Fleur Pellerin promet de poursuivre la réflexion sur une éventuelle taxe « copie privée » sur le cloud

La ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, s’est engagée
à l’Assemblée nationale d’« approfondir la réflexion sur l’assiette de la rémunération pour copie privée ». La proposition de taxer le « nuage informatique » devrait revenir en deuxième lecture du projet de loi « Création ».

« Je m’engage à prendre les initiatives nécessaires pour que le ministère puisse entamer cette réflexion dans les meilleurs délais », a promis le 30 septembre dernier Fleur Pellerin (photo) au député (PS) Marcel Rogemont, lequel avait déposé avec la députée (PS) Martine Martinel un amendement proposant d’étendre au nuage informatique (cloud) la rémunération pour copie privée. Cette taxe est jusqu’à maintenant prélevée auprès des consommateurs sur le prix public lors de l’achat des appareils dotés d’un support de stockage numérique (DVD, clés USB, smartphones, tablettes, …), susceptibles d’enregistrer des oeuvres (musiques, films, livres, …) dans le cadre légal de la copie privée prévu dans le cercle restreint et familial (exception au droit d’auteur).

Une étude de la DGMIC en vue
La redevance « copie privée », inscrite dans le Code de la propriété intellectuelle depuis trente ans (1), rapporte aujourd’hui plus de 200 millions d’euros par ans
aux ayants droits des industries culturelles. La ministre de la Culture et de la Communication a obtenu le retrait de cet amendement n°233, qui fut déposé le 24 septembre, contre la promesse de poursuivre la réflexion sur le cloud. « Je suis extrêmement intéressée par ce sujet, qui me semble une piste de réflexion incontournable : on voit bien, en effet, que la notion de capacité de stockage d’un appareil n’est plus la seule pertinente », a-t-elle admis. Une étude devrait être lancée rapidement par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), au sein du ministère de la Culture et de la Communication, en vue d’apporter de nouveaux éléments de réponse d’ici la seconde lecture du projet de loi « Liberté de création, architecture et patrimoine » porté par Fleur Pellerin. « Il me paraîtrait regrettable de procéder de la même façon que cela a été fait avec les ordinateurs, c’est-à-dire laisser faire pour ne rien faire », a prévenu Marcel Rogemont lors du débat à l’Assemblée nationale. En effet, contrairement aux autres supports de stockages numériques, les ordinateurs sont curieusement encore épargnés par la taxe « copie privée » – aucun gouvernement ayant osé prendre une telle mesure qui aurait été impopulaire et contraire à la lutte contre la fracture numérique… L’ordinateur, pourtant doté de capacités en gigaoctets voire téraoctets de stockage, n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une réflexion de la part du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), ni de la Commission pour la rémunération de la copie privée (CRCP) qui serait pourtant légitime à se pencher sur la question ! En revanche, le cloud a fait l’objet de préconisations dans un rapport du CSPLA daté d’octobre 2012 – il y a trois ans maintenant (2). Mais à défaut de trancher clairement la question, bien qu’une partie des producteurs cinématographiques et audiovisuels français soient favorables à une telle taxe, il identifie certains cas où le nuage pourrait être soumis à la redevance pour copie privée. Cinq mois après, en mars 2013, le rapport Lescure ne sera pas plus décisif, se contentant de recommander de « clarifier la prise en compte, dans le calcul de la rémunération pour copie privée, des copies effectuées à partir de services de cloud computing » et de « lancer une étude d’usage permettant d’évaluer précisément la réalité de ces pratiques » (3). Depuis, rien.
Quant au rapport Maugüé sur le fonctionnement de la commission « copie privée », remis à Fleur Pellerin, le 30 juin dernier, il aborde bien le cloud en tant que « capacités de stockage dématérialisé » mais aussi les services dits « nPVR » (network Personal Video Recorder) que sont les magnétoscopes numériques personnels dans le nuage informatique. « S’agit-il de copie privée ou non ? Si oui, est-il possible, au regard de la législation actuelle, d’assujettir ces capacités de stockage à la rémunération pour copie privée alors même qu’il n’y a pas copie sur des supports physiques classiques ? En cas de réponse positive, quelle doit être l’assiette de la rémunération ? », s’interroge le rapport Maugüé sans y répondre (4).

Des règles devenues obsolètes
Quoi qu’il en soit, la France doit revoir sa copie privée. Les usages numériques débordent largement au-delà des seuls supports physiques : le stockage dans les nuages et les enregistrements à distance ont rendu obsolète la règlement sur l’exception de copie privée. « Cette conception est aujourd’hui dépassée dans la mesure où certains services en ligne [lire encadré cidessous] permettent au public
de procéder au stockage à distance d’oeuvres et d’objets protégés ou mettent à sa disposition des copies, auxquelles il a accès sur ses équipements et matériels (téléphones, ordinateurs, tablettes multimédias, etc.) », ont expliqué Marcel Rogemont et Martine Martinel à l’appui de leur amendement. Et d’ajouter : « L’intervention d’un tiers dans l’acte de copie interdirait en l’état de considérer que ces copies puissent être qualifiées de copie privée. Or si les modalités techniques de réalisation des copies évoluent, la finalité – et donc la nature – de ces copies demeure la même : permettre à un particulier (personne physique) de disposer, à son initiative, à des fins d’usage privé de copies d’œuvres qu’il a acquises ou auxquelles il a licitement accès ».

La Scam s’oppose à l’Afnum
Pour les ayants droits, il ne fait aucun doute qu’il faille taxer le cloud, sans même attendre une étude d’usages sur le sujet. La Société civile des auteurs multimédias (Scam), qui perçoit et répartit les droits d’auteurs de ses 37.000 membres (5),
a encouragé le gouvernement et le Parlement à « inclure dans le périmètre de rémunération de la copie privée les copies d’oeuvres stockées à distance dans le “nuage informatique” ou cloud ».
Le projet de loi « Création » prévoit – sur proposition d’un autre amendement de Marcel Rogemont, adopté celui-là – qu’« une part ne pouvant excéder 1 % des sommes provenant de la rémunération pour copie privée est affectée par ces organismes au financement des enquêtes d’usage réalisées » (article 7 ter). Mais en attendant que
ces études soient réalisée, bien des questions restent en suspend, qui pourront être posées en deuxième lecture, telles que celle de savoir si la taxe pour copie privée peut être étendue au cloud qui relève de la location de support numérique et non d’un achat (ce n’est pas comme acheter une clé USB ou un smartphone). Et ainsi que le souligne la députée (Ecologie) Isabelle Attard, cela reviendrait à faire payer deux fois l’utilisateur : une fois pour l’accès en ligne, une deuxième fois pour le stockage sur le même service !
De leur côté, les industriels sont bien sûr vent debout contre cette taxe. L’Alliance française des industries du numérique (Afnum) (6), qui représente une soixantaine de groupes industriels pour un chiffre d’affaires annuel en France de 10 milliards d’euros, et le Syndicat de l’industrie des technologies de l’information (Sfib) se sont inscrits en faux contre les arguments de Marcel Rogemont et Martine Martinel. « Les usages de cloud n’induisent pas préjudice avéré pour les ayants droit au titre de la copie privée. Notamment, les services offerts par les plateformes de téléchargement légal de contenus audio-visuels rémunèrent depuis de nombreuses années les ayants droit pour les copies faites par leurs clients », ont déclaré le 28 septembre, la veille du retrait justement de cet amendement contesté, les deux organisations d’industriels, membres de la commission « copie privée » qui reprend ses travaux après deux ans d’interruption. Et de s’adresser au gouvernement : « Nous encourageons donc les pouvoirs publics à prendre le temps nécessaire de la réflexion et de la démonstration de la réalité d’un éventuel lien entre les usages cloud et de copie privée » A suivre. @

Charles de Laubier

A 40 ans, Microsoft lance Windows 10 fin juillet : un nouvel « OS » devenant écosystème multimédia

C’est en juillet 1975 que Bill Gates et Paul Allen ont créé Microsoft. Quarante
ans après, le groupe dirigé par Satya Nadella cherche un nouveau souffle avec Windows 10, le mobile et le cloud – sur fond de déclin des PC. Son objectif est d’atteindre 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’ici trois ans, pour l’année fiscale se terminant le 30 juin 2018.

Microsoft devient un fournisseur de services de télécommunications et de contenus. D’éditeur de logiciels, la firme de Redmond (Etat de Washington aux Etats- Unis) opère sa mue à 40 ans. Le groupe fondé en 1975 par Bill Gates et Paul Allen abandonne progressivement la vente de Windows en boîte pour miser sur les logiciels et services en ligne jusque dans le nuage informatique (cloud).

1 milliard de Windows 10 d’ici 2018
La nouvelle version de son système d’exploitation – Windows 10 – va étendre plus
que jamais l’écosystème de Microsoft – jusqu’alors très OS (Operating System) et bureautique – au divertissement, aux communications et au multimédia. Multi-terminaux, Windows 10 sera lancé le 29 juillet au niveau mondial pour les ordinateurs
et tablettes, puis par la suite sur les smartphones, les consoles de jeu Xbox et autres appareils. Microsoft, dont la campagne marketing commence dès le 20 juillet, table sur 1 milliard de terminaux dotés de Windows 10 d’ici 2018. Cette nouvelle version sera proposée gratuitement sur une période limitée aux centaines de millions d’utilisateurs de Windows 7 et Windows 8.1 dans 190 pays. Windows 10 sera censé tourner la page de Windows 8 qui avait déçu après son lancement en 2012.
Windows 10 sera le « tout-en-un » online de cette mutation. Skype y sera intégré,
tout comme un nouveau navigateur Internet baptisé Edge, la reconnaissance vocale Cortana (concurrent de Siri d’Apple) ou encore la reconnaissance faciale et de mouvement de type Kinect (pour notamment être identifié sans mot de passe). La nouvelle version du système d’exploitation intègrera aussi non seulement un nouveau Minecraft mais aussi d’autres jeux en ligne, ainsi que de nouvelles applications (Hello, Continuum, …). Groove (ex-Xbox Music) et Movies & TV (ex- Xbox Video) seront intégrés au nouvel OS (Operating System), comme l’a annoncé le 6 juillet dernier Brandon LeBlanc, responsable de la communication marketing chez Microsoft, sur le blog officiel de l’entreprise (1). Pour la musique, l’écoute et la gestion des titres comme des playlists sont simplifiées. Et le mélomane peut aussi adapter la musique en fonction de son humeur. Les musiques téléchargées en MP3 pourront être stockées et réécoutées facilement à partir du cloud OneDrive. L’abonnement mensuel (Groove Music Pass) donne accès à plus de 40 millions de titres et permet en outre de créer sa radio en fonction de ses préférences. Quant au service Movies & TV, il offrira un catalogue de films et séries. Que cela soit pour la musique ou le cinéma, des achats pourront être faits en connexion avec la boutique en ligne Windows Store. Microsoft, dirigé par Satya Nadella (photo) depuis février 2014 (après avoir succédé à Steve Ballmer), s’est fixé deux objectifs ambitieux : que le chiffre d’affaires global du groupe atteigne les 20 milliards de dollars à l’issue de son année fiscale se terminant le 30 juin 2018. Pour y parvenir, le géant américain doit séduire un plus grand nombre de développeurs d’applications afin de rivaliser avec les écosystèmes Android de Google et iOS d’Apple. Depuis l’annonce de Windows 10 en septembre 2014, Microsoft a mis en place le programme « Windows Insider » qui permet aux développeurs, experts informatiques et créateurs numériques (5 millions d’inscrits à ce jour) de contribuer à l’amélioration et aux avant-premières du nouveau système (bêta, build ou preview) – y compris pour la version mobile depuis février. Ce sont ceux-là qui seront prioritaires à partir du 29 juillet, suivis progressivement par les autres qui se sont déjà pré-inscrits à la mise à jour vers Windows 10.

Applis compatibles Android et iOS
Lors de sa conférence des développeurs « Build », qui s’est tenue en avril dernier, Microsoft leur a même promis de fournir les outils pour rendre compatibles leurs applications conçues initialement sur Android et iOS. « Windows est le seul écosystème qui vous permet de porter vos applications sur tous les appareils », martèle depuis la firme de Redmond, afin de se démarquer des autres environnements plus walled gardens. Il va sans dire que les applications développées pour Windows 10 s’adapteront automatique aux différentes tailles d’écran sans lignes de codes supplémentaires à faire par la suite, ainsi qu’aux lunettes de réalité augmentée HoloLens. Par ailleurs, un adaptateur est prévu cette année pour pourvoir jouer avec une nouvelle manette « Xbox One » sur ordinateur.
Toujours par souci de pragmatisme, Microsoft a en outre prévu de permettre d’ici la fin de l’année d’installer sur ses propre smartphones Lumia sous Windows le système d’exploitation Android de son rival, lequel est plébiscité par les mobinautes – via notamment les smartphones Samsung. Le sud-coréen détient plus de 80 % de parts de marché du téléphone mobile multimédias dans le monde, contre 15 % pour Apple et seulement 3% pour Microsoft (selon le cabinet d’étude Strategy Analytics). Microsoft peine à imposer sur le marché ses smartphones Lumia, lesquels sont issus de la gamme du même nom qui appartenait au finlandais Nokia avant que celui-ci ne lui cède cette activité mobile en octobre 2014.

L’heure de vérité pour Satya Nadella
Satya Nadella joue avec Windows 10 sa crédibilité. Le 8 juillet, Microsoft a annoncé
la suppression de 7.800 emplois qui viennent s’ajouter aux 18.000 décidés il y a un
an – soit près de 22 % des effectifs qui étaient de 118.000 employés au 31 mars (2).
Ce « dégraissage » s’accompagne d’une simplification de l’organigramme et d’un changement de culture de l’entreprise en pleine crise de la quarantaine face aux biens plus jeunes GAFA – mis à part Apple qui a un an de moins que Microsoft. Face à Google, la firme cofondée par Bill Gates a pris un coup de vieux. Has been Microsoft ? Victime du déclin des PC (personal computer) qui lui assuraient une rente de situation, grâce notamment à la vente liée « ordinateur- système d’exploitation », le géant de l’informatique doit faire face aux géants de l’Internet (Google en tête) et des mobiles (dont Samsung et Apple) – deux virages qu’il n’a pas su prendre à temps.
Pris au piège de l’immobilisme et du confort de ses lauriers, l’éditeur de Windows s’est réveillé avec un nouveau patron décidé à rattraper son retard. Quitte à se raccrocher
à ses rivaux : au-delà de ses smartphones Lumia qui s’ouvriront à Android, la suite bureautique Office va de son côté être proposée sur l’iPad d’Apple et l’écosystème de Google.

C’est historique : Microsoft capitule dans la guerre des systèmes d’exploitation. Tandis que ses lunettes de réalité augmentée HoloLens vont directement concurrencer Oculus de Facebook, tout en attirant de jeunes développeurs. C’est dans cette optique qu’a été racheté à prix d’or (2,5 milliards de dollars) en septembre 2014 le jeu vidéo massivement multijoueurs (3) Minecraft (cédé par la société suédoise Mojang), très prisé des adolescents séduit par le free-to-play (jouez gratuitement et ne payez que
des options). Microsoft renforce ainsi sa division jeux vidéo et console Xbox (4). Côté musique et vidéo, Microsoft est bousculé par Apple Music et YouTube – au point de rebaptiser Xbox Music et Xbox Video qui deviennent respectivement « Groove » et
« Movies & TV ».
Satya Nadella, qui aura 48 ans le 19 août prochain, était – avant de devenir directeur général – vice-président de l’activité cloud de Microsoft. C’est sur ce terrain là que le numéro un mondial du logiciel doit continuer à se développer. Le cloud est devenu le mantra de cet Indo-américain (né à Hyderabad en Inde). Avec lui, les revenus de cette division ont franchi en 2013 la barre des 20 milliards de dollars. Fini la vente de logiciels sur CD en boîte ; place à l’abonnement logiciel en ligne. Mais le succès de la plateforme Azure, nuage informatique pour entreprises présent à l’échelle mondial, n’est pas suffisant. Et le cloud grand public One Drive n’a pas encore la notoriété souhaitée. Il faut aller plus loin dans la dématérialisation des logiciels et des services, avec le risque de voir les revenus baisser – car tout coûte moins cher sur le cloud – et devenir irréguliers.
Financièrement, Microsoft dispose d’environ de 8 milliards d’euros de trésorerie qui lui permettrait de faire de nouvelles acquisitions (après celle de Minecraft). A cela s’ajoute le fait que la firme de Redmond emprunte en plus à taux bas sur le marché des obligations et à longue échéance, comme elle l’a fait en février dernier pour la somme record de 10,75 milliards (bien plus que les 6,6 milliards de dollars empruntés par Apple juste avant). Au total, Microsoft dispose d’un encours de trésorerie de quelque 90 milliards de dollars ! Au-là des dépenses courantes du groupe en pleine restructuration (une charge de 7,6 milliards de dollars vient d’être annoncée), des investissements en capital, de la rémunération des actionnaires et du remboursement de la dette, Microsoft prévoit des acquisitions et il ne serait pas étonnant que les cibles se trouvent dans le mobile et/ou le cloud. @

Charles de Laubier

Taxe « Copie privée » : 30 ans cette année, et après ?

En fait. Le 17 avril, l’amendement du sénateur PS Richard Yung – proposant d’étendre aux imprimantes 3D la taxe de la copie privée – a été retiré du projet
de loi « Macron ». Tandis que le 14 avril, la conseillère d’Etat Christine Maugüé
a été missionnée pour « réactiver » la commission « copie privée ».

Notification des violations de données personnelles : régime juridique bientôt élargi, source d’incertitudes

Accès frauduleux à des données de santé, piratage de données personnelles, divulgation de photos hébergées sur le cloud portant atteinte à la vie privée, perte d’informations relevant du secret bancaire,…:les failles de sécurité des systèmes d’informations les plus performants défraient la chronique.

Ego… métrique

De nos jours, le « Connais-toi toi-même » prend une tournure singulière. Cette sagesse antique n’a sans doute jamais été aussi populaire qu’aujourd’hui, même si c’est en empruntant des chemins que n’auraient pu imaginer nos ancêtres qui la gravèrent au fronton du temple de Delphes. Maintenant, mon
« Moi » est mesuré, jour et nuit, par la puissance des applications du Quantified Self (QS) : une véritable batterie de données sur le nombre de calories brûlées, le poids, la tension, le pouls, ou encore la qualité du sommeil. Apparus au stade industriel à la fin des années 2000, les objets connectés liés au bien-être et à la santé se sont multipliés, explorant toutes les pistes possibles. Les utilisateurs pionniers avaient ainsi accès à des données qui les aidaient à se fixer des objectifs simples, et découvraient émerveillés le nombre de pas qu’ils faisaient par jour. Et, en bon élève docile, ils acceptaient la petite remontrance ou le message de félicitation envoyés par le programme. Les capteurs et bracelets d’activité ont ainsi ouvert le marché avec Jawbone, iHealth, Nike VitaDock ou Fitbit, qui connurent un premier succès même s’ils ne proposaient que très peu de mesures. Suivirent une
plus grande diversité d’objets : bouchons de tube de médicament GlowCaps alertant l’utilisateur, ceintures Lumo Back vibrant pour signaler une mauvaise posture, ou serre-têtes Melon destinés à améliorer l’attention…
Les leaders des terminaux mobiles ont ensuite essayé de prendre le contrôle du marché en lançant tour à tour leurs montres connectées, et faire ainsi main basse sur un marché aux perspectives immenses, le dispositif central étant leurs smartphones – véritables pilotes des applications.

« Quantified Self : les objets connectés liés
au bien-être et à la santé se sont multipliés. »

Mais c’est avec la seconde génération de capteurs que les usages ont véritablement explosés. Lorsque, miniaturisés et quasiment invisibles, ils se sont embarqués dans
les objets eux-mêmes, soit lors de leur construction, soit sous forme de stickers positionnables sur nos objets quotidiens : vêtements, chaussures, vaisselles, aliments, … Sans oublier bien sûr nos pacemakers, nos lentilles de contact, ou tout autre modèle de prothèses connectées de nouvelle génération que nous sommes de plus en plus nombreux à porter. Dès lors, le nombre de données collectées a explosé : niveau de stress, rythme cardiaque, tension, vision, respiration, calorie, température, qualité du sommeil, bilan sanguin, activité cérébrale, taux de glucide,… Sachant que chaque année de nouvelles données s’ajoutent aux anciennes moissons. Les bénéfices impressionnant ont emporté l’adhésion du plus grand nombre. Nous n’avions jamais atteint un tel niveau de précision dans le suivi de notre santé quotidienne. Mais pour
en arriver là, il a fallu franchir de nombreuses étapes. Il ne s’agissait plus de données associées à une pratique sportive ou paramédicale, mais de données médicales ultra-sensibles. La question cruciale de leur accès et de leur protection est à peine résolue aujourd’hui. Si les pionniers du QS furent les start-up, suivies par les équipementiers leaders, les géants du Net, les opérateurs télécoms et les grandes compagnies d’assurance, il faut désormais compter avec les grands laboratoires et les systèmes
de santé associant le personnel médical. Le vaste monde du soin est en pleine phase de réorganisation autour de la bonne utilisation de ses montagnes de données personnelles que l’on a commencé à collecter avant de savoir s’en servir.

Aujourd’hui, mes données alimentent en temps réel une base personnelle hébergée par le service Cloud Vitale, qui remplace mon ancienne carte à puce et à laquelle ont accès les médecins qui me suivent de leur cabinet ou de l’hôpital. Dans de nombreux cas, je peux bénéficier de soins ou de conseils préventifs. A tel point que c’est souvent mon docteur qui vient à moi pour me prodiguer des conseils avant qu’il ne soit trop tard ! Nous avons dû apprendre à déserter les salles d’attente devenues obsolètes ! Malgré tout, mon «Moi » décomposé, éclaté en myriades de données, me reste encore largement à découvrir, en dépit des tout derniers progrès de la neuropsychologie qui donne enfin accès à la cartographie inédite de mon cerveau, de ses failles et de ses ressources inexploitées. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2025 » : Moi augmenté (II)
* Directeur général adjoint de l’IDATE, auteur du livre « Vous
êtes déjà en 2025 » (http://lc.cx/Broché2025).
Les objets connectés et le Quantified Self seront abordés
lors du « Connected Things Forum », dans le cadre du
DigiWorld Summit, 18-20 nov. 2014 : digiworldsummit.com.