne perçoivent qu’une somme forfaitaire à l’année au-delà de la période de référence – sous forme de salaire ou en droit d’auteur (150 à 450 euros par an et par journaliste). Après le 14 juin, les entreprises de presse qui n’auront pas conclu d’accord collectif verront leurs accords antérieurs à la promulgation de la loi Hadopi devenir caducs. Et c’est le droit commun, plus avantageux pour les journalistes, qui s’appliquera. Pour les différends, une Commission (paritaire) des droits d’auteur des journalistes (CDAJ) a été installée en octobre 2011 au sein de la DGMIC (3). La Dépêche du Midi a été le premier journal à la saisir – sans résultat – sur la définition de « famille cohérente de presse ». @

Gestion collective : projet de directive en vue

En fait. Le 16 mai, le groupe des socio-démocrates au Parlement européen a indiqué à EM@ qu’il organise le 6 juin une audition sur le thème de la gestion collective des droits d’auteurs – soit quelques jours avant que le commissaire européen Michel Barnier ne présente une proposition de directive en la matière.

En clair. C’est imminent. C’est « avant l’été » (d’ici le 21 juin) que la Commission européenne transmettra sa proposition de directive sur la gestion collective des droits
– adaptée au numérique – au Parlement européen. Une procédure accélérée pourrait être retenue pour que le texte puisse être adopté par le Parlement et le Conseil d’ici la fin de l’année. Pour mettre un terme à la fragmentation actuelle de ce qui devrait être, selon elle, un « marché unique numérique », la Commission européenne va notamment instaurer
des licences multi-territoriales en faveur des services en ligne transfrontaliers. Objectif : faciliter l’octroi d’autorisations paneuropéennes nécessaires à l’exploitation en ligne des œuvres culturelles, y compris pour les petites plateformes d’offres légales sur Internet confrontées aux coûts importants d’acquisition des droits. « De nombreux Européens s’insurgent de ne toujours pas pouvoir accéder sur Internet à des offres légales de qualité et simples d’accès, notamment au-delà des frontières », a d’ailleurs déploré Michel Barnier le 10 mai dernier à Bruxelles (1). Le projet prévoit qu’une société de gestion collective devra gérer non seulement les droits de ses propres membres mais aussi ceux des membres de sociétés de gestion étrangères. Les licences paneuropéennes à mettre
en place devront ainsi favoriser le regroupement ou la mutualisation des répertoires,
afin de réduire le nombre de licences nécessaires.
Il s’agit aussi de renforcer la gouvernance et la transparence de la centaine de sociétés de gestion collective en Europe, lesquelles perçoivent quelque 4,6 milliards d’euros par an. « Certaines sociétés de gestion collective ne reversent pas autant d’argent qu’elles pourraient le faire aux ayants droits, ou dans un délai parfois déraisonnable. (…) [Il faut] clarifier l’application du droit d’auteur en trouvant un point d’équilibre entre mise à disposition la plus large possible des œuvres sur Internet et juste rémunération de la création », a expliqué Michel Barnier. La Commission européenne veut créer les conditions d’un « pacte numérique entre les citoyens et les créateurs », selon les propres termes du commissaire européen qui veut ménager la chèvre (l’internaute voulant une offre plus riche en ligne) et le chou (les créateurs voulant être mieux rémunérés lors de
la mise en ligne de leurs œuvres). @

Lutte contre le piratage : la Cour de justice de l’Union européenne devra dire si l’ACTA est illégal

Initiative des pays développés considérant insuffisants les minima imposés par l’accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle (ADPIC), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) inquiète jusqu’à la Commission européenne.
A la justice d’arbitrer entre pour et contre.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, Gide Loyrette Nouel.

Signé le 26 janvier dernier par l’Union Européenne et vingt-deux de ses Etats membres, dont la France (1), l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) est en discussion depuis 2007 et peine aujourd’hui à se voir ratifier par un nombre suffisant de pays pour pouvoir entrer en vigueur. Une mobilisation sans précédent de la société civile
(16 000 personnes défilaient notamment contre le traité
le 11 février à Munich) et la récente annonce par la Commission européenne de son intention de soumettre
le traité à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – pour vérifier sa conformité aux droits fondamentaux européens (2) – ont porté un sérieux coup d’arrêt
à la progression de ce texte.