La France cherche à financer sa musique sans CNM

En fait. Le 29 janvier s’est achevé le 47e Midem, le Marché international du disque
et de l’édition musicale. Dans un contexte mondialisé et un écosystème numérisé, la filière française demande plus que jamais aux pouvoirs publics
de l’aider à financer son « exception culturelle » malgré l’abandon du CNM.

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) aurait eu un an le 28 janvier, jour
de sa création par l’ancien ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, lors de la signature au Midem de l’an dernier d’un accord-cadre. La Fédération française des télécoms (FFT) ne l’avait alors pas signé, n’ayant pas obtenu la garantie que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne seraient pas taxés pour cofinancer la filière musicale (1). Un an après, malgré l’abandon du CNM, l’actuelle ministre de la rue de Valois, Aurélie Filippetti, tente de « poursuivre la concertation engagée dans le cadre de la mission de préfiguration du CNM » en organisant au sein de son ministère une « mission ‘’musique’’ ». Celle-ci doit réfléchir aux financements
de la filière musicale, dont les ventes baissent encore en 2012 (voir p. 10), sur fond
de projets de fiscalité numérique et de contribution des acteurs de l’Internet au financement des industries culturelles. Et le rapport « Acte 2-exception culturelle »
de la mission Lescure attendu pour fin mars devrait l’aider à y voir plus clair.
Alors que Warner Music France a profité du Midem pour demander une « taxe Google » en faveur de la musique (2), la rue de Valois pare au plus pressé. « Face aux difficultés et à l’urgence que vivent certaines plates-formes de musique en ligne françaises, [j’ai] mis en place un mécanisme de financement approprié (…) pour une enveloppe budgétaire de 260 000 euros. Cette intervention, opérée via le Fonds pour la création musicale (FCM), a permis de soutenir des acteurs tels que Starzik, Beezik, CD1D, Wiseband, Believe », a-t-elle indiqué à Cannes le 27 janvier. Tous les acteurs n’ont
pas la chance de pouvoir lever 100 millions d’euros, comme l’a fait Deezer auprès de Access Industries (Warner Music).
Le FCM, qui fut créé il y a plus de vingt ans, gère un budget de l’ordre de 4 millions d’euros qu’alimentent des sociétés de droits d’auteurs (Sacem, SACD, …), d’artistes (Adami, Spedidam, …) et des syndicats de producteurs (SCPP, Snep, …) à partir des
25 % de la copie privée. Le ministère de la Culture et de la Communication ainsi que le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) abondent eux aussi. Le FCM est complété par le Fonds d’avances remboursables pour l’industrie musicale (FA-IM), doté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) de 10 millions d’euros en 2012. @

Les industriels attaquent la copie privée : saison 2

En fait. Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur la décision n°15 de la commission pour la rémunération de la copie privée fixant les nouvelles taxes à payer lors de l’achat de supports de stockage, mémoires et disques durs. Cette décision, datée du 14 décembre, est parue le 26 au Journal Officiel (1).

En clair. Rendez-vous devant le Conseil d’Etat ! Les industriels s’apprêtent en effet à saisir la Haute juridiction administrative (2) pour demander l’annulation cette décision instaurant – « de façon illégale », affirment-ils – de nouveaux barèmes de rémunération
de la copie privée pour remplacer ceux annulés par le Conseil d’Etat en juin 2011. Aucun support de stockage numérique, ou presque, n’échappe à ces nouvelles taxes que doivent payer les consommateurs lors de l’achat de supports de stockages. Et ce,
en contrepartie du droit de faire des copies à usage privée de musiques, de films ou d’œuvres audiovisuelles, écrites ou graphiques. A part le cloud computing qui n’y est pas encore soumis (3) et les disques durs internes des ordinateurs toujours curieusement épargnés, tout y passe : CD/DVD, décodeurs, « box », enregistreurs numériques, appareils de salon, clés USB, supports de stockage multimédias, disques durs externes, smartphones, tablettes, baladeurs, autoradios, navigateurs GPS, … Selon les organisations des ayants droits (auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs réunis au sein de Copie France), les nouveaux tarifs sont « globalement inférieurs » aux précédents et promettent une « légère diminution des rémunérations perçues au cours
de l’année 2013 ». Mais en réalité, il en coûtera plus cher pour les tablettes, baladeurs
ou GPS. Cette décision n’est pas du goût des industriels d’appareils électroniques, dont les organisations (Simavelec, Sfib, Secimaci, Gitep Tics, SNSII) avaient le 15 novembre claqué la porte de cette commission présidée par Raphaël Hadas-Lebel et placée sous
la tutelle des ministères de la Culture, de l’Industrie et de la Consommation.
Cela n’a pas empêché l’adoption de la décision n°15 à une écrasante majorité : 15 voix pour (4) et 3 voix contre (Unaf, CLCV et Familles rurales). Deux membres se sont abstenus : l’Association droit électronique et communication (Adec) et de la Fédération française des télécoms (FFT). Cette dernière s’est pour la première fois désolidarisée
des industriels en ne votant pas contre « afin de marquer les avancées obtenues ces dernières semaines lors des négociations sur les nouvelles grilles [notamment sur les
« box », ndlr] » mais en s’abstenant « afin de signifier qu’elle n’adhère pas au dispositif actuel de gouvernance et d’élaboration des décisions ». @

L’ère du worktertainment

Hier soir, en partant du bureau, je suis rentré m’assoir à
ma table de travail. Et ce matin, en poussant la porte de
mon bureau, je me suis retrouvé dans ma chambre… Comme pour désormais la majorité d’entre nous, la frontière entre vie professionnelle et vie privée s’estompe un peu plus chaque jour. Le phénomène est bien connu et a été anticipé maintes fois depuis fort longtemps. Les années 1970 furent celles d’un télétravail annoncé et étudié sous toutes les coutures, mais qui tarda à venir. Dans les années 1990, c’est au tour du desk sharing de faire une apparition timide. La mutualisation des postes de travail fut tout d’abord introduite par de grandes sociétés de conseil américaines,
dont les collaborateurs travaillaient principalement chez leurs clients. Mais en 2010,
on estimait déjà à un tiers les entreprises ayant appliqué ce système pour une partie
de leurs salariés, le plus souvent en adoptant un ratio de sept postes de travail pour
dix salariés. L’ensemble des technologies contribuant à faciliter la mobilité des postes
de travail a finalement accéléré le phénomène. En 2012, dans de grands pays européens, une personne équipée d’un smartphone sur deux était concernée par le phénomène du BYOD (Bring Your Own Device). Cette pratique consiste, pour les salariés d’une entreprise, à venir au travail avec leur propre équipement. Les conséquences de ce phénomène sont bien connues : l’employé utilise des services et des terminaux à domicile souvent bien plus puissants et faciles d’utilisation que ceux fournis par l’employeur. Ce qui a longtemps mis les directions informatiques sous pression. Aujourd’hui, l’équipement de base est constitué d’une tablette connectée, d’un smartphone, d’un accès permanent aux applications disponibles dans le cloud et d’une série d’applications collaboratives dérivées des « applis » les plus populaires.

« Ses collègues font partie d’un réseau étendu
et son supérieur hiérarchique adopte le titre
pompeux de Chief Chaos Officer ! »

Exaspération culturelle

Cette semaine, les médias bruissent de rumeurs concernant la restitution publique des conclusions d’un rapport consacré aux nouvelles orientations de la politique culturelle du pays. Le gouvernement en a fait la commande avec l’espoir, plus ou moins avoué et peut-être illusoire, d’enfin réconcilier promotion de la création nationale et mutation technologique. Cet énième rapport sera-t-il à son tour refermé à peine ouvert après avoir suscité d’âpres débats et fait monter au créneau les représentants des différentes parties prenantes ? Rejoindrat- il ces prédécesseurs, comme le célèbre rapport Lescure de 2013 qui devait déboucher sur une série d’ajustements limités de nombreux dispositifs en place ? Des réformes ambitieuses étaient pourtant attendues, les moins bien intentionnés parlèrent de « rustines » pour le dispositif Hadopi. Un rapport qui signa, quoi qu’il en soit, le passage à un « acte 2 de l’exception culturelle » à la française.

« Les Européens sont ainsi en train d’enrayer
la malédiction selon laquelle les cultures nationales fécondes et originales ne s’exporteraient pas. »

Les opérateurs télécoms financent-ils trop la culture ?

En fait. Le 31 octobre, la FTTélécoms a présenté sa deuxième étude annuelle réalisée par Arthur D. Little. Ses président et vice-président, Pierre Louette (Orange) et Geoffroy Roux de Bézieux (Virgin Mobile), ont à nouveau fustigé
la « sur-fiscalité » des opérateurs, dont celles en faveur du cinéma et la VOD.

En clair. « Nous ne sommes pas opposés au principe du financement de la culture par les opérateurs télécoms, mais à condition que cela se fasse de façon proportionnée.
Les revenus du Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) explosent ! »,
a lancé Pierre Louette, président de la Fédération française des télécoms (FTTélécoms), par ailleurs directeur général adjoint et secrétaire général du groupe France Télécom. Il met en garde contre notamment l’augmentation de cette taxe sur les services de télévision (TST) qui alimente le Cosip géré par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Pour les opérateurs membres de la FTTélécoms (dont ne font pas partie Free et Numericable), cette taxe – à acquitter car ils distribuent via leurs box IPTV les chaînes de télévision, mais que la Commission européenne souhaite modifier (1) – a augmenté de 7,9 % cette année à 150 millions d’euros. Tandis que les taxes pour la copie privée et sur la vidéo à la demande (VOD), elles ont bondi de 32,2 % à un total cumulé de 41 millions sur un an (voir tableau ci-dessous). Lors du colloque NPA le 6 novembre, le même Pierre Louette a mis en garde : « Le principe de proportionnalité doit être respecté, c’est-à-dire en proportion des usages fixes et mobiles, sinon ces taxes seront contestées ». Quant à la taxe dite Copé ou « taxe télécoms », instaurée pour compenser la fin de la publicité sur France Télévisions, elle est quasi stable à 235 millions d’euros mais elle devrait annulée en 2013 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le gouvernement a provisionné 1,3 milliard d’euros pour rembourser les opérateurs télécoms. @

Source : Edition Multimédi@, d’après la FFTélécoms/Arthur D. Little.