Crowdfunding en Europe : 1 milliard d’euros en 2013

En fait. Le 18 juin, le député Jacques Cresta a soumis à Fleur Pellerin, ministre de l’Economie, une question pour « un cadre juridique du crowdfunding ». En Europe, où le financement participatif va franchir 1 milliard d’euros cette année, Michel Barnier a dit le 3 juin réfléchir à un cadre européen.

En clair. Si le crowdfunding est de plus en plus pris au sérieux en Europe, c’est que ce mode de financement participatif sur Internet commence à brasser de l’argent. Selon le commissaire européen Michel Barnier, en charge du Marché intérieur et des Services,
les plates-formes de crowdfunding ont collecté en Europe 446 millions d’euros en 2011
et 735 millions en 2012. Ce qui a permis de financer 470.000 projets, aussi bien dans les domaines de la création artistique (musiques, films, programmes audiovisuels, jeux vidéo, livre, …) que dans le soutien à de jeunes entreprises ou des projets originaux.
A l’heure où les industries culturelles ne jurent que par le financement de la création, le crowdfunding arrive à point. Ces chiffres rejoignent ceux du Crowdfunding Industry Report de la société américaine Massolution et de l’association Crowdsourcing. Et avec une croissance à deux chiffres chaque année, comme les 65 % entre 2011 et 2012, le financement participatif va dépasser allègrement la barre du 1 milliard d’euros cette année sur le Vieux Continent. Au niveau mondial, le seuil des 2 milliards d’euros a déjà été franchi dès l’an dernier. Ces plates-formes de cofinancements collectifs par Internet
sont au nombre de plus de 400 dans le monde, telles que Kickstarter, KissKissBankBank, Ulule, Babeldoor, MyMajorCompany, Touscoprod, Babyloan, Friendsclear, Wiseed ou encore Anaxago. Les contreparties au financement participatif prennent des formes multiples : dons, avantages en nature (CD, places de spectacle,…), mention du nom
du donateur au générique d’un film, pré-ventes, reconnaissance de dettes ou de parts
de société.
Face à l’ampleur du phénomène, la Commission européenne réfléchit à « un cadre
adapté » – avec des « obligations allégées » en deçà d’un certain seuil de collecte –
pour favoriser le crowdfunding chez les Vingt-Sept au regard non seulement de la réglementation bancaire et financière, mais aussi fiscale et concurrentielle. « Certains Etats membres, comme la France (1), la Belgique et l’Allemagne ont publié des guides visant à clarifier la manière dont le crowdfunding pourrait être régulé. D’autres, comme l’Italie, ont pris le parti d’un cadre spécifique au soutien des entreprises innovantes », constate Michel Barnier. En France, le rapport Lescure appelle le gouvernement à
« clarifier le cadre juridique et fiscal et d’en améliorer la visibilité ». @

Lescure : les producteurs contre la gestion collective

En fait. Le 12 juin, Pierre Lescure, président de la mission « Acte II de l’exception culturelle », et Jean- Baptiste Gourdin, rapporteur général, ont été auditionnés par la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Ils ont à nouveau insisté sur la gestion collective à l’ère du numérique.

En clair. « La gestion collective, loin d’être un archaïsme, est LE mode de gestion adapté à l’exploitation numérique des oeuvres, laquelle se caractérise par des nano paiements
et une multitude de micro transactions. La gestion collective est le système, même en termes économiques, le plus adapté à cette exploitation. (…) C’est ce système que nous voulons généraliser », a insisté Jean-Baptiste Gourdin, rapporteur général de la mission
« Acte II de l’exception culturelle » (1). Ce plaidoyer pour la gestion collective agace les producteurs, aussi bien de musiques que de films, très attachés à la gestion individuelle des auteurs. « Cette collectivisation à marche forcée, nous y sommes opposés. (…) La gestion collective est portée auprès du ministère de la Culture par l’Adami (2) », a fustigé Guillaume Leblanc, directeur général du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep) le 31 mai dernier. Il compte bien « rectifier et corriger » les propositions du rapport Lescure dès ce mois de juin lors des réunions de travail avec le ministère de la Culture et de la Communication. « En quoi un système de gestion collective crée de la valeur et en quoi il est meilleur que le système actuel ? (…) Nous ne voulons pas de gestion collective obligatoire [en cas de refus de négocier, ndlr] », a ajouté Stéphane Le Tavernier, président du Snep, en indiquant avoir confié avec l’UPFI (3) au cabinet Ernst & Young la réalisation pour « fin juin – début juillet » d’un audit pour comparer les modèles économiques. Quant aux producteurs de cinéma, ils défendent aussi leurs droits exclusifs sur les films.
Mais la mission Lescure n’en démord pas devant les députés : il faut des négociations interprofessionnelles entre les syndicats des industries culturelles et, pour la mise en oeuvre, les sociétés de gestion collective afin de garantir la rémunération des auteurs et des artistes à l’heure d’Internet. « Ce n’est pas une solution irréaliste car elle fonctionne déjà dans certains secteurs : par exemple, dans le domaine de la VOD, les auteurs sont rémunérés par la SACD (4) qui collecte directement les rémunérations auprès des plates-formes vidéo de type iTunes [mais aussi Dailymotion, YouTube, CanalPlay Infinity, Filmo TV et depuis juin Videofutur, ndlr]. Et ce, en vertu d’un accord avec les producteurs ».
Ces derniers n’ont en tout cas pas dit leur dernier mot… @

Vincent Montagne, président du SNE : « L’hégémonie de quelques acteurs sur Internet n’est pas une fatalité »

A l’occasion du 33e Salon du livre de Paris, le président du Syndicat national
de l’édition (SNE), qui est aussi le PDG de Média-Participations, nous explique comment le marché du livre s’organise en France pour « favoriser les offres
légales numériques » et « garantir la rémunération de la création ».

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Que pèse le marché français du livre en 2012, après avoir totalisé 4,27 milliards d’euros en 2011 ? Et les ventes de livres numériques ont-elles décollé en 2012 et dépassent-elles les 2 % des revenus de 2011 (56,8 millions d’euros) ?
Entretiens de Royaumont 2010Vincent Montagne : Le chiffre d’affaires du livre est de 4,13 milliards en ventes de détail (TTC) pour la France métropolitaine – y compris le numérique. Dans un environnement en mutation, le livre reste donc stable et très attractif : il représente 53 % du marché des biens culturels. L’institut d’études GfK a calculé une hausse de 80 % des ventes d’ebooks entre 2011 et 2012.
Le SNE publie ses statistiques en juin, mais nous savons déjà que
le marché, s’il progresse, n’a pas bouleversé la répartition du chiffre d’affaires des éditeurs. Le baromètre Sofia-SNE-SGDL sur les usages du livre numérique montre, lui, que même chez les lecteurs de livres numériques, l’imprimé reste très attractif.
Le marché européen se développe plus tardivement qu’aux Etats-Unis où le Kindle est arrivé dès 2007. En France, les liseuses ne sont réellement apparues qu’à la fin 2011,
soit deux ans après la sortie de l’iPad.

La France cherche à financer sa musique sans CNM

En fait. Le 29 janvier s’est achevé le 47e Midem, le Marché international du disque
et de l’édition musicale. Dans un contexte mondialisé et un écosystème numérisé, la filière française demande plus que jamais aux pouvoirs publics
de l’aider à financer son « exception culturelle » malgré l’abandon du CNM.

En clair. Le Centre national de la musique (CNM) aurait eu un an le 28 janvier, jour
de sa création par l’ancien ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, lors de la signature au Midem de l’an dernier d’un accord-cadre. La Fédération française des télécoms (FFT) ne l’avait alors pas signé, n’ayant pas obtenu la garantie que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne seraient pas taxés pour cofinancer la filière musicale (1). Un an après, malgré l’abandon du CNM, l’actuelle ministre de la rue de Valois, Aurélie Filippetti, tente de « poursuivre la concertation engagée dans le cadre de la mission de préfiguration du CNM » en organisant au sein de son ministère une « mission ‘’musique’’ ». Celle-ci doit réfléchir aux financements
de la filière musicale, dont les ventes baissent encore en 2012 (voir p. 10), sur fond
de projets de fiscalité numérique et de contribution des acteurs de l’Internet au financement des industries culturelles. Et le rapport « Acte 2-exception culturelle »
de la mission Lescure attendu pour fin mars devrait l’aider à y voir plus clair.
Alors que Warner Music France a profité du Midem pour demander une « taxe Google » en faveur de la musique (2), la rue de Valois pare au plus pressé. « Face aux difficultés et à l’urgence que vivent certaines plates-formes de musique en ligne françaises, [j’ai] mis en place un mécanisme de financement approprié (…) pour une enveloppe budgétaire de 260 000 euros. Cette intervention, opérée via le Fonds pour la création musicale (FCM), a permis de soutenir des acteurs tels que Starzik, Beezik, CD1D, Wiseband, Believe », a-t-elle indiqué à Cannes le 27 janvier. Tous les acteurs n’ont
pas la chance de pouvoir lever 100 millions d’euros, comme l’a fait Deezer auprès de Access Industries (Warner Music).
Le FCM, qui fut créé il y a plus de vingt ans, gère un budget de l’ordre de 4 millions d’euros qu’alimentent des sociétés de droits d’auteurs (Sacem, SACD, …), d’artistes (Adami, Spedidam, …) et des syndicats de producteurs (SCPP, Snep, …) à partir des
25 % de la copie privée. Le ministère de la Culture et de la Communication ainsi que le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) abondent eux aussi. Le FCM est complété par le Fonds d’avances remboursables pour l’industrie musicale (FA-IM), doté par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) de 10 millions d’euros en 2012. @

Les industriels attaquent la copie privée : saison 2

En fait. Le 1er janvier 2013 est entrée en vigueur la décision n°15 de la commission pour la rémunération de la copie privée fixant les nouvelles taxes à payer lors de l’achat de supports de stockage, mémoires et disques durs. Cette décision, datée du 14 décembre, est parue le 26 au Journal Officiel (1).

En clair. Rendez-vous devant le Conseil d’Etat ! Les industriels s’apprêtent en effet à saisir la Haute juridiction administrative (2) pour demander l’annulation cette décision instaurant – « de façon illégale », affirment-ils – de nouveaux barèmes de rémunération
de la copie privée pour remplacer ceux annulés par le Conseil d’Etat en juin 2011. Aucun support de stockage numérique, ou presque, n’échappe à ces nouvelles taxes que doivent payer les consommateurs lors de l’achat de supports de stockages. Et ce,
en contrepartie du droit de faire des copies à usage privée de musiques, de films ou d’œuvres audiovisuelles, écrites ou graphiques. A part le cloud computing qui n’y est pas encore soumis (3) et les disques durs internes des ordinateurs toujours curieusement épargnés, tout y passe : CD/DVD, décodeurs, « box », enregistreurs numériques, appareils de salon, clés USB, supports de stockage multimédias, disques durs externes, smartphones, tablettes, baladeurs, autoradios, navigateurs GPS, … Selon les organisations des ayants droits (auteurs, artistes-interprètes, producteurs et éditeurs réunis au sein de Copie France), les nouveaux tarifs sont « globalement inférieurs » aux précédents et promettent une « légère diminution des rémunérations perçues au cours
de l’année 2013 ». Mais en réalité, il en coûtera plus cher pour les tablettes, baladeurs
ou GPS. Cette décision n’est pas du goût des industriels d’appareils électroniques, dont les organisations (Simavelec, Sfib, Secimaci, Gitep Tics, SNSII) avaient le 15 novembre claqué la porte de cette commission présidée par Raphaël Hadas-Lebel et placée sous
la tutelle des ministères de la Culture, de l’Industrie et de la Consommation.
Cela n’a pas empêché l’adoption de la décision n°15 à une écrasante majorité : 15 voix pour (4) et 3 voix contre (Unaf, CLCV et Familles rurales). Deux membres se sont abstenus : l’Association droit électronique et communication (Adec) et de la Fédération française des télécoms (FFT). Cette dernière s’est pour la première fois désolidarisée
des industriels en ne votant pas contre « afin de marquer les avancées obtenues ces dernières semaines lors des négociations sur les nouvelles grilles [notamment sur les
« box », ndlr] » mais en s’abstenant « afin de signifier qu’elle n’adhère pas au dispositif actuel de gouvernance et d’élaboration des décisions ». @