L’abandon de One Pass par Google profite à Apple

En fait. Le 1er mai, un porte-parole de Google, Simon Morrison, explique à EM@ que « One Pass » a été abandonné car ce service de paiement en ligne pour journaux « n’a pas été beaucoup utilisé » par les éditeurs et « n’a pas décollé ».
En France, cet arrêt contrarie notamment les plans du GIE E-Presse.

Protection des données personnelles : Etats-Unis et Europe convergent sur tout, ou presque

L’administration Obama veut renforcer le pouvoir du régulateur du commerce,
la FTC, en matière de protection des données personnelles sur Internet et converger avec les règles proposées par la Commission européenne. Mais
les deux exécutifs divergent sur le droit à l’oubli.

Par Winston Maxwell (photo) et Christopher Wolf*, avocats associés, Hogan Lovells LLP.

Les Etats-Unis et l’Europe préparent en même temps d’importantes réformes en matière de protection des données personnelles.
La Commission européenne a proposé le 25 janvier 2012 (1)
un règlement et une directive qui seront débattues au sein du Parlement européen et du Conseil européen dans les 24 prochains mois. L’administration Obama, elle, a lancé le 23 février 2012 (2) une initiative intitulée « The Consumer Privacy Bill of Rights ». La proposition de la Maison Blanche vient d’être suivie par celle de la Federal Trade Commission (FTC), qui propose une série de mesures pour améliorer la protection du consommateur en matière de données personnelles (3).

Google et Facebook sous surveillance
Depuis longtemps, les Européens considéraient les Américains comme les parents pauvres de la protection des données personnelles. Certes, dans certains secteurs,
les Etats-Unis disposent d’une législation forte en la matière (4), mais il leur manque
une loi transversale qui accorde aux consommateurs des droits minimums de protection, quel que soit le prestataire. Même si la FTC disposait de pouvoirs généraux pour sanctionner des pratiques trompeuses, certains en Europe estimaient que ces pouvoirs n’étaient pas exercés de manière suffisamment forte, notamment vis-à-vis d’Internet. Mais, au cours de ces douze derniers mois, la FTC a montré qu’elle était capable de tenir tête aux plus grands acteurs de l’Internet. Elle a conclu à l’automne dernier deux accords transactionnels avec respectivement Google (5) et Facebook (6). Accusés de ne pas avoir respecté leurs propres engagements à l’égard des consommateurs, notamment au titre de leurs Privacy Policies (protection des données personnelles) et Safe Harbor (partenariat Etats-Unis/Europe), Google et Facebook ont fait l’objet d’une plainte par l’EPIC (Electronic Privacy Information Center), une association de défense des consommateurs et droits civiques. La FTC a lancé une enquête et a assigné les deux géants du Net en justice pour violation de l’article 5 de
la loi américaine sur la protection des consommateurs (section 5 du FTC Act). Google et Facebook ont contesté ces accusations, mais ont choisi de conclure un accord transactionnel avec la FTC, plutôt que de se battre devant les tribunaux. D’une durée de 20 ans, ces accords imposent un régime strict de protection de données personnelles au sein de chaque entreprise – un régime digne de ce qu’aurait pu imaginer une autorité européenne telle que la Cnil (7) en France ! Ces accords imposent des obligations d’ « accountability » (voir plus loin) similaires à celles envisagées par la proposition de règlement européen. La FTC devient un gendarme redoutable en matière de données personnelles, ses amendes dépassant
de loin celles imposées par les autorités européennes.
L’administration Obama souhaite aller encore plus loin : le plan dévoilé le 23 février imposerait aux Etats-Unis un régime similaire à celui envisagé en Europe. Les points
de convergence entre le plan américain et la proposition de règlement européen sont nombreux.
• Principe de la transparence : les propositions américaines et européennes soulignent, toutes les deux, la nécessité de donner aux consommateurs des informations plus claires et lisibles sur le traitement de leurs données personnelles. La pratique actuelle consiste à insérer les dispositions sur les données personnelles, au sein de conditions générales de vente longues et difficilement compréhensibles. Cette pratique doit cesser, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. Les entreprises doivent présenter des informations courtes et pertinentes, au bon endroit et au bon moment, pour que le consommateur soit réellement informé.
• Principe du consentement : pour qu’un consentement soit valable, celui-ci doit être explicite et précis. Un consentement global aux conditions générales ne suffira plus. Il faudrait prévoir des consentements ciblés, proposés au bon endroit et au bon moment. Cette obligation pèse déjà sur les prestataires d’Internet en matière de cookies.

Consentement explicite. Et implicite ?
Les révisions de 2009 au Paquet Télécom exigent dorénavant un consentement explicite du consommateur, avant le déploiement de ces « témoins électroniques »
sur son terminal. Même si le principe semble clair, sa mise en oeuvre s’avère complexe. Si on appliquait la règle à la lettre, le consommateur devrait donner des centaines de consentements (8) à chaque visite d’un site web !
Les prestataires de l’Internet et des organisations comme le W3C (9) travaillent avec
les autorités de régulation en Europe, afin de trouver des solutions pragmatiques à ce problème épineux. Le groupe des « Cnil » européennes, dit « Article 29 », s’apprête à publier un avis sur sujet. Les propositions américaines, elles, admettent que le consentement peut être implicite dans certains cas où de toute évidence le consommateur s’attend à ce que ses données personnelles soient utilisées (10).
La FTC souhaite, par ailleurs, une loi spécifique pour encadrer l’activité des « data brokers », ces marchands peu visibles qui achètent des listes de données, notamment pour les revendre aux prestataires de la publicité en ligne.
• Principe d’ « accountability » : difficilement traduisible en français, ce concept signifie l’obligation pour chaque entreprise d’organiser son propre audit interne de conformité. Ces programmes de contrôle, dits de « compliance », sont fréquents en matière comptable, anti-corruption et concurrence, surtout depuis l’affaire « Enron ». L’existence d’un tel programme constitue une circonstance atténuante pour les autorités américaines lorsqu’elles appliquent des sanctions. La proposition européenne et l’initiative Obama obligeraient les entreprises à prendre en compte la protection des données personnelles lors de l’élaboration de leurs produits ou services, tout comme elles prennent en compte les normes anti-pollution (11), et de prouver ensuite qu’elles ont mis en place des mesures de protection et que ces mesures de protection sont régulièrement mises à jour et testées pour garantir leur efficacité.
Autre point de convergence entre Américains et Européens : la notion même de données personnelles. Longtemps adeptes du concept de PII (Personally identifiable identifiable information), les Américains semblent maintenant rejoindre la notion plus large (12) de données personnelles chère aux Européens. Même l’adresse IP d’une machine constituerait une donnée personnelle, selon la proposition de la FTC (13).

Web, Cloud,… : libre circulation des données
Un autre point de convergence consiste en la recherche d’un régime international qui permettrait aux données de circuler librement sans frontières, tout en assurant une protection adéquate pour le citoyen. Cet objectif a été à l’origine même de la directive européenne de 1995 sur la protection des données personnelles (14) et a été fixé ensuite dans les accords « Safe Harbor » de 2000, entre les Etats-Unis et la Commission européenne. Mais l’ampleur des flux internationaux de données et la notion de « cloud computing » rend la recherche de nouvelles solutions indispensable. La recherche d’interopérabilité entre les régimes américain et européen de protection de données personnelles a fait l’objet d’une réunion à Washington le 19 mars 2012 (15). Cela passerait par la généralisation de codes de conduite ayant force de loi. En Europe, ces codes sont connus sous le nom Binding Corporate Rules (BCR). La Cnil en France et les autres autorités européennes mettent en avant les BCR comme le moyen le plus approprié pour fluidifier les transferts de données à travers le monde, au sein d’une même organisation. Aux Etats-Unis, l’initiative Obama prévoit la mise au point de codes de conduite ayant force de loi au sein de différents secteurs de l’industrie. Cette démarche sera supervisée par la NTIA (16), une agence au sein du département du Commerce américain. Si les codes de conduite américains commencent à ressembler aux BCR européens, la fameuse interopérabilité pourrait enfin devenir une réalité. @

* Christopher Wolf est également le fondateur
du « Future of Privacy Forum »
(www.futureofprivacy.org) à Washington DC.

Viviane Reding : « C’est à la Cnil de décider s’il faut sanctionner Google sur ses nouvelles règles »

La vice-présidente de la Commission européenne, en charge de la Justice,
des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, répond aux questions de Edition Multimédi@ sur la réforme de la protection des données personnelles, les règles
de confidentialité de Google, le « cloud » ou encore l’ACTA.

Ouest-France se diversifie jusque dans le « nuage »

En fait. Le 13 janvier, Précom – filiale de publicité, de radio et de communication du groupe SIPA, maison mère du premier quotidien français Ouest-France – annonce l’acquisition de Cocktail FM par Radio Cristal. Le 5 décembre, SFR est choisi pour héberger ses applications médias en ligne dans le « cloud ».

Jouer avec les nuages (II)

Ce Noël, rien sous le sapin ! Rien qui ne rappelle, de près ou de loin, les traditionnelles boîtes de jeux vidéo qui venaient s’y empiler, d’une année sur l’autre. Entre temps, la dématérialisation de la filière des jeux vidéo continuait avec obstination à vider la hotte du Père Noël et les magasins spécialisés. Et ce n’est pas terminé. D’abord, parce que les consoles résistent en trouvant, génération après génération, de nouvelles ressources d’innovation justifiant encore leur attractivité : un équipement à domicile s’avère toujours indispensable pour jouer en 3D et ultra haut-débit sur écran géant, en faisant appel aux nouvelles ressources du web des émotions, prometteuses de sensations inédites. Si la console n’est pas (encore) morte, c’est aussi pour la simple raison que, pour les jeux, le processus de dématérialisation est autrement plus complexe que pour la musique, les films ou les livres. Il ne s’agit plus de simplement télécharger des fichiers mais de pouvoir jouer en ligne et en temps réel. Il est question ici de Gaming on Demand (GoD) ou de Cloud Gaming : grâce aux ressources du « cloud computing », toutes les opérations de calcul ne sont plus réalisées sur une machine à domicile mais sur de puissants serveurs distants. Cela concerne un chapitre de plus en plus important du catalogue de jeux, à la complexité accrue mais désormais compatibles avec les performances croissantes des réseaux à très haut-débit. Finie la course des foyers aux micro-ordinateurs survitaminés.

« Au moment où les chronologies des médias de la vidéo ou du livre sont mises à mal, une chronologie des jeux vidéo se met en place ! »

La guerre est désormais déclarée entre les acteurs en mesure de dominer cette nouvelle scène de diffusion des jeux vidéo. Les acteurs historiques du secteur s’y sont finalement lancés pour assurer leur survie. Mais il faut se souvenir qu’ils n’y entrèrent qu’à reculons, laissant à d’autres le soin de défricher devant eux. Les early adopters se sont familiarisés avec des jeux sur navigateurs proposés par des développeurs audacieux. On se souvient en particulier des succès des studios lillois 3DDuo, avec Leelh et Ankama avec Dofus lancé en 2004. Mais c’est Crytek, puissant studio indépendant de Frankfurt, qui, dès 2005, a investi dans une solution en mode GoD pour son jeu-phare Crysis, avant d’abandonner les recherches deux ans plus tard faute de réseaux à niveau. Le véritable lancement commercial du jeu online ne date en réalité que de 2010, avec l’arrivée très remarquée de la plateforme de distribution OnLive, lancée après plus de sept années de recherche par le pionnier Steve Perlman. Elle permet aux joueurs d’accéder à plus de 150 jeux de tout premier plan, instantanément et sur tous les terminaux, de la « télé » à l’ « ordi » en passant par les tablettes et les smartphones. Le tout, pour moins de 10 dollars par mois sans engagement et en s’appuyant dès le départ sur des opérateurs comme AT&T ou BT. Un autre californien lança en 2011 Gaikai, en misant pour sa part sur sa compatibilité avec Linux et en proposant de rémunérer les éditeurs de sites partenaires en fonction du temps passé sur un jeu. Depuis, de nombreuses sociétés ont mis en place ces nouvelles plates-formes de diffusion de jeux basées sur le nuage informatique multi-terminaux comme Playcast Media, Otoy, GameStop, G-cluster, Transgaming, Spoon, Darkworks, Gamestring, ou encore iSwifter. Autant de start-up qui, aujourd’hui, ont disparu ou ont été reprises par les géants du Net pour lesquels les catalogues de jeux sont devenus une part de l’offre de base de leurs services. L’expérience pour les joueurs réguliers ou occasionnels fut très positive et leur adhésion très rapide.
Pour les acteurs de la filière, il a fallu repenser une part importante de la distribution et stabiliser de nouveaux business models. Mais il est intéressant de noter, au moment où les traditionnelles chronologies des médias de la vidéo ou du livre sont mises à mal et drastiquement raccourcies, qu’une chronologie des jeux vidéo se met peu à peu en place – là où elle était initialement absente ! Les éditeurs ont en effet dû organiser de manière progressive une distribution de leurs titres « AAA », en privilégiant une sortie initiale sur les consoles avant d’autoriser leur diffusion sur les plates-formes de GoD. Preuve de la maturité nouvelle d’une industrie qui n’en finit pas de s’imposer, définitivement, en tant que Dixième Art aux côtés du Septième (le cinéma) ou du Quatrième (la musique). @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » :
Programmes audiovisuels à l’heure du web
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’IDATE publie en 2012 son rapport
« Cloud Gaming », par Laurent Michaud.