Apps contre Web : bataille ou convergence ?

Comme l’Antiquité a été jalonnée de ces grandes guerres mémorables aux noms évocateurs – guerres médiques, puniques ou guerre des Gaules… – les premiers âges de l’Internet fixe auront également été rythmés par leurs propres conflits : guerres des portails, guerre du search ou guerre du social graph. Le basculement d’Internet vers le mobile au tournant des années 2010, à également ouvert un nouveau front. Les premiers pas du Web mobile ayant laissé à désirer, un nouvel entrant imposa à tous un raccourci plébiscité par les utilisateurs. Apple utilisa le concept d’applications comme moyen de contourner les trop lourdes adaptations des sites web au nouvel écosystème mobile.
Les Apps préexistèrent dès 2002, avec le lancement de kits pour développeurs fournis par Symbian, Brew (Qualcomm) et Java ME, mais elles restèrent globalement ignorées
du grand public.
Et c’est en 2008, à l’occasion du lancement de son iPhone 3G, que Steve Jobs déclencha la guerre des « App Stores ». L’appel d’air fut gigantesque : le nombre d’applications passa de 500 au début à plus de 500.000 quatre ans plus tard, pour atteindre un record
en février 2012 avec la 25 milliardième application téléchargée !

« Les cinq dernières années ont en fait ouvert une période passionnante de convergence entre Web et Apps. »

Le rapprochement Arcep-CSA-ANFR se concrétise

Le 3 janvier, lors des vœux de l’Agence nationale des fréquences (ANFR), Eric Besson, ministre de l’Economie numérique, a exposé quelques avancées sur le « rapprochement » qu’il avait appelé de ses vœux il y a un an entre le CSA, l’Arcep
et l’ANFR dans le domaine de la gestion des fréquences.

Contacté par Edition Multimédi@, le directeur général de l’ANFR, Gilles Brégant, assure qu’ « il y a bien eu des progrès sur le “rapprochement” » que souhaite toujours Eric Besson, le ministre de l’Industrie en charge de l’Economie numérique. Bien que cet objectif ne soit curieusement pas évoqué dans son rapport France numérique 2020 publié le 30 novembre 2011, sa volonté politique à défaut de fusionner ces trois autorités administratives indépendantes au moins de les rapprocher. « Je vous confirme que [ce rapprochement] a progressé. Et deux annonces sont donc faites [par Eric Besson le 3 janvier] : d’une part l’installation de la “base maîtresse” des fréquences à l’ANFR, et d’autre part la création d’une capacité d’études à l’ANFR, destinée à être commune (puisqu’elle doit “éclairer le gouvernement et les autorités indépendantes”). Ce ne sont pas des orientations neutres ». L’an dernier, le 10 janvier 2011, le ministre avait été plus explicite en s’adressant à Gilles Brégant, alors nouvellement nommé à
la tête de l’ANFR : « J’attends du nouveau directeur général de l’Agence qu’il contribue activement à ce rapprochement des trois autorités. (…) Les trois autorités compétentes en matière de gestion des fréquences, le CSA, l’Arcep, ANFR, ont vocation à coopérer plus étroitement ». Beaucoup avaient alors interprété ces propos comme une « fusion » annoncée des trois autorités. « La généralisation de l’accès à Internet haut débit fixe et mobile rend la frontière entre le monde de l’audiovisuel et celui des télécommunications tous les jours plus poreuse » : « Nous devons en tirer toutes les conséquences », avait lancé le ministre.
A défaut d’en passer par la loi (d’où le CSA et l’Arcep tiennent leurs missions et leurs structures), le rapprochement CSAArcep- ANFR avance par synergies renforcées, optimisation des moyens et recrutements mutuels. Gilles Brégant est en effet l’ancien directeur technique du CSA. Son DG adjoint, Jean- Marc Salomon, vient d’être recruté également au CSA où il était aussi DG adjoint. Lui-même tout juste remplacé par Michel Combot, lequel était DG adjoint de l’Arcep. A l’heure des réductions budgétaires dans l’administration publique, une fusion serait pourtant la bienvenue. Le rapport « TV connectée » (1) va jusqu’à suggérer « la création d’une autorité unifiée » comme « [voie]
plus pérenne ». @

Un an après AOL-Time Warner, vers AOL-Yahoo ?

En fait. Le 9 décembre a marqué le premier anniversaire du spin-off entre Time Warner et sa filiale Internet AOL. Le 6 décembre, Reuters a révélé que AOL pourrait être démantelé et les activités contenues dans son portail web fusionnées avec Yahoo, lequel licencie 600 personnes (4 % de ses effectifs).

En clair. Près de dix ans après la méga fusion initiée en 2001 entre Time Warner et AOL pour plus de 100 milliards de dollars, ébranlée par l’éclatement de la bulle Internet, American On Line (AOL) n’en finit pas de s’interroger sur son avenir. Non pas que l’ex-filiale de feu AOL Time Warner perde de l’argent (la nouvelle entitée cotée en Bourse est rentable), ni qu’elle soit endettée (elle ne l’est pas et dispose même de 600 millions de dollars de cash disponible), mais elle recherche un second souffle. Cela fait maintenant plus de deux ans que les dirigeants du fournisseur d’accès à Internet et distributeur de contenu web s’interrogent sur un éventuel démentellement de l’ex-filiale de feu AOL Time Warner : d’un côté l’activité historique d’accès à Internet, qui pourrait être cédée à United Online, et de l’autre le portail de contenus et de publicités, qui serait absorbé par Yahoo (1). AOL devrait réaliser cette année un chiffre d’affaires total de 2,4 milliards de dollars, dont 40% dans l’accès (en déclin à 4 millions de clients) et 60 % dans les contenus (en croissance). C’est cette dernière activité, avec les revenus de la publicité en ligne, qui pourrait intéresser Yahoo pour mieux rivaliser avec son concurrent Google. D’autant que AOL a réduit ses coûts par 2.500 suppressions d’emploi, fermeture de bureaux à l’international (2) et des sessions d’actifs en perte.
Ce démentellement interviendrait après la moins-value enregistrée avant l’été lors de
la revente pour seulement 10 millions de dollars du site communautaire Bebo que
AOL avait acheté en 2008 pour 850 millions de dollars. Auparavant, était cédée la messagerie instantanée ICQ pour 187 millions de dollars. Maintenant, le PDG, Tim Armstrong, y voit plus clair dans sa stratégie : faire d’AOL une « entreprise d’information ». Après avoir lancé Seed.com destiné à publier des articles de contributeurs rémunérés, il a annoncé coup sur coup en septembre dernier le rachat du site web d’actualités hight-tech TechCrunch, la plateforme de VOD « 5min Media » et de Things Lab avec son programme Brizzly pour réseaux sociaux. En janvier, AOL avait fait l’acquisition de StudioNew, société spécialisée dans la création et la diffusion de vidéos sur Internet. Avec son cash disponible, AOL privilégie les acquisitions plutôt que la rémunération de ses actionnaires. Et ce, afin de se rencenter sur les contenus et la publicité en ligne. Avec ou sans Yahoo. @

France : trop de régulateurs pour être « neutre »

En fait. Lors du colloque du 13 avril sur la « neutralité du Net », une dizaine
de représentants de régulateurs – Arcep, CSA, Hadopi, CNIL et Autorité de la concurrence (manquait plus que l’Arjel, voire le juge !) – se sont succédés à
la tribune. Risque d’« incohérence » dans la régulation d’Internet.

En clair. Le débat sur la neutralité des réseaux repose la question de la régulation de l’Internet. Les autorités administratives indépendantes se bousculent autour du Net,
au point que leurs compétences respectives deviennent illisibles. Selon Denis Rapone, membre de l’Arcep, « la convergence et les nouveaux usages, tels que la vidéo à la demande ou la télévision de rattrapage, supposent des pouvoirs nouveaux des régulateurs. L’Arcep et le CSA doivent avoir une réflexion plus concertée et des avis croisés ». Mais il ajoute que l’on doit aussi s’interroger sur « les zones blanches de ces compétences concertées ». Régulation ? Corégulation ? Autorégulation ? Pour Isabelle Falque-Perrotin, présidente du Forum des droits sur l’Internet (FDI), « la convergence suppose l’articulation de l’action des régulateurs », régulateurs qu’elle a énumérés comme dans un inventaire à la Prévert : « CSA, Arcep, CNIL, Hadopi, …, juge constitutionnel ». D’autant que « la Net neutralité ne suffira pas dans un seul texte, car il y a le droit de la concurrence, le droit de la consommation, la liberté d’expression, … ». D’où, à ses yeux, « un risque de concurrence entre les régulateurs et d’incohérence ». Et de proposer : « pour résoudre cette question de l’interrégulation, il faut une plateforme neutre entre régulateurs pour qu’ils évoquent leur sujets communs. L’une des pistes à explorer est que le Conseil national du numérique joue ce rôle ». Or, le gouvernement tarde depuis un an à créer le CNN en concertation avec le FDI. Depuis une réunion interministérielle du Premier ministre le 20 novembre 2009, la question de savoir si le CNN est une évolution du FDI ou « la création d’une association ex-nihilo, suivie du transfert des actifs et du personnel du FDI » (1). La proposition d’Isabelle Falque- Perrotin a en tout cas séduit Emmanuel Gabla, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) : « La plateforme commune mérite réflexion », a-t-il lancé, après avoir assuré qu’ « il y a déjà une coopération très entre les autorités ; les régulateurs se parlent ». Pour lui, « les [postes de] télévision connectés sont une traduction flagrante de la convergence [télécomsaudiovisuel] et un big bang des communications électroniques, ce qui pose – avec les nouveaux services de médias audiovisuels [VOD, Catch up TV, ndlr] la question des compétences en matière de règlement de différends entre l’Arcep et le CSA ». Le législateur devra clarifier. @

Time Warner-AOL est mort, vive la convergence !

En fait. Le 16 novembre, le groupe de médias Time Warner a annoncé que le spin-off de sa filiale Internet AOL interviendra le 9 décembre 2009. Les actionnaires de Time Warner recevront une action d’AOL pour chaque lot de 11 actions Time Warner détenue. Le lendemain, les actions d’AOL seront cotées à New York.

En clair. Dix ans après l’éclatement de la « bulle Internet », le groupe de médias et de cinéma américain Time Warner n’en finit pas de solder les comptes de sa mégafusion
en 2001 avec American On Line (AOL) qu’il avait racheté au prix fort à l’époque : plus
de 100 milliards de dollars ! Depuis cette acquisition, la plus importante dans l’histoire économique américaine, l’eau a coulé sous les ponts : la valorisation boursière d’AOL atteint aujourd’hui à peine 3,5 milliards… La filiale Internet devenue moribonde doit maintenant économiser 300 millions d’euros par an et supprimer jusqu’à 2.500 emplois (un tiers de ses effectifs). Time Warner revient de loin. Il avait fallu pourtant plus d’un an de bataille pour obtenir le feu vert – en janvier 2001 – des autorités antitrust américaines et européennes, lesquelles craignaient les risques d’abus de position dominante, et pour convaincre les associations de consommateurs américaines redoutant les conséquences de cette opération. AOL était le premier FAI américain avec 26 millions d’abonnés et Time Warner comptait 13 millions d’abonnés par câble. Sans parler des mises en garde des investisseurs à la suite de l’éclatement de la bulle Internet à l’automne 2000. Le patron de Time Warner, Gerald Levin (1), cédait alors sa place au PDG fondateur d’AOL, Steve Case, qui prenait ainsi la tête du nouvel ensemble – baptisé AOL Time Warner (2) –, tous les espoirs étant alors permis quant à la convergence numérique promise entre les tuyaux et les contenus. Time Warner, qui était déjà câblo-opérateur, détient le studio de cinéma Warner Bros., Warner Music, CNN, Time Magazine, Fortune, …), tandis qu’AOL le premier des fournisseur d’accès à Internet (FAI) aux Etats-Unis. A peine formé, AOL Time Warner annonçait en outre le 24 janvier 2000 le rachat du major du disque EMI pour 20 milliards de dollars. Mais Levin et Case y renoncèrent quelques mois après pour ne pas prendre le risque d’essuyer un refus des autorités antitrust pour leur méga fusion initiale. Mais lorsque le feu vert fut donné, le marché s’était déjà retourné. En 2002, la dépréciation de l’actif AOL fit plonger les comptes du groupe à près de… 100 milliards de dollars ! Et les résultats financiers du nouveau géant n’ont cessé de se dégrader depuis. @