Jean-Paul Cottet, France Télécom : « Désormais, le digital est notre principal levier de création de valeur »

Directeur des nouvelles activités de croissance (NAC) d’Orange depuis un an,
Jean-Paul Cottet – directeur exécutif, marketing et innovation de France Télécom – explique en exclusivité à EM@ comment les activités de contenus, « réunies sous
le même management », participent à la croissance de l’opérateur de réseau.

Propos recueillis par Charles de Laubier

JPCEdition Multimédi@ : Cela fait un an (au 1er février) que vous avez pris en charge les Nouvelles activités de croissance (NAC) de France Télécom-Orange. Que recouvrent précisément ces activités et pour quelle croissance en 2012 ?
Jean-Paul Cottet :
Les Nouvelles activités de croissance rassemblent nos activités dans le domaine du divertissement et
de l’audience. Elles comprennent la télévision, la vidéo, la musique, les jeux, les portails Internet et les régies publicitaires. Nous ne communiquons pas de chiffre d’affaires sur ces activités. Elles sont en croissance,
et même forte pour certaines. Par exemple, notre nombre d’abonnés TV d’Orange en France et à l’international est passé de 4,8 millions en septembre 2011 à 5,7 millions en septembre 2012. Notre nombre d’abonnés à OCS [nouveau nom d’Orange Cinéma Séries depuis septembre, ndlr] a quant à lui plus que doublé, de 400.000 à plus de 800.000 entre fin 2011 et fin 2012.

Yves Le Mouël, FFTélécoms : « Il faut rapidement étendre l’assiette fiscale à tous les acteurs d’Internet »

Le DG de la Fédération française des télécoms, qui réunit les opérateurs (sauf Free et Numericable), répond aux questions de Edition Multimédi@ sur ce qu’il attend du nouveau gouvernement. Même s’il y a des signaux positifs, la FFTélécoms reste vigilante– notamment en matière fiscale.

Propos recueillis par Charles de Laubier

Edition Multimédi@ : Pensez-vous que la proposition de loi de fiscalité numérique – que dépose en juillet le sénateur Philippe Marini en vue d’imposer les acteurs du Web sur la base des déclarations de leur référent fiscal – sera suffisante pour retrouver une équité fiscale avant le passage de la TVA au pays de consommation entre 2015 et 2019 ?
Yves Le Mouël : Les opérateurs télécoms, qui subissent en tant qu’ « objets taxables bien identifiés » en France, une fiscalité spécifique de l’ordre de 1,2 milliard d’euros par an, sont également en butte à une situation de concurrence déséquilibrée de la part des OTT (1). Ces derniers bénéficient légalement des niches fiscales européennes (Irlande et Luxembourg) et offrent des services concurrents de ceux des opérateurs (téléphonie, messagerie, visio, accès aux contenus, …) en utilisant leurs réseaux. La concurrence en elle-même est positive. Encore faut-il qu’elle s’exerce dans des conditions de régulation et de fiscalité équitables. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui en France. Pour étendre l’assiette fiscale aux OTT, il est nécessaire de procéder rapidement, tant au niveau français qu’au niveau européen. C’est le sens de l’action menée par le sénateur Philippe Marini.
C’est aussi l’axe de travail annoncé par le président François Hollande et par son gouvernement. Le délai de l’harmonisation fiscale européenne, qui devrait être achevée en 2019, n’est en aucun cas adapté aux enjeux nationaux pour les acteurs européens. Cela handicape notre secteur mais également la transformation et la croissance de l’économie et de la société française. Nous faisons donc de la lutte pour la baisse de la pression fiscale et contre la dissymétrie fiscale et règlementaire un axe majeur de notre action. Ce sont les messages que nous portons à tous nos interlocuteurs, français et européens, et en particulier aux membres du nouveau gouvernement. Nous partageons en effet des intérêts convergents : sur le déploiement des réseaux très haut débit, sur le plan fiscal versus les acteurs internationaux, sur l’accès à la culture, sur l’attractivité des territoires, ou sur la confiance numérique.

Les opérateurs télécoms veulent prendre le contrôle de l’Internet et de la diffusion de contenus

A défaut d’avoir été des Internet natives, le monde sous IP leur ayant été imposé par l’industrie informatique dans les années 90, les opérateurs télécoms veulent aujourd’hui reprendre la main sur le réseau des réseaux et devenir diffuseurs de contenus (vidéo en tête).

Par Charles de laubier

C’est un tournant historique qui est en train de s’opérer dans le monde de l’Internet, quarante ans après la création du réseau des réseaux. Les opérateurs télécoms, qui ont dû devenir à partir des années 1990 fournisseurs d’accès à Internet (FAI) dans un univers ouvert, veulent rajouter une corde à leur arc : la diffusion de contenus sur Internet.

Google Books : éditeurs et auteurs reprennent la main

En fait. Le 11 juin, Google a annoncé deux accords avec l’édition en France, l’un avec le Syndicat national de l’édition (SNE), l’autre avec la Société des gens de lettres (SGDL). Un accord-cadre va permettre aux éditeurs qui le souhaitent de confier au géant du Net la numérisation de leurs livres épuisés.

En clair. Six ans après l’ouverture des hostilités, engagé en juin 2006 devant le tribunal de grande instance (TGI) de Paris par le groupe La Martinière (1) le Syndicat national de l’édition (SNE) et la Société des gens de lettres (SGDL), Google et les professionnels français de l’édition enterrent la hache de guerre. Les ex-plaignants reprochaient à Google Books d’avoir numérisé sans autorisation préalable des éditeurs concernés quelque 100.000 livres et lui réclamaient 15 millions d’euros de dommages et intérêts. Ils exigeaient en outre que la firme de Mountain View cesse la numérisation des ouvrages, sous peine d’une astreinte de 100.000 euros par jour. Le 18 décembre 2009, Google avait été condamné à verser 300.000 euros de dommages et intérêts aux maisons d’éditions du groupe La Martinière (2), ainsi que 1 euro au SNE et à la SGDL, pour avoir numérisé des livres sans autorisations. Le géant du Web avait fait appel, sans succès, et avait finalement dû – malgré un recours en référé – publier le jugement de première instance le condamnant sur la page d’accueil française de Google Livres. Malgré ce revers judiciaire, Google avait poursuivi les négociations avec les éditeurs disposés à le faire. Bien lui en a pris. Un accord-cadre sur la numérisation des livres indisponibles a été élaboré avec le SNE, en concertation avec la SGDL. A chaque maison d’édition ensuite de dire si elle le signe effectivement, et à chaque auteur concerné d’accepter ou pas de voir indexées ses œuvres. Les organisations professionnelles se sont ainsi mises au diapason, après la signature par le groupe La Martinière fin août 2011 d’un protocole d’accord avec Google, lequel avait le mois précédent signé avec Hachette Livre un accord similaire annoncé dès novembre 2010. Tandis que Gallimard, Flammarion et Albin Michel avaient décidé finalement de suspendre au début du mois de septembre de l’an dernier – en vue de discuter – leurs actions en justice qu’ils avaient engagées de leur côté contre Google (3). Il s’agit de redonner vie à des milliers de livres indisponibles à la vente et plus édités. Cette quantité de livres épuisés, sous droits, représente 75 % de l’ensemble des œuvres dans le monde. Quel est l’intérêt des éditeurs ? Avec un tel accord, ils gagnent ainsi l’opportunité de vendre en ligne les livres que les maisons d’édition ne distribuaient plus dans les circuits classiques. @

L’industrie du livre veut elle aussi taxer les FAI

Le 31 janvier, la Fédération française des télécoms (FFT) a formulé ses vœux
pour l’année 2012, à commencer par le souhait de ne pas voir de nouvelles taxes « culturelles » sur les FAI. Mais après le CNC (cinéma) et le CNM (musique), le Centre national du livre (CNL) songe aussi à une taxe.

Après la taxe prélevée par le Centre nationale du cinéma et de l’image animée (CNC) sur les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), ces derniers devront remettre la main à la poche pour financer le nouveau Centre national de la musique (CNM). Et comme jamais deux sans trois, il ne manquerait plus que le Centre national du livre (CNL) pour demande à
son tour une taxe sur les FAI. Justement, le CNL ne n’exclut pas. En effet, selon nos informations, son président Jean-François Colosimo étudie cette perspective parmi les nouvelles pistes de financement envisagées pour son établissement, lequel est sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Communication. Sa mission est notamment d’aider au financement de projets de production de livres (1), au moment où les maisons d’éditions doivent s’adapter au numérique. Le CNL se réunit d’ailleurs trois fois par an
pour octroyer des subventions pour projets d’ »édition numérique », d’ »édition multimédia »
ou de « plates-formes innovantes de diffusion et de valorisation de catalogues de livres numériques » (prochaines délibérations en mars). Or le besoin de financement est croissant mais les recettes du CNL – de moins de 45 millions d’euros par an – n’augmentent pas et ne suffisent plus. Au-delà des taxes spécifiques qui lui sont affectées (près de 80 % des recettes mais stagnantes), telles que les redevances sur les matériels de reproduction et d’impression, ainsi que sur le chiffre d’affaires de l’édition, l’une des pistes est de taxer les FAI. La question devrait être à l’ordre du jour la prochaine réunion de la commission « Economie numérique » du CNL, qui se réunit le 2 mars prochain. « [Une des pistes] consisterait à intégrer le domaine du livre dans tous les mécanismes à venir impliquant les fournisseurs d’accès à Internet, lesquels emploient massivement des contenus écrits et de livres », a déjà eu l’occasion d’expliquer Jean-François Colosimo lors de son audition devant la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, audition du 19 mai 2011 portant sur le financement de la culture (« Budget de l’Etat ou taxes affectées ? »). Reste à savoir si le CNL tentera de placer sa réforme – à l’instar du CNM – lors du prochain projet de loi de finances rectificatif 2012 au printemps ou du projet de loi de finances 2013 de fin d’année… @