Vers une licence « copie privée » pour le streaming

En fait. Le 27 février, le Parlement européen a adopté le rapport Castex (252 voix pour, 122 contre et 19 abstentions) sur « les redevances pour copie privée ».
Si la résolution donne la part belle aux ayants droits, les industriels peuvent
encore espérer des avancées de la part de la Commission européenne.

En clair. A court terme, la taxe pour la copie privée est maintenue. A long terme, il faudra trouver mieux. Tel est en substance, ce que dit la résolution adoptée par le Parlement européen le 27 février (1). « Il est nécessaire que des discussions soient menées à long terme afin de trouver un modèle plus efficace et plus moderne qui ne soit pas obligatoirement fondé sur une redevance forfaitaire liée aux appareils », considèrent les eurodéputés, dans leur résolution issue du rapport de l’eurodéputée Françoise Castex.
Un peu plus loin, ils n’écartent pas l’idée de licence telle que le rapport d’Antonio Vitorino (2) le préconisait début 2013, bien qu’elle ne soit pas retenue dans l’immédiat
– au grand dam des industriels de l’électronique grand public (dont l’organisation Digital Europe).
« Dans le cadre des œuvres en ligne, (…) les pratiques d’octroi de licences sont complémentaires du système de redevance pour copie privée », considèrent les eurodéputés.

Les opérateurs télécoms reprochent aux ayants droits de limiter l’accès aux contenus audiovisuels

Licences, droits d’auteur, minimums garantis, chronologie des médias, honoraires… Les opérateurs télécoms historiques (Orange, Deutsche Telekom, KPN, Belgacom, etc) dénoncent auprès de la Commission européenne les freins
à la circulation des œuvres et contenus audiovisuels.

« Les nouvelles et convergentes plateformes [numériques] sont confrontées à des difficultés pour accéder à des contenus premium [audiovisuels], à des conditions et dans des délais raisonnables. La disponibilité de ces contenus premium est entravée par des pratiques qui s’appliquaient dans un monde analogique et qui n’ont plus de raison d’être dans un environnement digital », se sont plaints les opérateurs télécoms historiques européens auprès de la Commission européenne.

Jeux vidéo : industrie culturelle sans droits d’auteurs

En fait. Le 24 septembre, les sénateurs André Gattolin et Bruno Retailleau ont publié leur rapport sur les jeux vidéo. Pour soutenir ce secteur, ils prônent une
taxe sur les jeux vidéo vendus en boîte sur support physique en France. Mais cette « industrie culturelle » peut-elle se passer de droits d’auteurs ?

En clair. Oeuvre logicielle ou oeuvre culturelle ? Pour les deux sénateurs, le jeu vidéo relève d’une industrie culturelle (1), d’ailleurs plus importante – avec 53 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2012 dans le monde, selon l’Idate – que le cinéma et la musique. En France, d’après le SNJV (2), le jeu vidéo pèse 3 milliards d’euros, contre 1,3 milliard pour le cinéma, 1,2 milliard pour la vidéo et 617 millions d’euros pour la musique.
« Le jeu vidéo constitue la première industrie culturelle en Europe. (…) La Commission européenne en a consacré le caractère culturel dans une décision de 2007 relative aux aides d’État », soulignent les sénateurs.

Marc Héraud, délégué général du SNSII : « Vouloir taxer les terminaux connectés n’est pas la solution »

Le délégué général du Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII) revient pour EM@ sur les propositions du rapport Lescure qu’il juge – avec cinq autres organisations professionnelles (Fevad, Secimavi, Sfib, Simavelec et Gitep Tics) – « inacceptables ». Il met en garde les industries culturelles.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : C’était une revendication du Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) depuis 2009 : le rapport Lescure propose de taxer les terminaux connectés à hauteur de 1 % du prix de vente. Comment accueillez-vous cette nouvelle taxe et quel impact aurait-elle en France ?
Marc Héraud :
Nous ne pensons pas qu’une nouvelle taxe, en plus de celles existantes, ne soit la solution pour aider l’industrie culturelle à se réformer. Doit-on créer une nouvelle taxe sur l’essence pour aider l’industrie automobile française à se restructurer ? De plus, cette nouvelle taxe – sur les ordinateurs, smartphones, tablettes, téléviseurs connectés, consoles de jeux, etc. – vient se superposer à la rémunération pour copie privée (RCP), dont le périmètre serait élargi avec la prise en compte du cloud computing et aux droits déjà réglés aux ayants droit dans le cadre de l’offre légale. Cette nouvelle taxe est estimée, dans le rapport Lescure, à environ 85 millions d’euros par an, soit 1 % des
8,579 milliards d’euros qu’a généré le marché français des terminaux connectés en 2012.
En taxant localement toujours plus l’industrie numérique, il y a un vrai risque à freiner le développement de celle-ci, alors que tout le monde s’accorde à dire qu’elle constitue un des principaux relais de croissance de notre économie. Ce type de nouvelle taxe n’aidera sûrement pas notre pays à améliorer son classement dans la prochaine édition du rapport du World Economic Forum qui vient de situer la France à la 26e position mondiale, pour ses infrastructures numériques, perdant trois places par rapport à la même analyse menée en 2012…

Les librairies ne doivent pas se replier sur le papier

En fait. Le 27 avril, journée mondiale du livre et du droit d’auteur, 450 libraires indépendants de France et de Belgique francophone ont offert à leurs clients
une rose et un livre intitulé « Libraires, regardez-vous dans le papier ». Ils leur expliqueront « l’esprit de résistance de leur profession ».

En clair. Les librairies françaises, qui organisaient avec leurs homologues belges la
« 15e Fête de la librairie par les libraires indépendants » (1), sont sur la défensive face aux sites web de vente de livres sous toutes leurs formes (imprimés, dématérialisés, augmentés, etc). « Il convient aussi d’accompagner les libraires dans la transition numérique, car l’avenir, me semble-t-il, est là », a bien déclaré la ministre de la Culture
et de la Communication, Aurélie Filippetti, le 23 mars dernier lors du 33e édition du Salon du Livre de Paris. Elle annonçait ce jour-là un plan de 9 millions d’euros en faveur de la librairie indépendante, dont 5 millions pour doter un fonds d’avance de trésorerie pour les libraires géré par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Ce soutien aux librairies doit être l’occasion pour elles de ne pas tourner le dos au numérique, mais au contraire de saisir l’opportunité qu’il représente. « Des projets,
comme leslibraires.fr ou lalibrairie.com fonctionnent déjà (2). Il s’agit aussi de mieux les faire connaître, tant auprès des libraires eux-mêmes que du public. Il convient de faire la promotion de ces sites qui n’ont d’autre défaut que d’avoir moins de moyens que d’autres acteurs mondialisés », a expliqué Aurélie Filippetti, en pensant fortement à Amazon, le grand absent du Salon du Livre (3), mais aussi à Google et Apple. On est loin de la déclaration tonitruante de feu Jean-Marc Roberts (4), qui fut gérant et directeur éditorial des éditions Stock (Hachette) : « Le lieu unique c’est la librairie, c’est pas la vente en ligne. La vente en ligne, moi je crois que c’est ça qui, peu à peu, va détourner le vrai lecteur de son libraire et donc de la littérature ! », avait-il lâché sur Europe1 le 17 août 2011. Puis, après avoir déclenché une polémique à ce sujet, il était revenu à la charge dans une tribune à Livres Hebdo parue le 26 août : « La vente en ligne doit rester aux mains des libraires ». Cela en dit long sur l’état d’esprit de bon nombre de maisons d’éditions en France.
Quoi qu’il en soit, un «médiateur du livre » est sur le point d’être institué en tant qu’autorité administrative indépendante. Il aura un pouvoir de règlement des différends comme ceux concernant le respect du prix unique du livre papier (loi de 1981) et du livre numérique (loi de 2011). @