Rencontres du cinéma à Dijon : Action ou Coupez ?

En fait. Du 22 au 24 octobre derniers, se sont tenues les 10es Rencontres cinématographiques de Dijon (25es si l’on y ajoutent celles de Beaune auparavant), organisées par l’ARP, société civile des Auteurs- Réalisateurs-Producteurs. Edition Multimédi@, qui y était, a constaté une certaine fébrilité.

En clair. Malgré les engagements de ses deux plus grands argentiers, Canal+ et France Télévisions, le cinéma français s’inquiète plus que jamais pour son avenir,
au point d’en être fébrile. « On sort des trente glorieuses du cinéma », a lancé Michel Hazanavicius, réalisateur-producteur (« The Artist » entre autres) et vice-président
de l’ARP. Alors que les mémoires « A mi-parcours » d’André Rousselet, le fondateur
de Canal+, sortaient en librairie (1) au moment même de ces 25es Rencontres cinématographiques, rappelons qu’il a trente ans le cinéma craignait déjà le pire avec le lancement à cette époque de « la chaîne du cinéma ». Les professionnels de la « filière ‘cinéma », avec lesquels André Rousselet se rappelle « des discussions complexes, et qui seront parfois houleuses », pensaient que la quatrième chaîne cryptée voulue par François Mitterrand allait vider les salles de cinéma. Il n’en fut rien. Trois décennies plus tard : rebelote ! Internet est le « Canal+ » d’aujourd’hui : une menace pour les salles et tout l’écosystème du cinéma. « Le préambule doit être sur le vol de films sur Internet. (…) Tant qu’il n’y aura pas quelque de chose de sûr contre la piraterie, cela sera compliqué de parler d’offre légale », a prévenu Michel Hazanavicius, qui a lancé le 5 novembre avec d’autres cinéastes LaCinetek, un site de VOD consacré aux « films classiques ». Pour abonder, Maxime Saada, le nouveau DG du groupe Canal+, a affirmé que la chaîne cryptée a «un manque à gagner d’à peu près 500.000 abonnés, soit 10 % de notre parc, à cause du piratage ». Le successeur de Rodolphe Belmer (depuis juillet) a même ajouté que « lorsque l’on aura réglé le problème du piratage,
on pourra rediscuter de la chronologie des médias, … dans dix ans, dans cinq, même dans deux ans »… Il est même catégorique : il n’a pas de sens économique « à introduire dans la chronologie des médias des exploitations par Internet » : « Y a-t-il
un marché ? Je ne le crois pas ». Fermez le ban ! Quant aux GAFA, ils sont accusés
de faire du cinéma un produit d’appel sans contribuer à son financement – « grâce » à leur statut d’hébergeur. La menace vient aussi de la Commission européenne, dont la réforme en cours du droit d’auteurs est agitée comme un épouvantail. Seule invitée, l’eurodéputée Viviane Reding (2) : elle a tenté de rassurer en disant que « cette réforme n’ira pas droit dans le mur parce qu’elle n’aura pas lieu ! ». La territorialisation des droits ne sera pas remis en cause. @

Fleur Pellerin promet de poursuivre la réflexion sur une éventuelle taxe « copie privée » sur le cloud

La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s’est engagée
à l’Assemblée nationale d’« approfondir la réflexion sur l’assiette de la rémunération pour copie privée ». La proposition de taxer le « nuage informatique » devrait revenir en deuxième lecture du projet de loi « Création ».

« Je m’engage à prendre les initiatives nécessaires pour que le ministère puisse entamer cette réflexion dans les meilleurs délais », a promis le 30 septembre dernier Fleur Pellerin (photo) au député (PS) Marcel Rogemont, lequel avait déposé avec la députée (PS) Martine Martinel un amendement proposant d’étendre au nuage informatique (cloud) la rémunération pour copie privée. Cette taxe est jusqu’à maintenant prélevée auprès des consommateurs sur le prix public lors de l’achat des appareils dotés d’un support de stockage numérique (DVD, clés USB, smartphones, tablettes, …), susceptibles d’enregistrer des oeuvres (musiques, films, livres, …) dans le cadre légal de la copie privée prévu dans le cercle restreint et familial (exception au droit d’auteur).

La Convention de l’Unesco fait un pas vers le numérique

En fait. Le 20 octobre 2015, la Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles fête ses 10 ans. Selon les informations de Edition Multimédi@, la France, le Canada et la Belgique proposent une
« directive opérationnelle transversale » sur le numérique.

En clair. Ce n’est pas plusieurs « directives opérationnelles » sur le numérique que proposent la France et le Canada, rejoints par la Belgique, mais une seule « directive opérationnelle transversale » pour « une mise en oeuvre de la convention relative à
la protection et à la promotion de la diversité des expressions culturelles à l’ère du numérique ». Edition Multimédi@ s’est procuré – et met en ligne – le projet de texte porté pour l’instant par ces trois pays qui l’ont approuvé avant le 10 octobre, en vue de
le présenter au Comité intergouvernemental de l’Unesco qui se réunira du 14 au 16 décembre prochain. Mais c’est seulement en… juin 2017 que cette directive opérationnelle transversale sur le numérique sera soumise pour adoption à la Conférence des parties. Le rythme de l’Unesco n’est décidément pas celui de la révolution numérique !
La proposition franco-canado-belge, conforme au principe réaffirmé de neutralité technologique, s’articule sur trois axes : les politiques publiques « adaptées à l’écosystème numérique » (financement de la création, accessibilité des contenus culturels, répartition équitable de la valeur ajoutée, protection des droits des créateurs, promotion des offres légales, meilleures indexation et reconnaissance des contenus, …) ; la coopération internationale (accessibilité renforcée de toutes les cultures, circulation sur les réseaux des expressions culturelles endogènes « négligées par l’économie numérique », coopération autour de la création en ligne et de la coproduction/co-création d’oeuvres en réseau, attention particulière aux demandes de financement de la culture numérique (1), …) ; les échanges de biens et services culturels numériques (promouvoir la Convention de l’Unesco dans les accords de commerce, dont le futur TTIP, mettre en oeuvre des politiques et programmes culturels adaptés, …).
Reste à savoir si cette directive opérationnelle numérique à caractère non contraingnant pour les Etats – résultat du lobbying des ayants droits via l’influente Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) et de son bras armée français CFDC/SACD, soucieux de défendre le droit d’auteur et d’exclure la culture et l’audiovisuel des accords de libre-échange (lire EM@82, p. 7 et EM@89, p. 4) – sera bien accueillie par les GAFA et autres acteurs numériques qui n’ont pas participé à son élaboration. @

Le financement de la création française face au Net

En fait. Le 23 janvier, la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a réaffirmé son soutien (financier) à la création audiovisuelle (fictions, animations, documentaires) lors du 28e édition du Festival international de programmes audiovisuels (Fipa) à Biarritz. Contre les géants du Net ?

En clair. « Mon ambition pour le secteur audiovisuel passe par une production indépendante forte. (…) Elle ne peut se construire sans les éditeurs de chaînes, dont
le rôle dans la diffusion des œuvres françaises et l’accès du public à ces œuvres doit rester central face à la puissance de marché des opérateurs du Net ». Décidément,
le financement de la création française – qu’elle soit ici audiovisuelle, et/ou cinématographique – est de plus en plus présenté par les pouvoirs publics et les professionnels de la culture comme une arme pour contrer les acteurs du Net aux ambitions accrues dans la fiction notamment (investissement et diffusion).

Quand les acteurs du logiciel et du numérique se mêlent de culture et formulent des recommandations

Récapitulatif des recommandations du livre blanc « Le Numérique, une chance pour la culture » (1) co-publié en décembre par l’Association française des éditeurs de logiciels et solutions Internet (Afdel) et le think tank Renaissance numérique, lesquels l’ont remis à Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat au numérique, et à Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication (2).

1. France.art : l’accélérateur numérique de notre rayonnement patrimonial
Parce que la France compte parmi les plus belles et les plus larges collections artistiques mondiales, il est urgent de mettre à disposition gratuitement en ligne les reproductions photographiques haute définition de l’ensemble des œuvres présentes dans les musées publics, accompagnées de contenu pédagogique. Ces contenus seront disponibles d’une part sur les sites Internet des institutions concernées, d’autre part sur un nouveau site Internet fédérateur, accessible sur tout type de terminal et en plusieurs langues, sous l’URL (3) www.france.art. Des API (4) et une orientation
«open content» permettront de démultiplier les usages autour de ces contenus.
Cette plateforme pourra voir le jour rapidement dans le cadre d’un partenariat public-privé et grâce au mécénat, tant financier que de compétences.