Les taxes sur Internet bousculent sa neutralité

En fait. En seconde partie du colloque du 13 avril, a eu lieu une altercation entre Jacques Toubon présent dans la salle, ancien ministre de la Culture et membre de la mission « Création et Internet », et Maxime Lombardini, directeur général du groupe Iliad (Free), à propos du financement des films.

En clair. Un dialogue de sourds apparaît entre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI)
et les représentants des ayants droit quant aux taxes et obligations de financement des œuvres que les premiers doivent verser aux seconds. « iTunes, Youtube, … Les contenus exclusifs seront achetés par ces plateformes étrangères qui échappent à des obligations de quotas, de taxe et d’obligations imposées à nous en France. Dans le projet de décret SMAd (1), on commence à mettre des quotas. C’est préhistorique ! », lance Maxime Lombardini, le directeur général d’Iliad. En effet, le ministère de la Culture (DGMIC), le CSA et le CNC indiquent, dans leur consultation publique achevée le 16 avril, que « conformément aux préconisations du rapport Création et Internet [de la mission Zelnik-Toubon- Cerutti, ndlr], les services par abonnement, qui proposent annuellement au moins 10 œuvres cinématographiques (…), sont soumis à un niveau de contribution cinématographique identique à celui applicable aux services de télévision de cinéma ». Pour le patron de Free, qui indique devoir payer 15 millions d’euros de taxe pour France Télévisions, 20 millions d’euros pour le Centre national
du cinéma (CNC) ou encore une taxe pour financer la Carte musique jeunes proposée par la mission Zelnik-Toubon-Cerutti…, « on fait le lit des fournisseurs américains qui
ne paient pas de taxes ».
Et d’ajouter : « On n’a toujours pas d’offre de vidéo à la demande (VOD) légale digne de ce nom, alors que l’on nous parle de projet de décret (SMAd)… ». C’est là que Jacques Toubon, de la salle, coupe la parole à Maxime Lombardini à qui il lance :
« Mais les obligations d’investissement [dans le préachat ou la coproduction de films européens ou d’expression orginale française, ndlr], c’est la contrepartie de la modification de la chronologie des médias [accord du 6 juillet 2009 et arrêté du 9 juillet 2009 qui ramène à quatre mois après la sortie en salle de cinéma la vidéo en DVD et
la VOD payante à l’acte, ndlr]. Dites-le ! Cet accord est la contrepartie. Dites-le ! ». Et
le patron de Free de rétorquer : « Il n’y a pas de contrepartie ; pour l’instant, il n’y a pas d’offre [de VOD] », renvoyant Jacques Toubon à sa colère… Et concernant la question du financement de la mise en oeuvre de la ripose graduée de l’Hadopi (2), Maxime Lombardini a estimé que ce n’était pas aux FAI de payer… @

Neelie Kroes : « Un marché unique en ligne européen »

En fait. Les 14 et 19 janvier, la commissaire européenne Neelie Kroes – auparavant chargée de la concurrence – a été auditionnée à deux reprises par le Parlement européen à Bruxelles. C’est ce 10 février qu’elle prendra officiellement le portefeuille « Agenda numérique ».

En clair. Ce n’était pas gagné d’avance ! D’autant qu’une partie des eurodéputés, qui ont auditionné Neelie Kroes, n’avaient pas été pleinement convaincus la première fois. Il faut dire que l’ancienne commissaire européenne à la Concurrence hérite des dossiers épineux de Viviane Reding. Sur la neutralité de l’Internet, que le Parlement
de Strasbourg examinera cette année, elle a déclaré qu’elle « protègera » le principe.
« [Les fournisseurs d’accès à Internet] ne devraient pas être autorisés à limiter l’accès au service ou le contenu pour des motivations commerciales, mais seulement en cas de problèmes de sécurité et de spam ». Sur la mise en place en Europe d’un marché unique en ligne, elle a affirmé que « ce n’[était] pas un but en soi, mais un moyen d’apporter des changements » et qu’elle entend y parvenir d’ici la fin de son mandat. Cela suppose une « disponibilité totale du haut débit ». Sur la propriété intellectuelle, Neelie Kroes a estimé que la législation européenne dans le domaine du droit d’auteur était encore « un patchwork de règles nationales » et a rappelé l’engagement pris par les sociétés d’auteurs de mettre en place des « licences multi territoriales » (1). La Néerlandaise a en outre appâté les eurodéputés, dont Catherine Trautmann, avec les négociations internationales sur un texte « anti-contrefaçon » dit ACTA (2) qui n’irait pas au-delà de ce qui prévu dans le Paquet télécom adopté en fin novembre dernier en matière d’Internet (coupure de l’accès après un procès équitable) et de droit fondamental (voir EM@ n°1). Sur la lutte contre la cyber criminalité, la commissaire désignée a répondu sur la nécessité d’un Office de régulation du cyberespace de l’Union européenne. Elle n’y est pas très favorable et lui préfère une plus grande coopération entre les Etats membres et un rôle accru de l’actuelle agence Enisa (3). Objectif : faire du Net en Europe « l’endroit le plus sûr pour les consommateurs ».
Sur le dividende numérique (les fréquences dites en or libérées d’ici à 2012 par l’extinction de la diffusion analogique au profit de la télévision numérique),
la commissaire rappelle l’initiative du Parlement européen d’organiser un sommet sur
le spectre afin d’harmoniser les politiques et d’aboutir à un marché unique. Dans sa réponse écrite aux eurodéputés datée du 22 décembre 2009, Neelie Kroes fixe comme objectif « d’offrir à tous les Européens l’accès aux (…) haut débit (…) d’ici à 2013 ». @

L’Hadopi compte pas moins de dix-neuf membres

En fait. Le 8 janvier 2010, l’Hadopi – Haute autorité pour la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur Internet – a été officiellement installée. Et ce, après la publication les 26 et 31 décembre 2009 au JO des deux premiers décrets (nomination et organisation) la concernant.

En clair. L’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) est morte. Vive l’Haute autorité pour la diffusion des œuvres et de la protection des droits sur Internet (Hadopi) ! Le premier décret daté du 23 décembre désigne 19 membres, dont 13 au sein d’un collège et 6 au sein d’une commission de protection des droits. La feue ARMT, qui fut instituée en août 2006 pour assurer une veille technologique sur l’interopérabilité et les systèmes d’identification des œuvres diffusées en ligne (1) de type DRM (2), apporte à la nouvelle Hadopi quelques membres, dont Jean Mustelli. En effet, l’actuel président de l’ARMT depuis 2007 représente désormais à l’Hadopi le Conseil d’Etat avec Marie Picard.
Le secrétaire général de l’ARMT, Jean Berbinau (industrie), y fait aussi son entrée comme l’un des trois représentants des « ministères chargés des communications électroniques, de la consommation et de la culture » avec Chantal Jannet (consommation) et l’ancien ministre Jacques Toubon (culture). Autre membre de l’ARMT, Marie-François Marais. Représentant la Cour de cassation avec Dominique Garban, elle a été élue présidente de l’Hadopi le 8 janvier. En outre, deux parlementaires sont désignés par le président de l’Assemblée nationale et par celui
du Sénat : le député UMP Franck Riester, rapporteur de la loi Hadopi, et le sénateur UMP Michel Thiollière, également rapporteur de la même loi promulguée le 13 juin 2009 (Hadopi 1) et le 29 octobre 2009 (Hadopi 2). La Cour des comptes est elle aussi représentée par Patrick Bouquet et Thierry Dahan, tandis que le Conseil supérieur de
la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a désigné Christine Maugüe et Philippe Belaval. Au sein de l’Hadopi, la « commission de protection des droits » orchestrera et mettra en oeuvre la fameuse « riposte graduée ». Elle est composée de six membres: Mireille Imbert-Quaretta et Jean-François Mary désignés par le Conseil d’Etat, Jean-Yves Monfort et Paul Chaumont par la Cour de cassation, Jacques Bille et Sylvie Toraille par la Cour des comptes. Quant au second décret daté du 29 décembre 2009,
il précise le fonctionnement, l’organisation et les rémunérations de la nouvelle autorité administrative indépendante. Les décisions du collège sont notamment prises à
la majorité des voix, celle du président étant prépondérante en cas d’égalité des voix.
Ni les séances du collège, ni celles de la commission de protection des droits ne sont publiques. @

Amazon réussit à démocratiser le livre numérique

En fait. Le 19 janvier 2010, les premières livraisons du Kindle DX – la version grand format du « e-reader » d’Amazon – débutent au-delà des Etats-Unis. Le géant mondial américain a vendu à Noël plus de livres numériques que de livre papiers.

En clair. Amazon aurait pu être aussi la vedette du salon mondial de l’électronique,
le Consumer Electronics Show (CES), s’il avait été présent début janvier à Las Vegas, dans le vaste espace alloué au livre numérique par les organisations. Qu’à cela ne tienne. Noël 2009 a donné le vrai coup d’envoi de ce nouveau média prometteur.
« Le Kindle est devenu l’article le plus offert de l’histoire d’Amazon. Le jour de Noël, pour la première fois, les clients américains ont acheté plus de livres pour le Kindle
que de livres papier » a expliqué Jeff Bezos, le PDG d’Amazon. C’est une première historique et un signe que le marché du livre numérique prend bel et bien son envol. Selon le cabinet d’études américain Forrester Research, les ventes de liseuses électroniques devraient doubler en 2010 pour s’élever à 6 millions d’unités (1). Le Kindle Store propose en téléchargement plus de 390.000 références, ouvrages ou journaux, vendues en général au prix de 9,99 dollars – voire 7,99 dollars. Soit plus
de deux fois moins cher que leurs équivalents imprimés. Mais la concurrence va être rude cette année : eReader de Sony, Nook de Barnes & Noble, Cool-er d’Interead, Vooks de Simon & Schuster, Que de Plastic Logic, Alex de Sprint Design ou encore Cybook du français Bookeen. Les constructeurs informatiques Apple, Hewlett-Packard et Dell entrent eux aussi dans l’arène avec des “tablettes” ou des “ardoises” qui entendent rivaliser avec les “e-readers”. La firme à la pomme, par exemple, devrait présenter l’iSlate à la fin du mois et commercialiser cette tablette au printemps prochain. Mais Amazon ne va pas se laisser faire. Plus de trois mois après le lancement à l’international du premier Kindle, le groupe américain a annoncé
(à la veille du CES) le lancement à l’international de la version grand format de son terminal : le Kindle DX. Sorti aux Etats-Unis en mai 2009, il permet de stocker jusqu’à 3.500 livres (contre 1.500 pour le modèle actuel). Avec ce modèle haut de gamme offrant un grand confort de lecture, le géant du e-commerce vise notamment les dirigeants d’entreprises, les milieux artistiques et le monde de l’éducation. Par ailleurs, quatre éditeurs outre-Atlantique (Hachette, Simon & Schuster, Harpers Collin’s, MacMillan) ont annoncé la mise en place d’une sorte de « chronologie des médias » appliquée à leurs livres qui seront numériques deux ou trois mois après la diffusion de l’imprimé… @

Le ministère de la Culture se réorganise

En fait. Le 13 janvier 2010, le ministère de la Culture et de la Communication adoptera une nouvelle organisation autour d’un secrétariat général et de trois directions générales, afin de simplifier son « administration centrale » et rendre plus efficace son action notamment face au défi du numérique.

En clair. Le ministère de la Culture et de la Communication, qui fête ses 50 ans cette année (1959-2009), est en pleine réorganisation. C’est en effet le 13 janvier 2010 qu’entrera en vigueur le décret du 11 novembre 2009 (1) censé simplifier son
« administration centrale » en un secrétariat général et trois nouvelles directions générales, au lieu de sept. L’une d’entre elles est baptisée « direction générale
des médias et des industries culturelles », s’y fondra la direction du développement
des médias (DDM) qui était jusqu’alors rattachée aux services du Premier ministre.
En passant sous tutelle du ministère, cette nouvelle DGMIC – appelée en interne
DG3 – va s’occuper « du développement et du pluralisme des médias, de l’industrie publicitaire, de l’ensemble des services de communication au public par voie électronique, de l’industrie phonographique, du livre et de la lecture et de l’économie culturelle ».
Elle étudiera notamment « l’évolution des technologies numériques » et aidera le gouvernement dans « les négociations européennes et internationales touchant à la réglementation et à la régulation des médias, des industries culturelles, du livre et des services en ligne ». En outre, elle va « suivre » les activités du Centre national de la cinématographie (CNC) (2). La DGMIC assurera aussi le secrétariat de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) et participera à la mise en oeuvre de la politique de l’Etat « en faveur de l’action audiovisuelle extérieure de
la France » (3) . Les deux autres directions générales – DG1 et DG2 – sont respectivement la « direction générale des patrimoines » (architecture, patrimoine, musées, archives, …) et la « direction générale de la création artistique » (musique, danse, théâtre, spectacles, …). Quant au secrétariat général, il aura non seulement
la charge de l’administration du ministère mais aussi coordonnera les « politiques culturelles transversales ».Parmi lesquelles : la politique ministérielle en matière de diffusion de la culture scientifique et technique, de numérisation, de diffusion et de valorisation des données publiques et des ressources numériques culturelles ».
Cette rationalisation ne se fait pas sans départs. L’un d’entre eux, Olivier Henrard, qui fut nommé en juin 2009 directeur adjoint du cabinet du ministre Frédéric Mitterrand, a quitté début décembre la rue de Valois – sur fond de rivalité – pour retourner au Conseil d’Etat. @