La presse dans le monde vit la plus grave crise de son histoire, tandis que le papier tente de résister

La fin de la presse papier est un mythe savamment entretenu depuis deux décennies par des études plus ou moins pessimistes. Mais la profonde crise des journaux, exacerbée par le coronavirus, poussent certains éditeurs vers le « tout-numérique », mais avec des recettes publicitaires en moins.

« La consommation de journaux imprimés a diminué à mesure que le confinement compromet la distribution physique, ce qui accélère presque certainement la transition vers un avenir entièrement numérique », prédit le rapport 2020 de Reuters Institute sur l’information numérique, paru juste avant l’été. Et de constater : « Au cours des neuf dernières années, nos données ont montré que les actualités en ligne dépassaient la télévision comme source d’information la plus fréquemment utilisée dans de nombreux pays. Dans le même temps, les journaux imprimés ont continué à décliner tandis que les médias sociaux se sont stabilisés après une forte hausse ».

L’éclatement possible de la bulle des start-up pourrait être salvateur pour l’innovation

La crise historique pourrait provoquer l’éclatement de la bulle des start-up. Beaucoup d’entre elles brûlent du cash sans encore générer de chiffre d’affaires. Sans argent frais ni débouché, c’est asphyxie. La spéculation sur l’hypercroissance de l’innovation a ses limites, surtout lorsque les fonds sont publics.

L’année 2020 sera-t-elle celle de l’éclatement de la « bulle start-up » comme l’année 2000 fut celle de l’éclatement de la « bulle Internet » ? La question mérite d’être posée, tant la crise sanitaire sans précédent que nous traversons crée une récession économique et financière qui pourrait être fatale à bon nombre start-up biberonnées à l’argent frais et au crédit d’impôt. La Grande-Bretagne, jusqu’alors paradis – s’il en est – des start-up des technologies et des sciences de la vie, a lancé le 20 avril dernier un plan d’aide à ses jeunes pousses d’un montant de près de 1,5 milliard d’euros (1).

En pleine crise de la quarantaine, Apple – la marque à la pomme – lutte contre le blettissement

Fondé en avril 1976 par Steve Jobs dans la maison familiale de Los Altos (Californie), Apple – qui devint une société en janvier 1977 – est en pleine crise
de la quarantaine. La marque à la pomme va devoir mûrir sans devenir… blette, en misant sur les services en ligne pour compenser la chute des ventes d’iPhone.

Apple est en passe d’être déchu du titre de première capitalisation boursière mondiale. Alphabet, alias Google,
a déjà réussi par deux fois depuis le début de l’année de relégué la marque à la pomme en seconde position. Le 26 mai dernier, la valorisation boursière d’Apple était de 550 milliards de dollars (à 100 dollars l’action), contre 505 milliards de dollars (à 736 dollars) pour la maison mère de Google. Le fabricant d’iPhone a quand même perdu pas loin d’un tiers de sa valeur par rapport aux 130 dollars atteints durant l’été 2015 (1). Cette « spirale baissière », comme disent les analystes financiers, risque de se poursuivre.

Edwy Plenel en appelle à «une grande loi sur la liberté de l’information» pour la presse en pleine crise

Le fondateur du site de presse en ligne Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien Le Monde lance un appel aux parlementaires pour
« refonder l’écosystème des médias » dont la crise économique risque à
ses yeux d’accentuer « la double dépendance » (industrielle et étatique).

« Il devrait y avoir aujourd’hui une immense consultation faite par
le Parlement en vue d’une grande loi sur la liberté de l’information,
de même ambition que celle de 1881 (1), qui permette de refonder notre écosystème : le droit de savoir, notre métier, le droit de savoir des citoyens, l’accès aux informations, le droit de dire, la liberté d’expression, le droit des rédactions, leur protection, le droit du public, les sources, les lanceurs d’alertes, la neutralité du numérique, … », a expliqué Edwy Plenel, le 13 mars dernier, à l’occasion de la présentation des résultats annuels du site de presse en ligne Mediapart (2) qu’il a créé il
y a six ans et qu’il souhaiterait voir détenu par un « fonds de dotation » d’ici un an pour pérenniser son indépendance.

Les quotidiens font payer aux lecteurs leur déclin

En fait. Le 4 janvier, Le Parisien a augmenté son pris de vente à 1,05 euro (+ 4,8 % de hausse). Le 2 janvier, Libération est passé à 1,50 euro (+ 7,1 %). Le 3 janvier,
Le Figaro a procédé de même à 1,50 (+ 7,1 %) que Le Figaro et Le Monde appliquent depuis le 27 décembre 2010. La Tribune aussi.

En clair. C’est la fuite en avant. Pour assurer leur équilibre économique, lorsque ce n’est pas pour résorber leur déficit financier, les quotidiens nationaux français n’hésitent pas à augmenter une énième fois leur prix de vente au numéro. Qui aurait cru que son quotidien papier allait coûter près de « 10 francs » en kiosque ! Le journal payant serait-il devenu un produit de luxe face à l’info gratuite du Web ? « Pour assurer la meilleure qualité à l’information que nous vous proposons dans notre journal et sur nos supports numériques, nous devons assurer l’équilibre économique de notre entreprise. C’est la raison pour laquelle nous sommes amenés à augmenter le prix du Parisien », explique la direction du groupe Amaury en une du journal publié le 4 janvier. Ainsi, l’on comprend que le lecteur doit désormais remettre la main à la poche pour non seulement contribuer aux coûts de fabrication, de papier, d’impression et de diffusion – lesquels représentent jusqu’à 60 %
du prix de vente d’un quotidien –, mais aussi pour participer aux investissements Internet et mobile de leur journal. Et, qui plus est, même s’il se contente du papier… Déjà perçus comme trop chers par le public, et notamment les plus jeunes, les quotidiens prennent le risque tarifaire de ne pas enrayer l’érosion de leur diffusion papier – voire d’accroître le rythme de leur déclin. « L’information de qualité existe toujours, demeure plus que jamais nécessaire. Mais elle coûte cher à produire. A nous de faire en sorte, journalistes comme lecteurs, qu’elle ne devienne jamais un luxe », écrit en première page de l’édition du 2 janvier Nicolas Demorand, directeur de rédaction de Libération.
Malheureusement, elle l’est devenue. Résultat, selon une étude Lightspeed Research (1) parue le 13 décembre, ils sont seulement 11 % des sondés en France (2) à consulter l’actualité sur les journaux payants imprimés. Talonnée par Facebook consulté pour l’actualité par 6 % des sondés, auxquels s’ajoutent 1% de ceux préférant un autre réseau social et 1% ayant choisi Twitter, la presse écrite papier payante est ainsi délaissée au profit du Web et des 47 % consultant les sites d’information en ligne. La télévision (59 %), la radio (34 %) et les journaux gratuit papier (12 %) s’arrogeant le reste de l’audience d’actualités. Le pari du tout-Web pris par France Soir, et peutêtre bientôt par La Tribune, n’est pas perdu d’avance. @