Le cinéma français fait la publicité gratuite de Netflix !

En fait. Le 24 mars, La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, a reçu des dirigeants de Netflix qui prévoit d’arriver en France à l’automne. Le 21 mars, elle avait rassuré les organisations françaises de l’audiovisuel et du cinéma qui s’inquiètent de l’arrivée du géant de la SVOD.

En clair. Cela fait plus de trois ans maintenant que les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma français font gratuitement de la publicité pour Netflix, qui n’en demandait pas tant. Et ce, bien avant que le pionnier américain de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) n’envisage de se lancer à l’automne prochain dans le pays de
« l’exception culturelle ». La campagne publicitaire qu’ont offerte à Netflix les organisations françaises – relayées par les médias surfant aussi sur les rumeurs de lancement maintes fois reporté (1) – n’a pas faibli depuis lors.
Entre mises en garde, craintes, peurs et fantasmes, les chaînes de télévision et les producteurs français n’ont de cesse de crier au loup. « Mars Attacks », a ironisé Pascal Rogard, DG de la SACD, sur son blog le 23 mars : « Le cas Netflix illustre parfaitement l’incroyable agilité de ces sociétés qui défient les vieilles règlementations fondées encore sur la taxation des portes et fenêtres alors que celles-ci dans l’univers numérique n’ont jamais existé ». Canal+ étant encore en France le premier pourvoyeur du Septième Art en France (lire p. 4), un poids lourd international de la SVOD comme Netflix fait trembler les fondements du financement de « l’exception culturelle » française. De son côté, l’Union des producteurs de films (UPF) a adressé un courrier daté du 24 mars à Aurélie Filippetti – qui recevait ce jour-là Netflix – pour la mettre en garde contre l’arrivée de « grands groupes internationaux nullement concernés par aucune régulation » et lui demander
« l’égalité de traitement (…) entre opérateurs audiovisuels (…), quel que soit leur lieu d’établissement ». Netflix aurait, selon Les Echos, décidé d’opérer ses services pour
la France à partir du Luxembourg.
Quant à l’ARP (2), elle a déclaré le 25 mars que « Netflix est bienvenu en France pour en devenir un nouveau diffuseur, mais seulement dans le respect d’un équilibre bénéfique à
la pérennité de la création, qui ne brade ni nos oeuvres, ni nos règles collectives ». Mais l’ARP rappelle « l’urgence de la réforme de la chronologie des médias pour les services de SVOD », l’UPF, elle, estime qu’« il n’est pas question ni d’assouplissement ni de marchandage ni d’aménager les lois et règles (…) pour organiser l’arrivée en concurrence frontale autant que déloyale de groupes internationaux » comme Netflix. @

Manuel Valls était contre l’Hadopi : et la loi Création ?

En fait. Le 2 avril, Manuel Valls – que le chef de l’Etat François Hollande a nommé
le 31 mars Premier ministre à la place de Jean-Marc Ayrault – a formé son gouvernement « resserré » : Aurélie Filippetti reste à la Culture, Arnaud Montebourg ajoute l’Economie et le Numérique (1) au Redressement productif.

En clair. Le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, fut un ardent opposant à la loi Hadopi : il a signé dès le 17 juin 2008 dans Libération un appel contre le projet de loi Hadopi « attentatoire aux libertés fondamentales et n’apportant aucune réponse aux besoins de financement des créateurs » ; il a encore fustigé la loi Hadopi dans un discours le 29 juin 2009 au Théâtre Michel (2), alors que le premier volet venait tout
juste d’être promulgué le 13 juin après la décision rectificative du Conseil constitutionnel du 10 juin.
Plus de deux ans après, cette fois lors des primaires socialistes où il était candidat
à l’investiture du PS pour la présidentielle, il déclarait sur son blog Valls2012.org de campagne le 8 octobre 2011 : « Je n’ai jamais tergiversé sur l’abrogation nécessaire
de cette loi qui induit la répression, soldée par une sanction pénale, administrative et financière ». Et celui qui est alors maire d’Evry se déclarait favorable à une « contribution créative adaptée », afin de « dégager des moyens de financement en faveur de la création, sous la forme d’un versement à la filière artistique ainsi que la réorientation vers cette filière du produit de la taxe sur les fournisseurs d’accès à Internet (évaluée à 1 milliard d’euros par an)» (3). Le nouveau Premier ministre était ainsi en phase avec la position de la Sacem, prônant une « contribution compensatoire » prélevée sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI).

Mobile Film Festival : à Cannes pour sa 10e edition ?

En fait. Le 11 février, la 9e édition du Mobile Film Festival – organisé par Mobilevent – s’est achevée par l’attribution de 5 Prix par un jury présidé par le réalisateur de films Jean-Pierre Jeunet pour soutenir des réalisateurs de films ultra courts sur
le principe de « 1 Mobile, 1 Minute, 1 Film ».

En clair. Le Septième Art connaissait les longs-métrages et les courts-métrages.
Il lui faudra désormais compter avec les films ultra-courts qui rencontrent un succès grandissant auprès d’un large public. La généralisation de la 4G devrait confirmer cet engouement, d’autant que Bruno Smadja, organisateur du Mobile Film Festival, nous indique que la limitation des fichiers à 100 Mo a été levée cette année. Quatre opérateurs – Orange, SFR, Bouygues Telecom et le MVNO La Poste Mobile (détenu SFR à 49 %) – ont chacun atteint en janvier 1 million d’abonnés à la 4G. Mais la dernière fois qu’un opérateur mobile, en l’occurrence SFR, a soutenu la création sur mobile, cela remonte
à 2010, dernière année où s’est produit un autre événement similaire, le Festival Pocket Films, organisé durant six ans par la mairie de Paris via Le Forum des images et le CNC. Dommage aussi que les fabricants de smartphones n’encouragent pas cette initiative.

Michel Barnier, commissaire européen : « Le droit d’auteur doit s’adapter à Internet »

L’année 2014 sera décisive pour la Commission européenne en matière d’adaptation du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur et des Services, fait le point sur les réformes législatives en cours.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Michel BarnierEdition Multimédi@ : Le Parlement européen a adopté, en séance plénière le 4 février 2014, la nouvelle directive Gestion collective. En quoi va-telle améliorer l’offre de la musique en ligne en Europe ?
Michel Barnier :
Les ventes de musique en ligne en Europe sont passées de 200 millions d’euros en 2004 à 1,2 milliard en 2012.
Ce secteur évolue donc très vite. Notre cadre juridique doit aussi s’adapter pour vivre avec son temps, celui du marché intérieur et d’Internet. Un domaine où il était nécessaire d’agir est la gestion collective que nous avons voulue simplifier et rendre plus transparente.
Il existe plus de 100 sociétés de gestion collective en Europe qui jouent un rôle primordial. Certaines d’entre elles ont eu du mal à s’adapter aux contraintes de la gestion de droits pour l’exploitation en ligne ou transfrontières. La directive européenne prévoit des règles qui faciliteront la concession de licences multi-territoriales et l’agrégation des répertoires de plusieurs sociétés de gestion.
Cela veut dire concrètement que les prestataires de services sur Internet pourront obtenir plus facilement les licences nécessaires à la diffusion de musique en ligne provenant de toute l’Union européenne, et même d’au-delà. Les consommateurs, eux, auront accès à un répertoire plus grand. Ils connaissent aujourd’hui souvent Deezer ou Spotify, mais d’autres entreprises, des PME par exemple, bénéficieront aussi de ces règles pour développer leur offre ou de nouveaux services numériques.

Yves Riesel, président de Qobuz Music Group : « Le clivage streaming versus téléchargement est déjà caduc ! »

Le cofondateur et président du directoire de Qobuz Music Group (ex-Lyra Media Group), qui comprend la plate-forme de musique en ligne Qobuz.com et la maison de disques Abeille Musique, estime qu’il est temps de passer à la qualité Hi-Fi sur Internet. Et il ne cesse de pester contre la gratuité musicale.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Yves RieselEdition Multimédi@ : La holding Lyra Media Group est devenue au 1er février Qobuz Music Group, du nom de votre plate-forme de musique en ligne Qobuz créée il y a cinq ans. Est-ce parce que les ventes numériques de musiques deviennent majeures dans vos activités ?
Yves Riesel :
Lyra regroupe la maison de disques Abeille Musique créée en 1997 et Qobuz créée en 2007. Les deux sociétés font du numérique, lequel génère 60 % du chiffre d’affaires de l’ensemble. Mais Abeille Musique, qui est toujours engagée dans la vente de CD, la production et la distribution, fait essentiellement de la vente aux professionnels (B2B). Tandis que Qobuz fait de la vente aux particuliers (B2C). Ce changement de dénomination ne concerne
pas le clivage physique/numérique. Il vise à donner de la force à la marque Qobuz qui maintenant s’ouvre à l’international et à montrer la totale cohérence du métier de distribution de musique des deux sociétés, que ce soit en B2B ou en B2C. Abeille Musique est maintenant devenue une société de distribution de musique numérique,
avec un catalogue important, elle est positionnée en tant que fournisseur de services
de distribution de haute qualité auprès des labels et des artistes – rien à voir avec tant d’agrégateurs dont le soin apporté aux produits est minime. Qobuz et Abeille, qui partagent le même souci de qualité (son, documentation, métadonnées) font un travail cohérent, qui sera réuni sous la même marque en particulier à l’international. Quant à notre filiale Virgule, elle a une activité de publishing [gestion des droits des compositeurs et des chanteurs, ndlr].