Cloud PVR, nPVR, Cloud TV, … Les chaînes TV gratuites menacées

En fait. Le 16 décembre dernier, se tenaient les 9e Assises de la convergence des médias – organisées par l’agence Aromates – sur le thème de « Audiovisuel français : la transformation par le cloud« . Les chaînes de télévision gratuites, comme M6, sont les premières à s’inquiéter de la publicité « skippable » dans le cloud.

Valéry GerfaudEn clair. La grande crainte des chaînes gratuites de télévision, telles que TF1, M6 ou celles de France Télévision, c’est le Cloud PVR – ces magnétoscopes numériques personnels en ligne dans le nuage informatique aux capacités de stockage illimitées – ou nPVR (Network Personal Video Recorder). Il s’agit d’un nouvel usage émergent grâce aux services de cloud grand public.
Cette capacité illimitée de « copie privée » à distance donne, d’un côté, des sueurs froides aux chaînes de télévision linéaires, et de l’autre, des possibilités infinies aux téléspectateurs désireux de s’affranchir des grilles de programmes et des coupures publicitaires intempestives. « Si l’on ne protège pas les revenus publicitaires des chaînes TV et leur capacité à rémunérer les ayants droits, on met totalement en danger l’écosystème de la télévision gratuite », s’est alarmé Valéry Gerfaud (photo), directeur de M6 Web, aux 9e Assises de la convergence des médias.

Fleur Pellerin promet de poursuivre la réflexion sur une éventuelle taxe « copie privée » sur le cloud

La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s’est engagée
à l’Assemblée nationale d’« approfondir la réflexion sur l’assiette de la rémunération pour copie privée ». La proposition de taxer le « nuage informatique » devrait revenir en deuxième lecture du projet de loi « Création ».

« Je m’engage à prendre les initiatives nécessaires pour que le ministère puisse entamer cette réflexion dans les meilleurs délais », a promis le 30 septembre dernier Fleur Pellerin (photo) au député (PS) Marcel Rogemont, lequel avait déposé avec la députée (PS) Martine Martinel un amendement proposant d’étendre au nuage informatique (cloud) la rémunération pour copie privée. Cette taxe est jusqu’à maintenant prélevée auprès des consommateurs sur le prix public lors de l’achat des appareils dotés d’un support de stockage numérique (DVD, clés USB, smartphones, tablettes, …), susceptibles d’enregistrer des oeuvres (musiques, films, livres, …) dans le cadre légal de la copie privée prévu dans le cercle restreint et familial (exception au droit d’auteur).

Quatre projets de loi en vue traitant du numérique

En fait. Depuis le 26 septembre, la loi « République numérique » est soumise à consultation publique. Depuis le 28 septembre, la loi « Création » est débattue à l’Assemblée nationale. Le 6 octobre, sera présentée la loi « Informations du secteur public ». En attendant la loi « Macron II » début 2016.

En clair. C’est une avalanche de projets de loi dédiés, tout ou partie, au numérique. Premier arrivé devant le Parlement sur les quatre en lice : le projet de loi « Liberté de
la création, architecture et patrimoine », dont les débats à l’Assemblée nationale ont
eu lieu du 28 septembre au 1er octobre. Ce texte un peu fourre-tout, portée par la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, prévoit un meilleur
« partage de la valeur » et une « rémunération équitable » dans la musique en ligne à l’heure du streaming (1) et des webradios, ainsi que la mise en place d’un « médiateur de la musique » en cas de conflits (2). A la suite de la mission Schwartz, un accord sur la répartition des revenus du streaming avec une « rémunération minimale » devait être signé le 2 octobre, sans l’Adami et la Spedidam (artistes-interprètes) qui le contestent. Le projet de loi, lui, prévoit en outre de faciliter l’accès aux catalogues des producteurs de musique pour les petites plateformes numériques. Parmi les amendements, celui
du député (PS) Marcel Rogemont qui étend la taxe « copie privée » au cloud, fait polémique entre ayants droits et industriels de la high-tech. Côté cinéma, est prévu
plus de transparence des comptes de production et d’exploitation des films – y compris numériques (VOD, SVOD, replay, etc). Autre projet de loi, celui de la « République numérique » porté par la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire. Ce texte, soumis à consultation publique des internautes jusqu’au 17 octobre (Republiquenumerique. fr) et attendu en janvier 2016 au Parlement, entend affirmer le principe de la neutralité de l’Internet, au respect duquel l’Arcep sera chargée de veiller. Sont également prévus : la portabilité de ses données numériques (e-mails, photos, contacts, …) d’un prestataire numérique à un autre, la loyauté des plateformes en lignes (dont le déréférencement), le droit à l’oubli et à la mort numérique, ou encore l’ouverture des données publiques (open data).

Taxe « Copie privée » : 30 ans cette année, et après ?

En fait. Le 17 avril, l’amendement du sénateur PS Richard Yung – proposant d’étendre aux imprimantes 3D la taxe de la copie privée – a été retiré du projet
de loi « Macron ». Tandis que le 14 avril, la conseillère d’Etat Christine Maugüé
a été missionnée pour « réactiver » la commission « copie privée ».

En clair. C’est Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, qui a demandé au sénateur de retirer son amendement proposé dans
le cadre du projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » (en cours d’examen jusqu’au vote prévu le 12 mai). Il s’agissait d’assujettir les imprimantes 3D et les scanneurs 3D à la rémunération pour copie privée (taxe de quelques euros prélevée lors de l’achat du produit), sous prétexte qu’ils permettent de copier et de reproduire des objets protégés par le droit de propriété intellectuelle (1).
Mais le ministre a convaincu le sénateur de retirer son amendement en lui donnant des gages sur la poursuite de la réflexion : « L’Assemblée nationale a engagé une réflexion sur le sujet [la commission des Affaires culturelles doit rendre son rapport en juin, ndlr]. Je suggère que la Haute Assemblée [le Sénat] mette en place un groupe de travail,
en collaboration avec mon ministère, qui est également saisi. Nous devons (…) trouver le cadre adéquat dans les prochains mois ; le bon agenda serait d’ici à la fin de l’année. A mon avis, la solution ne saurait être une application classique de la copie privée ». Mais l’extension du domaine de la taxe « copie privée », laquelle va fêter ses 30 ans en juillet prochain (2), est loin d’être achevée. Car c’est aussi en juillet que la conseillère d’Etat Christine Maugüé, missionnée le 14 avril par la ministre de la Culture et de la Communication pour « réactiver » la commission « copie privée » dès septembre prochain, proposera « une feuille de route ». Avec à la clé de nouveaux supports à taxer : le cloud, dans le viseur de la copie privée depuis octobre 2012 (préconisation
du CSPLA), mais aussi – comme l’a révélé Next Inpact le 17 avril – liseuses et consoles de jeux. Bref, pour ses 30 ans, la taxe « copie privée » reprend du poil de la bête et pourrait dépasser rapidement les 250 millions d’euros par an. Seuls les ordinateurs, portant dotés de Gigaoctets de stockage, lui échappent encore pour des raisons politiques…
Quant à l’harmonisation européenne de la copie privée souhaitée par Bruxelles, confortée par le rapport de l’eurodéputée Julia Reda sur la réforme de la directive
« DADVSI » (droit d’auteur), elle devrait devenir une préoccupation majeure par rapport aux initiatives nationales. @

Stream ripping : la question de la licéité de la copie privée à l’ère du streaming reste posée

Le streaming s’est imposé face au téléchargement sur Internet. Si mettre en ligne une oeuvre (musique, film, photo, …) nécessite l’autorisation préalable des ayants droit, les internautes ont-ils le droit à la copie privée – exception au droit d’auteur – lorsqu’ils capturent le flux (stream ripping) ?

Par Christiane Féral-Schuhl, avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Christiane Féral-SchuhlLe streaming désigne, dans une traduction littérale (de l’anglais « stream »), une « diffusion en flux ». Dans le cas d’un direct, le diffuseur est ainsi maître du moment et du contenu de la diffusion et l’internaute peut décider de se connecter ou non, mais sans pouvoir choisir le contenu ou le moment de la diffusion.
Dans le cas d’œuvres protégées stockées et disponibles en ligne (oeuvres musicales, audiovisuelle, photographiques …), cette technologie permet à l’internaute – au moyen d’un logiciel fourni habituellement par le site de « diffusion » – d’avoir accès à ces fichiers en lecture seulement mais sans qu’il ait besoin d’effectuer préalablement une copie entière et pérenne par téléchargement sur son disque dur.