Digital Markets Act (DMA) : un an après le début des premières enquêtes, Bruxelles défie Washington

Un an après le lancement des premières enquêtes de la Commission européenne à l’encontre de Meta, d’Apple et d’Alphabet (Google), soupçonnés d’enfreindre le règlement sur les marchés numériques (DMA), les Etats-Unis de Donald Trump attendent fébriles les verdicts de l’Union européenne.

Il y a un an – le 25 mars 2024 – pas moins de cinq enquêtes avaient été ouvertes contre trois géants américains du numérique : Apple (iOS/ iPadOS//App Store/Safari), Alphabet (Google/ Android/YouTube/Chrome) et Meta Platforms (Facebook/Instagram/WhatsApp/Messenger), soupçonnés d’enfreindre les nouvelles règles européennes sur les marchés numériques, autrement de violer le Digital Markets Act (DMA). La Commission européenne avait alors prévenu qu’elle avait l’intention de clore ces procédures « dans un délai de 12 mois » à partir de cette date-là (1), soit avant le 25 mars 2025.

Amende de 10 % à 20 % du chiffre d’affaires
Or, à défaut de boucler ces trois enquêtes, la Commission européenne « 2024-2029 » les poursuit en ayant envoyé le 19 mars dernier des « constatations préliminaire » à Alphabet (2) et des « mesures à prendre » à Apple (3). Le premier est accusé de « favoriser ses propres services » sur son moteur de recherche Google Search et de « restreindre techniquement certains aspects de l’orientation » sur sa place de marché Google Play. Autrement dit, Alphabet et Apple auraient enfreint le DMA. Pour Alphabet, « cet avis ne préjuge en rien de l’issue de l’enquête » et laisse à la maison mère de Google « la possibilité d’exercer ses droits de la défense […] en répondant par écrit à ces constatations préliminaires ». Pour Apple, « les décisions précisant les mesures à mettre en œuvre sont juridiquement contraignantes », distinctes de l’enquête elle-même, renvoient à un « contrôle juridictionnel indépendant » pour les droits de la défense.
Pour ces deux Big Tech américaines, les enquêtes de la Commission européenne se poursuivent et pourraient aboutir à des sanctions pécuniaires. Au grand dam de Washington, Bruxelles pourrait à l’issue de ces deux procédures infliger à Alphabet et Apple une amende pouvant aller pour chacun jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial total respectif. Ces amendes peuvent aller jusqu’à 20 % en cas d’infractions répétées. Mais ce n’est pas tout : Bruxelles dispose d’une « arme nucléaire » de dissuasion qui, « en cas d’infractions systématiques », peut (suite)

L’industrie du jeu vidéo s’inquiète d’être sous pression réglementaire grandissante en Europe

Le jeu vidéo fait face à des contraintes accrues en Europe : contrôle parental dans les teminaux, réduction de l’empreinte carbone de la filière vidéoludique, règlementation plus stricte sur les achats in-game, édition de jeux plus responsables, … Le lobbying de l’ISFE s’intensifie à Bruxelles. La Fédération européenne des logiciels interactifs – Interactive Software Federation of Europe (ISFE) – existe depuis 25 ans, mais elle n’a jamais été aussi mobilisée à Bruxelles, où elle est établie, pour défendre les intérêts de l’industrie du jeu vidéo et de tout l’écosystème du 10e Art. Ses membres se comptent parmi les principaux éditeurs de jeux vidéo ou de studios de création, e-sport compris, et les associations professionnelles nationales de différents pays d’Europe. Contrôle parental, climat, dépenses in-game, … L’ISFE, dirigée par Simon Little depuis 2009, représente ainsi auprès des instances européennes une vingtaine d’entreprises dont Activision Blizzard, Electronic Arts, Epic Games, Bandai Namco, Microsoft, Riot Games ou encore Ubisoft (1), ainsi qu’une douzaine d’organismes nationaux comme le Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) en France. Celui-ci vient d’élire, lors de son assemblée générale qui s’est tenue le 28 mars, son nouveau président en la personne de James Rebours (photo), directeur général de Plaion France, éditeur et distributeur de jeux vidéo. « Le Sell informe en permanence l’ISFE des évolutions de la législation nationale qui pourrait avoir un impact direct sur l’industrie ou déboucher sur une initiative législative européenne plus large », explique-t-il à Edition Multimédi@. Et les dossiers au niveau européen s’accumulent. Le dernier en date porte sur le projet de décret français « visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à Internet » qui vient d’être examiné par la Commission européenne (2). Dans leur contribution, le Sell et l’ISFE critiquent notamment l’article 3 du projet de décret prévoyant pour les fabricants ou les importateurs « l’intégration du dispositif de contrôle parental obligatoire dans les “équipements terminaux” », s’ils veulent que ces derniers soient mis sur le marché français. Ce serait selon les deux organisations « [in]justifiée » et « [dis]proportionnée » (3). Autre dossier sur la table de l’ISFE : la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie des jeux. La fédération fait partie depuis 2021 de la Playing for the Planet Alliance, laquelle a publié le 9 mars son rapport d’impact annuel sur l’environnement (4), lors d’un événement organisé à Bruxelles par le Parlement européen. L’alliance soutenue par les Nations Unies (5) prévoit de fournir en 2023 de nouvelles orientations à l’industrie du jeu vidéo, afin que celle-ci puisse réduire ses émissions de gaz à effet de serre. « Il reste encore beaucoup à faire », reconnaît l’ISFE. Autre préoccupation : l’adoption le 18 janvier 2023 par le Parlement européen (6) de la résolution sur « la protection des consommateurs en matière de jeux vidéo en ligne » (7), notamment mineurs. Le rapport (8) de l’eurodéputée Adriana Maldonado López, membre l’Imco, commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, en est à l’origine. La balle est dans le camp de la Commission européenne et du Conseil de l’UE. L’ISFE et la Fédération européenne des développeurs de jeux vidéo (EGDF) s’en inquiètent : « Nous sommes préoccupés par les appels à une réglementation plus stricte de tous les achats dans le jeu [in-game ou in-app, ndlr], ce qui aura une incidence sur la capacité de toutes les entreprises de jeux vidéo – petites et grandes – à financer leurs créations au profit des joueurs européens, et cela peut empêcher de nombreux jeux européens d’être disponibles gratuitement » (9). Et il y a de quoi : aux Etats-Unis, la FTC a confirmé le 13 mars (10) la lourde amende infligée à Epic Games, éditeur de « Fortnite », qui doit payer 520 millions de dollars pour avoir incité abusivement les gamers(les mineurs étant friands de loot boxes entre autres) à dépenser in-appavec la monnaie virtuelle V-Buck (11). En Europe, la résolution « Maldonado López » exige un gameplay plus responsable et « des informations plus claires sur le contenu, les politiques d’achat et la tranche d’âge ciblée par les jeux », en prenant modèle sur le système européen d’évaluation Pegi (Pan European Game Information) créé il y a 20 ans par l’ISFE – Simon Little étant aussi PDG de la société bruxelloise Pegi SA – et déjà utilisé dans 38 pays, dont la France. Gaming et e-sport : soft power de l’UE Autre front pour le lobby de l’industrie du jeu vidéo : l’esport, à la suite d’une autre résolution du Parlement européen sur « le sport électronique [e-sport] et les jeux vidéo » (12) adoptée le 10 novembre 2022 sur la base du rapport (13) porté cette fois de l’eurodéputée Laurence Farreng (commission de la culture et de l’éducation). Elle appelle à « promouvoir le fair-play, la non-discrimination, […] l’antiracisme, l’inclusion sociale et l’égalité entre les hommes et les femmes ». L’industrie vidéoludique a du pain sur la planche. @

Charles de Laubier

Directive européenne sur le droit d’auteur : vers un nouveau modèle économique du numérique

La directive sur « le droit d’auteur dans le marché unique numérique » est sur
le point d’être promulguée au Journal officiel de l’Union européenne, après sa validation du 15 avril par les Etats membres (19 pour, 6 contre et 3 abstentions). Mais sa transposition nationale d’ici mi-2021 va être délicate.

Par Véronique Dahan (photo), avocate, et Mahasti Razavi, associée gérante, August Debouzy

Tout en justifiant son soutien à la directive « Copyright », Qwant prépare une grosse levée de fonds et vise la Bourse

Slogan de Qwant : « Le moteur de recherche qui respecte votre vie privée » – … « et le droit d’auteur », rajouteraiton depuis que son PDG Eric Léandri soutient la directive « Droit d’auteur » – adoptée le 26 mars. Mais il se dit opposé au filtrage du Net. Côté finances, le moteur de recherche veut lever 100 millions d’euros et vise la Bourse.

Qwant, société franco-allemande dont le capital est détenu majoritairement par son PDG fondateur Eric Léandri (photo), à 20 % par la CDC et à 18,4 % par le groupe de médias allemand Axel Springer (1), cherche d’abord à lever 30 millions d’euros de cash dans les deux mois. Objectif : accélérer le développement de ses plateformes. « Nous sollicitons des investisseurs, tandis que nos actionnaires CDC et Axel Springer nous suivent. Ensuite, nous irons vers une vraie belle augmentation de capital d’ici la fin de l’année ou début 2020, avec une levée de fonds à 100 millions d’euros », indique Eric Léandri à Edition Multimédi@. Avec une introduction en Bourse à cette occasion ? « Allez savoir… Rien n’est fermé ! Pour cela, vous avez des obligations d’être propre au niveau comptable », nous a-t-il confié. Concernant le financement de 25 millions d’euros consenti par la Banque européenne d’investissement (BEI) en octobre 2015, le solde a finalement été entièrement versé en 2018. Le renforcement financier de Qwant prend du temps, l’explication de son soutien à la directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique » aussi ! Eric Léandri ne cesse de devoir justifier son choix – mais en assurant qu’il est contre les robots de filtrage automatisé que permet l’article 13 (devenu 17) de cette directive adoptée le 26 mars.

Directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique : fermez le ban !

Après un lobbying intense des géants du Net et des industries culturelles
autour du « trilogue » eurodéputés-Etats membres-Commission européenne, les « ambassadeurs » du Cereper ont adopté le 20 février la directive controversée sur la réforme du droit d’auteur dans le marché unique numérique.

Le « trilogue » de négociation sur le projet de directive européenne « Droit d’auteur dans le marché unique numérique » – instance tripartite composée par le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Commission européenne – a finalement trouvé in extremis le 14 février un accord. Les ambassadeurs du Coreper (1) représentant les Etats membres auprès de l’UE l’ont approuvé le 20 février à Bruxelles. La Finlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays- Bas et la Pologne ont dénoncé « un recul ».