Redevance audiovisuelle : services payants en plus ?

En fait. Le 27 février, Mathieu Gallet a été nommé président de Radio France
pour cinq ans (à partir du 12 mai 2014) par le CSA. Dans son « projet stratégique », il prévoit que « l’écoute différée » (podcasts et catch up radio) pourra « justifier l’acquittement d’une contribution, même modeste ».

En clair. Les Français vont payer deux fois ! Ils paient déjà la redevance audiovisuelle (133 euros cette année par foyer détenteur d’une télévision, contre 131 euros l’an dernier), laquelle va rapporter cette année 3,5 milliards d’euros. Si France Télévisions se taille la part du lion (plus de 70 %), Radio France en reçoit plus de 17 % – soit plus de 600 millions d’euros. Le reste est réparti entre l’Institut national de l’audiovisuel (INA), dont Mathieu Gallet est actuellement président jusqu’au 11 mai prochain, la chaîne Arte (elle-même détenue par France Télévision, l’Etat français, Radio France et l’INA), Réseau Outre-Mer 1re (ex-RFO) et France Médias Monde (avec RFI, France 24 et TV5Monde). Autant dire que l’audiovisuel public est quasi entièrement financé par le contribuable français, qui bénéficie « gratuitement » en contrepartie de ce prélèvement (1), couplé à la taxe d’habitation, de nombreuses chaînes de télévision et les multiples stations radios.

RNT : pendant que gouvernement, CSA et grands groupes doutent encore, 107 radios se préparent

Quatre mois avant son lancement sur Paris, Marseille et Nice, la RNT est une chance pour une centaine de radios. En cas de succès, elles ne le devront qu’à elles-mêmes car les grands réseaux boycottent, le gouvernement reste indifférent et le CSA doute encore.

Par Rémy Fekete (photo), avocat associé, et Louis de Carolis, Gide Loyrette Nouel

Après le succès de la migration de la télévision analogique vers le numérique et l’avènement du numérique sur toutes formes d’images et de sons, le lancement de la Radio numérique terrestre (RNT) – attendue depuis 1996 (1) –
est maintenant prévu pour la veille de la fête de la musique. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n’était jusqu’alors pas encore parvenu à opérer la migration numérique pour la radio hertzienne, ce média si populaire
qui touche encore 43 millions de personnes par jour en France (2).

Les propositions très françaises du CSA pour soutenir le développement des SMAd

Les SMAd de type VOD ou TVR sont soumis aux obligations applicables à la télévision. A contrario, de grandes plateformes du Net – exclues de cette catégorie – ne sont pas contraintes de respecter ces règles. Ce qui leur procure un avantage concurrentiel considérable. Le CSA propose d’y remédier.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
au gouvernement sur l’application du décret n°2010-1379
aux SMAd (1) a permis d’analyser de façon approfondie
la situation de ce marché et ainsi de mettre en évidence
le faible développement des SMAd en France (2). Le CSA pointe le manque d’attractivité de l’offre actuelle qui résulterait, entre autre, de la mise à disposition tardive de contenus et de leur prix élevé. Autre handicap souligné par
le CSA : le régime juridique des SMAd est bien plus contraignant que celui des acteurs de l’Internet.

La loi Création devrait inclure YouTube et Dailymotion

En fait. Le 23 décembre, le CSA a publié le rapport – remis au gouvernement le
12 novembre – sur l’application du décret de 2010 concernant les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Proposition : étendre les obligations
de la VOD et de la TV de rattrapage à YouTube et Dailymotion notamment.

En clair. En prévision du projet de loi Création, dont l’adoption en conseil des ministres
a été promise pour février 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) suggère au gouvernement et, partant, au législateur d’étendre son pouvoir sur Internet en faisant entrer dans la définition des SMAd « des grandes plates-formes de partage de vidéos qui s’imposent de plus en plus dans les usages, comme un moyen d’accès privilégié à toute sorte de contenus audiovisuels, à des extraits de programmes diffusés à l’antenne ou encore à des vidéo-musiques ». La filiale de Google, YouTube, et celle d’Orange, Dailymotion, sont les premières visées par ce rapport, qui, curieusement, n’a pas fait réagir l’Association des services Internet communautaires (Asic) dont sont membres
les deux plates-formes vidéo.

Ce que prévoit Aurélie Filippetti dans sa « grande loi » sur la création attendue avant le printemps

La ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, promet de déposer en conseil des ministres une « grande loi » sur la création « avant les élections municipales » de mars 2014 – faute de pouvoir le faire avant Noël.
Elle intègrera un « deuxième volet » consacré au numérique.

La future loi sur la création, qui sera présentée en conseil des ministres avant le printemps prochain, aura deux volets : l’un sur la création physique (1), l’autre sur la création numérique.
« A l’heure où je défends la neutralité technologique, c’est bien de pouvoir avoir une grande loi création qui embrasse aussi les aspects numériques. Mais il n’y aura pas que la réponse graduée ! », a prévenu Aurélie Filippetti le 17 octobre dernier, invitée par l’Association des journalistes médias (AJM).

Gestion collective et chronologie des médias
Faute d’avoir été intégré dans la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public, le transfert de l’Hadopi au CSA risque de faire de l’ombre aux autres mesures envisagées. « Il faut aussi avancer sur les autres sujets numériques pour montrer que le maintien de la réponse graduée transférée au CSA – j’ai supprimé en juin la coupure de l’Internet qui était disproportionnée – est une réponse parmi d’autres. Il y a aussi la piste sur le domaine public, la sécurisation des nouveaux usages créatifs et les œuvres ‘’transformatives’’, les échanges non-marchands, et la dimension offres légales. Il faut que tous ces aspects-là avancent en même temps pour que l’on puisse avoir un paquet numérique global dans un deuxième volet de la grande loi sur la création », a-t-elle expliqué.
Lorsque le CSA aura récupéré les compétences issues de l’ancienne Hadopi, la ministre compte sur lui pour mettre en place le conventionnement des sites web (2).
« Enrichir le CSA de l’idée de conventionnement est bien l’un des piliers des propositions du rapport Lescure qui a été arbitré favorablement par le gouvernement
– conventionnement au service de l’exception culturelle du numérique. Il ne s’agit pas de régulation punitive, mais incitative, au travers d’une régulation souple », a-t-elle poursuivi.
Le contenu de la loi sur la création dépend ainsi d’accords interprofessionnels préalables : la gestion collective pour la musique et la chronologie des médias pour le cinéma. « Cela marchera si, en parallèle, une offre légale se développe. J’y travaille et on essaie d’avancer sur la gestion collective qui, si la concertation interprofessionnelle ne marche pas, sera une gestion collective obligatoire pour la musique. Ce qui permettra une mise à disposition de contenus plus importante, tout en rémunérant les ayants droits. Pour le cinéma, il y a la question de la chronologie des médias : je veux que l’on avance là-dessus ; les blocages ne sont pas normaux ; il y en a trop. Il faut au moins un compromis sur la SVOD (3) d’ici la fin de l’année, sinon une disposition législative pourrait intervenir », prévientelle. Côté musique, selon nos informations, la SCPP (4) et le Snep (5) n’excluent pas de supprimer la licence légale pour la radio en cas de gestion collective obligatoire. Questionnée sur la mission qu’elle a confiée en septembre à Christian Pheline, lequel doit rendre en novembre ses conclusions sur le partage de la valeur de la musique en ligne (streaming notamment) avec les créateurs, elle a répondu : « La gestion collective, c’est une bonne piste à l’ère du numérique. Il faut avancer dans ce sens-là et je préférerais qu’on le fasse avec un accord de leur part, plutôt que par une forme de contrainte. Il y a déjà une gestion collective dans le livre [loi du 1er mars 2012 sur “l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXIe siècle” (6), ndlr] et c’est un bon système. La gestion collective doit être obligatoire car
il faut qu’elle soit appliquée à tous si l’on veut que cela marche. Si les catalogues sont cloisonnés ou fragmentés, ce sera toujours plus facile d’aller pirater que de trouver un titre original en offre légale. Mais je ne veux pas aller plus vite que la musique ! »
Côté films, le rapport Lescure propose de passer la SVOD de 36 à 22 mois après
la sortie d’un film en salle mais il y a encore discussion sur ces 22 mois. « Je ne désespère pas : si on a réussi à trouver un accord sur la convention collective dans
le cinéma, on pourra arriver à un accord sur la chronologie des médias ! », espère la ministre.

Taxe sur les terminaux connectés pour 2014
Et d’ajouter : « Sur la VOD, pour laquelle le rapport Lescure propose des dérogations [pour rendre des films disponibles à 3 mois après leur sortie en salle, ndlr], les syndicats de producteurs de cinéma ne sont déjà pas d’accord entre eux. Le président de la République a luimême exprimé qu’il fallait faciliter l’accès à l’oeuvre par l’amélioration du fonctionnement actuel de la chronologie des médias ». Et concernant la taxe sur les terminaux connectés, « on verra comment elle pourra aboutir l’année prochaine ». Le débat parlementaire sur ce projet de loi sur la création s’annonce houleux. @

Charles de Laubier