Nicolas Seydoux, président de Gaumont, tire la sonnette d’alarme sur le piratage et le droit d’auteur

Nicolas Seydoux, président de Gaumont, société cinématographique qui fête
ses 120 ans, était l’invité le 19 octobre d’un dîner-débat du Club audiovisuel
de Paris (CAVP). La lutte contre le piratage ? « Dix ans de combat, mais dix ans d’échec ! ». La réforme du droit d’auteur ? Une menace pour les films.

C’est dans les salons feutrés du Sénat que Nicolas Seydoux (photo), lequel préside aux destinées de Gaumont depuis quarante ans maintenant, s’est très sérieusement inquiété
pour l’avenir du cinéma français. « La menace est double :
le téléchargement illicite et ce qui se passe à Bruxelles.
En étant très modeste, il y a 15 millions de Français (1) qui téléchargent systématiquement [de façon illégale] ; les femmes jeunes, plutôt les séries, les hommes jeunes et les adolescents, plutôt les blockbusters américains. Concernant Bruxelles, nous osons espérer que la grande réforme de l’audiovisuel [envisagée par la Commission européenne] est largement enterrée et se réduirait à la portabilité [des contenus audiovisuels pour qu’ils soient accessibles par tous ceux qui voyagent ou s’expatrient d’un pays européen à un autre, ndlr] », a-t-il expliqué. Selon lui, les conséquences seraient dramatiques si ces deux menaces se poursuivaient : pour les chaînes de télévision, c’est la perte de recettes de publicités et perte d’une audience « jeune » ; pour les autres, c’est la mort de la vidéo qui représentait plus de 2milliards d’euros il
y a 8 ans et n’en représentera cette année moins de 700 millions d’euros.

La Convention de l’Unesco fait un pas vers le numérique

En fait. Le 20 octobre 2015, la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles fête ses 10 ans. Selon les informations de Edition Multimédi@, la France, le Canada et la Belgique proposent une
« directive opérationnelle transversale » sur le numérique.

En clair. Ce n’est pas plusieurs « directives opérationnelles » sur le numérique que proposent la France et le Canada, rejoints par la Belgique, mais une seule « directive opérationnelle transversale » pour « une mise en oeuvre de la convention relative à
la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique ». Edition Multimédi@ s’est procuré – et met en ligne – le projet de texte porté pour l’instant par ces trois pays qui l’ont approuvé avant le 10 octobre, en vue de
le présenter au Comité intergouvernemental de l’Unesco qui se réunira du 14 au 16 décembre prochain. Mais c’est seulement en… juin 2017 que cette directive opérationnelle transversale sur le numérique sera soumise pour adoption à la Conférence des parties. Le rythme de l’Unesco n’est décidément pas celui de la révolution numérique !
La proposition franco-canado-belge, conforme au principe réaffirmé de neutralité technologique, s’articule sur trois axes : les politiques publiques « adaptées à l’écosystème numérique » (financement de la création, accessibilité des contenus culturels, répartition équitable de la valeur ajoutée, protection des droits des créateurs, promotion des offres légales, meilleures indexation et reconnaissance des contenus, …) ; la coopération internationale (accessibilité renforcée de toutes les cultures, circulation sur les réseaux des expressions culturelles endogènes « négligées par l’économie numérique », coopération autour de la création en ligne et de la coproduction/co-création d’oeuvres en réseau, attention particulière aux demandes de financement de la culture numérique (1), …) ; les échanges de biens et services culturels numériques (promouvoir la Convention de l’Unesco dans les accords de commerce, dont le futur TTIP, mettre en oeuvre des politiques et programmes culturels adaptés, …).
Reste à savoir si cette directive opérationnelle numérique à caractère non contraingnant pour les Etats – résultat du lobbying des ayants droits via l’influente Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) et de son bras armée français CFDC/SACD, soucieux de défendre le droit d’auteur et d’exclure la culture et l’audiovisuel des accords de libre-échange (lire EM@82, p. 7 et EM@89, p. 4) – sera bien accueillie par les GAFA et autres acteurs numériques qui n’ont pas participé à son élaboration. @

Droit d’auteur : comment le Syndicat national du livre (SNE) s’en prend à la Commission européenne

C’est un brûlot que les maisons d’édition françaises ont lancé début septembre pour dénoncer le projet de réforme du droit d’auteur de la Commission européenne attendu en fin d’année. Le SNE a mandaté l’avocat Richard Malka
qui mène la charge contre Jean-Claude Juncker, Julia Reda et… Axelle Lemaire.

« La Commission Juncker s’apprête ainsi à transformer l’Europe en terrain de chasse pour des acteurs déjà en position dominante [comprenez Amazon, Google, Apple, etc, ndlr] et laissera exsangues, en emplois et en ressources, le monde de l’édition et avant tout les auteurs eux-mêmes », accuse Richard Malka (photo) dans son opus au vitriol lancé début septembre contre l’exécutif européen et intitulé « La gratuité, c’est le vol. 2015 :
la fin du droit d’auteur ? » (1).

Réforme du droit d’auteur : pourquoi l’eurodéputée Julia Reda est déçue par la Commission européenne

La commission juridique du Parlement européen a adopté le 16 juin le rapport
de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme du droit d’auteur. Prochaine étape :
le vote final les 8 et 9 juillet. Mais la membre du Parti Pirate regrette que la Commission européenne n’ait pas été assez loin.

« Les propositions sur le droit d’auteur et le géoblocage sont trop frileuses. Le fait de pouvoir regarder du contenu payant tel que des vidéos à la demande pendant ses vacances ne mettra pas
fin au système gênant du géoblocage. Souvent, ce système affecte les fournisseurs de services ou les plateformes financées par la pub comme YouTube, qui ne sont même pas intégrés dans les propositions de la Commission européen », a déploré l’eurodéputée Julia Reda (photo) dans une interview à Euractiv.com le 9 juin dernier.

Pourquoi le géo-blocage est l’un des points de… blocage pour le marché unique européen

La Commission européenne a confirmé le 6 mai vouloir réformer le droit d’auteur afin de mettre un terme aux géo-blocages qui empêchent l’émergence d’acteurs européens capables de rivaliser avec les sociétés américaines. La France, elle, défend son « exception culturelle ».

Par Katia Duhamel, expert en droit et régulation des TICs, et David Guitton, avocat au barreau de Paris

La Commission européenne veut mettre fin au géo-blocage, perçu comme un frein au développement du marché unique numérique, et concrétiser ainsi une promesse de son président Jean-Claude Juncker qui avait affirmé vouloir
« briser les barrières nationales en matière de réglementation (…) du droit d’auteur » (1) (*). Il est soutenu dans ce combat par le vice-président chargé du Marché unique du numérique, Andrus Ansip, et le commissaire européen au Numérique, Günther Oettinger.