Directive européenne sur « le droit d’auteur dans le marché numérique » : ce qu’en disent les acteurs du Net

Si les acteurs du Net et des ent reprises du numérique ont pratiqué un intense lobbying à Bruxelles et à Strasbourg pour tenter d’empêcher l’adoption du projet controversé de directive européenne réformant le droit d’auteur, leurs réactions – après le vote favorable des eurodéputés le
12 septembre (1) – n’ont pas été nombreuses. Les Gafam sont restés sans voix, ou presque, tandis que Mozilla (Firefox) a déclaré que ce vote ouvrait la voie au « filtrage brutal et inefficace » et que ce fut « un très mauvais jour pour l’Internet en Europe » (2).

« Nous poursuivrons nos partenariats » (Google)
Contacté par Edition Multimédi@, Google nous a fait part de sa réaction : « Les utilisateurs souhaitent avoir accès à de l’information de qualité et à du contenu créatif en ligne. Nous avons toujours dit que l’innovation et la collaboration étaient les meilleurs moyens de créer un avenir durable pour les secteurs européens de l’information et de la création, et nous sommes déterminés à poursuivre notre partenariat avec ces secteurs ». La filiale d’Alphabet est membre d’organisations professionnelles telles que Edima (European Digital Media Association), Digital Europe (ex- EICTA, European Information, Communications and Consumer Electronics Technology Industry Associations) ou encore CCIA (Computer & Communications Industry Association). Ce sont elles qui expriment le mieux la déception de la firme
de Mountain View. « Le Parlement européen a voté en faveur de la directive sur le copyright qui limitera la possibilité des citoyens européens de partager des informations en ligne et forcera le filtrage de leurs téléchargements. Les mesures adoptées [le 12 septembre] sont remarquablement similaires à celles déjà rejetées par une majorité
des députés européens [le 15 juillet], et cela est à la fois décevant et surprenant », a déclaré à l’issu du vote l’Edima, organisation basée à Bruxelles et représentant Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, eBay, Twitter, Snap ou encore Oath. Sa directrice générale, Siada El Ramly, regrette que les eurodéputés n’aient pas tenu compte des inquiétudes des citoyens sur les propositions contenues dans ce texte contesté. L’article 13 prévoit une responsabilité accrue des plateformes numériques pour lutter plus systématiquement contre le piratage sur Internet. L’article 11, lui, instaure sous forme de « droit voisin » une rémunération des articles et dépêches utilisés par les agrégateurs d’actualités. Les opposants à cette réforme du copyright mettent en garde contre le filtrage généralisé d’Internet, crainte qui avait abouti au rejet du texte en juillet (3).« Le droit voisin limitera le partage des actualités en ligne et le filtrage limitera les téléchargements des utilisateurs. Ce sont de mauvais résultats pour des citoyens européens », a déploré Siada El Ramly. Et cette spécialiste des affaires publiques en Europe d’ajouter : « Nous espérons que les préoccupations exprimées par les citoyens de l’Union européenne, tous les universitaires, les petits éditeurs, les start-up, et celles de l’ONU, seront toujours prises en compte durant la prochaine étape négociations ». La proposition de directive « Droit d’auteur » doit encore passer par les fourches caudines du trilogue constitué par la Commission européenne (à l’origine de la proposition de réforme en 2016), le Parlement et le Conseil de l’Union européens. Egalement basée à Bruxelles, Digital Europe a aussi regretté le vote des eurodéputés, soulignant également que « le rapport de septembre suit largement le projet de texte déjà rejeté en juillet ». Ce groupement européen d’intérêt économique compte parmi ses membres les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) mais aussi de nombreux autres industriels de la high-tech et des télécoms (Samsung, LG Electronics, Sony, Nokia, Nvidia, Panasonic, HP ou encore Lenovo). « Le résultat [du 12 septembre] gênera inutilement la recherche et développement en Europe, comme sur l’intelligence artificielle, en retardant l’instauration de la sécurité juridique et l’harmonisation avec une large exception [au droit d’auteur] pour le textand- data mining [le TDM étant l’exploration et l’extraction de données ou d’œuvres audiovisuelles, voire graphiques,
à des fins de recherche scientifique, ndlr]», critique Cecilia- Bonefeld Dahl (photo), directrice générale de Digital Europe. Pour ce groupement, l’adoption de cette directive est « une occasion manquée » de moderniser le cadre réglementaire du droit d’auteur en Europe.

Projet de directive « Droit d’auteur » : revirement !

En fait. Le 12 septembre, en séance plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont finalement adopté – par 438 voix pour, 226 voix contre et 39 abstentions – le projet de directive sur « le droit d’auteur dans le marché unique numérique ». Alors qu’ils l’avaient rejeté 15 juillet dernier. Le texte a été amendé.

En clair. « Malgré une campagne de lobbying très forte, menée par les géants d’Internet, le Parlement européen compte désormais une majorité pour soutenir ce besoin de protéger le principe d’une rémunération équitable pour les créateurs européens », s’est félicité à l’issue du vote
Axel Voss, le rapporteur de la « proposition de directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique » (1). Pour la majorité des 703 eurodéputés qui ont pris part au vote ce 12 septembre, soit 62,3 % ayant voté pour, « les géants de la technologie doivent partager les recettes avec les artistes et journalistes ». Quel revirement depuis le précédent vote du 5 juillet ! Ce jour-là, à Strasbourg également, une majorité – certes limitée (50,7 % pour, sur 627 votants) – avait en effet rejeté cette réforme controversée par crainte d’un risque de filtrage généralisé de l’Internet (2). Objet de polémique et d’une âpre bataille des lobbies entre industries culturelles et géants du Net, l’article 13 introduit une responsabilité des plateformes numériques – de YouTube à Facebook, en passant par Twitter ou encore Dailymotion – vis-à-vis des contenus (musiques, films, photos, …) qu’elles hébergent et mettent en ligne, afin de renforcer la lutte contre le piratage d’œuvres sur Internet.
Quant à l’article 11, qui a fait aussi l’objet d’un intense lobbying des éditeurs et agences de presse, il prévoit sous la forme de « droit voisin » une rémunération des articles et dépêches utilisés par les Google News, Yahoo News et autres agrégateurs d’actualités (lire p. 5).
Face aux inquiétudes, le texte a été amendé pour « exclure du champ d’application les petites et micro-plateformes ou agrégateurs, afin d’encourager les start-ups et l’innovation ». Le texte précise d’ailleurs que les encyclopédies en ligne non commerciales telles que Wikipédia ou des plateformes de logiciels libres comme GitHub seront « automatiquement exclu[es] de l’obligation de se conformer aux règles de droit d’auteur ». Cette version corrigée du projet de directive vise aussi à protéger la liberté d’expression qui caractérise Internet. Ainsi, « le simple partage d’hyperliens vers des articles, ainsi que de “mots isolés” pour les décrire, sera libre de toute contrainte de droit d’auteur ». Place maintenant au trilogue (3) qui devra déboucher – avant les élections européennes de mai 2019 (23- 26) ? – sur un texte de compromis. @

Europe : à vouloir taxer Google News, la presse en ligne risque de se tirer une balle dans le pied

Les éditeurs et les agences de presse se rebiffent contre les Gafam qu’ils accusent de « siphonner » articles et dépêches sans les rétribuer.
A coup de lobbying et de tribunes, la presse pousse l’Europe à instaurer un « droit voisin » dans la directive « Droit d’auteur à l’ère du numérique ». Bonne idée ?

La dernière tribune en faveur d’un « droit voisin » pour la presse est parue le 11 septembre dans la presse régionale, dont Ouest-France et La Provence, sous le titre « Les moyens d’informer les citoyens » (1). Ce fut la veille du vote des eurodéputés qui ont adopté le projet de réforme du droit d’auteur à l’ère du numérique (lire p. 3), laquelle prévoit de rémunérer les éditeurs et les agences de presse en taxant les Google News, Facebook Instant Articles, Yahoo News et autres agrégateurs d’actualités.

Les auteurs audiovisuels exigent une rémunération équitable au niveau mondial, à l’ère du numérique

Alors que le projet de directive européenne sur le droit d’auteur pour le marché unique numérique est en cours d’examen, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) publie une étude juridique préconisant une rémunération équitable des scénaristes et réalisateurs.

C’est fut en plein Festival de Cannes, dont le tapis rouge a été renroulé le 19 mai après douze jours dédiés au 7e Art, que les scénaristes, les réalisateurs et tous les autres auteurs audiovisuels se sont rappelés au bon souvenir de la profession cinématographique pour demander à ne pas être les oubliés du partage de la valeur à l’heure de l’exploitation des films et séries sur les plateformes numériques.

Contenus illicites et piratage en ligne : la Commission européenne menace de légiférer si…

Si les acteurs du Net n’appliquent pas ses recommandations pour lutter contre les contenus à caractère terroriste, les incitations à la haine et à la violence, les contenus pédopornographiques, les produits de contrefaçon et les violations du droit d’auteur, la Commission européenne se dit prête sévir.

Facebook, Twitter, YouTube, Google, Microsoft et bien d’autres plateformes numériques et réseaux sociaux sont plus que jamais mis sous surveillance par la Commission européenne, laquelle les incite fortement – voire les obligera à terme si cela s’avérait nécessaire – à suivre ses recommandations publiées le 1er mars pour lutter contre les contenus illicites (terrorisme, haine, violence, …) et le piratage en ligne d’œuvres protégées par le droit d’auteur (musique, films, jeux vidéo, ebooks, …).