Le 8e président de la Ve République entame son deuxième et dernier mandat de cinq ans avec à nouveau des promesses, notamment numériques, culturelles et audiovisuelles. L’ancien ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016) poursuit sa « Start-up Nation », mais reste toujours flou sur l’audiovisuel public.
14 mai 2017-7 mai 2022. Deux investitures. Un même président de la République. Mais des promesses qui n’ont presque rien à voir avec celles d’il y a cinq ans. Même si la confrontation entre Emmanuel Macron (photo) et la candidate d’extrême droite a donné un air de déjà vu – avec une élection présidentielle remportée par le premier grâce au front républicain –, la donne a changé et les défis sont autrement plus sérieux et graves (guerre, nationalisme, pandémie, inégalités, fracture territoriale, réchauffement climatique, …). Au-delà de son discours d’investiture du 7mai 2022 rappelant l’esprit des Lumières, de la République française et de l’Europe, le toujours jeune locataire de l’Elysée (44 ans) sait qu’il doit passer rapidement aux actes. C’est dans ce contexte nouveau que le toujours 8e président de la Ve République, réélu le 24 avril, a déclaré lors de son investiture qu’il aller notamment « agir pour faire de notre pays une puissance agricole, industrielle, scientifique et créative plus forte en simplifiant nos règles et en investissant pour cette France de 2030 » ou, par exemple, « agir pour bâtir une société du plein emploi et d’un juste partage de la valeur ajoutée car la France a besoin de continuer de produire et d’innover davantage » (1). Mais il faut se référer au programme du candidat à sa réélection, présenté le 17 mars dernier, pour entrer dans le dur de ses promesses présidentielles.
Un ministère du Numérique digne de ce nom ?
Encore faut-il qu’un nouveau gouvernement soit nommé, alors que l’actuel est resté en place au moins jusqu’au vendredi 13 mai à minuit, dernier jour officiel du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Le Premier ministre Jean Castex devrait démissionner dimanche 15 mai après avoir vu… le Pape. Dans cette phase de transition et à cinq semaines des élections législatives à l’issue incertaine pour la majorité actuelle, nul ne sait qui sera le prochain Premier ministre ou – même si deux femmes (2) ont déjà décliné l’offre du président de la République – la prochaine Première ministre : Audrey Azoulay ? Sur la composition de son gouvernement, les spéculations vont bon train. Par exemple, la future locataire de Matignon aura-t-elle un ministère du Numérique digne de ce nom ? Pour le chef de l’Etat qui fut ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016) et qui s’est fait le président champion de la « Start-up Nation », cette éventualité est en réflexion. Durant les deux années de restrictions sanitaires, dont trois périodes de confinement, le distanciel (télétravail, école en ligne, téléconsultations, …) a jeté une lumière crue sur la fracture numérique et le taux d’illectronisme qui sévissent en France (3). Le prochain gouvernement ne devrait plus se contenter d’un secrétaire d’Etat au Numérique.
Cédric O va quitter la politique
Cédric O, qui assume cette fonction (4) depuis mars 2019 après avoir succédé à Mounir Mahjoubi, a déjà prévenu dès l’an dernier Emmanuel Macron qu’il quittera la vie politique à l’issue du premier quinquennat où il fut aussi le porte-voix de la « French Tech » (5). Parmi la dizaine de noms qui circulent à sa succession ou pour devenir le ministre à part entière du Numérique, il y en a deux qui tiennent la corde : Eric Bothorel (55 ans), député (LREM devenu Renaissance) de la 5e circonscription des Côtes d’Armor et ancien socialiste, informaticien, coprésident du groupe d’étude de l’économie de la donnée, de la connaissance et de l’intelligence artificielle à l’Assemblée nationale ; Philippe Englebert (31 ans comme il nous l’a confirmé, et non 37 ans comme des médias l’ont écrit par erreur), actuel conseiller technique « entreprises, services financiers, attractivité et export » aux cabinets respectifs d’Emmanuel Macron et de Jean Castex, après avoir été conseiller « entreprises et technologies » de Cédric O. Autant Eric Bothorel a déjà roulé sa bosse et est élu, autant Philippe Englebert – auteur du Que sais-je ? « Les start-up en France » (PUF, 2021) – manque encore d’envergure pour briguer un ministère du Numérique de plein exercice. En revanche, ce jeune conseiller technique a le profil pour être l’un des secrétaires d’Etat rattachés à ministre du Numérique. Et pourquoi pas le secrétaire d’Etat à la Fracture numérique qu’Arthur Pinault, fondateur de SOStech, appelle de ses voeux dans une tribune parue dans Marianne le 6 mai dernier pour venir en aide aux 13 millions de Français qui en pâtissent (6). Le candidat Macron de 2017 avait promis du très haut débit sur l’ensemble du territoire national d’ici fin 2022, en attendant « la fibre pour tous » pour 2025 – repoussant de trois ans l’objectif fixé par son prédécesseur François Hollande. Non seulement il reste encore du chemin à faire en termes de taux de pénétration du très haut débit (7), mais aussi les branchements à la fibre optique se passent très mal à de nombreux endroits (8). Et selon les calculs de Edition Multimédi@, au 31 décembre 2021, le taux de pénétration du FTTH (9) en France n’était que de 48,7% d’abonnements (14,4 millions) sur le total des 29,7 millions de locaux (ou foyers) éligibles à la fibre optique de bout en bout jusqu’à l’abonné. Le président-candidat de 2022 a promis à nouveau d’« achever la couverture numérique du territoire par la fibre d’ici 2025 » (10).
D’autres engagements sont aussi avancés : « Généraliser l’enseignement du code informatique et des usages numériques à partir de la 5e », « Transformer l’Etat par le numérique » (l’appli TousAntiCovid étant citée en exemple de simplification), « 20.000 accompagnateurs pour aider les Français qui en ont besoin dans la maîtrise des outils numériques et leurs démarches quotidiennes », « Développement de la téléconsultation », « Un investissement massif dans l’innovation : robotique, numérique […]». Quant au carnet de santé numérique, il sera « accessible à tous en 2022 ».
Côté culture, Emmanuel Macron a notamment prévu pour son dernier quinquennat « un investissement pour construire des métavers européens et proposer des expériences en réalité virtuelle, autour de nos musées, de notre patrimoine et de nouvelles créations, en protégeant les droits d’auteur et droits voisins ». Autre promesse : « Une extension du Pass Culture pour accéder plus jeune à la culture ». Cette appli culturelle est créditée de 300 euros offerts pour les 18 ans, et même à partir de 15 ans depuis le 10 janvier dernier (300 euros renouvelés pendant quatre ans).
Concernant cette fois l’audiovisuel, l’acteur principal de « Macron à l’Elysée, saison 2 » est beaucoup moinsdisant que dans la « saison 1 ». La grande réforme du premier quinquennat – celle de l’audiovisuel – visait à rapprocher les sociétés audiovisuelles publiques et à simplifier la réglementation audiovisuelle sur fond de basculement numérique.
« Audiovisuel, saison 2 », par Macron
Or cette promesse d’il y a cinq ans a été sacrifiée sur l’autel du covid et remplacée par quelques mesures, dont la création de l’Arcom (issue de la fusion entre le CSA et l’Hadopi), la lutte contre piratage étendue au streaming, ou encore la contribution des grandes plateformes de SVOD au financement de films et séries françaises. Pour la « saison 2 », Emmanuel Macron promet de « supprimer la “redevance télé” et garantir l’indépendance de l’audiovisuel public ». Les producteurs sont très inquiets de cette décision (11), tandis que les industries culturelles en attendaient bien plus du président réélu (12). @
Charles de Laubier