Orange, SFR, Bouygues ou Free bloquent le site de téléchargement Uptobox, sur décision du juge

L’Association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) n’a pas obtenu de l’hébergeur Uptobox le retrait des films que ses utilisateurs se partageaient de façon illicite. Saisi, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné aux opérateurs télécoms – jugement du 11 mai 2023 – d’en bloquer l’accès.

L’Association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa), présidée depuis plus de 20 ans par Nicolas Seydoux (photo), avait bien repéré depuis longtemps le site web d’hébergement de contenus Uptobox comme facilitant le piratage de films. D’autant qu’Uptobox (alias Uptostream) figure aussi dans la liste noire de la Commission européenne – sa « Counterfeit and Piracy Watch List » ayant été mise à jour le 1er décembre 2022 (1). Mais malgré les notifications et les procès-verbaux émis par ses agents assermentés (2), l’Alpa a constaté que « les mesures de retrait de contenus prises [par Uptobox] ne sont ni crédibles ni efficaces ».

Le cyberlocker a décidé de faire appel
« Les utilisateurs sont informés des retraits de contenus effectués (alors que les titulaires de droits ou leurs représentants ne le sont pas) de manière à leur permettre de remettre quasi immédiatement en ligne les contenus retirés à la demande des titulaires de droits », a relevé l’Alpa lors de ses investigations. Selon ses agents assermentés, la plateforme Uptobox d’hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos comportait un total de 25.504 liens actifs mis à la disposition du public, « dont la grande majorité permet l’accès sans autorisation à des œuvres audiovisuelles protégées ». Toujours selon l’Alpa, environ 84 % des liens renvoyaient vers des « œuvres contrefaisantes ». Parmi les films ou séries piratés, ses agents assermentés ont identifié « You », « Bullet train », « Novembre » ou encore « Les Survivants ».
D’après leur estimation, Uptobox était visité par plus de 1 million d’utilisateurs (« 1.111.000 de visiteurs uniques en France »). Bien que cela ne soit pas évoqué devant le tribunal, l’audience de la plateforme incriminée est autrement plus importante dans le monde avec, d’après Similarweb 34,2 millions de visiteurs au cours du dernier mois (3). Les internautes y partagent leurs fichiers et/ou vidéos en publiant les liens qui leur sont communiqués par la plateforme elle-même et qui proviennent de sites de collection de liens tels que Filmoflix, Filmgratuit, Wawacity ou encore Zone-téléchargement. Or ces quatre sites de liens ont chacun déjà fait l’objet de mesures de blocage judicaire par des jugements datés respectivement du 21 juillet, 10 novembre, 15 décembre 2022 et du 2 mars 2023. D’après les constatations de l’Alpa exposées devant le tribunal judiciaire de Paris : « Cette plateforme [Uptobox] permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d’une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leurs vidéos et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme a également mis en place un système d’abonnement payant ».
Uptobox était accessible par au moins six noms de domaine : uptobox.com, uptobox.fr, uptostream.com, uptostream.fr, uptostream.net et beta-uptobox.com. Depuis le jugement, deux autres URL ont été indiquées : uptobox.eu et uptostream.eu (4). Les dirigeants d’Uptobox ont décidé de faire appel (5).
Dans la liste noire de la Commission européenne, Uptobox est considéré comme « un cyberlocker de téléchargement direct [qui] permet également le streaming ». Autres précisions sur le modèle économique d’Uptobox : « Le contenu téléchargé comprend les films et les jeux vidéo, y compris les prédiffusions. Son emplacement d’hébergement est masqué derrière un service de proxy inverse, ce qui rend difficile d’identifier son hôte précis. Le site offre un compte premium avec un stockage illimité, des téléchargements illimités, une vitesse de téléchargement supplémentaire et aucune publicité. Les sites pirates intègrent ou établissent un lien vers le contenu téléchargé dans Uptobox pour générer des revenus via des publicités ou des réseaux qui paient par lien visité ». La Commission européenne liste d’autres cyberlockers comparables et qu’elle définit ainsi : « Un cyberlocker est un type de services de stockage et de partage en nuage (cloud) qui permettent aux utilisateurs de télécharger, de stocker et de partager du contenu dans des serveurs en ligne centralisés. Les cyberlockers génère un lien URL unique (ou parfois plusieurs liens URL) pour accéder au fichier téléchargé, permettant aux clients de télécharger ou de diffuser le contenu téléchargé ».

FNEF, SEVN, API, UPC, SPI et CNC
Outre Uptobox, la Commission européenne décrit dans cette catégorie Mega, Rapidgator, Uploaded, et Dbree. En France, c’est sur la base des constatations remontées par l’Alpa que la Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF), le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN),  l’Association des producteurs indépendants (API), l’Union des producteurs de cinéma (UPC), le Syndicat des producteurs indépendants (SPI) et même le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) qui a notifié le 7 avril 2023 ses « conclusions d’intervention volontaire accessoire », ont saisi le tribunal judiciaire de Paris. Et, selon la procédure accélérée au fond, l’audience a eu lieu le 17 avril 2023 sous la présidence de la magistrate Nathalie Sabotier (photo ci-dessous), première vice-présidente adjointe du tribunal judiciaire de Paris. Les six organisations étaient représentées par l’avocat Christian Soulié.

De la directive « DADVSI » au CPI
Les six organisations ont notamment invoqué la directive européenne « Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI) de 2001 accordant « aux auteurs le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à la disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement » (6). Elles affirment que « les exploitants de la plateforme d’hébergement et de partage de contenus numériques “Uptobox” sait en l’occurrence que des contenus protégés sont massivement et illégalement mis à la disposition du public par son intermédiaire, tandis qu’elle s’abstient de mettre en œuvre des mesures techniques qui lui permettraient de contrer, avec la diligence attendue de sa part, de manière crédible et efficace, les violations des droits d’auteur qui sont faites par leur intermédiaire ». Selon elles, Uptobox « incite à la violation du droit d’auteur et des droits voisins par la mise en place d’outils spécifiquement destinés au partage de masse et illicite de contenus protégés, en promouvant sciemment ces partages, notamment par le biais d’un modèle économique qui laisse présumer que ses exploitants jouent un rôle actif dans le partage des fichiers contrefaisants ».
La FNEF, le SEVN, l’API, l’UPC, le SPI ainsi que le CNC ont donc demandé au juge de faire cesser la violation de leurs droits. Ils ont indiqué que le code de la propriété intellectuelle (CPI) réalise la transposition de la directive « DADVSI » qui permet aux titulaires de droits de « demander qu’une ordonnance sur requête soit rendue à l’encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin » (7). Le tribunal judiciaire de Paris a répondu favorablement à leur requête, en accélérée, en enjoignant aux opérateurs télécoms Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR/SFR Fibre « de mettre en œuvre et/ou faire mettre en œuvre, toutes mesures propres à empêcher l’accès au site “Uptobox”, à partir du territoire français par leurs abonnés, à raison d’un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix ». Les mesures de blocage, qui concernent aussi les départements ou régions d’outre-mer et collectivités uniques, les îles Wallis et Futuna, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises, devront être appliquées « à tous les sous domaines associés au nom de domaine figurant dans le tableau » annexé à la décision (8). Le tribunal judiciaire de Paris ordonne aux quatre fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de mettre en œuvre ces mesures de blocage « sans délais, et au plus tard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision, et pendant une durée de 18 mois, ce délai prenant tout à la fois en compte l’augmentation de la constatation des atteintes et l’efficacité des mesures d’ores et déjà ordonnées qui font qu’une mesure de blocage est rarement sollicitée consécutivement pour un même nom de domaine ». Orange, Bouygues Telecom, Free (Iliad) et SFR (Altice), qui devront « prendre en charge le coût des mesures de blocage », devront aussi informer les six organisations de ces mesures mises en œuvre « sans délai ». Ces six organisations s’engagent, elles, à indiquer aux FAI « les noms de domaine dont ils auraient appris qu’ils ne sont plus actifs, afin d’éviter des coûts de blocage inutiles ». Il est en outre précisé que la société« Orange pourra, en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d’être autorisée à lever la mesure de blocage ». Les six organisations pourront ressaisir le tribunal judiciaire de Paris, toujours selon la procédure accélérée au fond ou en saisissant le juge des référés, « afin que l’actualisation des mesures soit ordonnée ».
Ce jugement du 11 mai intervient après que la Cour d’appel de Paris ait – dans un arrêt du 12 avril 2023 – donné raison à ce même tribunal judiciaire de Paris qui, dans une autre affaire, avait condamné la société DStorage exploitant le site 1Fichier pour piratage de films, de musiques ainsi que de jeux vidéo.

L’Arcom a aussi sa liste noire
Le blocage à tous les étages n’est pas sans rappeler les blocages des sites TeamAlexandriz en 2021 et de Z-Library en 2022 obtenus devant ce même tribunal judiciaire de Paris par, ces fois-là, l’industrie du livre. Il s’agissait aussi pour l’affaire « Z-Library » d’une procédure accélérée au fond obtenue par le Syndicat national de l’édition (SNE) ainsi qu’une douzaine de maisons d’édition. Le SNE s’était d’ailleurs félicité des « nouvelles prérogatives confiées à l’Arcom en matière d’extension du blocage à tout lien redirigeant vers une réplique de site bloqué » (9). Car l’Arcom met aussi à jour sa liste noire. @

Charles de Laubier

 

Bilan 2022 du CNC : l’après-crise sanitaire en chiffres

En fait. Le 16 mai, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a publié son bilan 2022. Le soutien financier au cinéma, à l’audiovisuel et au multimédia s’est élevé à 738,5 millions d’euros en 2022. On y apprend aussi que la (S)VOD a franchi les 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Retour à la normale ?

En clair. En tant qu’établissement public à caractère administratif placé sous l’autorité du ministère de la Culture, le CNC est le bras armé de l’Etat pour soutenir financièrement le cinéma, l’audiovisuel et le multimédia, dont la création numérique sur Internet, la réalité virtuelle, voire le métavers (1), et le jeu vidéo. L’année 2022 est la troisième année consécutive où un « soutien spécifique » supplémentaire a été débloqué dans le cadre de la crise sanitaire via des dotations exceptionnelles de l’Etat, à savoir 58,3 millions d’euros, s’ajoutant aux 680,2 millions d’euros versés par le CNC à ces secteurs aidés – soit un total de 738,5 millions d’euros. C’est un peu moins que l’année 2021 qui, elle, avait atteint un record de 799,4 millions d’euros (dont 184,7 millions d’euros d’aides « Covid-19 »). La pandémie aura donc nécessité sur 2020-2022 un total d’aides d’Etat supplémentaires de 348,8 millions d’euros.
L’an dernier – qui, selon le CNC, « traduit une forme de retour à la normale sans revenir encore pour autant aux équilibres d’avant la crise » –, le cinéma a bénéficié de la plus grosse part, à 291 millions d’euros (39,4 %), devant l’audiovisuel, à 265,1 millions d’euros (35,9 %), et les « dispositifs transversaux » (innovation, jeux vidéo, numérique, exportation, vidéo, VOD, …), à 124,2 millions d’euros (16,8 %). Rappelons que tout cet argent « public » (hors mesures « Covid ») provient à 68,9 % des taxes éditeurs et distributeurs de services de télévision (TST, dont les fournisseurs d’accès à Internet et leurs box IPTV), à 18,6 % des taxes vidéo et VOD (TSV), ou encore à 17,3 % de la taxe sur les entrées en salles de cinéma (TSA).
Le bilan 2022 du CNC a réévalué à la hausse le marché français de la VOD (par abonnement et à l’acte) qui a franchi pour la première fois la barre des 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. A précisément 2.079.800.000 euros (alors que c’était 1.971.800.000 en février), soit une hausse de 9,2 % en un an (2). Les plateformes Netflix (toujours largement en tête), Amazon Prime Video, Disney+ ou encore Orange VOD et Canal VOD/Canal+ Séries continuent de profiter de l’appropriation des plateformes depuis la crise sanitaire. Mais « pour la première fois depuis son lancement » en France mi-septembre 2014, la part des consommateurs utilisant Netflix est « en léger recul » (-0,9 point par rapport à 2021). Face aux plateformes américaines de SVOD, Orange VOD reste le numéro un de la VOD à l’acte. @

Musique : la «taxe streaming» pourrait être adoptée dans le projet de loi de finances 2024

Bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité au sein de la filière musicale (les producteurs sont divisés), la « taxe streaming » que prône le rapport Bargeton pourrait être adoptée à l’automne dans le projet de loi de finances 2024 alors qu’elle avait été rejetée dans le projet de loi de finances 2023.

La « taxe streaming », à savoir une contribution des plateformes de streaming (Spotify, Deezer, Apple Music,…) au financement du Centre national de la musique (CNM) telle que préconisée par le rapport Bargeton, fissure la filière musicale. D’un côté, l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI), regroupant des labels et producteurs indépendants, y est favorable avec des organisations du spectacle vivant. De l’autre, le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), représentant notamment les majors Universal Music, Sony Music et Warner Music, la fustige.

Financer le CNM, comme le CNC et le CNL
Ce projet de « taxe streaming » à 1,75 % serait à la musique enregistrée le pendant de la « taxe billetterie » à 1,75 % du spectacle vivant. Selon le rapport du sénateur Julien Bargeton (majorité relative présidentielle), lequel avait été missionné par la Première ministre Elisabeth Borne et la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak (photo), l’instauration de ce prélèvement « sur les revenus » de la consommation de musique en flux continu (streaming), aurait le mérite de mettre un terme à « l’asymétrie de financement entre spectacle vivant et musique enregistrée qu’on observe actuellement pour le financement du CNM ». Un an après avoir échoué à être adoptée dans le projet de loi de finances 2023, où trois amendements avaient été rejetés (1), la « taxe streaming » pourrait bien être adoptée à l’automne prochain dans le projet de loi de finances 2024.
Actuellement, la « taxe billetterie », prélevé sur les revenus des entrées aux spectacles de variétés représente environ 35 millions d’euros par an. Selon les calculs de Edition Multimédi@, la « taxe streaming » aurait pu rapporter 9,7 millions d’euros au titre de l’année 2022 où le streaming a généré en France 556,9 millions de chiffre d’affaires (2). Cette somme de près de 10 millions d’euros sont à comparer aux 20 millions d’euros de « rendement annuel » qu’attend le rapporteur Julien Bargeton (3) pour les prochaines années – anticipant ainsi une forte croissance du streaming musical par rapport à l’an dernier. La mission « de réflexion sur le financement des politiques publiques en direction de la filière musicale », qui a remis le 20 avril sa centaine de pages (4) à Rima Abdul Malak (5), estime que cette manne « supplémentaire » est indispensable – sur les 30 à 40 millions d’euros estimés nécessaires en plus par rapport au budget actuel (46 millions d’euros en 2023) – pour que le CNM puisse continuer à mener son action et à l’élargir. D’autant que l’innovation (data, livestream, blockchain, IA, NFT, VR, métavers, …) l’amène à assurer un « veille proactive » (accompagnement, formation, expertise), y compris via son think tank CNMlab. La « taxe streaming » a été préférée à deux autres pistes de financement que sont la contribution budgétaire complémentaire (Etat) ou une affectation de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSN).
Ainsi, créé en janvier 2020, soit plus de huit ans après que la mission Chamfort-Colling-Thonon-Selles-Riester sur le « financement de la diversité musicale à l’ère numérique » ait proposé sa création (6), le CNM – établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministre de la Culture – devrait fonctionner sur le modèle du CNC pour le cinéma et du CNL pour le livre. Mais cette « taxe streaming » ne fait pas l’unanimité au sein de la filière musicale. Huit organisations représentatives de producteurs indépendants de musique enregistrée et de spectacles vivants – UPFI, SPPF, Camulc, Felin, Forces musicales, Prodiss, Profedim et SMA – se sont félicitées le 21 avril « de la priorité donnée à la “taxe steaming” [qui] s’impose comme la solution la plus réaliste, la plus soutenable et la plus cohérente » (7). De même, la Société des auteurs compositeurs dramatiques (SACD) s’est félicitée elle aussi de la proposition de « soumettre à contribution les opérateurs de streaming, payants comme gratuits, [qui] constitue la seule démarche permettant d’assurer pérennité et dynamisme des ressources et de construire un modèle de financement juste basé sur la mutualisation ». Même si la SACD trouve insuffisant ce taux de 1,75 % qui « gagnerait à être relevé » (8).

Le Snep (dont les majors) en désaccord
En revanche, le Snep – représentant notamment les majors de la musique enregistrée (Universal Music, Sony Music et Warner Music) – fustige « la création d’un nouvel impôt sur le streaming dont notre secteur devrait s’acquitter » et « une analyse erronée de la dynamique actuelle du streaming et de ses acteurs », alors qu’« il existe des alternatives pour financer le CNM». Le rapport Bargeton, lui, pointe le fait que les données de stream et de vente physique soient consolidées par le Snep, ce qui « participe du climat général de méfiance autour de la réalité économique du streaming ». @

Charles de Laubier

Création immersive : l’audiovisuel et le cinéma se mettent très progressivement au métavers

Cela fait plus de six mois que le musicien Jean-Michel Jarre est président de la commission « Création immersive » du CNC, dotée de 3,6 millions d’euros par an pour subventionner la création d’œuvres immersives. Elle s’est réunie le 6 mars dernier pour la troisième fois afin de retenir de nouveaux projets à soutenir.

Le Fonds d’aide à la création immersive, créé en juillet 2022, remplace au sein du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), à la fois le Fonds d’aide aux expériences numériques (Fonds XN) et le Dispositif pour la création artistique multimédia et numérique (Dicréam). Pour la troisième fois, la commission « Création immersive » présidée depuis septembre 2022 par le musicien Jean-Michel Jarre (photo), s’est réunie – le 6 mars – pour choisir les projets immersifs qui bénéficieront d’une aide financière allant de quelques milliers d’euros à plus de 130.000 euros chacun.

Projets VR, MR, XR, voire métavers
Le Fonds d’aide à la création immersive est doté de 3,6 millions d’euros par an pour financer des contenus de réalité virtuelle (VR), de réalité mixte (MR), de réalité étendues (XR) ou encore de narrations interactives (Interactive Storytelling). Lancé durant l’été 2022 en pleine euphorie « métavers » déclenchée par la firme de Mark Zuckerberg, Meta (ex-groupe Facebook), ce fonds vise aussi à aider des projets de métavers. En lançant la commission « Création immersive », le CNC avait appelé la filière à « investir le métavers comme un nouveau territoire d’expression artistique ».
Le but était alors d’« accélérer la structuration de cet écosystème, actuellement porté par le développement du métavers qui désigne en premier lieu le processus de plateformisation des usages immersifs, et présente des opportunités sans précédent ». Surtout que JeanMichel Jarre croit en ces mondes immersifs, se présentant lui-même comme « musicien, auteur, interprète, pionnier des métavers ». Il est par ailleurs associé au studio de production Vrroom (société Perpetual Emotion), lequel a déjà assuré la virtualisation de certains de ses concerts (immersion complète dans un monde virtuel) et qui va lancer « un métavers entièrement dédié au spectacle » – pour l’heure à l’état de prototype (1).
Malgré le « métaflop » constaté en fin d’année dernière (2), les œuvres dans le métavers entrent toujours dans le dispositif. Mais la mise en avant du métavers n’a pas fait long feu. De quoi aussi apaiser les craintes de certains créateurs du numérique (auteurs et producteurs) qui se sont inquiétés de voir disparaître la Dicréam – au bout de plus de vingt ans d’aides aux artistes multimédias –, n’ayant pas forcément les moyens de faire de la réalité virtuelle ni du métavers (3). Quant au Fonds XN, lui aussi remplacé, il avait été créé en octobre 2018 à la suite de l’ancien Fonds nouveaux médias (4) – le CNC ayant commencé à aider des projet de réalité virtuelle dès 2014. La commission « Création immersive » est composée de deux collèges : l’un examine les demandes d’aide à l’écriture et à la préproduction ; l’autre examine les demandes d’aide à la production et aux manifestations à caractère collectif. Le tout, sous l’œil de membres « observateurs » que sont Dorine Dzyczko, chargée au ministère de la Culture de la coordination des politiques numériques en faveur de la création, et un représentant de l’Institut Français. Un même projet peut se présenter successivement à chacun des dispositifs d’aide à la création existants – écriture, préproduction, production – au fur et à mesure de son avancement, et cela qu’il ait obtenu ou non une aide à l’un de ces dispositifs. Les membres de cette commission (comme pour les autres du CNC) sont des professionnels, nommé pour deux ans. Les aides financières, elles, sont in fine délivrées par le président du CNC, actuellement Dominique Boutonnat, lequel a nommé en septembre 2022 Jean-Michel Jarre président de cette commission « Création immersive ».
Etant donné que la commission « Création immersive » se réunit environ deux mois après la date limite de dépôt des dossiers, les projets retenus le 6 mars portent sur les dossiers de candidature déposés à l’échéance du lundi 16 janvier dernier. Mais, selon les informations de Edition Multimédi@, le CNC ne divulguera pas les résultats avant « début avril, ce décalage étant dû à des procédures administratives ». Les prochaines dates limites de dépôts des dossiers pour 2023 sont respectivement le mardi 11 avril, le lundi 3 juillet et le lundi 16 octobre. Les candidatures sont à envoyer au format numérique uniquement (5).

52 projets au total aidés en 2022
L’an dernier, la commission a sélectionné par deux fois des projets immersifs lors de ses réunions du 4 octobre et du 5 décembre – soit 52 projets au total.
Lors des premiers résultats (6): six projets immersifs ont bénéficié d’aides financières au titre de l’aide à l’écriture, tels que « Uncanny You ! » (Sigrid Coggins) pour 6.000 euros de dotation la plus basse, ou « Pour en finir avec la fin du monde » (Samuel Lepoint) pour 12.000 de dotation la plus élevée ; onze projets immersifs ont été retenus au titre de l’aide à la préproduction, tels que « Mille » (L’instant Mobile) pour 8.000 euros de dotation la plus basse, ou « Alternates » (Floréal) pour 50.000 euros de dotation la plus élevée ; quatre projets immersifs l’ont été au titre de à la production, tels que « Champollion » (Lucid Realities) pour 60.000 euros de dotation la plus basse, ou « Entrez dans la danse » (Tchikiboum) pour 120.000 euros de dotation la plus élevée ; quatre projets immersifs au titre de l’aide aux opérations à caractère collectif, tels que « Courant 3D » (Prenez du relief) pour 5.000 euros de dotation la plus basse, ou « Showroom » (Zinc) pour 15.000 euros de dotation la plus élevée.

Le studio français Atlas V mieux loti
Lors des seconds résultats (7) : sept projets immersifs ont bénéficié d’aides financières au titre de l’aide à l’écriture, tels que « Habiter les nuits » (Maria Victoria Follonier/Elie Blanchard) pour 6.000 euros de dotation la plus basse, ou « Vibrotanica » (Jérôme Li-Thiao-Té) pour 16.350 euros de dotation la plus élevée ; quatorze projets immersifs ont été retenus au titre de l’aide à la préproduction, tels que « Minos » (Rebonds d’Histoires) pour 9.000 euros de dotation la plus basse, ou « Slipstreaming » (1er Stratagème) pour 55.000 euros de dotation la plus élevée ; sept projets immersifs l’ont été au titre de à la production, tels que « Mille » (L’Instant mobile) pour 10.000 euros de dotation la plus basse, ou « La Petite Souris » (Atlas V) pour 139.000 euros de dotation la plus élevée ; trois projets immersifs au titre de l’aide aux opérations à caractère collectif, tels que « SVSN 2023 » (Dark Euphoria) pour 20.000 euros de dotation la plus basse, ou « Taiwan XR Residency » (Forum des images) pour 50.000 euros de dotation la plus élevée.
Ainsi, le studio français de réalité virtuelle Atlas V est jusqu’à maintenant le mieux doté avec ses 135.000 euros pour la production de « La Petite Souris », un film aux allures de conte de fées narratif qui raconte en réalité virtuelle l’histoire d’une jeune créature têtue se rendant dans le monde pour se faire connaître. Atlas V a aussi décroché en même temps une aide de 48.000 euros pour la préproduction de « Faire Corps ». Contacté par Edition Multimédi@, Antoine Cayrol (photo ci-contre), cofondateur de l’entreprise avec Fred Volhuer, nous indique qu’il a obtenu à nouveau le soutien pour un projet lors de la réunion de la commission le 6 mars. Atlas V a déjà une douzaine d’œuvres immersives à son actif, dont « Gloomy Eyes », « Ayahuasca », « Vestige », « Sphères », « Battlesca », « Fragments Miroir », « Goodbye Mr. Octopus », « Madrid Noir », « Atomu », et « The color of infinity ». Le studio parisien et lyonnais, également implanté aux Etats-Unis, se présente comme un créateur de métavers, de mondes alternatifs et de contenus immersifs. L’entreprise a en outre créé en 2020 une société baptisée Albyon et dédiées aux expériences situées à la croisée des chemins entre l’immersif et le jeu vidéo.
Le Fonds d’aide à la création immersive est d’ailleurs géré dans le service de la création numérique, dirigé au CNC par Olivier Fontenay, qui inclut les aides au jeu vidéo (Fonds d’aide au jeu vidéo, d’une part, et Crédit d’impôt jeu vidéo, d’autre part). Cependant, un projet ne peut « pour les mêmes dépenses » bénéficier à la fois d’une aide à l’écriture de projets d’œuvres immersives et d’une autre aide attribuée par le CNC. En tout cas, la commission « Création immersive » dispose d’un grand rayon d’action puisqu’elle peut subventionner une « œuvres immersives des créations audiovisuelles » qui, par définition, « proposent une expérience de visionnage dynamique liée au déplacement du regard et/ou à l’activation de contenus visuels ou sonores par le spectateur, faisant notamment appel aux technologies dites de réalité virtuelle ou augmentée ou tout autre dispositif permettant l’immersion ». Elle précise même que « les œuvres pluridisciplinaires sont admissibles au bénéfice de l’aide à condition de comporter une forte composante audiovisuelle » et que « les contenus à destination des réseaux sociaux dont le primo-diffuseur n’est pas un SMAd [VOD/SVOD, ndlr] sont également éligibles ».
Le CNC rappelle au passage que « l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle est fortement déconseillée aux enfants âgés de moins de 13 ans ». Et pour être éligible, le projet doit être « une œuvre originale spécifiquement conçue pour une expérience immersive », « destiné à un ou plusieurs médias », et « conçu et écrit en langue française ».

Eligible : sociétés de production en France
La subvention est plafonnée à 50 % du budget de préproduction ou, en cas de coproduction internationale, à 50 % de la participation française (8). En outre, au moins 50 % des dépenses doivent être effectuées en France. « Dans le cas d’une coproduction internationale, précise le CNC, les dépenses minimum à effectuer en France s’élèvent à 50 % de la part française de financement. Par ailleurs, le projet doit être financé par une participation française au moins égale à 30 % de son coût définitif ». L’entreprise de production (société ou association) doit être établie en France par son siège social. @

Charles de Laubier

 

La chronologie des médias est l’art du très difficile compromis sur fond de négociations perpétuelles

Proposés par le CNC, les deux avenants à l’actuelle chronologie des médias devraient être bientôt signés par les professionnels du cinéma, de la télévision et des plateformes vidéo. Le recours à des expérimentations fait avancer les négociations qui continueront au-delà de l’accord.

Par Anne-Marie Pecoraro, avocate associée, et Rodolphe Boissau, consultant, UGGC Avocats

Février 2023 marque un renouveau dans le droit de l’audiovisuel. Alors que le nouveau règlement général des aides financières du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est entré en vigueur le 1er février dernier (1), c’est au tour de la chronologie des médias d’être visée par deux avant-projets d’avenants du CNC (2), pour lesquels une signature par les parties prenantes était espérée en février. Olivier Schrameck, ancien président du CSA (3) et conseiller d’Etat, s’est en outre vu confier début février une « mission de consultation juridique » par la SACD sur les fondements de la chronologie des médias.

Expérimentations et diminution des délais
Chef d’orchestre évitant la cacophonie d’une œuvre qui serait disponible sur tout support, la chronologie des médias vient rythmer le cycle d’exploitation d’une œuvre, clef de voûte d’une architecture particulière. Du grec kinema, le cinéma signifie le « mouvement » et du mouvement il y en a eu ces derniers temps dans le paysage audiovisuel français, avec l’arrivée de nouveaux acteurs et, donc, de nouvelles problématiques auxquelles la chronologie des médias tente de s’adapter au mieux afin de résister à l’épreuve du temps.
En effet, les plateformes de SVOD, Disney+ en fer de lance, se trouvent actuellement confrontées à un délai d’attente de 15 voire 17 mois afin de pouvoir exploiter une œuvre, et ce pour une durée de 7 à 5 mois seulement, puisqu’elles se voient contraintes de retirer l’œuvre de leur offre à l’ouverture de la fenêtre en exclusivité de la télévision en clair, ne pouvant dès lors plus exploiter l’œuvre pendant 14 mois. Pour répondre à ces difficultés, le CNC a choisi d’emprunter la voie de l’expérimentation, voie à laquelle l’audiovisuel fait la part belle. L’expérimentation constitue un outil de négociation, qui permet l’adoption plus facile d’une disposition dont les parties savent qu’elle est temporaire et réversible. Ainsi, les deux nouveaux avant-projets d’avenants réaménageant la chronologie des médias, proposés par le CNC fin janvier dernier, sont composés exclusivement d’expérimentations (4). En effet, comme l’a révélé Contexte (5), le CNC a dû revoir sa copie à la suite des contestations de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) et de Canal+. Et ce, après une première rédaction des deux avant-projets sur la base de propositions du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (Sévad), des chaînes gratuites et des services de médias audiovisuels à la demande (SMAd) payants (SVOD, VOD par abonnement). C’est à l’œuvre que l’on reconnaît l’artisan (6) : si les plateformes de TVOD (vidéo à la demande payante à l’acte) et SVOD gagnent un peu de terrain, celui-ci reste occupé par les salles et chaînes payantes de cinéma (7). Le premier projet émis par le CNC prévoit la création d’une fenêtre dite « premium » de téléchargement définitif (exploitation en TVOD) à l’expiration d’un délai dérogatoire de 3 mois après la date de sortie en salles, moyennant un prix plus élevé pour le consommateur. Le second projet émis par le CNC prévoit des expérimentations dans le cadre d’un accord de co-exploitation entre les plateformes de SVOD et les chaînes gratuites de télévision. L’expérimentation-phare consiste à prolonger de 2 mois la fenêtre d’exploitation en SVOD d’une œuvre produite en interne par des éditeurs de SMAd par abonnement (plateforme SVOD), avec un budget de plus de 25 millions d’euros et non préfinancée par un service de télévision en clair. Ceci répond aux critiques de plateformes comme Disney, à l’encontre de leur fenêtre trop courte. En contrepartie, les chaînes gratuites bénéficieront d’une fenêtre étanche de deux mois après la première diffusion de l’œuvre sur leur canal (8).
Ces expérimentations s’ajoutent à la longue liste des exceptions aux délais de principe, essence même de la chronologie des médias et marqueur topique de son origine négociée. Enfin, ces expérimentations sont prévues pour une durée de deux années qui suivent la date de signature des avenants, à la suite de quoi les parties prenantes devront décider de leur reconduction ou de leur modification.

Chronologie des médias, une histoire sans fin
Terreau d’expérimentations nouvelles, la chronologie des médias est le fruit de négociations perpétuelles. La règlementation est tenue de rattraper et de s’adapter à l’évolution des modes de consommation des œuvres, chaque nouveau mode bouleversant l’économie existante. Certes, le cinéma n’a pas dit son dernier mot, avec plus de 10 millions d’entrées pour le second volet d’« Avatar, la voie de l’eau ». Mais l’exigence pressante des consommateurs d’accéder rapidement à l’œuvre, catalysée par l’arrivée des plateformes et le piratage, appellent périodiquement des refontes de la chronologie des médias. Les plateformes – Netflix et Disney+ en tête – ont su rappeler qu’elles étaient en capacité de passer outre la chronologie par la voie du e-cinéma, qui consiste à sortir un film uniquement sur les plateformes, et non en salles (9), Disney se prévalant de représenter un quart des recettes des salles françaises par an.

« Chronologie chronophage » pour le CNC
Aussi, la diminution de moitié des délais d’attente pour l’exploitation d’une œuvre sur une plateforme SVOD est une des modifications notoires apportées par l’arrêté du 4 février 2022 portant extension de l’accord interprofessionnel pour le réaménagement de la chronologie des médias conclu le 24 janvier de la même année (10). Schématiquement, la version entrée en vigueur l’année dernière prévoit que les exploitants de salles de cinéma disposent d’un délai de 4 mois à compter de la date de sortie nationale pour exploiter l’œuvre cinématographique. Ensuite et sauf exception, cette exploitation s’organise actuellement, à compter de la date de sortie en salles de cinéma, à l’expiration des délais suivants (11) : 4 mois pour une exploitation sous forme de vidéogramme destiné à la vente ou à la location (DVD et Blu-ray) et TVOD ; 8 mois pour une exploitation sur les chaînes payantes de cinéma (type Canal+) ; 17 mois (Disney+) pour une exploitation sur les SMAd » ou 15 mois si un accord a été conclu (Netflix) ; 22 mois pour une exploitation sur les chaînes de télévision en clair, gratuites (type TF1, M6) et les chaînes payantes autres que de cinéma ; 30 mois pour une exploitation en SVOD avec accord d’obligation investissement ; 36 mois pour une exploitation en SVOD sans accord d’obligation investissement ainsi que pour un SMAd gratuit (type YouTube).
Du latin chronologia d’après le grec ancien kronos et logia, la chronologie est composée du temps et de la parole. Or depuis 2009, l’élaboration de la chronologie des médias sous l’égide du CNC est véritablement un temps de parole avec une place de choix faite à la négociation interprofessionnelle. Celle-ci va aboutir à un accord professionnel, rendu obligatoire par la procédure de l’arrêté d’extension, devenue courante en matière audiovisuelle. Ce renvoi substantiel aux accords professionnels est conforme aux dispositions de la directive européenne « Exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle » du 11 décembre 2007 et aux accords dits « de l’Elysée » (12) du 23 novembre 2007.
Ainsi, dans le processus d’élaboration de la chronologie des médias, les parties prenantes ne participent pas à course contre la montre, à la poursuite de la période d’exploitation la plus proche de la date de sortie en salles de l’œuvre, mais bien à une course de relais, dans laquelle les différents professionnels vont transiger sous les yeux de l’arbitre CNC. Comme le relève l’avis présenté le 17 novembre 2022 par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2023, la chronologie des médias – bien que « chronophage » pour le CNC – souligne « l’interdépendance des différentes parties » (13). Cette interdépendance va permettre de remplir les objectifs de la chronologie des médias qui sont de deux ordres. D’une part, il faut préserver la primauté de la salle de cinéma, considérée comme un lieu d’exposition essentiel d’un point de vue esthétique, social et économique. D’autre part, il faut stimuler le financement et le rayonnement de l’œuvre en additionnant les revenus.
Le critère pris en compte pour cette deuxième finalité est le mode de réception des œuvres par le public, complété par la notion de large public. L’on voit ici poindre les acteurs majoritaires, le cinéma d’abord, les chaînes de télévision et les plateformes ensuite. Leur interdépendance va donc mener à une forme d’auto-régulation par la négociation interprofessionnelle, dont l’accord en résultant sera étendu par arrêté (14). Ce nouveau mode de régulation fait florès dans le domaine audiovisuel, comme en témoignent les mécanismes d’extension d’accords collectifs sur la transparence des relations auteurs-producteurs ou encore sur la reddition des comptes, mais également dans le code de la propriété intellectuelle puisqu’on le retrouve par exemple dans le domaine de l’édition.
Afin d’encourager les négociations, le code du cinéma et de l’image animée ainsi que l’accord sur la chronologie des médias prévoient une clause de revoyure. Cela signifie que l’accord est conclu et peut être étendu pour une durée maximale de 36 mois (15). Par ailleurs, au bout de 12 mois suivant l’entrée en vigueur de l’accord, les parties conviennent de se rapprocher, sous la houlette du CNC, afin de dresser un premier bilan de son application. Enfin, au plus tard 12 mois avant l’échéance du présent accord, les parties conviennent de se rapprocher dans les mêmes conditions, pour convenir de sa reconduction ou de son adaptation aux évolutions du secteur (16).

Délais plus favorables aux « vertueux »
Les acteurs à la table des négociations – entreprise du secteur du cinéma, éditeur de services de médias audiovisuels à la demande, éditeur de services de télévision – vont donc être à la recherche d’un compromis entre leurs différents intérêts en présence. Deux garde-fous dans ces négociations en garantissent la pérennité.
D’abord, les principes de neutralité technologique (17) et de récompense des engagements vertueux de certains diffuseurs, lesquels se voient attribuer des délais plus favorables, accordés en fonction des obligations d’investissement dans la production audiovisuelle française. Ensuite, la présence du CNC qui veille à l’équilibre des négociations et tient la barre face au courroux de certains acteurs (18), alors que résonnent au loin les sirènes du day-and-date – sortie simultanée en salles et en VOD. @