L’Europe s’apprête à décloisonner les droits d’auteur

En fait. Selon nos informations, c’est le 24 mai que le commissaire européen Michel Barnier présentera sa stratégie pour moderniser le droit d’auteur et encourager les offres légales paneuropéennes de musiques ou de films en ligne : accès aux œuvres, gestion collective et licences transnationales, …

En clair. La Commission européenne veut mettre en place un marché unique pour
les droits de propriété intellectuelle. Avec Internet, le réexamen de la directive communautaire sur le respect des droits d’auteur s’impose car les marchés en ligne dans l’Union européenne restent trop « fragmentés ». Ce qui, aux yeux de Bruxelles qui va dévoiler ses propositions le 24 mai, « entrave » le développement des plateformes légales.
« Aux États-Unis, il y a quatre fois plus de téléchargements de musique qu’en Europe,
qui pâtit du manque d’offres légales et du cloisonnement des marchés », déplorent les services de Michel Barnier. Le commissaire européenne chargé du Marché intérieur
et des services veut cette année « une loi européenne sur la gestion collective », afin,
dit-il, d’éviter « le morcellement des droits entre auteurs, éditeurs, artistes, produ-
cteurs » et « la difficulté d’obtenir des licences sur mesure [qui] entrave le développement de nouveaux services en ligne ». Résultat, déplore-t-il, « de grands sites de vente de musique en ligne ne sont accessibles que sur certains territoires de l’Union » (1).
Plus d’une vingtaine de « Sacem » en Europe – réunies au sein de la Cisac (2) – sont d’ailleurs dans le collimateur de Bruxelles, après avoir été condamnées pour entente
illicite en 2008 par Neelie Kroes – alors chargée de la Concurrence et aujourd’hui de l’Agenda numérique (3). La Cisac avait fait appel et, selon nos informations, attend
toujours le verdict.
La Commission européenne va en outre proposer un «Plan d’action de lutte contre
la contrefaçon et le piratage », en s’appuyant sur l’Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage créé il a maintenant deux ans (avril 2009) et remis au
goûtdu jour par le rapport Gallo adopté par les eurodéputés le 22 septembre 2010. L’auteurde ce rapport, l’eurodéputée Marielle Gallo, s’est d’ailleurs interrogée dans
« Libération » daté du 5 mai : « La France réussirat- elle à dépasser les frontières
d’une société numérique hexagonale ? (…) Est-il possible qu’en outre nos commentateurs souffrent d’un masochisme inquiétant : en bradant et en brocardant la protection de la propriété intellectuelle, ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils ont du mal à se tenir assis ! (…) Donc il faut une réglementation comme en toute matière (…) ». Reste à savoir si les Vingt-sept se doteront à terme d’une Hadopi européenne ou demanderont aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de sanctionner eux-mêmes leurs abonnés pirates comme en Espagne… @

Culturethèque

En poussant la porte de ma “culturethèque” de quartier ce samedi matin, c’est également une fenêtre qui s’entrouvre sur toutes ces bibliothèques grâce auxquelles, au fil du temps, j’ai aimé découvrir, au détour de linéaires souvent poussiéreux, des trésors endormis. Ce n’est pourtant plus des livres que je viens consulter, même si quelques étagères accueillent encore des ouvrages à côté d’une sélection de musique, de films et de journaux. Comme moi, les citoyens n’ont pas déserté ces lieux de diffusion des savoirs qui ont dû et su s’adapter tout au long de ces dernières années. Certains avaient en effet annoncé la disparition des médiathèques à l’heure de la numérisation accélérée des livres et de la diffusion effrénée des fichiers musicaux et vidéo. Mais, au rebours de ce sombre pronostic, ces lieux privilégiés de partage populaire, au nombre de plus de 3.000 en France, remplissent toujours ce rôle qu’ils ont, peu à peu, conquis par la volonté de quelques précurseurs. Comme l’étonnant Alexandre Vattemare au XIXe siècle, qui fut le premier promoteur des bibliothèques publiques, ou comme l’Américain Melvil Dewey et du Français Eugène Morel au XXe siècle.

« Nos bonnes vieilles médiathèques proposent des prêts numériques de fichiers de livres ou de musiques “chrono-dégradables” ».

Culture en ligne et TVA réduite : la France s’impatiente

En fait. Le 5 novembre, lors du Forum d’Avignon, Frédéric Mitterrand, ministre
de la Culture et de la Communication, a interpellé Neelie Kroes, commissaire européenne en charge du Numérique, sur le souhait de la France de pouvoir appliquer la TVA réduite sur les biens culturels en ligne en Europe.

En clair. S’il y avait unanimité entre les Vingt-sept, une TVA à taux réduit – 5,5 % par exemple en France au lieu de 19,6 % – pourrait s’appliquer aux biens culturels en ligne : livres, musiques, films, presse, vidéo, … Pour le ministre français de la Culture et de la Communication, « les nouveaux services de distribution d’œuvres culturelles en ligne sont encore à la recherche d’un modèle économique viable, et doivent pouvoir bénéficier d’un environnement fiscal favorable, comme c’est d’ailleurs le cas au Japon ou dans une grande partie des Etats- Unis ». Frédéric Mitterrand a réitérer le souhait
de la France « que la directive [européenne] sur la TVA permette aux Etats [membres] d’appliquer des taux réduits sur les biens culturelles en ligne ». Pour lui, il en va du pluralisme de la diffusion. La fiscalité sur Internet en Europe fait polémique en France, où le gouvernement va instaurer des obligations progressives de financement de films aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande (VOD, catch up TV, …). Ces derniers se plaignent que des acteurs du Web, dispensés de taxe culturelle, profitent en plus d’une fiscalité réduite, au Luxembourg par exemple. Dans sa contribution au livre vert de la Commission européenne sur les industries culturelles, envoyée le 30 juillet 2010, la France avait déjà exprimé sa demande en faveur d’« un même taux de TVA pour les biens et services culturels diffusés sur support physique ou distribués en ligne ». A l’occasion du Conseil des télécoms de l’Union européenne en avril dernier, la France avait proposé un amendement instaurant un taux réduit de TVA pour « certains services en ligne, en particulier culturels, tels que les e-books, presse en ligne, musique en ligne et VOD ». Mais il n’avait pas été retenu. En France, autant Frédéric Mitterand a obtenu gain de cause pour l’extension du prix unique au livre numérique (adoptée par le Sénat le 26 octobre), autant cela n’a pas été le cas avec la proposition de loi du député Hervé Gaymard (rejetée le 22 octobre par l’Assemblée nationale) plaidant pour une TVA à 5,5 % sur le livre numérique (1). Interpellée lors du Forum d’Avignon, Neelie Kroes n’a pas répondu sur la fiscalité mais sur « les obstacles au partage de la création culturelle et artistique » : droits d’auteur fragmentés, titres de catalogues indisponibles, divergences nationales sur la copie privée « Murs de Berlin culturels », … @

Forum d’Avignon : entre Internet et Ancien Régime

En fait. Du 4 au 6 novembre, s’est tenue à Avignon la troisième édition
des Rencontres internationales de la culture, de l’économie et des médias organisées par le Forum d’Avignon – présidé par Nicolas Seydoux – sur le
thème : « Nouveaux accès, nouveaux usages à l’ère numérique : la culture
pour chacun ? »

En clair. Le Forum d’Avignon, association qui bénéficie d’une convention triennale
avec le ministère de la Culture et de la Communication (lire EM@12 p. 7), se veut un
club d’échange très sélect sur la « diversité culturelle » et les médias. Certains, comme
le directeur général de la SACD (1), Pascal Rogard, ont trouvé ces rencontres
« frustrantes » : « Ce qui a manqué, c’est la présence et l’expression singulière des auteurs et artistes loin des langages formatés des spécialistes du marketing ». De plus, les industries culturelles « ne parlent plus de films, de livres, de musique mais utilisent toutes les dix secondes cet horrible mot de “contenu” qui permet de “consommer du Kant” sans doute comme des yoghourts » ! Avec le soutien de dix-sept partenaires privés (Vivendi, Orange, Bertelsmann, Le Figaro, Bayard, BNP Paribas, …), le Forum d’Avignon a le mérite de débattre sur la vague du numérique pour éviter qu’elle n’emporte toute la culture sur son passage. Sur fond de loi Hadopi, de réponse graduée, d’adoption par les eurodéputés du rapport Gallo sur « le renforcement de l’application des droits de propriété » (2) ou encore de futur accord ACTA anti-contrefaçon, ces troisièmes recontres avaient un petit air de revanche contre « les derniers partisans de la gratuité à tout prix [des contenus en ligne] », qui, selon Frédéric Mitterrand, le ministre de la Culture et de la Communication, « ressemblent de plus en plus à des mutins de Panurge ». Et d’ajouter lors de l’ouverture du Forum d’Avignon :
« La question de la rémunération des créateurs et de la valeur des (…) contenus a repris sa place centrale dans un débat qui vise à articuler offre numérique légale et dynamisme des filières culturelles de nos économies (…) Défendre l’offre légale contre le piratage, ce n’est pas, bien sûr, céder pour autant à la logique du tout marché ».
Le numérique suppose, selon lui, de repenser l’intervention de la puissance publique : partenariats publics-privés, propositions de loi, TVA à taux réduit sur les biens culturels en ligne, … Il a, sur ce dernier point, interpellé Neelie Kroes intervenant elle aussi à Avignon. La commissaire européenne en charge du Numérique a parlé, elle, de
« révolution Internet, qui révèle la position insoutenable de certains “gardiens” [détenteurs de droits, ndlr] des contenus relevant de l’Ancien Régime »… Instaurer
un système de licence de droits musicaux pan-européen fait parti de ses projets. @

Droits d’auteur : vote du rapport Gallo reporté…

En fait. Le 1er juin, la Commission des affaires juridiques du Parlement européen
a adopté le rapport de la Commission européenne sur le « Renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle sur le marché intérieur »,
établi par l’eurodéputée Marielle Gallo (UMP, PPE).

En clair. Le débat sur la propriété intellectuelle à l’heure du numérique ne fait que commencer. Le rapport de Marielle Gallo sur le « renforcement de l’application des droits de propriété intellectuelle » doit encore faire l’objet d’un vote en assemblée plénière au Parlement européen. Cela aurait dû se faire le 15 juin à Strasbourg mais, selon nos informations, le groupe d’opposition (socialistes et verts) a obtenu le report du vote au 6 ou 7 juillet. Entre temps, le 1er juillet, une conférence des présidents doit dit si ce rapport est « stratégique » (amendements possibles seulement) ou pas (rapport alternatif possible). Pour l’heure, le scrutin de la Commission des Affaires juridiques du 1er juin lui a été favorable : 15 pour, 8 contre et aucune abstention. Partant du constat que « des lacunes persistent en en ce qui concerne la lutte contre
le piratage sur Internet », ce rapport parlementaire prône « une législation européenne adéquate sur les mesures pénales » et soutient « une coopération stratégique et opérationnelle étroite entre toutes les parties intéressées au sein de l’Union européenne, en particulier Europol (1) (…) ».