Le digital sera la 1re source de revenus des auteurs

En fait. Le 7 novembre, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (Cisac) a publié son rapport 2019 sur les collectes mondiales des droits des créateurs (musique, audiovisuel, arts visuels, spectacle vivant et littérature) : 9,65 milliards d’euros en 2018, dont 1,64 milliard d’euros via le numérique.

« Souveraineté numérique » : nationalisme digital ?

En fait. Le 3 octobre, la commission d’enquête du Sénat sur « la souveraineté numérique » a rendu son rapport rédigé par Gérard Longuet (LR) et Franck Montaugé (PS). Le problème est que la définition même de « souveraineté numérique » reste toujours floue à l’heure de l’Internet sans frontières.

Commission européenne : la face digitale d’UVDL

En fait. Le 16 juillet, l’Allemande Ursula von der Leyen (UVDL) a été élue par les eurodéputés – d’une courte majorité (52,25 %) – à la présidence de la Commission européenne, où elle remplacera le 1er novembre prochain Jean-Claude Juncker. Elle a présenté son agenda 2019-2024 pour l’Europe, encore plus digitale.

La succession de Tavernost à la tête du groupe M6 viendra-t-elle d’une femme issue du monde digital ?

Qui va succéder à Nicolas de Tavernost ? La succession est ouverte, même s’il a fait modifier les statuts du groupe M6 pour jouer les prolongations jusqu’en 2022 à la présidence du directoire qu’il occupe depuis près de 20 ans. Entre parité hommes-femmes et futur digital-antenne, l’avenir semble tracé.

Nicolas de Tavernost (photo) fêtera l’an prochain ses 20 ans
à la présidence du directoire (1) du groupe Métropole Télévision – alias M6. Il aura alors 69 ans, mais il s’est donné la possibilité de rester jusqu’à 72 ans à la tête du groupe
de télévision qu’il a transformé en « groupe de médias » (télévision, radio, web). Dès lors, le successeur de Jean Drucker (fondateur de Métropole Télévision), entame sa dernière ligne droite à la tête du groupe M6.

Un directoire uniquement masculin
Bien malin cependant celui qui pourrait avancer le nom de la personne susceptible de lui succéder au plus tard le 12 août 2022, date à laquelle il aura atteint l’âge fatidique de 72 ans. « Nul ne peut être nommé membre du directoire, s’il est âgé de plus de 72 ans [au lieu de 70 ans auparavant, ndlr]. Tout membre du directoire en fonctions venant à dépasser cet âge est réputé démissionnaire d’office dès qu’il a atteint cette limite d’âge », prévoit en effet l’article 16 des statuts de M6 – depuis sa modification lors de l’assemblée générale des actionnaires fin avril. Mais prenons aux mots le groupe M6 lorsqu’il revendique « un engagement transversal et reconnu en faveur de la parité et d’une meilleure représentation de la femme (…) » et affirme depuis 2012 que « la parité et l’égalité entre les hommes et les femmes sont toujours au cœur des engagements des chaînes du groupe, aussi bien dans la structure du groupe que dans les programmes ».
Or, force est de constater que les cinq membres du directoire sont exclusivement masculins : Nicolas de Tavernost lui-même, Thomas Valentin, vice-président du directoire en charge des antennes et des contenus, Christopher Baldelli, jusqu’alors vice-président du directoire en charge de la radio et de l’information (hors magazines), Jérôme Lefébure membre du directoire en charge de la finance et des métiers de support, et David Larramendy, membre du directoire en charge des activités commerciales. Pas une femme ! Heureusement que le conseil de surveillance présidé par l’Allemand Elmar Heggen – directeur financier et directeur général adjoint de RTL Group, l’actionnaire de référence du groupe M6 – sauve la face. Composé de douze personnes physiques et d’une personne morale, ce conseil de surveillance compte en effet dans ses rangs sept femmes (Sophie de Bourgues (2), Marie Cheval, Sylvie Ouziel, Jennifer Mullin, Mouna Sepehri, Juliette Valains, ainsi que Catherine Lenoble représentant Immobilière Bayard d’Antin) et six hommes. Reste qu’en annonçant le 24 mai dernier une évolution de son organisation, le groupe M6 ne semble pas prendre le chemin de la parité hommes-femmes. Régis Ravanas (ex-directeur général adjoint publicité et diversification de TF1) vient de rejoindre le groupe M6 en tant que directeur général des activités audio (radios, musique et podcast). Remplaçant Christopher Baldelli qui quitte le groupe, certains voient en Régis Ravanas le successeur potentiel de Nicolas de Tavernost. Quant à Guillaume Charles, Frédéric de Vincelles, Jonathan Curiel, Pierre-Guillaume Ledan et Philippe Bony, ils sont nommés respectivement : directeur général des programmes de la chaîne M6, directeur général des programmes en charge des plateformes digitales ainsi que du sport, directeur général adjoint des programmes des chaînes en clair pour les magazines et documentaires, directeur général adjoint des programmes des chaînes en clair pour les programmes de flux,
et responsable du pôle des chaînes thématiques et du pôle des chaînes jeunesses
du groupe. Autant dire que Catherine Schofer, l’actuelle directrice générale de Paris Première et de Téva, et présidente de M6 Music, a de quoi se sentir un peu seule dans cette direction dominée par des hommes… Du côté de M6 Publicité, la parité de la sous-direction est néanmoins respectée, avec Lionel Cler nommé directeur général adjoint de M6 Publicité en charge du marketing, de l’innovation et de la création, et Hortense Thomine- Desmazures, nommée directrice générale adjointe de M6 Publicité, en charge du digital. Elle rapportera à David Larramendy. Du côté de la direction de la communication du groupe M6, ce n’est pas la parité qui se joue mais plutôt l’alternance avec Matthieu Bienvenu remplaçant Emilie Pietrini (laquelle quitte le groupe).

Une succession dans un nouveau PAF
Toutes ces nominations ont été décidées par le groupe M6 « dans le but d’adapter
son organisation aux enjeux de transformation à l’oeuvre dans les métiers de l’audiovisuel ». Aussi, c’est à se demander si la successeure – parité oblige donc ?
– pourrait être non seulement une femme mais aussi issue du nouveau monde numérique, tant la révolution en cours penche plus du côté de la délinéarisation que
de l’antenne… @

Charles de Laubier

La révolution numérique n’a pas fini de nous obliger à réinventer le monde, mais il faut faire vite

La nouvelle année est généralement propice pour la prise de bonnes résolutions. En adoptant une démarche tant optimiste qu’ambitieuse, et en prenant conscience des effets pervers de la révolution numérique, on ne peut que conclure qu’il devient urgent de réinventer le monde au profit de tous.

Fabrice Lorvo*, avocat associé, FTPA.

Réinventer le monde est une obligation car la situation devient insupportable. La révolution numérique a profondément modifié notre ancien monde en créant un nouveau type de valeur (la data) et en centralisant la relation client sur une plateforme. Cette relation directe avec le consommateur rend l’intermédiaire superflu. Les économies qui sont faites immédiatement enchantent le consommateur mais devraient aussi affoler le salarié pouvant y voir la disparition progressive de son utilité sociale.

Le digital divertit mais ne nourrit pas
Le paradoxe, c’est que le consommateur et le salarié ne sont généralement qu’un !
La révolution numérique a créé chez chacun une sorte de schizophrénie où l’ivresse du consommateur a anesthésié la vigilance du travailleur. Cependant, le principe de réalité ne peut pas indéfiniment être ignoré et il y a des réveils brutaux. Cette révolution numérique qui nous fait rêver, par la facilité qu’elle nous apporte, est source de richesse pour certains mais la majorité des autres n’en recueille finalement qu’appauvrissement et exclusion. De surcroît, cette révolution numérique porte fort mal son nom. Dans notre inconscient populaire, une révolution consiste à remplacer le dirigeant d’un palais par un autre. Tel n’a pas été le cas, car la révolution numérique a créé une nouvelle société parallèle ; elle n’a pas modifié la société ; elle s’est contentée de créer un clone virtuel. Ce clone s’est greffé sur notre société traditionnelle pour en ponctionner uniquement
le flux financier, c’est-à-dire l’argent. Notre vieux monde qui se vide de sa substance continue à supporter les charges mais les profits d’hier sont captés par le nouveau monde numérique qui ne reconnaît pas notre système de redistribution traditionnelle. En détournant les rivières, on finit par assécher la mer. Regardons la mer d’Aral dont il ne reste que trois lacs du fait du détournement des deux fleuves qui l’alimentaient, pour produire du coton en masse. Par analogie, le détournement du flux financier traditionnel de l’ancien monde en faveur du circuit numérique produit les mêmes conséquences,
les provinces commencent doucement, silencieusement à s’assécher, faute d’emplois, faute de services. Le nouveau monde numérique prospère outrageusement sous les feux de la rampe face à l’ancien monde qui meurt doucement, silencieusement dans l’arrière-boutique. La richesse se fait de plus en plus rare dans l’ancien monde et le numérique, s’il divertit, ne nourrit pas. On peut certes considérer qu’il s’agit d’une période de transition, et qu’une adaptation est nécessaire puisque le numérique ne devrait pas manquer d’apporter de « nouveaux » emplois – pendant qu’il en détruit
d’« anciens ». Si l’argumentaire est intellectuellement exact, il n’en demeure pas moins qu’une ou plusieurs générations sont en train d’être sacrifiées et qu’elles ne l’entendent pas ainsi.
Parallèlement, les GAFAM (1) devraient avoir la sagesse d’anticiper elles-mêmes le fait qu’elles vont prochainement se retrouver sur une montagne d’or entourée d’un champ de ruines. Les profits immédiats sont parfois porteurs des faillites de demain. Depuis Ésope ou la Fontaine, on sait pourtant que « combien en a-t-on vus  qui du soir au matin sont pauvres devenus pour vouloir trop tôt être riches ? » car  « l’avarice perd tout en voulant tout gagner » (2). Les GAFAM devraient prendre conscience que le développement durable s’applique aussi vis-à-vis de leurs consommateurs car ils deviennent, sous le nom de « travailleur », une espèce en voie de disparition qu’il convient urgemment de protéger. Si les GAFAM n’ont pas la sagesse d’anticiper elles-mêmes cette (r)évolution, il est possible que certains le fassent pour elles mais de manière plus brutale. Le mouvement des Gilets jaunes en est une première illustration. Notons que ce mouvement est la conséquence directe de la révolution numérique,
et ce pour plusieurs raisons. Il est le résultat du besoin de satisfaction immédiate, du narcissisme numérique, de l’illusion que peuvent donner  les réseaux sociaux mais aussi et surtout de l’agonie progressive de l’ancien monde.

Redistribution sociale des richesses
La première revendication des Gilets jaunes a été d’exiger de l’Etat qu’il cesse de prélever des impôts dès lors que beaucoup de citoyens n’avaient plus les moyens
de les payer et qu’ils ne bénéficiaient plus d’une redistribution sociale. Il n’est pas surprenant que ce cri est lancé et adressé à l’Etat et à ses représentants. Dans l’imaginaire populaire, celui qui tient les cordons de la bourse, c’est le Président.
En 1963, les mineurs en grève défilaient en réclamant « Charlot, des sous » (3). Aujourd’hui, celui qui tient l’argent, ce n’est plus l’Etat, ce sont notamment les GAFAM. Nul n’est besoin d’être un grand économiste pour savoir que lorsque les recettes diminuent et qu’il n’est plus possible de faire du déficit, il ne reste plus à l’Etat qu’à réduire les prestations.

Un « message jaune » aux GAFAM
Pourquoi l’Etat n’a-t-il plus d’argent ? Parce qu’il continue à supporter les charges communes (celles des services publics), alors que ses ressources diminuent drastiquement. En effet, au-delà des politiques volontaristes de baisse d’impôts
(y compris pour les hauts revenus ou les grandes fortunes), des outils d’optimisation fiscale (parfois à la limite de l’évasion), ou encore de la baisse du pouvoir d’achat de la population (et notamment de la TVA pour le budget de l’Etat), les recettes disparaissent progressivement du vieux monde en faveur du nouveau et notamment des GAFAM, lesquels, du fait tant de la dématérialisation que de la mondialisation, profitent des consommateurs sur le marché français sans y payer tous leurs impôts. Les GAFAM n’écoutant plus les Etats mais uniquement les consommateurs, ne conviendrait-il
pas déjà que chaque internaute adresse un « message jaune » aux GAFAM en leur demandant de jouer le jeu et de payer – sur tous leurs revenus – leurs impôts à taux plein (et pas une obole) dans le pays dans lequel ils exercent leur activité ?
Cependant, réinventer le monde n’est pas sans obstacle. Une des pistes serait de réinventer les règles de partage au sein de l’ancien comme du nouveau monde.
• S’agissant de l’entreprise, le modèle social du vieux monde n’apportant plus la prospérité d’antan, les pratiques passées de répartition de la valeur (privilégiant la rémunération du capital au détriment de celle du travail) ou les pratiques nouvelles imposées par la crise économique (invitant les salariés à faire des sacrifices importants sans jamais participer aux bénéfices au-delà du symbolique) deviennent socialement insupportables.
Il faut agir en redéfinissant – lors d’une réflexion nationale (pour  « retisser l’unité nationale ») mêlant les corps intermédiaires et la société civile  – la manière dont
le partage de la valeur doit être opéré entre les entreprises et ses  « partenaires économiques » (qui vont des salariés et des fournisseurs jusqu’aux clients). Il faut réinventer un modèle basé sur la flexibilité réciproque, où seront équitablement partagés les sacrifices comme les récompenses. On ne pourra pas non plus ignorer le souhait des Français d’une meilleure justice fiscale, 77 % d’entre eux étant favorables au rétablissement de l’impôt de la solidarité sur la fortune (ISF) (4).
• S’agissant des GAFAM, la taxe sur leur chiffre d’affaires publicitaires que Bruno Le Maire veut mettre en place dès cette année – « dès le 1er janvier 2019 » (5), a assuré le ministre de l’Économie et des Finances le 18 décembre 2018 – est un bon début mais il faut approfondir la réflexion. Il est d‘abord normal, et moral, qu’une partie de l’argent collecté par les GAFAM sur le marché français soit réinjectée dans le budget
de l’Etat sous forme d’impôts. Cela permettra d’une part, de cesser de solliciter uniquement la contribution financière des victimes du numérique, et d’autre part,
de voir contribuer normalement les GAFAM au fonctionnement des services publics dont ils sont les bénéficiaires indirects. A l’image de Google France, il est probable
que les GAFAM ne se placeront pas sur le terrain perdu d’avance de l’acceptation
à l’assujettissement d’une taxe mais sur celui beaucoup plus délicat de l’assiette de l’impôt. Il conviendra d’abord d’étendre cette taxe limitée aux revenus publicitaires
à tous les chiffres d’affaires des GAFAM, et notamment la revente de données par
les commerçants en ligne, les plateformes et les éditeurs de services.
Reste ensuite la difficile question du « territoire ». On ne peut ignorer que la dématérialisation inhérente au numérique a fait voler en éclats les concepts de frontière et donc de territorialité. Or, le territoire est jusqu’à ce jour la raison de la fiscalité. L’impôt est historiquement la contrepartie de la défense du royaume par le souverain, puis de l’amélioration du territoire par la République. D’autre part, l’impôt est aussi l’expression de l’autorité de l’Etat sur tous les habitants d’un territoire. Comment concilier ce système avec la mondialisation qu’induit le numérique ? S’agissant des publicités visant la France facturée par Google en Irlande, l’assiette doit-elle inclure seulement les utilisateurs basés en France ou aussi ceux basés hors de France ? Comme le déclarait le directeur général de Google France devant l’Association des journalistes économiques et financiers (Ajef), « l’enjeu, ce n’est pas de savoir combien Google va payer, mais où Google va payer » (6). Une modification durable de l’assiette fiscale en tenant compte des particularités du numérique ne pourra se faire que dans
le cadre de négociation à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (7), ce qui nécessitera probablement encore quelques années
de réflexion et de discussion (8).

Partage de la valeur et répartition des richesses
Le mouvement des Gilets jaunes et la révolution numérique sont deux phénomènes historiques qui supposent de nouvelles réponses : une meilleure répartition des richesses dans le premier cas et un meilleur partage de la valeur pour le second.
Ces deux aspirations économiques ont des points de convergence que l’on ne peut plus ignorer. Et il y a maintenant urgence à les prendre en compte. @

* Fabrice Lorvo est l’auteur du livre « Numérique : de la
révolution au naufrage ? », paru en 2016 chez Fauves Editions.