Readium LCP : la solution de gestion de droits digitaux de l’EDRLab veut libérer le livre numérique

Le déverrouillage des ebooks est en marche, grâce au DRM (Digital Rights Management) conçu par l’EDRLab (European Digital Reading Lab). Cet outil appelé Readium LCP (Licensed Content Protection) se veut une alternative aux verrous propriétaires d’Amazon, d’Apple, d’Adobe ou de Kobo.

La plupart des maisons d’édition, des libraires, des bibliothèques et des plateformes de distribution de ebooks l’ont adoptée : la solution de gestion de droits numériques développée et promue par l’association européenne EDRLab, basée à Paris, est en train de se généraliser au monde du livre après un an de test. Baptisé Readium LCP, cet outil DRM se veut une alternative ouverte aux verrous propriétaires des Amazon, Apple, Adobe et autres Kobo (Rakuten). La France a été le premier pays à l’adopter, suivie de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne et d’autres pays européens, voire partout dans le monde (1).

Copie privée, circulation et inclusion
Les acteurs français du prêt numérique en bibliothèque l’utilisent déjà tels que Numilog, Eden Livres, Immatériel, Vivlio, La Médi@thèque et BiblioAccess, ainsi que les plateformes de ventes de livres numériques comme ePagine. A l’instar du groupe Editis (Vivendi) ou d’Hachette Livre (Lagardère), des éditeurs y ont de plus en plus recours. Objectif : libérer le marché du livre numérique, en permettant enfin aux lecteurs de partager les fichiers de leurs ebooks dans le respect du droit d’auteur. Ainsi, les utilisateurs peuvent user de leur droit à la copie privée (exception au droit d’auteur) puisque le partage est limité à une trentaine de personnes ou de terminaux au sein de leur cercle familial voire amical. « Readium LCP est une solution de gestion des droits basée sur les mots de passe, avec laquelle les titulaires de droits peuvent protéger efficacement et à faible coût leur contenu ePub, PDF et livres audio contre le partage excessif. Il s’agit d’une solution simple mais fiable pour la distribution de contenu protégé, basée sur des algorithmes de cryptage solides et des techniques classiques de PKI [gestionnaire de clés publiques, ou Public Key Infrastructure, ndlr]. La solution est en même temps minimalement intrusive pour les utilisateurs finaux, qui n’ont pas besoin de créer un compte tiers et peuvent même partager leurs ebooks avec leur famille ou des amis proches », explique l’EDRLab cofondé durant l’été 2015 par Hachette Livre, Editis, Madrigall/ Gallimard-Flammarion et Media Participations, avec le Syndicat national de l’édition (SNE), le Cercle de la Librairie (CL) et le Centre national du livre (CNL), ainsi que le ministère de la Culture (2). L’EDRLab contribue en outre aux évolutions du format ePub 3 pour les ebooks, en attendant de l’IDPF (3) un éventuel ePub 4 multimédia (texte, audio, vidéo, …). En « libéralisant » le marché du livre numérique, les professionnels de la filière font d’une pierre deux coups : la norme internationale Readium LCP les met d’ores et déjà en conformité avec la directive européenne sur l’accessibilité de l’édition numérique, ou « Accessibility Act » (4), qui entrera en vigueur à partir du 28 juin 2025. Celle-ci inclut les personnes handicapées dans l’accès aux produits et services – dont les ebooks et les liseuses. Readium LCP est aussi conçu en mode privacy-by-design pour la protection de la vie privée et des données personnelles.
L’industrie du livre européenne fait ainsi le pari de la circulation facilitée des œuvres de l’écrit, comme l’a fait en son temps l’industrie de la musique. Fini les obstacles techniques au partage de ebooks. Fini l’impossibilité d’accéder à un fichier numérique de livre après la fermeture d’une librairie en ligne. Il s’agit de déverrouiller, enfin (5). « Avec Readium LCP, l’utilisateur peut constituer sans contraintes sa bibliothèque numérique. Car ce DRM dispense désormais le lecteur de la création d’un compte auprès d’un service tiers et de son identification préalable à la lecture de son livre numérique. Reposant sur un système de phrase secrète (pass-phrase), cette solution lui permet d’accéder facilement à ses livres numériques sur différents supports de lecture », explique la plateforme ePagine, librairie numérique lancée en 2008 par la société Tite-Live sous le nom d’Aligastore. Cette plateforme de marché de librairies opère aussi pour Place des Libraires, Bookeen, Gibert ou encore Gallimard.

ePagine et Numilog aux avant-postes
Cofondateur d’ePagine, François Boujard (photo de gauche) vient d’annoncer cet été que « la totalité du catalogue de l’édition française est désormais compatible avec Readium LCP, ePagine appliquant la protection d’EDRLab sur l’ensemble des fichiers hébergés ». Autre diffuseur numérique et libraire en ligne, Numilog a indiqué début juillet avoir adopté lui aussi le DRM sur ses plateformes Numilog.com et Girlybook.com – après l’avoir rendu disponible dès 2021 sur Biblioaccess.com (prêt numérique pour bibliothèques). « Cela pourrait avoir à terme un impact positif important sur le marché des livres numériques », espère Denis Zwirn (photo de droite), président fondateur de Numilog. @

Charles de Laubier

La BD se cherche toujours dans le livre numérique

En fait. Le 25 janvier, l’Hadopi a animé au 45e Festival international de la BD d’Angoulême une table ronde sur la bande dessinée numérique. Une première.
Le 15 décembre dernier, la même Hadopi publiait un rapport sur la diffusion de
la BD. Constat : la BD reste le parent pauvre du livre numérique en France.

En clair. « Le marché du numérique de la bande dessinée est encore peu développé », nous indique une porte-parole de l’institut d’études GfK qui a publié le 23 janvier des chiffres record pour le marché français de la BD : 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 pour 43 millions d’exemplaires vendus, soit le plus haut niveau depuis dix ans. La BD numérique, elle, reste marginale. Si le marché du livre numérique se situe en 2017 tout juste autour des 10 % du marché français de l’édition, soit à moins de 300 millions d’euros de chiffre d’affaires (1), le 9e Art digital n’y a toujours pas trouvé sa place.
Et si le livre en général est toujours le parent pauvre en France de la dématérialisation des biens culturels – à l’opposé de la musique et des films –, la bande dessinée reste
la grande absente de cette révolution numérique. En sera-t-il question au sein de la mission sur la BD que la ministre de la Culture a confiée le 25 janvier à Pierre Lungheretti ?
Le 45e Festival international de la bande dessinée (FIBD) d’Angoulême tente bien d’intégrer cette dématérialisation, avec notamment le « Challenge digital », mais le marché ne suit pas vraiment. Et ce n’est pas le prochain Salon du livre de Paris – organisé du 16 au 19 mars prochains par le Syndicat national de l’édition (SNE),
lequel boude d’ailleurs Angoulême sur fond de désaccord avec la société 9eART+ organisatrice du FIBD (2) – qui devrait changer la donne. « La lecture de BD numériques peine à décoller ; elle concerne moins de 5% des internautes », constate l’Hadopi dans son étude sur « la diffusion dématérialisée des bandes dessinées et mangas » publiée en décembre (3). La France reste très timorée, contrairement au Japon et aux Etats-Unis. Les éditeurs français, voire franco-belges, sont attentistes
vis-à-vis du digital, tandis que les auteurs sont peu convaincus.
Les BD seraient difficilement numérisables et les liseuses pas vraiment adaptées, tandis que les DRM (4) poseraient un problème d’interopérabilité. Les plateformes telles que Izneo (Média Participations/Fnac Darty) ou Sequencity (E.Leclerc) sont trop peu nombreuses. La faiblesse de l’offre légale de BD numériques et le frein que constitue le prix unique du livre ouvrent la voie au piratage. @

Le père fondateur du Web décide de donner un coup de pouce aux DRM sur Internet : controverse

Alors que le 9 juillet fut la journée internationale contre les DRM, le World Wild Web Consortium (W3C) – présidé par Tim Berners-Lee, principal inventeur du Web – a approuvé le 6 juillet la controversée spécification EME (Encrypted Media Extensions) facilitant la mise en ligne de contenus protégés.

« Par rapport aux méthodes précédentes de visualisation de vidéo chiffrée sur le Web [comprenez des vidéos de films, de clips vidéo ou de séries cryptées pour n’être lues que par l’acquéreur, ndlr], EME a l’avantage que toutes les interactions se produisent au sein du navigateur web et il déplace ces interactions des plugins vers le navigateur. De cette façon, EME apporte une meilleure expérience utilisateur, offrant une plus grande interopérabilité, confidentialité, sécurité et accessibilité pour la visualisation de vidéos chiffrées sur le Web », a expliqué Tim Berners Lee (photo) pour justifier l’approbation le 6 juillet (1) de la spécification Encrypted Media Extensions (EME) par le World Wild Web Consortium (W3C) qu’il dirige.

DRM en cause : près de 500 signalements à l’Hadopi

En fait. Le 12 juillet, l’Hadopi a indiqué à Edition Multimédi@ que le seuil des 500 signalements d’utilisateurs ayant rencontré des problèmes provoqués par les DRM (Digital Rights Management) devrait être dépassé avant la fin de cet été.
Le formulaire de dépôt de plaintes a été mis en ligne courant juin.

En clair. Selon nos informations, l’Hadopi reçoit en moyenne 5 à 12 signalements par jour provenant de son formulaire « DRM » (1) qu’elle a mis en ligne avant l’été afin de faire remonter les problèmes de lecture, de copie ou de transfert d’œuvres numériques : musique, film, série, livre, photo, jeu vidéo, logiciel, … Ces obstacles peuvent être dus à des mesures techniques de protection (MTP) ou DRM (Digital Rights Management), lesquelles permettent aux industries culturelles de protéger les œuvres et d’en empêcher le piratage.
L’Hadopi nous indique avoir enregistré près de 250 signalements en moins d’un mois depuis le lancement du questionnaire : «A ce rythme, le seuil des 500 signalements sera dépassé d’ici la fin de l’été. Ce nombre est propre à fournir un échantillon suffisamment représentatif ». A partir de ces premiers signalements, l’Hadopi va
« analyser la typologie des difficultés les plus fsouvent évoquées par les internautes,
et favoriser des solutions adaptées aux requêtes les plus fréquentes et les mieux justifiées ». La première cartographie de ces MTP porte actuellement sur le livre numérique, en coopération avec le Syndicat national de l’édition (SNE). Premières décisions au troisième trimestre. De par la loi (2), l’Hadopi – héritière en 2009 des pouvoirs de régulation des MTP, auparavant confiés à l’ex- ARMT créée en 2006
– doit faire en sorte que ces verrous numériques ne limitent pas les usages « au-delà de ceux correspondant aux besoins exprimés par les titulaires de droits ». Autrement dit, l’autorité de la rue du Texel est tenue de veiller et d’empêcher que les œuvres ne soient pas verrouillées au détriment du droit des consommateurs à la copie privée (exception au droit d’auteur). De plus, bien que la directive européenne DADVSI de 2001 ne le prévoit pas (3), elle veille aussi à ce que les MTP n’empêchent pas l’interopérabilité. Depuis sa création, l’Hadopi n’a été saisie que quatre fois (trois avis
et un règlement de différend) sur des questions d’interopérabilité (VideoLan), de MTP
(à la BnF), de copie privée (programmes TV) et d’exception pour les handicapés. Désormais, les utilisateurs (4) peuvent saisir en ligne l’Hadopi sur ces problèmes de DRM. Le site Offrelégale.fr a d’ailleurs recueilli 1.500 commentaires à ce propos depuis son ouverture en 2013. Mais, comme l’a montré en 2016 une étude GfK pour l’Hadopi, la majorité des consommateurs ignore ce dont il s’agit (lire aussi p. 5). @

Le Centre national du livre (CNL), pour ses 70 ans d’existence cette année, prend un coup de jeune

Etablissement public du ministère de la Culture et de la Communication, le Centre national du livre est né en 1946 sous le nom de « Caisse nationale des lettres ». Sa dernière étude porte sur les jeunes et la lecture. Ils sont près de 20 % à lire des livres numériques, et même 27 % chez les lycéennes.

Les livres numériques sont connus par presque tous les jeunes (95 %) interrogés par le Centre national du livre (CNL). Ils sont plus nombreux à les connaître lorsqu’ils sont dans les lycées qu’en primaire. Ce sondage, réalisé par l’institut Ipsos pour le compte du CNL – présidé par Vincent Monadé (photo) – et publié fin juin (1), montre en outre que près de deux jeunes sur dix (19 %) en ont déjà lus. Mieux : ce sont surtout les lycéennes (27 %) qui sont les plus adeptes de la lecture d’ebooks dans les transports. Là aussi, sans surprise, les livres numériques sont plus lus dans les lycées qu’en primaire.