Œuvres et créations salariées : le droit d’auteur français manque cruellement de réalisme

Nombreux sont les salariés qui génèrent des droits d’auteur sans le savoir. Nombreux sont aussi les employeurs à commettre des actes de contrefaçon à leur insu, en exploitant ces créations sans avoir eu l’autorisation préalable de leurs salariés. Or le droit français gagnerait à plus de réalisme.

Le français Ubisoft, devenu premier éditeur mondial de jeux vidéo, continue de tenir tête à Vivendi

Voilà un « champion français », très en vue au salon E3 de Los Angeles, qui gagnerait à être cité en exemple. Le numéro 3 mondial des jeux vidéo, entreprise familiale fondée par les frères Guillemot il y a 30 ans, cultive son indépendance – face à Vivendi en embuscade. Le digital pèse maintenant plus de 50 % de ses revenus.

Le podium mondial des éditeurs de jeux vidéo compte deux américains, Activision Blizzard et Electronic Arts, tandis que le français Ubisoft les talonne sur la troisième marche. Mais si l’on prend les ventes physiques et digitales de jeux vidéo sur le premier trimestre de cette année 2017 pour consoles et ordinateur, Ubisoft revendique pour la première fois la plus haute marche de ce podium (1). C’est en tout cas la success story d’un « champion français » que le groupe Vivendi du Breton Vincent Bolloré tente depuis 2015 de faire sienne – en vain jusque-là (2). Car les cinq frères, Bretons eux-aussi, veulent garder à tout prix leur indépendance et repoussent les avances de cet actionnaire gênant qui est monté agressivement au capital pour détenir aujourd’hui plus de 25 % d’Ubisoft. Lorsque Vivendi atteindra le seuil de 30 %, l’heure de l’OPA hostile aura sonnée conformément aux règles boursières françaises – a priori dès cette année
selon certaines sources. Or, dans un entretien au quotidien canadien La Presse daté du 3 juin, le directeur général des opérations de Vivendi et PDG de Gameloft, Stéphane Roussel, a pour la première fois émis l’idée qu’aller plus loin dans le jeu vidéo pourrait se faire « soit avec Ubisoft, mais ça peut aussi être avec quelqu’un d’autre ». La résistance de Christian, Claude, Gérard, Michel et Yves Guillemot (photo), ce dernier étant le PDG du groupe et ses quatre frères directeurs généraux délégués, pourrait donc avoir raison des velléités d’abordage de Vincent Bolloré.

Assassin’s Creed, Far Cry, Les Lapins crétins, …
« Ubi » ne réfère-t-il pas à l’acronyme d’Union des Bretons indépendants ? A moins que l’ubiquité ne soit le credo des frères Guillemot, Christian ayant dit en 2014 au magazine Bretons que son frère Gérard avait inventé Ubi car « ça sonnait bien »… Une chose est sûre : le quintette breton n’entend toujours pas être dépossédé d’Ubisoft, comme ils l’ont été de Gameloft, la société sœur de jeux vidéo pour mobile fondée par Michel, finalement tombée, elle, dans l’escarcelle de Vivendi il y a un an (juin 2016). Présent du 13 au 15 juin à l’Electronic Entertainment Expo (E3), la grand-messe internationale des jeux vidéo qui se tient chaque année à Los Angeles, le groupe Ubisoft Entertainment est l’un des acteurs les plus en vue de cette industrie culturelle.
Ubisoft bascule dans le jeu en ligne (digital) La veille, 12 juin, il y présente d’abord le cinquième opus de sa célèbre saga « Far Cry », un jeu vidéo à la première personne sur l’approche de la fin des temps. Depuis sa première édition en 2004, cette série d’action a déjà été vendue à plus de 42 millions d’exemplaires. Autre opus très attendu au E3 : « Assassin’s Creed », dont la prochaine édition – la dixième – a fait l’objet d’une fausse bande-annonce diffusée fin mai sur le Web et reprise sans précaution par certains médias. Ce jeu emblématique d’aventure et d’infiltration fête ses dix ans et s’est vendu à plus de 100 millions d’exemplaires, tandis que le film de cinéma dont il
est inspiré a engrangé plus de 210 millions de dollars depuis sa sortie en décembre dernier.
La filiale Ubisoft Motion Pictures prévoit aussi de nouveaux long-métrages dérivés
de ses autres franchises de jeux vidéo telles que « The Division » et « Watch Dogs », tandis qu’elle produit déjà la série animée « Les Lapins crétins » (Raving Rabbids,
en anglais) diffusée sur la chaîne jeunesse Nickelodéon (Viacom) et sur France Télévisions. En fait, chaque projet cinématographique fait l’objet d’une filiale de production comme Ubisoft Motion Pictures Splinter Cell, Ubisoft Motion Pictures
Ghost Recon et même Motion Pictures Far Cry. Avec cette convergence jeu-ciné,
cette pépite français a du potentiel si l’on regarde aussi les franchises « The Crew »
et « South Park ».
Tant dans l’industrie du jeu vidéo que dans celle du cinéma, la première ayant dépassé en valeur la seconde au niveau mondial, Ubisoft joue ainsi la carte de l’indépendance qui lui réussit si bien jusque-là. Sur le dernier exercice 2016-2017 clos le 31 mars, dont les résultats ont été publiés le 16 mai dernier, le groupe familial de Rennes était en-dessous des prévisions des analystes financiers mais a tout de même affiché un chiffre d’affaires en augmentation de 4,7 % à 1,4 milliard d’euros, pour un bénéfice net en hausse lui aussi, de 15 % à 107,8 millions d’euros. Pour l’année en cours 2017-2018, l’objectif est d’atteindre 1,7 milliard d’euros de revenus en tablant sur « une nouvelle hausse de l’investissement récurrent des joueurs », tandis que « le segment digital et
le back-catalogue sont attendus à, respectivement, plus de 50 % et plus de 40 % du chiffre d’affaires ». Avec cette indication fournie lors de la présentation des résultats annuels en mai, le groupe coté en Bourse montre que son centre de gravité vient de basculer dans les jeux en ligne – notamment après avoir fait un grand retour dans le segment des jeux multijoueurs avec le succès de « Tom Clancy’s Rainbow Six Siege ». La communauté des jeux « Tom Clancy » compte à ce jour plus 44 millions de joueurs uniques dans le monde. Par ailleurs, le groupe a fait l’acquisition l’an dernier de Growtopia, un jeu social multijoueur et free-to-play qui a la particularité de permettre aux joueurs de concevoir leurs propres univers de jeu. Lancé en 2013, Growtopia compte plus de 20 millions d’utilisateurs.
Les plateformes tierces de jeux vidéo en ligne multijoueurs telles que Twitch d’Amazon lui épargnent des coûts de distribution. Le segment digital, qui pesait à peine plus de
30 % en 2016/2017 devrait être supérieur à 55 % pour l’exercice 2018/2019. « Notre transformation digitale se poursuivra, consolidant notre modèle beaucoup plus récurrent, plus rentable, et, désormais, moins dépendant des nouveaux lancements », s’est félicité Yves Guillemot. Les succès des ventes de ses jeux vidéo dématérialisés
et les revenus récurrents des titres de son catalogue permettent au nouveau numéro 1 mondial de cette industrie culturelle d’améliorer sa rentabilité, laquelle est sa meilleure arme contre les intentions malvenues de son actionnaire minoritaire Vivendi. L’exercice 2016/2017 fut même une année record en termes de résultat opérationnel (237,7 millions d’euros, en hausse de 40,7 % sur un an). Cela correspond à un taux de marge opérationnelle de 16,3 %, taux que la famille Guillemot veut porter à 20 % à l’issu de l’exercice 2018/2019 qui devrait franchir la barre des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La santé financière d’Ubisoft dépend moins des sorties de nouveautés de jeux dits « AAA », à savoir les blockbusters du jeu vidéo très dévoreurs en capitaux.

Contrat pub rompu avec Havas
Les « Guillemot Brothers » – du nom de l’une de leurs holdings familiale – résistent à cette « prise de contrôle rampante » de l’envahisseur « activiste » Vincent Bolloré. Ils avaient par ailleurs mis fin à un contrat publicitaire avec l’agence BETC du groupe Havas, lequel est lié à Bolloré et Vivendi, ce qui leur a valu le 6 juin d’être condamnés par le tribunal de commerce de Paris à verser 785.000 euros au groupe publicitaire du fils Yannick Bolloré. Le prix de l’indépendance… Depuis le début de l’année, l’action Ubisoft ne cesse de grimper malgré quelques petites rechutes passagères pour valoriser aujourd’hui (au 8 juin 2017) le groupe familial plus de 5,7 milliards d’euros. @

Charles de Laubier

Comment le régime de la publicité digitale est enfin précisé pour le « programmatique »

Le décret « Publicité digitale », publié le 9 février 2017, est limité à tous les supports situés en France. Il oblige les vendeurs d’espaces publicitaires à rendre des comptes aux annonceurs. Pour la publicité programmatique, cette obligation pourrait être réalisée par les intermédiaires (régies).

Transparence dans les pratiques de la publicité digitale : un décret, une circulaire, et après ?

Opération « mains propres » sur le marché français de la publicité numérique : maintenant que le décret « Reporting » a enfin été publié – le 11 février – à la grande satisfaction des annonceurs, le plus dur reste à faire pour savoir qui
rend compte à qui, tant les intermédiaires sont nombreux.

Publicité sur Internet, publicité programmatique, enchères publicitaires, achats publicitaires en temps réel, … Jamais le marché de la publicité n’a été aussi complexe et les relations entre annonceurs, agences conseil, régies, intermédiaires techniques et médias, aussi opaques. Commissions cachées, comptes-rendus absents, transactions occultes, prestations floues, modifications unilatérales, … La loi « Sapin » de 1993 sur « la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique » impose bien des obligations de reporting clairs dans les contrats classiques signés de gré à gré dans la publicité, mais elles ne s’appliquent toujours pas à la publicité numérique souvent automatisée.

Circulaire d’application avant le 1er janvier 2018
Néanmoins, depuis la publication du décret du 9 février dernier sur les « prestations
de publicité digitale » (1), l’article 23 de la loi « Macron » de 2015 sur « la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », censé lever l’opacité dans le monde numérique, a enfin été précisé. Pour autant, ce décret tant attendu ne s’appliquera pas avant le 1er janvier 2018 – soit, hasard du calendrier, à l’occasion des 25 ans de la loi Sapin justement. D’ici là, les professionnels de la publicité doivent se concerter, toujours sous l’égide de Bercy qui va établir une circulaire d’application, afin de se mettre d’accord sur les modalités concrètes de mise en oeuvre et le rôle des différents et nouveaux intervenants. Autrement dit, il s’agit de préciser qui doit rendre des comptes aux annonceurs entre les agences médias, les Trading Desk (TD), les Demand-Side Platform (DSP), les Ad-Exchange, les Supply-Side Platform (SSP),
les régies Internet membres du SRI (2), les médias eux-mêmes et les fournisseurs
de data tels que Google/DoubleClick, Facebook ou encore Yahoo (voir graphique ci-contre).
De quoi en faire perdre son latin à l’Autorité de la concurrence qui, de son côté, mène l’enquête depuis mai 2016 sur la publicité en ligne et les données associées : ses conclusions sont attendues au second semestre (3). Demandée à cor et à cri depuis un an et demi (4) par l’Union des annonceurs (UDA), cette exigence de reporting de la part des vendeurs d’espaces en ligne sur les prestations digitales en général et les achats programmatiques en particulier devrait permettre d’y voir plus clair sur le prix unitaire des espaces vendus, notamment dans les enchères publicitaire en temps réel ou Real Time Bidding (RTB). « La publication de ce décret permettra aux annonceurs d’obtenir la transparence sur la répartition de leur budget publicitaire sur le digital, pour lequel il a été constaté que 60 % de la valeur des investissements publicitaires ont été absorbés par 5 niveaux d’intermédiaires », s’est félicité Pierre-Jean Bozo (photo), directeur général de l’UDA. En 2016, le marché de la publicité numérique – sur Internet et les applications mobiles – a généré plus de 3,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 7 % sur un an.


Cela fait longtemps que les annonceurs s’interrogent sur l’efficacité de leurs investissements publicitaires sur Internet et les mobiles. Forte de ses 6.000 membres
– de Coca- Cola à L’Oréal en passant par Peugeot ou encore Yves Rocher – cette organisation centenaire était montée au créneau en novembre dernier pour demander au gouvernement de publier ce décret « Reporting » qui tardait à l’être – dénonçant
un « délai inhabituel et surtout dangereux ». L’UDA a même alors menacé de saisir
la DGCCRF, voire de lancer en même temps un audit sur les pratiques entre les intermédiaires et les médias – ayant constaté par exemple que des agences conseil préconisaient le plan média lui rapportant le plus et non le plus performant pour l’annonceur… La publicité numérique entre dans l’ère du retour sur investissement. Revers de la médaille : la transparence aura un coût. « Le reporting va nous demander plus de procédures administratives, ce qui pourrait avoir une répercussion à la hausse sur les prix », nous indique Catherine Michaud, à l’Association des agences-conseils en communication (AACC). @

Charles de Laubier

Concentration des médias et « presse d’industrie »

En fait. Le 23 janvier, Edwy Plenel, président cofondateur du site de presse en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde, s’est montré très inquiet de la concentration des médias en France, à l’heure du numérique, entre les mains d’industriels dont ce n’est pas le cœur de métier.