Les « CSA » européens veulent plus de la Commission européenne contre les fake news

Les Google, Facebook et autres Twitter ont été contraints de se constituer en « police privée » pour chasser sur Internet les fausses informations. Liberté d’expression et liberté d’informer sont passées au crible pour supprimer les infox. Mais pour les « CSA » européens, cela ne pas assez loin.

Le groupe des régulateurs européens des médias audiovisuels, l’Erga (1), a publié le 6 mai son « rapport sur la désinformation et l’évaluation de la mise en œuvre du code de pratique » pour lutter contre les fake news. Ce rapport final intervient deux ans après l’adoption par la Commission européenne de mesures fondées sur les conclusions et les recommandations présentées le 12 mars 2018 par « un groupe d’experts de haut niveau » pour lutter contre la désinformation en ligne (2).

Piratage des contenus sportifs : vers de nouveaux moyens d’une lutte efficace après le déconfinement ?

Comme par magie, le piratage sur Internet des retransmissions sportives en direct a disparu avec l’annulation de la plupart des rencontres et des épreuves, en raison de la pandémie de covid-19. Mais avec la sortie progressive du confinement à partir du 11 mai, le live streaming sportif illicite reprendra.

Par Richard Willemant*, avocat associé, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Selon une étude de l’Hadopi réalisée avec l’Ifop et publiée le 14 avril, 13 % des internautes interrogés regardaient encore fin mars des retransmissions sportives en direct durant le confinement – bien que beaucoup de rencontres ont été annulées depuis. Et tous biens culturels confondus, le piratage en ligne a légèrement diminué en un an pour représenter 21 % de leur consommation (1). En mai 2019, l’Hadopi publiait une autre étude avec l’Ifop où 45 % des consommateurs de contenus sportifs en live-streaming en France déclaraient s’être désabonnés d’une offre légale pour consommer le même contenu de manière illégale (2).

Loi audiovisuelle : David Kessler était « sceptique »

En fait. Le 3 février, David Kessler – haut fonctionnaire et, depuis 2014, directeur général d’Orange Content – est décédé à l’âge de 60 ans. Sa dernière intervention publique remonte au 7 novembre 2019, aux 29es Rencontres cinématographiques de Dijon (RCD). Il exprimait des doutes sur la réforme audiovisuelle.

En clair. Aux Rencontres cinématographiques de Dijon (1), le 7 novembre dernier, il était « là par accident » (dixit), car c’est Maxime Saada, PDG de Canal+, qui devait intervenir dans le débat sur la loi audiovisuelle, mais qui n’est pas venu… David Kessler, à la tête d’Orange Content, avait dû le remplacer au pied levé. Sur le projet de loi, il a exprimé surprise, scepticisme et regret : « Que cela Canal+ ou Orange (OCS), nous avons été un peu surpris du fait que le projet de loi sur l’audiovisuel ne dit et ne fait quasiment rien en faveur de la télévision payante, a lancé celui qui fut conseiller culture et communication de François Hollande à l’Elysée (2012-2014). Je suis frappé de voir qu’on accroît les taxes sur la VOD (par la loi de Finances), ce qui défavorise les deux plateformes françaises qui restent, myCanal et Orange VOD. Et il n’y a pas de mesure majeure sur les télévisions payantes, qui sont quand même les concurrentes directes des plateformes : le choix du consommateur se fait entre Canal+ et OCS, d’une part, et Netflix, Amazon Prime Video, Apple TV+ ou demain Disney+, d’autre part ». L’ancien directeur du Conseil supérieur de l’audiovisuel (1996- 1997) s’est aussi dit « plus sceptique sur la mise en œuvre de cette loi sur l’audiovisuel » : « Je pense que les choses seront plus difficiles qu’on ne l’imagine. J’ai souvent le sentiment qu’en France on fait dire à la directive européenne (SMA (2)) un peu plus qu’elle ne dit. Elle fait des avancées majeures – quotas d’exposition des œuvres (sur les plateformes) et possibilité de contribution (des plateformes au financement des œuvres) pour le pays de destination. Mais la directive ne remet pas en cause l’architecture fondamentale sur laquelle l’Europe s’est bâtie, à savoir que le pays d’origine reste celui où les choses se décident. Je ne suis pas sûr que ce soit le régulateur français [futur CSA-Hadopi, ndlr] qui puissent vérifier tout ça [la conformité des plateformes]» . L’ancien directeur du Centre national du cinéma (2001-2004) a aussi regretté que la loi audiovisuelle n’obligera pas Netflix à préfinancer le cinéma français car cette plateforme de SVOD « ne fait pas de cinéma car il ne sort pas de films en salles ». Et le haut fonctionnaire et ancien conseiller culture du Premier ministre Lionel Jospin (1997-2001) a conclu : « Je ne suis donc pas sûr que l’on ait été jusqu’au bout pour réformer notre système ». @

Haine sur Internet : la loi Avia veut lutter
contre un fléau sans « privatiser la censure »

Le marathon parlementaire de la future loi « Avia » contre la haine sur Internet n’en finit pas. Rédigé à la va-vite, le texte est controversé. Le délai de retrait de 24 heures – disposition supprimée puis réintégrée (délai ramené à 1 heure dans certains cas) – illustre la valse-hésitation du législateur.

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

C’était il y a 37 ans… Dans « L’ère du vide » (1), Gilles Lipovetsky s’essayait déjà à analyser jusqu’où l’individualisme emmenait la société contemporaine, à force de tout tourner en dérision, de mettre fin à toute hiérarchie, vers une ère postmoderne. Ce postmodernisme se traduisait selon l’auteur, par une forme d’épuisement des valeurs collectives, de réduction de la violence physique, et globalement une ère de bien-pensance dans laquelle l’engagement laissait place à la tolérance.

Droit moral des auteurs de films et de séries : le final cut «à la française» s’imposera par la loi

Netflix, Amazon Prime Video ou encore Disney+ seront tenus de respecter le final cut « à la française », qui requiert l’accord du réalisateur pour le montage définitif d’un film ou d’une série. Ce droit moral est visé par le projet de loi sur l’audiovisuel présenté le 5 décembre dernier.

Charles Bouffier, avocat conseil, et Charlotte Chen, avocate, August Debouzy

Le final cut désigne la version définitive du montage d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle – un film ou une série par exemple – distribuée ou diffusée. Le final cut désigne également un droit, celui que détient la personne qui a le pouvoir de décider de ce montage définitif. S’il est d’usage aux Etats-Unis que le producteur ait ce pouvoir décisionnel (laissant éventuellement au réalisateur le loisir d’éditer une version « director’s cut »), la situation française est différente en vertu notamment des droits moraux dont jouissent les auteurs.