Marc Héraud, délégué général du SNSII : « Vouloir taxer les terminaux connectés n’est pas la solution »

Le délégué général du Syndicat national des supports d’image et d’information (SNSII) revient pour EM@ sur les propositions du rapport Lescure qu’il juge – avec cinq autres organisations professionnelles (Fevad, Secimavi, Sfib, Simavelec et Gitep Tics) – « inacceptables ». Il met en garde les industries culturelles.

Videofutur voit l’avenir de la SVOD en TV connectée

En fait. Le 28 mars, s’est achevée l’offre publique d’achat de Videofutur par
Netgem qui avait été ouverte le 22 février. Le résultat de cette OPA sera connu
le 8 avril. La famille Haddad, qui contrôle Videofutur, s’est engagée à apporter
ses titres : Netgem est assuré de détenir 77,5 % de Videofutur.

La rémunération pour copie privée appliquée au « cloud » n’est pas pour demain

Le 23 octobre dernier, le très contesté Conseil supérieur de la propriété littéraire
et artistique (CSPLA), a publié un avis selon lequel la redevance pour copie privée devrait s’appliquer aux services en nuage (cloud). Les sociétés d’auteurs sont satisfaites, les acteurs du numérique ulcérés.

Voyage aux Data Centers de la Terre

En ce mois étouffant de juin 2020, une manifestation d’un nouveau genre passe sous mes fenêtres grandes ouvertes aux cris de « Rendez-nous nos données, elles nous appartiennent ! ». Des slogans descendus dans la rue après avoir inondé la Toile et qui marquent une prise de conscience initiée dix ans plus tôt. Le nouvel écosystème numérique fait la part belle à des terminaux très sophistiqués connectés en continu et utilisant de manière croissante les ressources du « cloud » : nos données personnelles, nos photos, nos factures, sans parler de nos traces laissées sur le Net, tout autant que la musique et les vidéos que nous avons cessé d’archiver puisqu’ils sont toujours disponibles à la demande quelque part. Et ce, grâce à la mise en place progressive d’une nouvelle infrastructure constituée d’un ensemble de data centers, véritable réseau de « fermes informatiques » au niveau mondial.

« le cloud computing induit donc une certaine décentralisation, les applications et les données tendant désormais à être séparées de leurs utilisateurs ».

Ce basculement vers toujours plus de dématérialisation provoque de nouveaux débats qui conduisent certains à remettre en cause cette nouvelle ère de la décentralisation virtuelle. Ce mouvement fait en réalité partie de toute l’histoire de l’informatique. Dès les années 1960, les réseaux d’entreprises oscillent entre architecture centralisée – où le poste de l’utilisateur ne contient que très peu de fichiers et où tout est stocké dans un serveur dit mainframe – et structure décentralisée – où à l’inverse les ressources sont concentrées dans le poste utilisateur, les données étant stockées sur un serveur partagé. Avec Internet, qui signait un retour à une ère « centralisée » où les ordinateurs envoyaient
des requêtes à une multitude de serveurs pour récupérer une partie de leurs données,
le cloud computing induit donc une certaine décentralisation, les applications et les données tendant désormais à être séparées de leurs utilisateurs. Cette évolution est rendue possible par le retour du gigantisme en informatique, convoquant par là même
les mânes du premier ordinateur de tous les temps, Colossus, installé en 1943 dans plusieurs pièces d’un appartement londonien. Nos data centers actuels occupent
chacun l’équivalent de la surface de plus de 15 terrains de football ! Et leur nombre n’a cessé d’augmenter depuis 2012 où on en comptait déjà plus de 510.000 dans le monde, dont près de 140 dans un pays de la taille de la France. La tendance n’est pas prête de s’inverser tant la demande est forte. Les investissements s’accélèrent et les pays d’accueil se battent pour attirer sur leurs terres ces entrepôts d’un nouveau genre. Les choix d’implantation se font toujours en tenant compte d’un besoin de proximité des utilisateurs, de la nécessité de disposer de réseaux de communication puissants et de contenir la facture énergétique qui dévore les charges d’exploitation. Il faut savoir qu’un data center moyen consomme l’équivalent d’une ville de 25.000 habitants, tout autant
pour le faire fonctionner que pour le refroidir. C’est ainsi devenu un élément essentiel de
la compétitivité des géants de l’Internet. Google, Amazon, Microsoft, Facebook et Apple disposaient à eux seuls, en 2012 déjà, de plus de 100 data centers en activité sur la planète. Quand Facebook mit en route, en 2014 son premier centre européen, ce fût en Suède, à moins de cent kilomètres du cercle arctique. Le premier data center de la firme
à la pomme, destiné à iCloud, utilise, lui, 100 % d’énergies renouvelables. Mais c’est la Chine qui dispose aujourd’hui du parc de stockage le plus important, construit avec l’aide d’un IBM d’abord, puis par ses champions Huawei et ZTE. Ce marché stratégique est également le terrain d’affrontement de nombreux autres acteurs comme les hébergeurs, parmi lesquels OVH ou Telehouse, les intégrateurs comme Cisco ou IBM, les Content Delivery Networks (CDN) comme Akamaï, les éditeurs de logiciels comme Oracle ou SAP, sans oublier les opérateurs télécoms comme Orange ou AT&T qui n’en finissent
pas de voir la frontière s’effriter entre eux et le monde de l’informatique. Et pendant que
la planète entière se couvre d’entrepôts dépositaires des données du monde, des ingénieurs, lointains héritiers d’un Jules Verne, rêvent déjà à de nouveaux data centers tenant dans le creux de la main. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Géolocalisation
* Directeur général adjoint de l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année son rapport
« Cloud & Big Data », produit par Julien Gaudemer, consultant.

DigiWorld : la dérive des continents

L’Europe numérique d’aujourd’hui présente une image bien troublée, qui vient essentiellement du décalage accru entre
la diffusion des usages, chaque jour plus importante, et la maîtrise de ces technologies venues très majoritairement d’autres continents. Bien sûr, cette évolution s’inscrit dans un contexte économique bien plus large. Le monde multipolaire annoncé est bien là, succédant à la « triade » (Amérique du Nord, Europe occidentale et Asie-Pacifique) conceptualisée par Kenichi Ohmae, qui nous servit de grille de lecture durant toute la seconde moitié du XXe siècle. Mais cette approche statique s’inscrivait dans la vision longue que nous enseigna Fernand Braudel, du déplacement des économies des mondes de l’Est vers l’Ouest, de Rome à San Francisco, Jacques Attali proposant à sa suite sa vision des nouveaux équilibres intégrant la Chine, Le Brésil, l’Inde et, à plus long terme, l’Afrique. Nous voici donc au cœur d’un basculement historique, qui s’est produit précisément au tournant des années 2010.

« Le Vieux Continent n’a pas su maintenir ses champions, dont les plus prestigieux – notamment dans les télécoms – se sont peu à peu retrouvés isolés et fragilisés. »

L’Europe numérique représentait encore 28 % du marché mondial en 2012, en seconde position derrière l’Amérique du Nord mais en retrait face à l’Asie en pleine croissance. Cette différence s’est encore creusée sous la pression des dettes européennes. Sur les trois dernières décennies, de 1990 à 2020, les marchés du « DigiWorld » ont ainsi connu trois cycles, de plus en plus courts avec des plafonds de croissance de plus en plus bas. La croissance annuelle des marchés numériques était de plus de 15 % au long des années 1990 (plus précisément depuis 1993), avant de connaître un ralentissement brutal à l’éclatement de la bulle Internet. Après 2003, la croissance s’est à nouveau accélérée, mais n’atteignant cette fois-ci que 7 %, avant d’être à nouveau frappée par la crise économique globale à partir de l’automne 2008. La reprise ne permis de retrouver que des niveaux modestes de croissance, à moins de 5 % au cours des deux années suivantes. La maturité de ces marchés s’est ainsi traduite par une « commoditisation » progressive des TIC, lesquelles – en devenant des biens et services de base et de masse – ne progressent plus que faiblement en valeur. Même les services Internet n’y échappent
pas : leur croissance repose entièrement sur un effet volume. Quant aux prix, non seulement ils n’augmentent pas mais ils sont souvent sans commune mesure avec ceux des produits et services auxquels ils se substituent : par exemple, la VoIP remplaçant
la téléphonie commutée, les offres « illimitées » de musique en ligne par rapport aux ventes de CD ou encore les films en VOD bien moins chers que les billets de salles
de cinéma. Cette dérive des continents tend de plus en plus à isoler l’Europe au profit
des économies émergentes, en la soumettant à une autre pression : la dépendance technologique et industrielle. Le Vieux Continent n’a pas su maintenir ses champions,
dont les plus prestigieux – notamment dans les télécoms – se sont peu à peu retrouvés isolés et fragilisés. Les réseaux très haut débit européens sont très en retard, et la stratégie d’innovation et industrielle inexistante. L’Europe des contenus, ce carburant de l’économie numérique, n’a pas non plus été valorisée : ni par l’émergence de productions à succès continentales et internationales, ni par la constitution de groupes médias pan-européens puissants. Mais nous entrons dans une décennie marquée par la banalisation d’une nouvelle étape de l’Internet structurée par la mobilité, le cloud et le big data. Le seul espoir vient du nouveau cadre européen politique et réglementaire mis en place à la faveur de la crise historique. Les TIC y sont au cœur, intégrant pour la première fois dans un ensemble géographique cohérent : R&D, financement de l’innovation, infrastructures essentielles, création des contenus et diffusion des usages. Elles sont également
l’une des conditions-clés de la réussite de l’entrée de l’Europe dans ce que certains économistes, dans la foulée d’un Jeremy Rifkin, décrivent comme la troisième
révolution industrielle, celle de l’énergie et des nouvelles technologies de l’information décentralisée. @

Jean-Dominique Séval*
Prochaine chronique « 2020 » : Datacenters
* Directeur général adjoint du DigiWorld Institute bye l’IDATE.
Sur le même thème, l’institut publie chaque année son rapport
« DigiWorld Yearbook » coordonné par Didier Pouillot,
directeur de la business unit Stratégies.