La grande réforme de l’audiovisuel est morte, vive la réforme de l’audiovisuel à la découpe !

La réforme de l’audiovisuel et la transposition de la directive SMA sont dans un bateau : la réforme de l’audiovisuel tombe à l’eau : qu’est-ce qui reste ? La crise sanitaire aura eu raison de la grande réforme voulue par Emmanuel Macron. Edition Multimédi@ fait le point sur ce revirement.

Emmanuel Macron (photo) en a rêvée en tant que candidat à la présidence de la République ; devenu chef de l’Etat il y a trois ans, il ne la fera finalement pas ! Il faudra « simplifier la réglementation audiovisuelle en matière de publicité, de financement et de diffusion, pour lever les freins à la croissance de la production et de la diffusion audiovisuelles et préparer le basculement numérique, tout en préservant la diversité culturelle », avait promis début 2017 celui qui était encore quelques mois plus tôt ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique (2014-2016).

Copyright et filtrage : la France veut peser dans les réunions « Article 17 » de la Commission européenne

Le 17 mai marquera le premier anniversaire de la publication au Journal Officiel européen de la directive « Droit d’auteur et droits voisins dans le marché unique numérique ». Son article 17, toujours controversé sur le filtrage des contenus, fait l’objet de négociations pilotées par la Commission européenne.

Après le confinement, la septième « réunion de dialogue avec les parties prenantes » – consacrée comme les six précédentes au controversé article 17 de la nouvelle directive européenne « Droit d’auteur » – va pouvoir se tenir à Bruxelles. Ces « stakeholder dialogue » (1) sont organisés par la Commission européenne depuis l’automne dernier pour parvenir à un accord sur « les meilleures pratiques », afin que cette dernière puisse émettre d’ici la fin de l’année des orientations (guidance) sur l’application cet épineux article 17.

Directive européenne sur le droit d’auteur : vers un nouveau modèle économique du numérique

La directive sur « le droit d’auteur dans le marché unique numérique » est sur
le point d’être promulguée au Journal officiel de l’Union européenne, après sa validation du 15 avril par les Etats membres (19 pour, 6 contre et 3 abstentions). Mais sa transposition nationale d’ici mi-2021 va être délicate.

Par Véronique Dahan (photo), avocate, et Mahasti Razavi, associée gérante, August Debouzy

Directive Copyright : ce qu’en disent les GAFA

En fait. Le 26 mars, les eurodéputés ont voté à une majorité – 348 pour, 274 contre et 36 abstentions – en faveur de la directive européenne controversée sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Pour Google, c’est « source d’insécurité juridique ». L’Edima, Digital Europe et la CCIA n’en pensent pas moins.

En clair. « La directive sur le droit d’auteur a fait l’objet d’améliorations mais sera toujours source d’une insécurité juridique qui pourra nuire au secteur de la création et
à l’économie numérique en Europe. Les détails ont une grande importance, et nous souhaitons collaborer avec les législateurs, les éditeurs, les créateurs et les ayants-droit lors de la transposition de cette nouvelle réglementation par les Etats membres de l’Union européenne ». Telle la déclaration officielle complète que Google a transmise
à Edition Multimédi@ après l’adoption le 26 mars de la directive « Copyright » (1). Comme le fait remarquer son concurrent franco-allemand Qwant (voir l’entretien en Une), le recours préventif aux outils de reconnaissance des contenus protégés sur les plateformes – tels que Content ID de YouTube (filiale de Google) – pourrait se retrouver en conflit avec d’autres directives européennes. Par exemple, l’article 13 devenu 17 de la nouvelle directive « Droit d’auteur » permettant le recours au filtrage du Net pour lutter contre le piratage pourrait se heurter frontalement avec l’article 15 de la directive « E-commerce » intitulé justement « Absence d’obligation générale en matière de surveillance » (2). De plus, cela supposerait le consentement préalable des internautes prévu par le RGPD (3). L’Edima, organisation basée à Bruxelles et représentant notamment les GAFA (4), « regrette le manque de clarté et de pragmatisme des deux articles-clé de la directive » – faisant ainsi référence aux articles 13 (devenu 17) et 11 (devenu 15), ce dernier instaurant un droit voisin pour la presse payable par les GAFA. Et sa directrice générale, Siada El Ramly, de déclarer : « La directive Copyright sape d’autres lois de l’Union européenne ; elle tente d’imposer un business model de licences sur des plateformes ouvertes et d’affaiblir les droits fondamentaux à la vie privée et à la liberté d’expression des citoyens européens ».
La filiale d’Alphabet est aussi membre de Digital Europe, qui ne voit « ni certitude ni clarté, mais seulement complexité », ainsi que de l’association CCIA aux Etats-Unis, laquelle dénonce le caractère « disproportionnée » de la directive « Copyright » qui
« porte atteinte à la légalité des outils et sites (web) » et qui « incite à surfiltrer et à supprimer les téléchargements des utilisateurs ». @

La Commission européenne dément la rumeur d’un report de la directive sur le droit d’auteur

Alors que le mandat de la « Commission Juncker » prendra fin en 2019, une rumeur circule au sein des industries culturelles, selon laquelle la réforme du droit d’auteur sur le marché unique numérique serait renvoyée à la prochaine équipe. « Sans fondement », nous assure-t-on à Bruxelles.

« La rumeur est sans fondement, mais l’heure tourne. La modernisation du droit d’auteur reste une des priorités – dans les accords tripartites – à finaliser cette année. Nous attendons tant du Parlement européen que du Conseil de l’Union européenne pour avancer sur ce dossier prioritaire, tandis qu’ils peuvent entièrement compter sur la Commission européenne pour aider à faciliter les négociations prochaines », nous a répondu Nathalie Vandystadt, porteparole à la fois de la commissaire Mariya Gabriel, en charge de l’Economie et de la Société numériques, et du commissaire Tibor Navracsics, à l’Education, la Culture, à la Jeunesse et au Sport. La Commission européenne répondait ainsi à une question de Edition Multimédi@ sur une rumeur persistante selon laquelle la réforme du droit d’auteur via la nouvelle directive « Copyright » en cours de discussion ne serait pas adoptée avant la fin du mandat prévu le 31 octobre 2019 de l’actuelle équipe du président Jean-Claude Juncker (photo), lequel a déjà fait savoir il y a un an maintenant qu’il ne briguera pas l’an prochain un second mandat.