Comment la DGCCRF (Bercy) se pose de plus en plus en redresseur de torts de l’économie numérique

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est en passe de devenir le vrai gendarme de l’économie numérique. E-commerce, crowdfunding, réseaux sociaux, et demain algorithmes, Internet des objets ou encore voitures connectées : gare aux abus !

Un récent rapport du Conseil général de l’économie, de l’industrie,
de l’énergie et des technologies (CGE), lequel dépend du ministère de l’Economie et des Finances, propose de créer un « bureau des technologies de contrôle de l’économie numérique » qui « pourrait être localisé au sein de la DGCCRF », la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), rattachée à Bercy et dirigée par Nathalie Homobono (photo) depuis 2009.

Les Crypto-monnayeurs

Ce soir, j’ai rendez-vous avec un ami qui m’a promis de tout me dire sur son activité de « mineur », tout autant mystérieuse que nocturne. Quand il m’ouvre la porte, je suis presque déçu de ne pas le trouver le visage noirci,
moi qui vaguement l’imaginais travaillant à creuser une galerie au fond de sa cave, à la lueur d’une lampe frontale, en quête d’un trésor ancestral… Si nous descendons bien l’escalier, c’est pour découvrir un mini data center patiemment assemblé par mon ami qui s’est doté de la puissance nécessaire pour se livrer au « minage ».
Il fait ainsi partie des milliers de particuliers autour de la planète qui participent à la création d’unités de comptes des nouvelles monnaies virtuelles. Être partie prenante
du réseau peer-to-peer de ces crypto-monnaies est autant un passe-temps pour geek avancé qu’une perspective de revenus très concrète, même si cette activité est de plus en plus confisquée par des professionnels. Ainsi équipé, il est en effet possible de faire participer son ordinateur à la résolution des calculs nécessaires à la validation de chaque transaction, et de se voir attribuer un certain nombre d’unités de la monnaie virtuelle concernée. Chacun espère ainsi accumuler des « coins » qui firent la fortune de quelques pionniers.

« Il s’agit bien d’un phénomène majeur inscrit
désormais dans la longue histoire de la monnaie. »

Crowdfunding en Europe : 1 milliard d’euros en 2013

En fait. Le 18 juin, le député Jacques Cresta a soumis à Fleur Pellerin, ministre de l’Economie, une question pour « un cadre juridique du crowdfunding ». En Europe, où le financement participatif va franchir 1 milliard d’euros cette année, Michel Barnier a dit le 3 juin réfléchir à un cadre européen.

En clair. Si le crowdfunding est de plus en plus pris au sérieux en Europe, c’est que ce mode de financement participatif sur Internet commence à brasser de l’argent. Selon le commissaire européen Michel Barnier, en charge du Marché intérieur et des Services,
les plates-formes de crowdfunding ont collecté en Europe 446 millions d’euros en 2011
et 735 millions en 2012. Ce qui a permis de financer 470.000 projets, aussi bien dans les domaines de la création artistique (musiques, films, programmes audiovisuels, jeux vidéo, livre, …) que dans le soutien à de jeunes entreprises ou des projets originaux.
A l’heure où les industries culturelles ne jurent que par le financement de la création, le crowdfunding arrive à point. Ces chiffres rejoignent ceux du Crowdfunding Industry Report de la société américaine Massolution et de l’association Crowdsourcing. Et avec une croissance à deux chiffres chaque année, comme les 65 % entre 2011 et 2012, le financement participatif va dépasser allègrement la barre du 1 milliard d’euros cette année sur le Vieux Continent. Au niveau mondial, le seuil des 2 milliards d’euros a déjà été franchi dès l’an dernier. Ces plates-formes de cofinancements collectifs par Internet
sont au nombre de plus de 400 dans le monde, telles que Kickstarter, KissKissBankBank, Ulule, Babeldoor, MyMajorCompany, Touscoprod, Babyloan, Friendsclear, Wiseed ou encore Anaxago. Les contreparties au financement participatif prennent des formes multiples : dons, avantages en nature (CD, places de spectacle,…), mention du nom
du donateur au générique d’un film, pré-ventes, reconnaissance de dettes ou de parts
de société.
Face à l’ampleur du phénomène, la Commission européenne réfléchit à « un cadre
adapté » – avec des « obligations allégées » en deçà d’un certain seuil de collecte –
pour favoriser le crowdfunding chez les Vingt-Sept au regard non seulement de la réglementation bancaire et financière, mais aussi fiscale et concurrentielle. « Certains Etats membres, comme la France (1), la Belgique et l’Allemagne ont publié des guides visant à clarifier la manière dont le crowdfunding pourrait être régulé. D’autres, comme l’Italie, ont pris le parti d’un cadre spécifique au soutien des entreprises innovantes », constate Michel Barnier. En France, le rapport Lescure appelle le gouvernement à
« clarifier le cadre juridique et fiscal et d’en améliorer la visibilité ». @

Les industries culturelles font appel aux internautes pour cofinancer leurs oeuvres

La musique, le cinéma, le livre ou encore la presse auraient-ils trouvé, à travers
les internautes, un nouveau filon pour cofinancer leurs productions ? MyMajorCompany, EditionduPublic, WeareProducteurs, Jaimelinfo, …
Les sites web participatifs se multiplient.

Chaque industrie culturelle a sa propre logique de financement, dans un univers économique et réglementaire qui lui est propre, son mode de production, d’investissement et de subventions : la musique avec sa licence légale et ses minimums garantis, le cinéma avec sa chronologie des médias et ses taxes « Cosip », le livre avec sa loi dédiée et son prix unique, ou encore la presse avec ses aides
d’Etat et sa publicité. C’est dans ce contexte bien établi qu’émerge un nouvel investisseur : l’internaute, celui-là même que les ayants droits soupçonnent d’être
pirate à ses heures ! Si faire appel aux dons du public – financement appelée crowdfunding – reste encore marginal, ce recours est prometteur.