La rémunération pour copie privée appliquée au « cloud » n’est pas pour demain

Le 23 octobre dernier, le très contesté Conseil supérieur de la propriété littéraire
et artistique (CSPLA), a publié un avis selon lequel la redevance pour copie privée devrait s’appliquer aux services en nuage (cloud). Les sociétés d’auteurs sont satisfaites, les acteurs du numérique ulcérés.

Par Katia Duhamel, avocat, cabinet Bird & Bird

Selon CSPLA, la redevance pour copie privée doit s’étendre aux services de stockage en ligne qu’il s’agisse de services de stockage personnel de type Dropbox, Hubic ou Skydrive, ou bien ceux liés à une plateforme de téléchargement légal,
ou encore ceux proposant des fichiers de substitution comme iTunes Match. A contrario, la Commission européenne semble aujourd’hui privilégier une analyse de la question sous l’angle du droit exclusif et non sur la base de l’exception pour copie privée.

Voyage aux Data Centers de la Terre

En ce mois étouffant de juin 2020, une manifestation d’un nouveau genre passe sous mes fenêtres grandes ouvertes aux cris de « Rendez-nous nos données, elles nous appartiennent ! ». Des slogans descendus dans la rue après avoir inondé la Toile et qui marquent une prise de conscience initiée dix ans plus tôt. Le nouvel écosystème numérique fait la part belle à des terminaux très sophistiqués connectés en continu et utilisant de manière croissante les ressources du « cloud » : nos données personnelles, nos photos, nos factures, sans parler de nos traces laissées sur le Net, tout autant que la musique et les vidéos que nous avons cessé d’archiver puisqu’ils sont toujours disponibles à la demande quelque part. Et ce, grâce à la mise en place progressive d’une nouvelle infrastructure constituée d’un ensemble de data centers, véritable réseau de « fermes informatiques » au niveau mondial.

« le cloud computing induit donc une certaine décentralisation, les applications et les données tendant désormais à être séparées de leurs utilisateurs ».

DigiWorld : la dérive des continents

L’Europe numérique d’aujourd’hui présente une image bien troublée, qui vient essentiellement du décalage accru entre
la diffusion des usages, chaque jour plus importante, et la maîtrise de ces technologies venues très majoritairement d’autres continents. Bien sûr, cette évolution s’inscrit dans un contexte économique bien plus large. Le monde multipolaire annoncé est bien là, succédant à la « triade » (Amérique du Nord, Europe occidentale et Asie-Pacifique) conceptualisée par Kenichi Ohmae, qui nous servit de grille de lecture durant toute la seconde moitié du XXe siècle. Mais cette approche statique s’inscrivait dans la vision longue que nous enseigna Fernand Braudel, du déplacement des économies des mondes de l’Est vers l’Ouest, de Rome à San Francisco, Jacques Attali proposant à sa suite sa vision des nouveaux équilibres intégrant la Chine, Le Brésil, l’Inde et, à plus long terme, l’Afrique. Nous voici donc au cœur d’un basculement historique, qui s’est produit précisément au tournant des années 2010.

« Le Vieux Continent n’a pas su maintenir ses champions, dont les plus prestigieux – notamment dans les télécoms – se sont peu à peu retrouvés isolés et fragilisés. »

L’abandon de One Pass par Google profite à Apple

En fait. Le 1er mai, un porte-parole de Google, Simon Morrison, explique à EM@ que « One Pass » a été abandonné car ce service de paiement en ligne pour journaux « n’a pas été beaucoup utilisé » par les éditeurs et « n’a pas décollé ».
En France, cet arrêt contrarie notamment les plans du GIE E-Presse.

En clair. Le 20 avril, Matthias Schwab, directeur des services cloud de Google a indiqué sur son blog que le géant du Net avait abandonné One Pass (1), lancé en février 2011. C’est, est une mauvaise nouvelle pour la presse. Cette solution était l’alternative la plus importante et la plus intéressante face au Newsstand d’Apple. Google proposait son système de paiement moyennant une commission de seulement 10 % sur le prix de vente du journal, tandis qu’Apple applique ses 30 % habituels. De plus, Google devait laisser plus de liberté aux éditeurs, là où Apple verrouille à son avantage la grille tarifaire ou encore la gestion des données clients. En outre, à l’instar de Newsstand, One Pass devait permettre de vendre non seulement à l’acte des numéros mais aussi par abonnements. Le nouveau service de Google devait ainsi sceller sa réconciliation avec la presse, après les différends autour de Google News accusé un temps de piller les journaux. « Tandis que One Pass est arrêté nous continuerons à travailler avec les éditeurs pour construire de nouveaux outils », a expliqué laconiquement Matthias Schwab. En France, One Pass avait séduit le GIE E-Presse qui avait signé un accord fin 2011. Ce groupement réunit L’Equipe, Le Parisien, Libération, Le Figaro, Les Echos, L’Express, Le Nouvel Observateur ou encore Le Point mais pas Le Monde. Le kiosque E-Presse devait être lancé avec le système de paiement de Google dès février dernier (2). De son côté, l’hebdomadaire Politis avait lui aussi annoncé en janvier dernier son ralliement à One Pass. Mais sans jamais donner d’explication, Google avait reporté son lancement, jusqu’à l’abandonner aujourd’hui. Ce retournement de situation est intervenu au moment où une partie de la presse française a décidé de cesser de boycotter le Newsstand d’Apple.
Ce fut le cas début février du Syndicat de la presse magazine (SPM), où l’on retrouve Lagardère et Mondadori, entre autres. Le 23 avril dernier, Lagardère Active a en effet annoncé le lancement de 21 titres sur le kiosque d’Apple (dont Elle, Auto Moto, Be, le JDD, etc.). Il rejoignent ainsi sur Newsstand France Soir ou encore La Tribune qui ont
fait confiance à Apple malgré ses conditions marketing (rétention des données des clients lecteurs) et commerciales (grille tarifaire imposée et prélèvement de la commission de 30 %). Le « Je t’aime, moi non plus » continue… @

Protection des données personnelles : Etats-Unis et Europe convergent sur tout, ou presque

L’administration Obama veut renforcer le pouvoir du régulateur du commerce,
la FTC, en matière de protection des données personnelles sur Internet et converger avec les règles proposées par la Commission européenne. Mais
les deux exécutifs divergent sur le droit à l’oubli.

Par Winston Maxwell (photo) et Christopher Wolf*, avocats associés, Hogan Lovells LLP.

Les Etats-Unis et l’Europe préparent en même temps d’importantes réformes en matière de protection des données personnelles.
La Commission européenne a proposé le 25 janvier 2012 (1)
un règlement et une directive qui seront débattues au sein du Parlement européen et du Conseil européen dans les 24 prochains mois. L’administration Obama, elle, a lancé le 23 février 2012 (2) une initiative intitulée « The Consumer Privacy Bill of Rights ». La proposition de la Maison Blanche vient d’être suivie par celle de la Federal Trade Commission (FTC), qui propose une série de mesures pour améliorer la protection du consommateur en matière de données personnelles (3).