Réforme audiovisuelle à l’heure du Net : la France ne peut passer à côté d’un changement de paradigme

La loi « Liberté de la communication » de 1986 – 30 ans ! – est devenue obsolète depuis la mondialisation de l’audiovisuel induite par Internet. Sa réforme reste timorée. La ligne Maginot du PAF (paysage audiovisuel français) peine à laisser place à un cadre ambitieux pour conquérir le PAM (mondial).

Par Rémy Fekete, avocat associé, cabinet Jones Day

Près d’un an après que la Commission européenne ait « jeté
les bases de l’avenir numérique de l’Europe » (1) en initiant la création d’un marché numérique européen, les parlementaires français envisagent une réforme du secteur audiovisuel. Cette révision du cadre légal intervient dans un contexte de crise des médias traditionnels : Canal+ affiche une perte de 264 millions d’euros en 2015 contre 21 millions en 2012 ; TF1 semble se diriger sous la barre des 20 % de part d’audience (2) ; M6 a refranchi à la baisse celle des 10%; les bouquets satellitaires ne parviennent que péniblement à remplir leurs canaux en raison de la diffusion des chaînes sur Internet ; les radios subissent aussi une baisse d’audience sans précédent.

Vers un «guichet unique» pour protéger les œuvres – films en tête – sur les plateformes numériques

Un an après la présentation, le 11 mars 2015, du plan gouvernemental de lutte contre le piratage sur Internet, les ayants droit se mobilisent face aux acteurs du Net. Le CNC a lancé une mission pour recenser les techniques de protection des œuvres et prévoir un « guichet unique » pour les producteurs.

La ministre de la Culture et de la Communication, qui était encore Fleur Pellerin avant d’être remplacée au pied levé par Audrey Azoulay, avait chargé le Centre national du cinéma
et de l’image animée (CNC) de mener des actions en vue d’enrichir l’offre légale et de lutter contre les sites Internet d’œuvres piratées.

La concentration des médias s’est accélérée en 2015 ; l’année 2016 garantira-t-elle leur indépendance ?

Le numérique accélère la concentration des médias en France entre les mains
– ce qui est unique au monde – d’industriels et de milliardaires. Cela n’émeut pas vraiment le gouvernement, pourtant garant de l’indépendance et du pluralisme des médias. La question de légiférer ou de réglementer se pose.

Vincent Bolloré, Patrick Drahi, Bernard Arnault, Serge Dassault, Pierre Berger, Xavier Niel, Matthieu Pigasse, Arnaud Lagardère, François-Henri Pinault, Bernard Tapie, … Le point commun entre tous ces milliardaires et industriels français réside dans leur mainmise sur la majeure partie des grands médias français.

Affaire « New Media Online » : comment la CJUE a pris à revers son avocat général

Selon l’arrêt « New Media Online » du 21 octobre 2015 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), l’offre de vidéos sur le site Internet d’un journal peut relever de la réglementation des services de médias audiovisuels. Dans cette hypothèse, cette offre est soumise au contrôle du CSA et aux obligations associées.

Par Katia Duhamel, experte en droit et régulation des TICs, K. Duhamel Consulting

C’est à la suite d’une demande de décision préjudicielle, dont elle a avait été saisie par une juridiction autrichienne afin de déterminer si le site web d’un quotidien sur lequel figure des vidéos relève de la directive européenne « Services de médias audiovisuels » (SMA) (1), que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu son arrêt « New Media Online » (2). La Cour a ainsi rejeté les conclusions de l’avocat général Maciej Szpunar datant de juillet 2015, selon lesquelles ni le site web d’un quotidien qui comporte des vidéos, ni aucune partie d’un tel site, ne constitue un « service de médias audiovisuel » au sens de la directive SMA (3).

Attribution des 700 Mhz fin 2015 et arrêt du Mpeg-2 à partir d’avril 2016 : la grande précipitation

C’est ce 5 octobre qu’est définitivement adoptée la loi sur le deuxième
« dividende numérique » et la modernisation de la TNT. La bande des 700 Mhz
va être attribuée aux opérateurs mobile dès la fin de l’année. La précipitation pourrait aboutir à un écran noir pour beaucoup de téléviseurs.

Le Sénat et l’Assemblée nationale adoptent, à l’issue d’une séance publique prévue
le 5 octobre, la loi sur le deuxième dividende numérique et la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT). Elle sera promulguée dans les prochains jours au Journal Officiel. C’est l’aboutissement de plusieurs années de débats autour du sort réservé à la bande des 700 Mhz, ces fréquences allant de 694 à 790 Mhz et étant considérées « en or » en termes de caractéristiques techniques et de qualité de propagation.