Editeurs et agences de presse veulent taxer les GAFA

En fait. Le 7 mai, l’EANA (European Alliance of News Agencies), association des agences de presse européennes de type AFP a apporté son soutien à la proposition de la commission juridique du Parlement européen d’instaurer un « droit voisin » que devraient payer les GAFA aux agences et éditeurs de presse.

L’AFP accélère sa conquête mondiale de nouveaux clients, tout en augmentant sa visibilité sur Internet

C’est un tournant pour l’Agence France-Presse (AFP) : elle s’est engagée dans un vaste développement commercial sur cinq ans (2017-2021), en misant plus que jamais sur la vidéo, et s’est dotée d’un accord « historique » d’entreprise en vigueur depuis le 11 mars. Sa présence sur Internet et les mobiles s’intensifie.

Par Charles de Laubier

« Nous pourrions arriver sur Instant Article, (…) en tant qu’AFP. C’est en tout cas une possibilité que l’on étudie », a révélé Emmanuel Hoog (photo), PDG de l’Agence France-Presse, devant l’Association des journalistes médias (AJM) le 5 avril dernier, sans vouloir en dire plus. Il faut dire qu’à chaque fois que l’AFP fait un pas de plus sur Internet, cela inquiète ses clients médias qui craignent d’être concurrencés par leur propre fournisseur d’informations. Lancé en mai 2015 par Facebook, Instant Articles permet aux médias de publier en affichage rapide des articles en ligne sur mobile. L’arrivée de la troisième agence de presse mondiale sur l’application d’actualité du numéro un mondial des réseaux sociaux n’est pas anodine.
En fait, née il y a plus de 70 ans, l’AFP est de plus en plus présente en tant qu’éditeur sur le Web et les mobiles : elle a lancé dès 2009 une chaîne YouTube qui compte aujourd’hui 116.500 abonnés. Et depuis son arrivée à la tête de l’agence il y a quatre ans, Emmanuel Hoog n’a eu de cesse d’accroître cette visibilité en ligne.

L’AFP directement sur Internet : « Cela a toujours été mal compris » (Hoog)
L’agence est depuis 2010 sur Facebook avec à ce jour plus de 551.100 amis, depuis 2011 sur Twitter avec actuellement quelque 2,5 millions de followers, depuis 2012 sur le Web avec le Making-of (making-of.afp.com), un blog à succès consacré aux coulisses de l’information de l’AFP et des médias en général, sans parler de ses avancées sur Instagram et Snapchat avec de courtes vidéos.
L’AFP, qui va aussi lancer en juin avec ses homologues italienne Ansa et allemande DPA un site web gratuit de data-journalisme (European Data News Hub), est passée d’une logique « filaire » à une logique de « plateforme de services », au risque de concurrencer ses propres clients médias (1). Mais Emmanuel Hoog s’en défend : « Quand je dis que l’AFP dois être présente sur Internet, cela a toujours été mal compris. Du moins, j’ai dû mal m’exprimer car l’idée n’était pas du tout de mettre le fil (des dépêches) sur Internet. Cela n’aurait eu aucun sens car nous sommes dans le B2B et nous le resteront. En revanche, il n’était pas possible d’imaginer, au moment où les réseaux sociaux arrivaient, que l’AFP n’ait qu’un site web “corporate”. Il fallait donc trouver des chemins », a-t-il justifié. Double langage ?

La vidéo, premier relais de croissance
L’AFP est en fait prise en tenaille entre ses homologues (Reuters, AP, …) et les géants du Net (Google, Facebook, …) qui se livrent une concurrence féroce sur le marché de l’actualité et du direct (2). Elle doit donc se démarquer pour ne pas perdre des parts de marché face à ces géants mondiaux. « Le plus inquiétant sur les réseaux sociaux, c’est le problème de la répartition de la valeur. Il y a captation de la valeur [par de nouveaux acteurs comme Google, ndlr] », s’est inquiété Emmanuel Hoog. En plaidant – avec l’Alliance européenne des agences de presse (EANA) dont elle est membre – pour la défense d’un droit voisin étendue à son activité (en plus des éditeurs de presse), l’AFP a rappelé le 14 mars dernier que « l’utilisation de licences de contenu protégé par le droit d’auteur est la principale source de financement des agences de presse », et que, selon elle, « les moteurs de recherche sont devenus des banques de données, tirant un profit à partir d’un contenu qu’ils n’ont ni créé ni financé ».
Déjà massivement présente avec ses dépêches reprises aussitôt – plus ou moins
« bâtonnées » (comprenez retravaillées) – par les sites de presse en ligne et les blogs d’actualité, avec pour conséquence une uniformisation de l’information due au « copier-coller » démontré par une récente étude publiée par l’INA (3), l’AFP mise par ailleurs plus que jamais sur la vidéo. Alors que la crise de la presse écrite, clientèle historique de l’AFP qui pèse sur son chiffre d’affaires généré par les abonnements aux fils de dépêches d’actualité, la vidéo se retrouve plus que jamais comme« le premier relais
de croissance » de l’agence qui a commencé à y investir il y a quinze ans maintenant. C’est en effet en 2002 qu’ont été lancés AFPTV et la plateforme vidéo, internationalisés depuis 2007. Puis ce fut le lancement en 2015 de la déclinaison live comme offre de flux vidéo en direct (actualité internationale, événements sportifs, vie culturelle, rendez-vous institutionnels, …), à destination des médias – chaînes de télévision en tête. Avec son plan de relance et de développement commercial 2017- 2021, lequel vise à conquérir en France et dans le monde un millier de nouveaux clients d’ici à cinq ans
(de 4.800 environ à quelque 5.800), la vidéo devient une priorité, ainsi que le sport et l’international. Il s’agit notamment pour l’agence de « développer la transmission des sujets vidéo dans le monde sous IP (Internet) ». L’objectif « ambitieux » porté par Emmanuel Hoog – dont le mandat se termine en avril 2018 – est dans le même temps de diminuer le poids des 50 plus gros clients – hormis l’Etat et les services publics français – dont l’agence de presse est encore aujourd’hui trop dépendante à hauteur de plus de la moitié de ses revenus. Pour cette année, le conseil d’administration de l’AFP table sur un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros – en incluant la dotation de l’Etat
« au titre de la mission d’intérêt général » de 115 millions d’euros – pour un résultat net à l’équilibre (contre une perte prévisionnelle de 5 millions d’euros en 2016). La vidéo, elle, n’aurait rapporté que 13,5 millions d’euros l’an dernier mais la croissance à deux chiffres de cette offre audiovisuelle lui permet d’espérer de s’approcher des 20 millions d’euros cette année. AFPTV produit par mois 2.500 vidéos et 200 directs, et compte à ce jour 300 clients dans le monde, dont, depuis fin mars, la BBC qui a retenu l’agence de presse française comme l’un de ses principaux fournisseurs de vidéos et de live. Autre offre prioritaire, le sport a généré l’an dernier plus de 43 millions d’euros. Quant
à AFP-Services, filiale « à la demande » de l’agence qui vend des contenus originaux, services vidéo et productions personnalisées aux institutions, entreprises et médias, elle a vu son chiffre d’affaires baisser de 6 % l’an dernier à 5 millions d’euros mais vise cette année une croissance de 15 %. Elle fournit non seulement des vidéos, des photos et des reportages texte, mais aussi des « fils sur les réseaux sociaux », du « blogging en direct », ainsi que des graphiques et des infographies animées. A travers cette activité, l’AFP n’est plus uniquement le fournisseur historique de la presse écrite et de l’Etat français, mais aussi de plus en plus des entreprises et des organisations dites
« corporate ».
Soixante ans après la loi du 10 janvier 1957 « portant statut de l’agence France-
Presse », modifiée par la loi du 17 avril 2015, l’AFP est désormais en ordre de bataille pour concurrencer à armes égales ses deux principales rivales mondiales que sont l’agence britannique Reuters et de l’américaine Associated Press (AP). Sa « nouvelle filiale technique de moyens et d’innovation » AFP Blue, société privée créée en janvier 2015 sur les bases de celle du même nom qui existait déjà depuis 1986, a été financée à plus de 35 millions d’euros (4) pour investir dans le numérique et la vidéo.

Accord « historique » d’entreprise
L’AFP emploie 800 journalistes environ (sur 2.300 personnes avec les collaborateurs), quelque 130 ouvriers, 95 employés dits de presse et 320 cadres administratifs et techniques. Après trois ans de négociations, un accord unique d’entreprise –
« historique » – est entré en vigueur le 11 mars après avoir été signé, non sans mal, par les trois syndicats majoritaires CGT, SNJ et CFDT. @

Charles de Laubier

Nouveau statut de l’AFP : la bataille multimédia des agences de presse mondiales va s’intensifier

L’Agence France-Presse (AFP), qui a 70 ans, change de statut pour s’engager   encore plus dans une bataille mondiale face à Reuters, AP ou encore Bloomberg. Sa présence multimédia sur Internet (texte, images, vidéos) se renforce, avec la tentation d’être un « méta-média » directement accessible par les internautes et mobinautes.

Ses 2.326 collaborateurs (dont 1.525 journalistes « AFP »), de
80 nationalités différentes, répartis dans 150 pays à travers 200 bureaux, font de l’Agence France-Presse (AFP) l’une des trois
plus grandes agences de presse mondiales – aux côtés de l’agence britannique Reuters et de l’américaine Associated Press (AP).
Le 11 juin dernier, son PDG Emmanuel Hoog (photo) a annoncé
le lancement d’une nouvelle offre de flux vidéo en direct (actualité internationale, événements sportives, vie culturelle, rendez-vous institutionnels, …) à destination des médias (chaînes de télévision, presse sur Internet, …) et sous forme d’abonnement. Plus de 500 retransmissions vidéo par an seront ainsi proposées en live, venant compléter l’offre de vidéos déjà produites par l’AFP à raison de 200 environ par jour. « Le lancement d’AFPTV Live est un moment décisif dans le développement de la vidéo, qui est une priorité stratégique et le premier relais de croissance de
l’AFP », a déclaré Emmanuel Hoog, ce jour-là. C’est la toute première annonce faite par l’agence de presse française depuis la signature avec l’Etat – le 8 juin – de son premier Contrat d’objectifs et de moyens (COM) définissant sa mission d’intérêt général. « Nous avons réassuré nos bases en nous donnant des perspectives dans le monde complexe de la presse et du numérique », s’est-il alors félicité.

AFP Blue, la nouvelle filiale qui va tout changer
Le nouveau contrat, qui couvre la période quinquennale 2014- 2018, prévoit que l’Etat verse à l’AFP 125,5 millions d’euros hors taxe en 2015, dont 20,5 millions sous la forme d’abonnements aux « fils » de l’agence et 105 millions en compensation de la mission d’intérêt général désormais reconnue à l’AFP par la Commission européenne depuis mars 2014. Cette reconnaissance est intervenue à la suite de la plainte, en 2010,
de l’agence de presse allemande DAPD (disparue depuis) qui avait accusé l’AFP de percevoir des subventions illicites de l’Etat français. Mais à côté de cette « mission d’intérêt général », le COM prévoit aussi la création d’une « filiale technique de moyens et d’innovation » (1) – baptisée AFP Blue – qui sera financée en plus à hauteur de 26 millions d’euros de prêts provenant de la Caisse des Dépôts, de la Banque publique d’investissement (BPI) et d’une banque privée.

A 70 ans, l’AFP doit s’émanciper de l’Etat
Car l’Etat français ne doit plus financer les investissements, notamment numériques,
de l’AFP. Or, malgré des ressources totales de 119 millions d’euros en 2014 (somme qui progressera peu d’ici 2018, à 127 millions (2)), l’agence de presse a enregistré
l’an dernier une perte nette de 2,2 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 290,7 millions d’euros (en hausse de 3,5 %). Et elle affiche un endettement croissant de 40 millions d’euros (50 millions attendus en fin d’année). Le nouveau contrat avec l’Etat transpose la loi du 17 avril 2015 sur la modernisation du secteur de la presse (3), laquelle a modifié le statut de l’AFP – qui datait de 1957 (4) – et renforcé sa gouvernance. Cette évolution historique de l’agence âgée de 70 ans, doit aussi aboutir avec les représentants des salariés à un accord social d’entreprise unique, dont les négociations en cours devraient aboutir début juillet – sur fond de limitation de la progression de la masse salariale (1 % par an et gel des salaires).
Entre investissement, désendettement et économies, Emmanuel Hoog – dont le mandat est passé de trois à cinq ans, soit jusqu’en 2018 – va donc devoir trouver
de nouvelles recettes, sur le marché concurrentiel des agences de presse mondiales
de plus en plus numériques, ainsi que des financements bancaires pour innover et diversifier ses services (vidéo en direct, infographie interactive, applications sportives innovantes, …).
La nouvelle filiale privée AFP Blue, créée en janvier dernier, détenue à 100 % par l’AFP et présidée par Emmanuel Hoog, devient le fer de lance de l’innovation de l’agence. Son comité stratégique vient d’accueillir en mai deux représentants indépendants : Valérie Peugeot, chercheuse « prospective » chez Orange, et Jean-Pierre Caffin, associé « médias » dans le cabinet Bain & Company.
L’AFP est ainsi prête à accélérer sa mutation numérique et médiatique, qui ne relève plus seulement de sa mission d’intérêt général (MIG) mais aussi d’objectifs commerciaux (chiffre d’affaires et marge d’exploitation). Le programme d’investissement d’AFP Blue – 34,4 millions d’euros sur les cinq prochaines années – sera décisif. Des syndicats de l’agence déplorent, eux, « le désengagement progressif de l’Etat » et dénoncent ce qu’ils appellent « la marchandisation de l’information ». L’Agence France- Presse, placée sous surveillance – à la fois de la Commission européenne et de l’Etat français – joue maintenant son avenir. Emmanuel Hoog espère que l’activité vidéo, proposée sur catalogue et de plus en plus en direct grâce à AFPTV Live, va générer de nouvelles recettes en croissance (+ 29 % en 2014). Mais au-delà de la concurrence frontale avec Reuters, AP ou encore Bloomberg, de plus en plus présents en ligne (Web et mobiles), l’AFP est aussi confrontée à la force de frappe informationnelle de l’Internet et des réseaux sociaux mondiaux (Twitter, Facebook, Google News, …) – où la gratuité et l’instantanéité de l’actualité court-circuitent les médias (agences comprises). Elle est d’autant plus exposée à cette hyperconcurrence que plus de la moitié de son chiffre d’affaires 2014 (+ 4,1 % sur un an) est réalisé à l’international. Si l’explosion de la vidéo participe à cette progression, c’est que l’AFP
a fait du sport sa spécialité – comme Reuters s’est spécialisé en économie et AP sur les Etats-Unis. « Cela peut nous permettre de trouver d’autres clients que les médias, comme la FIFA ou Samsung. Nous venons de lancer avec Twitter un produit, TweetFoot, qui permet de suivre l’actualité du football sur la base de comptes sélectionnés par la rédaction. Enfin, nous voulons développer la couverture live de l’actualité, non seulement par la vidéo, mais aussi le texte et la photo, pour le Web et les mobiles », a expliqué Emmanuel Hoog dans une interview parue le 28 mai dernier dans Le Monde.
C’est que l’AFP est de plus en plus présente auprès des internautes et des mobinautes : indirectement via ses clients médias, qui ont tendance à mettre en ligne gratuitement les dépêches AFP dès qu’elles sont « tombées », voire directement avec ses propres services en ligne proposés au grand public (5). L’AFP a aussi signé dès 2009 un partenariat stratégique mondial avec Relaxnews, agence spécialisée pour des abonnés médias et/ou sites web dans l’actualité des loisirs – via fil AFPrelaxnews.com – que le groupe publicitaire Publicis vient d’acquérir.

AFP grand public : YouTube et Facebook
Pour le grand public, l’AFP a lancé en octobre 2009 une chaîne YouTube (6) qui compte aujourd’hui 73.984 abonnés « gratuits » et totalise à ce stade près de 102 millions de vues. Y sont notamment proposés deux éditions quotidiennes de journaux télévisés (JT), des vidéos en live ou encore des playlists vidéo. L’agence est aussi depuis 2010 (année de la nomination d’Emmanuel Hoog) sur Facebook (7), « aimée » par 281.000 personnes pour l’instant. Elle utilise aussi Instagram. Et depuis juillet 2011, elle alimente un compte Twitter (@afpfr) suivi actuellement par près de 1 million de followers (8). Sans oublier le site web institutionnel et grand public qu’est AFP.com. L’Agence France-Presse prend ainsi des airs de métamédia, passant d’une logique
« filaire » a une logique de « plateforme de services », au risque de concurrencer ses propres clients… @

Charles de Laubier

Le rapport Françaix prépare l’AFP à la conquête du Net

En fait. Le 15 avril dernier, le député PS Michel Françaix a remis au Premier ministre Manuel Valls son rapport sur « l’avenir de l’Agence France-Presse » proposant de créer une « filiale technique de moyens », de droit privé et contrôlée par l’AFP avec des financements publics, et de changer la gouvernance.

L’AFP n’exclut pas une offre de dépêches sur Internet

En fait. Le 26 juin, en marge du colloque NPA-Le Figaro sur les médias et le numérique, Edition Multimédi@ a demandé à Emmanuel Hoog, PDG de l’AFP, s’il prévoyait de diffuser les dépêches sur Internet et les mobiles pour concurrencer
les autres agences mondiales (Reuters, AP, Bloomberg, …) qui le font déjà.