L’action d’Amazon en Bourse a franchi la barre des 1.000 dollars : plus dure sera la chute ?

Mais où va Amazon ? Ce géant du Net est devenu en 22 ans un conglomérat, dont l’action boursière dépasse aujourd’hui les 1.000 dollars pour une capitalisation record supérieure à 490 milliards de dollars. Mais la firme du milliardaire Jeff Bezos ressemble à une bulle prête à éclater.

l’heure où nous bouclons ce numéro de EM@, le 20 juillet 2017, le cours de Bourse de l’action Amazon s’est installée audessus de la barre des 1.000 dollars, à environ 1.030 dollars. Il a un an, l’action « AMZN » en était encore à 744 dollars (soit une hausse de près de 30 % sur les douze derniers mois) et à 228 dollars il y a cinq ans (soit un bond de 350 % sur ce quinquennat). Dans le même temps, la capitalisation boursière d’Amazon est passée en cinq ans d’à peine 100 milliards de dollars à 490,8 milliards aujourd’hui.
Ce qui correspond à une envolée de 390 % depuis juillet 2012 (voir graphiques ci-dessous).

Jeff Bezos, bientôt le plus riche du monde
Depuis qu’il a fondé en 1994 Amazon et l’année suivant lancé le site web de e-commerce Amazon.com, Jeff Bezos a fait fortune pour être aujourd’hui à la seconde place mondiale des multimilliardaires de la planète – derrière Bill Gates qu’il pourrait bientôt détrôner. Son patrimoine, évalué en temps réel par Forbes, était au 20 juillet 2017, de 87,4 milliards de dollars (contre 72,8 milliards de dollars lors de la publication du classement 2017 en mars dernier où il était alors en troisième position). D’ailleurs, à 54 ans, Jeff Bezos se demande ce qu’il pourrait faire de sa fortune colossale. Le 15 juin dernier, il a posé la question à ses 292.000 fellowers sur Twitter : « Si vous avez des idées, répondez simplement à ce tweet avec l’idée », avait-il lancé à la cantonade.
Le patron fondateur d’Amazon a surtout investi sa fortune dans l’exploration spatiale, via son entreprise Blue Origin, et a par ailleurs subventionné la « Bezos Family Foundation » gérée par ses parents et destinée à soutenir l’éducation d’enfants défavorisés. Il est aussi propriétaire du Washington Post depuis 2013. Elevé par sa mère et son beau-père Miguel Bezos, lequel est un Cubain immigrant qui l’a adopté, Jeffrey Preston Bezos, né le 12 janvier 1964 sous le nom de Jeffrey Preston Jorgensen (son père l’abandonna à la naissance), est marié et père de quatre enfants. Il est aujourd’hui à la tête d’une entreprise de e-commerce mondiale qui s’est diversifiée
au point d’être devenue un conglomérat, allant de la vente en ligne de livres à la production de films, en passant par l’informatique dématérialisée dans le cloud et bien autres activités très différentes les unes des autres (les entrepôts, le fret aérien, la vidéo à la demande, l’intelligence artificielle, …). Mais ce géant du Net soulève des interrogations quant à sa cohérence, sa croissance et à sa valorisation. Et ce, au moment où les investisseurs se méfient désormais des conglomérats. Alors, Amazon en fait-il trop et faudraitil envisager des spin-off de certaines de ses activités ? Professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, Jean- Hervé Lorenzi, a cosigné un livre intitulé « L’Avenir de notre liberté » où il se demande s’il ne faudrait pas démanteler Amazon et les autres GAFA (1).
Certains investisseurs se posent des questions sur l’intérêt d’un tel conglomérat dont la valorisation boursière ressemble plus à une bulle financière. L’une des rares activités rentables de la firme de Seattle est la filiale AWS spécialisée dans le cloud. Il a fallu attendre vingt et un an pour voir Amazon gagner enfin de l’argent avec, en 2015, non seulement un chiffre d’affaires franchissant la barre des 100 milliards de dollars (à plus de 107 milliards), mais aussi un résultat net pour la première fois positif à 596 millions de dollars. Et l’année 2016 fut une année encore plus faste pour Amazon : bénéfice net de 2,3 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 135,9 milliards. De quoi alimenter une certaine spéculation autour du titre en Bourse et à constituer ainsi une bulle financière. @

Charles de Laubier

En taxant le cloud, la France reste plus que jamais championne d’Europe de la copie privée

La commission « copie privée », sous la houlette des ministères de la Culture, de l’Industrie et de la Consommation, vient de faire un premier pas vers la taxation du Net en vue de « compenser » le manque à gagner des industries culturelles lié au droit de copie privée des utilisateurs enregistrant des œuvres audiovisuelles dans le cloud.

Par Charles de Laubier

La commission « copie privée », présidée par Jean Musitelli (photo), vient d’adopter les barèmes de taxes qui seront prélevées auprès des éditeurs de services de télévision et
de radio fournis à distance, en ligne, avec possibilités d’enregistrement dans le cloud. Le vote des membres de cette commission – composée de personnes désignées pour moitié par les ayants droits (12 sièges), pour un quart par les fabricants ou importateurs de supports numériques (6 sièges), et pour un autre quart par les consommateurs (6 sièges) – s’est déroulé
le 19 juin dernier. C’est le site web Next Inpact qui l’a révélé le 30 juin. Cette taxation
du cloud audiovisuel intervient un an après l’adoption de la loi « Création » (1), datée
du 7 juillet 2016, qui prévoit en effet dans son article 15 que la rémunération pour « copie privée » soit également versée par des services en ligne à usage privé de télévision
ou de radio d’origine linéaire.

De l’amendement « Lescure » au barème « Molotov »
Et ce, grâce à l’adoption lors des débats d’un « amendement Lescure », du nom de l’ancien PDG de Canal+, aujourd’hui président du Festival de Cannes. Concoctée spécialement pour Molotov.tv, cette disposition qui fut aussi surnommée « amendement Molotov » (2) (*) (**) permet à cette entreprise cofondée par Pierre Lescure de profiter
de l’exception au droit d’auteur au nom du droit de tout un chacun à la copie privée
(dans un cercle restreint ou familial) de musiques, de films ou d’autres œuvres. De l’amendement « Lescure » au barème « Molotov » Autrement dit : la société éditrice du service de télévision Molotov.tv se contentera de payer à l’organisme collecteur Copie France la redevance « copie privée », en contrepartie du droit de proposer à ses clients télénautes la fonction d’enregistrement de programmes TV dans leur cloud personnel, sans que les dirigeants de Molotov aient besoin de négocier directement avec les ayants droits eux-mêmes – en l’occurrence les chaînes de télévision. La société Molotov devra simplement s’acquitter de de la taxe « copie privée » en fonction du nombre d’utilisateurs de son service de stockage audiovisuel à distance, et selon
les capacités de stockage mises à disposition de chacun de ses clients.

45 euros/an par utilisateur dès 320 Go
Les barèmes adoptés le 19 juin pour le cloud audiovisuel dit nPVR (3), ou magnétoscopes numériques personnels en ligne, s’inspirent des taxes « copie privée » appliquées aux « box » des fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En l’occurrence, elles vont de 6,30 euros pour 8 Gigaoctets (Go) de stockage à 45 euros pour 320 Go ou plus. Et le FAI ou le Cloud TV de type Molotov peuvent amortir ces sommes sur cinq ans. Ainsi, 45 euros pour les espaces de stockage de plus de 320 Go côté FAI deviennent 0,75 euros à payer chaque mois durant cinq ans côté Molotov (voir tableau des barèmes p.10). « Les 12 ayants droits ont voté pour, avec au surplus la voix du président [Jean Musitelli, ndlr]. Dans les autres collèges [fabricants/importateurs et consommateurs, ndlr], les 7 autres membres présents se sont abstenus. Ces barèmes temporaires entreront en application une fois publiés au Journal Officiel. Douze mois plus tard, la commission pourra les mettre à jour en fonction des retours d’expérience
et des nouveaux acteurs sur ce marché », rapporte Next Inpact (4). Orange et Canal+ pourraient lancer des services de Cloud TV comparables.
Contacté par Edition Multimédi@, Jean Musitelli – qui aura accompli les deux premières années de son mandat le 17 septembre prochain – nous a confirmé ces informations :
« Nous souhaitons évidemment (et nous agissons pour) que le barème provisoire pour les nPVR soit publié au Journal Officiel dans les meilleurs délais. En effet, la commission a travaillé d’arrachepied au cours des six derniers mois pour permettre aux opérateurs qui ont commencé à déployer ce nouveau service ou qui ont l’intention de le faire de procéder dans un cadre juridique sécurisé, garantissant leurs intérêts propres, ceux des ayants droits bénéficiaires de la rémunération pour copie privée et de ceux des consommateurs ».
Cela fait un an maintenant – le 11 juillet précisément – que la société Molotov a lancé son service et provisionne depuis par abonné 45 euros (5), ce qui correspondait jusqu’alors au montant jusqu’alors applicables – dans la nomenclature de la commission « copie privée » – aux mémoires et disques durs intégrés à un téléviseur, un enregistreur vidéo ou un décodeur TV/box (décodeurs et box exclusivement dédiés à l’enregistrement de programmes audiovisuels). Si le télénaute bénéficie de 500 Go avec l’offre payante à 3,99 par mois (ou plus pour 9,99 euros), il en coûterait à Molotov.tv 45 euros à payer une bonne fois pour toute à Copie France. Cette taxe pourra être ainsi amortie sur cinq ans si l’abonné reste fidèle au service Molotov.tv et/ou à ses applications mobiles. De quoi lisser l’impact.
Les capacités de stockage audiovisuel du cloud et les magnétoscopes numériques personnels en ligne viennent ainsi s’ajouter à la longue liste des supports de stockage numérique taxés tels que DVD, clés USB, disques durs externes, smartphones ou encore tablettes. Seuls échappent encore curieusement à cette taxe « copie privée » les disques internes des ordinateurs et les consoles de jeux vidéo. Car cela se serait pas « politiquement correct »… En 2016, la redevance pour copie privée a rapporté 265 millions d’euros. Ce qui représente une hausse supérieure à 17 % sur un an. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (Ompi), publié en mai (6), la France arrive en tête des pays dans le monde qui collectent le plus de redevance pour la copie privée. Rien qu’en Europe, l’Hexagone pèse 39 % des 581 millions d’euros collectés – contre seulement à peine plus de 100 millions d’euros en Allemagne, par exemple. Depuis cette réunion du 19 juin « dans les nuages », la commission « Musitelli » – ainsi qu’il y eut la commission « d’Albis » jusqu’en octobre 2009, puis « Hadas-Lebel » jusqu’en 2015, du nom de ses présidents successifs – s’est à nouveau réunie le 4 juillet dernier. Depuis la reprise de ses travaux à la fin de l’année 2015, la commission « Musitelli » s’est ainsi retrouvée en scéance une quinzaine de fois.
Or la loi prévoit qu’elle produise un rapport annuel. Pourtant, le dernier rapport d’activité date de 2010/2011. En dix ans, seuls trois rapports annuels ont été publiés (7). « La rédaction d’un rapport d’activité aurait le mérite de montrer que (…) la commission est active et avance dans ses travaux », a estimé Jean Musitelli qui a souhaité dès février dernier auprès de ses membres l’élaboration d’un rapport pour 2015/2016, lequel ne saurait tarder.

Etudes pour réactualisation les autres taxes
Quant aux enquêtes d’usages qu’est tenue de faire réaliser la commission si elle veut réactualiser les autres barèmes, elles sont en train d’être menées par l’institut CSA. Elles portent sur « les décodeurs et box opérateurs, les disques durs externes, les téléphones mobiles multimédia, les tablettes tactiles multimédia (y compris les tablettes tactiles de nouvelle génération) » (dixit le Boamp (8)). Sont donc inclus les hybrides ordinateurs-tablettes. La commission attend les résultats du CSA en septembre prochain. @

Chaînes sur les boxes : Orange serait prêt à payer TF1 et M6 s’il y avait des services à valeur ajoutée

En quête de nouveaux revenus, TF1 et M6 exigent depuis près d’un an que les opérateurs télécoms les rémunèrent pour distribuer leurs chaînes gratuites. Mais les fournisseurs d’accès à Internet refusent. TF1 menace de se retirer des boxes. Cependant, Orange n’est pas totalement fermée à l’idée de payer…

C’est une petite phrase passée presque inaperçue en septembre 2016, formulée par le PDG d’Orange, Stéphane Richard (photo), qui montre que les opérateurs télécoms ne seraient pas si hostiles à l’idée de payer les chaînes pour continuer à les distribuer sur leurs boxes : « Je ne vois pas très bien pourquoi les opérateurs accepteraient de payer quelque chose qu’ils ne paient pas aujourd’hui. Mais s’ils ont des services intéressants à proposer
en plus, cela peut se regarder » (1).

Start-over, cloud, nPVR, 4K
Des services à proposer en plus… Ces nouveaux usages que les chaînes – TF1 et M6 en tête – souhaitent proposer à leurs téléspectateurs consistent par exemple à pouvoir revenir au début du programme (fonction start-over) ou bien à enregistrer des programmes dans un service de cloud (fonction nPVR, pour Network Personal Video Recorder). Pour justifier de faire payer la reprise de leurs chaînes, les chaînes mettent en avant le passage à la qualité d’image en 4K (ultra-haute définition). Chez Bouygues, c’est « TF1 Premium ». Le patron d’Orange n’est donc pas resté insensible aux arguments de « valeur ajoutée » des chaînes, lesquelles veulent ainsi proposer des services audiovisuels et des magnétoscopes numériques personnels en ligne, qu’elles maîtriseraient de bout en bout, aux 20 millions de foyers qui, en France, reçoivent la télévision sur leur « box » Internet. Ce serait aussi pour elles le moyen d’instaurer un contact direct avec leurs téléspectateurs dont les données gérées par les fournisseur d’accès à Internet (FAI) ne leur sont pas accessibles. C’est en outre une façon pour les chaînes, notamment les historiques, de se mettre à la page des nouvelles technologies audiovisuelles face aux innovations proposées dans le cloud par des agrégateurs de flux télévisés tels que Molotov positionnés comme OTT (Over-The-Top). Car derrière cette querelle du PAF, c’est bien la bataille pour le contrôle des « clients » téléspectateurs qui s’intensifie sous la pression des nouveaux entrants du Net.
La suprématie des boxes est de plus en plus contestée (2). Les négociations tendues vont bon train dans la mesure où les accords de distribution de TF1 avec les opérateurs télécoms, notamment sur le replay, sont arrivés à échéance et doivent être renouvelés, de même que ceux de M6 d’ici la fin de cette année. Car pour l’heure, les FAI paient seulement les chaînes pour leur service de TV de rattrapage.

Par exemple, TF1 encaisse chaque année environ 10 millions d’euros des distributeurs de son service MyTF1. C’est Gilles Pélisson, PDG du groupe TF1 depuis plus d’un an maintenant, qui a relancé l’idée de faire payer les opérateurs télécoms – Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free – s’ils veulent continuer à reprendre ses chaînes sur leurs boxes. Lui-même est un ancien dirigeant de Bouygues Telecom, autre filiale du groupe Bouygues. Il espère obtenir des différents FAI – opérateurs télécoms, câblo-opérateurs et opérateurs satellites – un paiement qui pourrait atteindre 100 millions d’euros à l’année. Les opérateurs télécoms concernés sont vent debout contre cette nouvelle exigence, estimant que les chaînes trouvent à travers eux un moyen puissant de diffusion auprès des 20 millions d’abonnés à un service de TV sur ADSL (IPTV) sans leur reverser une quote-part de leurs recettes publicitaires télévisées. De plus, les chaînes bénéficient gratuitement de fréquences de la TNT auprès du CSA (3).
A l’inverse, les chaînes mettent en avant le coût du signal de diffusion et l’investissement dans la production de programmes, tout en constatant que les FAI facturent à leurs abonnés des options TV sans reverser pour autant une part à elles
les chaînes. C’est le dialogue de sourds qui pourrait être arbitré par le CSA en cas de blocage des négociations (4). Le 16 février dernier, Régis Ravanas, directeur général adjoint de TF1 chargé de la publicité et de la diversification, est reparti à la charge lors de la présentation des résultats financiers du groupe. « Il y a vraiment un problème de partage de valeur à rééquilibrer. Nous sommes très déterminés. Les discussions ne sont pas simples naturellement parce que c’est un changement de modèle. Mais nous voulons aller jusqu’au bout et, si cela devenait nécessaire, aller jusqu’à se passer de diffusion du signal TF1 sur certaines plateformes. Ce que nous n’espérons pas », a-t-il prévenu.

TF1 plus aux abois que M6
La chaîne de Bouygues a pris l’exemple de la Belgique où TF1 est rémunéré par les opérateurs Orange et Altice (SFR). En Allemagne, la chaîne ProSieben perçoit des opérateurs quelque 100 millions d’euros par an. Pour Régis Ravanas, il s’agit d’un
« mouvement de fond en Europe ». L’injonction – « Payez-moi sinon je boycotte votre box » – relève-t-il du chantage, du bluff ou d’une fuite en avant ? L’an dernier, le bénéfice net de TF1 a chuté de 50 %. M6, plus discret dans cette affaire, a vu le sien bondir de 33 %. @

Charles de Laubier

Libre circulation des données et souveraineté numérique dans le nuage : le prochain rendez-vous

La Commission européenne prône la libre circulation des données dans le nuage informatique par suppression des restrictions injustifiées de localisation nationale, lesquelles morcèlent le marché unique numérique. Mais cette politique favorise-t-elle vraiment l’émergence d’un « cloud européen » ?

En pleine crise de la quarantaine, Apple – la marque à la pomme – lutte contre le blettissement

Fondé en avril 1976 par Steve Jobs dans la maison familiale de Los Altos (Californie), Apple – qui devint une société en janvier 1977 – est en pleine crise
de la quarantaine. La marque à la pomme va devoir mûrir sans devenir… blette, en misant sur les services en ligne pour compenser la chute des ventes d’iPhone.

Apple est en passe d’être déchu du titre de première capitalisation boursière mondiale. Alphabet, alias Google,
a déjà réussi par deux fois depuis le début de l’année de relégué la marque à la pomme en seconde position. Le 26 mai dernier, la valorisation boursière d’Apple était de 550 milliards de dollars (à 100 dollars l’action), contre 505 milliards de dollars (à 736 dollars) pour la maison mère de Google. Le fabricant d’iPhone a quand même perdu pas loin d’un tiers de sa valeur par rapport aux 130 dollars atteints durant l’été 2015 (1). Cette « spirale baissière », comme disent les analystes financiers, risque de se poursuivre.

La pomme croquée par la concurrence
Au premier trimestre de l’année, troisième de son année fiscale, la firme de Cupertino affiche la première baisse des ventes de l’iPhone depuis son lancement en 2007 et accuse aussi le premier recul de son chiffre d’affaires global depuis treize ans. Résultat : sur les six premiers mois de son exercice en cours, le chiffre d’affaires de 126,4 milliards de dollars est inférieur de 4,6 % par rapport à la même période il y a un an. Tandis que les ventes du smartphone sont tombées à 125.972.000 unités, toujours d’octobre 2015 à mars 2016, soit une baisse de 7,1 % par rapport à la même période il y a un an. Pire : le recul des ventes se constate aussi pour les tablettes iPad, en chute de 22,5 % à 26.373.000 unités sur les six mois, et pour les ordinateurs Mac, en baisse de 7,8 à 9.346.000 unités sur la même période.
S’agit-il d’une « pause », comme aimerait le croire Tim Cook (photo), le directeur général d’Apple, ou bien est-ce le début de la fin de l’heure de gloire de la marque à la pomme ?
A force de voir ses parts de marché grignotées, Apple n’aura jamais aussi bien porté son logo qui représente une pomme sérieusement entamée, croquée… Et c’est comme si le groupe dirigé par Tim Cook depuis bientôt cinq ans subissait aujourd’hui le véritable contrecoup de la mort de Steve Jobs intervenue en octobre 2011. L’esprit d’innovation semble s’être éloigné de l’entreprise. A moins que Tim Cook ne réussisse à prouver le contraire à la conférence mondiale des développeurs d’Apple, qui se tiendra du 13 au 17 juin. Lancée il y a un an, en avril 2015, la montre connectée Apple Watch ne semble pas rencontrer le succès escompté (2). Aucun chiffre de ventes n’a – pour l’heure… – été donné par le groupe. Selon la cabinet IDC, Apple a reculé à la troisième place mondiale pour les ventes de « wearable » dont font partie les montres connectées – derrière l’américain Fitbit et le chinois Xiaomi.
Si l’iPhone reste le produit-phare d’Apple, il pourrait fêter ses dix ans d’existence l’an prochain dans une ambiance morose. Et il n’y a pas grand chose à attendre du prochain iPhone 7, attendu en septembre, pour lequel les « Applemaniques » reportent leurs achats au détriment des iPhone 6 et SE.
Tout le défi de la marque à la pomme va être de mûrir sans devenir blette. Certes, la situation de l’entreprise n’a rien d’inquiétant pour l’instant. L’activité fait encore bonne figure, malgré un net ralentissement ces derniers mois : 233,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires générés lors de la dernière année fiscale (close fin septembre 2015), pour un bénéfice net de 53,3 milliards de dollars.
Après les « révolutions technologiques » de l’ordinateur Mac dans les années 1980
et de l’iPhone des années 2000, la marque à la pomme est en quête d’une troisième innovation de grand ampleur. Il est peut probable qu’elle se trouve dans la télévision ou l’automobile, deux produits de grande consommation déjà largement utilisés depuis des décennies.

Déstabilisation par la Chine
En attendant de trouver le nouveau Graal technologique, Apple investit dans les innovations des autres. C’est le cas dans la société chinoise Didi Chuxing (ex-Didi Kuaidi), qui édite une application de réservation de véhicules de transport avec chauffer (VTC) de type Uber et de covoiturage. En y injectant 1 milliard de dollars (3), la firme de Cupertino mise sur un possible relais de croissance futur provenant de la Chine où elle rencontre des difficultés en raison de restrictions réglementaires : selon le New York Times, ses services en ligne de livres iBooks et de films iTunes Movies ont récemment dû être fermés sur décision des autorités chinoises. Pourquoi tant d’intérêt pour l’Empire du Milieu ? Parce qu’il s’agit là du second plus grand marché d’Apple, après les Etats-Unis – en attendant de conquérir l’Inde où Tim Cook vient de se rendre mais peine à se lancer. Mais les fabricants chinois de smartphones tels que Huawei et Xiaomi lui donnent du fil à retordre. Investir dans Didi est aussi un moyen pour Tim Cook de mieux connaître les géants chinois du Net (4) comme Tencent et Alibaba qui soutiennent aussi Didi (5), lequel compte 300 millions d’utilisateurs. Le service de paiement mobile Apple Pay, lancé en février en Chine, pourrait profiter de cet investissement. Les ambitions de la marque à la pomme dans la voiture autonome
– dans le prolongement de sa voiture connectée CarPlay – pourrait aussi tirer partie
de cette alliance chinoise.

Virer Tim Cook et faire des acquisitions ?
Cet investissement dans Didi semble en outre donner le coup d’envoi de la diversification stratégique du premier « A » de GAFA vers plus de services en ligne. Après iTunes, Apple Music (6) (*) (**) et Apple Pay, le groupe californien donne un coup d’accélérateur vers les plateformes numériques et l’économie du partage. A terme,
les ordinateurs, les smartphones et les tablettes qu’il fabrique pourraient devenir secondaires. D’autant que la concurrence fait rage entre les nombreux fabricants de terminaux mobiles, avec des baisses de tarifs et de marges significatives malgré des performances toujours accrues. Si l’iPhone a assuré en près d’une décennie la rentabilité du groupe de Cupertino, cela ne devrait plus être le cas à l’avenir. IBM n’a-t-il pas pris le virage des services informatiques dans les années 1990 pour retrouver des marges financières que Big Blue avait perdu en tant que fabricant d’ordinateurs de moins en moins coûteux ? Apple est en passe de subir le même sort, comme l’illustre la progression de 20 % de ses revenus trimestriels dans les services (Apple Store, Apple Music, iCloud, Apple Pay, …). Mais la concurrence est rude, face à Spotify, Google ou encore Microsoft.
La planche de salut de la multinationale californienne peut aussi se trouver du côté de la santé (7) : n’a-t-elle pas recrutée dans ce domaine Yoki Matsuoka, d’origine japonaise et spécialiste de la « neurobotique », qui fut une co-fondatrice du laboratoire futuriste de Google (X Lab) ? La réalité virtuelle pourrait aussi constituer un avenir pour Apple, voire l’intelligence artificielle.
Au 31 mars dernier, Apple détient une trésorerie colossale de 232,9 milliards de dollars ! Ce qui lui laisse une marge de manœuvre considérable pour faire des acquisitions, voire des méga-acquisitions. Car à défaut de pouvoir continuer à faire rêver en développement ses propres produits ou plateformes, il reste à racheter ceux des autres. En un an, Apple a acquis pas moins d’une quinzaine d’entreprises – la plupart des start-up.
A moins de trouver un nouveau Steve Jobs. Un analyste de Global Equities Reseach propose même de se « débarrasser » de Tim Cook, de son directeur financier Luca Maestri et de sa directrice des ventes Angela Ahrendts ! « Débarrassez-vous de ces trois personnes, et Apple reviendra à sa gloire passée », estime-t-il (8), tout en prônant le recrutement de Jon Rubinstein, exdirigeant de la division iPod, comme nouveau DG d’Apple, ainsi que de Fred Anderson comme nouveau directeur financier, ayant déjà occupé ce poste par le passé.

« Tim Cook a fait du bon boulot », avait pourtant assuré l’investisseur Carl Icahn qui
a annoncé fin avril avoir vendu toutes ses actions Apple en réalisant au passage une plus-value de 2 milliards de dollars… Ce ne serait pas l’équipe dirigeante d’Apple qui poserait problème, selon le milliardaire américain, mais plutôt la Chine dont le ralentissement économique et les décisions réglementaires ont un impact direct sur les ventes du fabricant californien. Ce qui n’effraie pas un autre milliardaire, Warren Buffet, qui a annoncé mi-mai son entrée – via sa holding Berkshire Hathaway – au capital d’Apple pour plus de 1 milliards de dollars…
Une chose est sûre : le marché chinois des smartphones est arrivé à saturation, ce
qui a un impact direct sur les ventes mondiales de ces terminaux mobiles multimédias. Selon le cabinet d’études Strategy Analytics, elles ont baissé de 3 % au premier trimestre de cette année. Si le fabricant corée Samsung reste le numéro un mondial du smartphone avec 79 millions d’unités vendues sur les trois premiers mois de l’année (en baisse de 4,5 %) pour une part de marché de 23,6 % (contre 24 % un an avant), Apple demeure en seconde position avec 51,2 millions d’unités (en chute de 16 %) pour une part de marché de 15,3 % (contre 17,7 % un an avant). Cette érosion des ventes de smartphone est également constatée par le cabinet IDC, pour se retrouver à un
peu plus de 334 millions d’unités au total sur ce même trimestre. Si le chinois Huawei conforte sa position de troisième fabricant mondial de smartphones, il est rejoint pour
la première fois pas deux autres de ses compatriotes que sont les chinois Oppo et Vivo en respectivement quatrième et cinquième places. Dans le « Top 5 » des smarphones, Apple fait ainsi figure d’intrus parmi tous ces asiatiques…

Les 10 ans de l’iPhone dans le nouveau QG ?
Quoi qu’il en soit, l’iPhone fêtera ses dix ans en 2017 et la firme de Cupertino intègrera son nouveau quartier général circulaire pharaonique sur 70 hectares et 260.000 m2 – dont le budget a explosé de 3 à 5 milliards de dollars en trois ans… @

Charles de Laubier