Traité ACTA : entre principes généraux et interprétations

Les négociations internationales autour du traité ACTA, accord commercial anti-contrefaçon (y compris numérique), devraient se poursuivent jusqu’à la fin de l’année. La coupure de l’accès à Internet est notamment envisagée, mais de nombreuses questions demeurent.

Par Christiane Féral-Schuhl (photo), avocate associée, cabinet Féral-Schuhl/Sainte-Marie

Anti-piratage : l’ACTA n’est pas si « mystérieux »

En fait. Le 25 février, la direction Commerce de la Commission européenne a annoncé qu’elle organisera le 22 mars prochain une réunion pour informer et consulter les parties intéressées par la négociation sur un accord commercial
« plurilatéral » anti-contrefaçon (ACTA) pour protéger la propriété intellectuelle.

En clair. Les négociations que mènent plusieurs pays dans le monde en vue d’aboutir
en 2010 à l’Accord commercial anticontrefaçon (ACAC) – plus connu sous le sigle ACTA (1) – ne sont pas aussi obscures qu’il n’y paraît. L’objectif est clairement d’instaurer une « coopération internationale » et de mettre en oeuvre des moyens pour « combattre les violations » de droits de la propriété intellectuelle, y compris sur Internet avec – selon un des documents de travail – des remèdes demandés aux fournisseurs d’accès à Internet ». L’Association européenne de ces derniers, l’EuroISPA (2), s’en
est inquiétée le 24 février dernier, de même que l’ETNO (3) le 25 janvier pour les opérateurs télécoms historiques. Dans moins d’un mois – du 12 au 16 avril 2010 en Nouvelle Zélande – se tiendra le huitième « round » de ces discussions entre pas moins de 37 pays, si l’on compte les Vingt-sept européens. La dernière des sept réunions précédentes s’est tenue fin janvier au Mexique avec des représentants de l’Union européenne. Les participants se sont engagés à « parvenir à un accord d’ici
la fin de l’année ». Le 24 février, la secrétaire d’Etat à l’Economie numérique Nathalie Kosciusko-Morizet a pourtant qualifié de « mystérieux » ce projet de traité multilatéral.
« On a posé à ce sujet la question à Neelie Kroes. Mais la Commission européenne est mal à l’aise, car il y a des points de vue variés entre les pays », a-t-elle juste dit. Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a aussi dénoncé, dès le
22 février, le « manque de transparence ». Alors que la France présidait l’Union européenne, Paris a déjà accueilli une réunion de l’ACTA ! C’était du 15 au 18 décembre 2008 avec la participation de sa collègue Anne-Marie Idrac, secrétaire
d’Etat chargée du Commerce extérieur. Et ce, en plein débat sur le projet de loi Hadopi…  Il s’agit de « créer un cadre réglementaire moderne et fort, qui prenne en compte le vol de la propriété intellectuelle dans l’économie globale, y compris l’augmentation des médias de stockage numérique qui facilitent la copie ». Le Japon et
les Etats-Unis ont lancé cette idée dès 2006. D’autres pays les ont rapidement rejoint :
le Canada, la Suisse et… l’Union européenne. Puis, les négociations proprement dites ont débuté en juin 2008 avec un cercle élargi à l’Australie, au Mexico, au Maroc, à la Nouvelle Zélande, à la Corée du Sud et à Singapour. @

Hervé de La Martinière : « Trop de plateformes pourrait nuire à la diffusion du livre numérique »

Alors que le groupe La Martinière (maisons d’édition Le Seuil, L’Olivier et les Editions La Martinière) attend le 18 décembre le jugement dans son procès pour contrefaçon contre Google, son PDG explique à Edition Multimédi@ les enjeux de sa nouvelle plateforme Eden Livres et comment il souhaite voir évoluer la loi Lang.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Votre plateforme « Eden Livres » est ouverte depuis un mois maintenant. Quel est son mode de fonctionnement et de rémunération vis-à-vis des libraires et des auteurs ?
Hervé de La Martinière :
La plateforme numérique Eden Livres a été créée par trois acteurs indépendants de l’édition, Gallimard, Flammarion et nous-mêmes, La Martinière Groupe. Elle est réservée uniquement aux libraires. C’est donc un outil nouveau mis à leur disposition. Le grand public, lui, n’y a pas accès. Son fonctionnement est simple. Un client s’adresse à son libraire. Si celui-ci est en compte avec Eden Livres, il peut commander un exemplaire numérique d’un ouvrage du Seuil, de Gallimard ou encore de Flammarion. Le libraire, qui a une clé et un numéro de compte, entre en contact avec la plateforme qui lui envoie immédiatement le fichier numérique demandé pour son client. Un livre en version numérique coûte environ 25 % moins cher qu’un ouvrage publié sur papier. Le professionnel qu’est le libraire bénéficie de « la remise libraire » évaluée entre 20 % à 25 % du prix affiché. Les auteurs conservent leurs droits à l’identique, indifféremment du support, numérique ou papier.