Fondé il y a 50 ans, le fabricant high-tech taïwanais Foxconn devient de plus en plus « intelligent »

Vous pensiez que le fabricant taïwanais Foxconn, célèbre fournisseur d’Apple pour ses iPhone, était tout juste bon à assembler des smartphones. Erreur : Hon Hai Precision Industry – son vrai nom – est devenu en 50 ans une Big Tech mondiale misant elle aussi sur l’intelligence artificielle.

(Le 5 juin, Hon Hai a annoncé une hausse de 22 % sur un an de son chiffre d’affaires en mai 2024)

1974-2024. Lorsque Terry Gou (photo) a créé Hon Hai Precision Industry Co, il y a 50 ans à Taïpei, capitale de Taïwan, il n’imaginait pas que son entreprise de fabrication de connecteurs électriques pour composants informatiques allait devenir le premier sous-traitant mondial dans la fabrication d’appareils électroniques grand public et le seul fabricant mondial – du moins jusqu’en 2012 – d’iPhone, d’iPad et d’iPod Touch pour le compte d’Apple, dont il est toujours le principal fournisseur. Mais la marque à la pomme n’est pas la seule à se faire fabriquer chez Foxconn – surnom de Hon Hai issu de sa première marque emblématique : il y a aussi Dell, Hewlett-Packard, IBM, Microsoft ou encore Cisco, du côté des Etats- Unis, ainsi que Huawei, Lenovo, Nintendo, Sony, Toshiba ou encore Xiaomi, du côté de l’Asie, auxquels il faut ajouter le finlandais HDM qui fait fabriquer pour la marque Nokia. Mais au-delà de son activité historique de sous-traitant arrivée à maturité, Hon Hai a su se diversifier.

Puces, serveurs IA, véhicules électriques, …
Foxconn s’est développé  dans les véhicules électriques (1), l’IA (notamment dans les serveurs de calcul haute performance pour IA générative), les semiconducteurs, la robotique et les satellites en orbite basse, en faisant jouer à plein son savoir-faire d’un demi-siècle dans les composants, les modules, l’assemblage de système, les circuits intégrés, et les logiciels. Sans oublier la fabrication de téléviseurs depuis 2012 avec l’électronicien japonais Sharp, dont Hon Hai détient 34,1 % du capital après une prise de contrôle en 2016. Résultat : en 2023, le groupe Hon Hai a dégagé un bénéfice net de 4,6 milliards d’euros (2) en réalisant un chiffre d’affaires de 199,7 milliards d’euros (3). Malgré une légère baisse de ces revenus annuels de -7 %, il s’agit tout de même du second record historique. Le PDG actuel, Young Liu, qui a succédé au fondateur Terry Gou (73 ans) le 1er juillet 2019, a revu en mars dernier ses prévisions 2024. Au lieu d’une « perspective neutre » pour cette année envisagée en novembre dernier lors de la précédente conférence des investisseurs, il s’attend maintenant à Continuer la lecture

Les opérateurs télécoms préparent la fin des box

En fait. Depuis le 8 mai, SFR propose son application SFR TV sur les téléviseurs connectés Hisense. De son côté, Free a lancé le 23 avril son application Oqee sur les télé connectées LG. Orange, lui, expérimente depuis le 25 avril la « Smart TV d’Orange ». Bouygues Telecom s’y met. Samsung est aussi de la partie.

En clair. Les box TV des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) sont en passe d’être dématérialisées. Cela fait des années que la perspective de la « virtualisation des box » est évoquée. L’ancien patron d’Orange, Stéphane Richard, avait préparé les esprits dès 2017 à la disparition future de la Livebox, qui sera remplacée chez l’abonné par un routeur plus discret avec toutes les autres fonctions – dont l’audiovisuel – déportées sur le réseau intelligent de l’opérateur télécoms (1). Mais cette fois, le phénomène s’accélère en France.

Après avoir installé son application SFR TV sur les téléviseurs connectés du sud-coréen Samsung (ou sur son projecteur Freestyle), voici que la filiale télécoms du groupe Altice fait de même avec la fabricant chinois Hisense – depuis le 8 mai selon Univers Freebox et Numerama. Mais SFR fait les choses à moitié puisque la box TV ne disparaît pas (encore) pour autant puisqu’elle reste nécessaire (dans le salon par exemple). L’option « Multi TV » (5 euros par mois) permet, elle, de regarder ailleurs la télé avec l’appli SFR TV (dans une chambre), mais sans seconde box TV (2). L’application Oqee TV de Free a aussi vocation à être téléchargeable sur les Smart TV fonctionnant sous Android TV (3), à savoir les téléviseurs de Samsung, LG depuis le 23 avril (une première en France pour ce fabricant sudcoréen), Sony ou encore bientôt Hisense. De son côté, Orange s’apprête à sortir de son labo l’application « Smart TV d’Orange » qui – déjà en phase de test (4) – fonctionnera sur les téléviseurs connectés, non seulement sous Android TV mais aussi Apple TV. Bouygues Telecom, lui, pousse son application B.tv+ téléchargeable sur Google Play et l’App Store (5).
Ainsi, discrètement, la virtualisation des box est en marche, à commencer par le boîtier TV. En France, comme le souligne l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers publié le 25 avril par l’Arcom sur une étude de Médiamétrie, « la Smart TV connectée [directement sans passer par un décodeur TV d’un FAI, ndlr] est désormais utilisée par plus de la moitié des foyers équipés d’une TV connectée (53,2 %, + 4,2 points en un an) ». Même si, pour l’instant, le décodeur TV d’un FAI demeure le premier mode de connexion du téléviseur (83,7 % des foyers équipés TV connectée). Quant à la 5G, notamment la 5G standalone plus performante (6), elle devrait accélérer la disparition des décodeurs TV. La clé B.tv est un premier pas. @

 

La société DStorage continue de défendre la licéité de son service d’hébergement 1fichier.com

La société DStorage, fondée il y a 15 ans par son actuel PDG Nessim Yohan Tordjman, défend inlassablement la légalité de son service d’hébergement 1fichier.com qualifié à tort de « site illicite ». Dernière action en date : un droit de réponse publié par l’Alpa dans la dernière étude de Médiamétrie.

La société vosgienne DStorage fête ses 15 ans, ayant été créée le 9 avril 2009 par son PDG Nessim Yohan Tordjman, un ancien administrateur systèmes et réseaux de chez Free durant dix ans. Elle exploite notamment le site d’hébergement 1fichier.com, qui est souvent désigné depuis plus de dix ans comme « site illicite » ou « site illégal » par les ayants droit. Mais que cela soit devant la justice ou auprès des médias, DStorage ne cesse de défendre la légalité de son service de stockage.

« Pas plus illicite que Wetransfer ou Google Drive »
Ce fut encore le cas fin mars, DStorage ayant obtenu de l’Association de la lutte contre la piraterie audiovisuelle (Alpa) un « droit de réponse » qui, selon les constatations de Edition Multimédi@, a été inséré dans sa dernière étude « Audience des sites illicites dédiés à la consommation vidéo en France ». Celle-ci montre l’évolution du piratage audiovisuel sur Internet de décembre 2021 à décembre 2023. Cette étude mise en ligne le 7 mars dernier a été commanditée auprès de Médiamétrie par l’Alpa, présidée depuis plus de 20 ans par Nicolas Seydoux (photo).
Le site 1fichier.com y est désigné comme étant en tête du « Top 10 » des « sites illégaux les plus utilisés », avec plus de 1,3 million de visites uniques sur le mois de décembre 2023, devant Yggtorrent.qa (0,65 million) ou encore Wawacity.autos (0,5 million). Toujours en décembre 2023, 1fichier.com dépasse même le site légal Paramount+ en termes d’audience. Le droit de réponse est apparu dans l’étude quelques jours après sa publication, soit fin mars (1), à la demande de l’avocat de la société DStorage, Ronan Hardouin. « La société DStorage souhaite attirer l’attention du lecteur de cette étude sur les largesses de qualification juridique que s’autorise l’Alpa en ciblant le service de cloud storage 1fichier.com comme un site illicite. Le service 1fichier.com n’est pas plus illicite que les services de cloud storage comme Wetransfer ou Google Drive. Il ne peut être assimilé à des fermes de liens », assure l’entreprise de Nessim Yohan Tordjman. Et son droit de réponse de poursuivre : « Aucune juridiction n’a d’ailleurs considéré 1fichier.com comme un service illicite malgré les tentatives d’ayants droit appuyant leurs prétentions en étroite collaboration avec l’Alpa. Les efforts de la société DStorage dans la lutte contre les contenus illicites ne peuvent ainsi être éludés : procédure de retrait des contenus – interdiction d’utiliser le service pour porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle de tiers ». Le droit de réponse de la société vosgienne se termine ainsi : « Le service 1fichier.com est donc un service d’hébergement licite soumis au régime de responsabilité limitée prévu par la loi pour la confiance dans l’économie numérique [la LCEN de 2004, ndlr] et ne peut être qualifié de manière discrétionnaire par l’Alpa de “site illicite” ». A noter qu’une autre demande d’exercice d’un droit de réponse avait parallèlement été envoyé au directeur de la publication de Edition Multimédi@, qui, dans son n°318 daté du 25 mars, avait mentionné 1fichier.com comme étant, d’après Médiamétrie, un « site illégal » (2). « La société DStorage, qui dispose d’un siège social en France, prohibe dans ses conditions d’utilisation (3) tout usage portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle et informe depuis ses pages sur les conditions de retrait d’un contenu », nous a notamment précisé Me Ronan Hardouin. Or, dans la nouvelle étude à janvier 2024 parue en avril, le droit de réponse n’apparaît plus ni la mention « sites illégaux » (4).
Cette mise au point n’est pas la première pour DStorage qui a eu maille à partir avec l’ancienne Hadopi (fondue depuis dans l’Arcom), mais aussi depuis quelques années avec la justice. Devant les tribunaux, la société domiciliée à La Chapelle-aux-Bois (Grand-Est) revendique à chaque fois son statut d’hébergeur « à responsabilité limitée » consacré par la loi française LCEN de 2004, laquelle a transposé il y a 20 ans maintenant la directive européenne « E-commerce » de 2000 qui protège les hébergeurs.

Affaires « Nintendo » et « Nancy » en cassation
Ainsi, DStorage a croisé le fer judiciaire à Nancy en 2021 avec les membres de l’Alpa (audiovisuel et cinéma), la Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF), la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) ou encore la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP). Dans un arrêt daté du 25 septembre 2023, la cour d’appel de Nancy a condamné DStorage. Avec Nintendo cette fois, la cour d’appel de Paris a confirmé – dans un arrêt du 12 avril 2023 – la condamnation de DStorage. Dans ces deux affaires, Me Ronan Hardouin nous indique que la société DStorage s’est pourvue en cassation. Et depuis 2015, la société vosgienne se bat contre la Société Générale qui l’avait bannie pour « contrefaçon » sur les signalements de l’éditeur indien Zee Entertainment. Cette affaire suit aussi son cours. @

Charles de Laubier

Digital Markets Act (DMA) : mais que fait l’Arcep ?

En fait. Le 26 mars, l’Organe des régulateurs européens des télécoms (Berec) – que vice-préside Laure de La Raudière (Arcep) – tiendra à Bruxelles son 12e Forum annuel pour y rencontrer opérateurs télécoms, plateformes numériques et industriels. Objectif : harmoniser l’applications des règles européennes.

En clair. Avec le Digital Markets Act (DMA), entré en vigueur le 2 mai 2023 pour réguler les activités des grandes plateformes numériques en général (1) et des six « gatekeepers » (Alphabet/Google, Amazon, Apple, ByteDance/TikTok, Meta et Microsoft) en particulier (2), l’Organe des régulateurs européens des télécoms (Berec) entre dans une nouvelle ère de la régulation numérique. L’Arcep, qui fait partie des 37 régulateurs des télécoms membres (seuls ceux des Vingt-sept ont un droit de vote), a largement contribué à l’élaboration du DMA comme sur les aspects de l’interopérabilité des services de messagerie en ligne.
C’est le cas pour les « contrôleurs d’accès » tels que Meta. Ses messageries WhatsApp et Messenger sont justement des « services de plateforme essentiels » au sens du DMA. De ce fait, la firme de Mark Zuckerberg est obligée depuis le 7 mars 2024 de garantir dans l’UE l’interopérabilité de ses deux « services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation » avec ceux de « tout autre fournisseur qui propose ou a l’intention de proposer de tels services dans l’UE ». Et ce, « en fournissant sur demande et gratuitement les interfaces techniques nécessaires ou des solutions similaires qui facilitent l’interopérabilité » (3). Pour ce faire, Meta a présenté à la Commission européenne une « offre de référence » avec les détails techniques et les conditions générales d’interopérabilité avec ses services de messagerie en ligne, « y compris les détails nécessaires concernant le niveau de sécurité et le chiffrement de bout en bout ». Saisi par la Commission européenne, le Berec – que vice-préside cette année Laure de La Raudière (4) – a rendu le 15 février 2024 son avis (5). Meta a dû revoir sa copie et a présenté le 7 mars dernier une nouvelle version de son offre de référence, que le Berec examine actuellement pour rendre un deuxième avis portant notamment sur l’interopérabilité de WhatsApp.
Les régulateurs nationaux des télécoms des Vingt-sept se voient aussi remplis de nouvelles missions, comme la régulation des services de cloud et des prestataires de services d’intermédiation de données. Les « Arcep » se retrouvent ainsi à la croisée des chemins entre le DMA, le Data Act (entré en vigueur le 11 janvier 2024) et le Data Governance Act (applicable depuis le 24 septembre 2023) et, indirectement, avec l’AI Act. @

Données produites par l’Internet des objets et l’informatique en nuage : ce que dit le Data Act

Le législateur européen poursuit ses travaux en vue de créer un marché unique des données. La dernière avancée en date : le règlement sur les données, dit « Data Act », entré en vigueur le 11 janvier 2024. Il sera applicable à compter du 12 septembre 2025. Tour d’horizon de ses principales dispositions.

Par Sandra Tubert, avocate associée, et Antoine Tong, avocat, Algo Avocats

A l’instar du « Data Governance Act » (1), le « Data Act » (2) s’inscrit dans la stratégie européenne visant à créer un « marché unique des données » (3) équitable pour toutes les parties prenantes. En effet, en février 2020, la Commission européenne constatait une disponibilité insuffisante des données pour une réutilisation innovante par les acteurs publics comme privés, des situations de monopole sur les marchés du cloud et de l’accès aux données compromettant l’équilibre concurrentiel, ainsi qu’un manque d’interopérabilité et de qualité des données dans le contexte du déploiement de l’intelligence artificielle (IA)…

Droits d’accès et à la portabilité
Autant de problématiques qui faisaient, selon la Commission européenne, obstacle au développement d’un véritable marché unique du numérique. Pour y remédier, le Data Act encadre les droits et obligations de chacune des parties impliquées dans la création de la valeur autour des données générées par les « produits connectés » (4) et « services connexes » (5), avant de réguler les services « en nuage » (cloud).
La régulation de l’accès et du partage des données. Plusieurs catégories de mesures ont été prévues pour favoriser l’accès et le partage des données. La première catégorie de mesures impacte la documentation précontractuelle des fabricants de produits connectés et fournisseurs de services connexes puisqu’ils seront tenus de fournir aux utilisateurs des informations précises, telles que le type, le format et le volume estimé des données générées par le produit connecté, sa capacité à stocker des données sur un dispositif intégré ou un serveur distant, ou encore la manière d’accéder aux données, de les extraire voire de les effacer. Les fournisseurs de services connexes devront quant à eux préciser s’ils ont l’intention d’utiliser les données ainsi que les finalités de cette utilisation, ou bien d’autoriser des tiers à utiliser les données pour les finalités convenues. La seconde catégorie de mesures consiste à créer de nouveaux droits au bénéfice des utilisateurs (c’est-à-dire droits d’accéder aux données et de partager des données avec des tiers) qui s’apparentent fortement aux droits d’accès et à la portabilité des données à caractère personnel déjà prévus par le RGPD, le règlement général sur la protection des données (6). Le Data Act donne ainsi un nouvel élan aux droits d’accès et à la portabilité, puisque les droits qui y sont prévus sont applicables à toutes les données générées par les produits connectés et les services connexes, qu’elles soient à caractère personnel ou non, et disponibles pour l’ensemble des « utilisateurs » (7), personne physique ou morale.
En pratique, le droit d’accès se matérialise par l’obligation de concevoir des produits connectés et services connexes qui permettront à l’utilisateur, lorsque cela est techniquement possible, d’accéder de manière directe aux données et aux métadonnées relatives aux produits et services dans un format complet, structuré, couramment utilisé et lisible par machine. A défaut d’accès direct par l’utilisateur depuis le produit connecté ou le service connexe, le « détenteur de données » (8), c’est-à-dire le fabricant de produit connecté ou le fournisseur de service connexe, sera tenu d’une obligation de rendre les données et les métadonnées accessibles, dans un format complet, structuré, couramment utilisé et lisible par machine, voire en continu et en temps réel, sur simple demande de l’utilisateur formulée par voie électronique.
Le droit à la portabilité se traduit, quant à lui, par l’obligation pour le détenteur de données de mettre les données et les métadonnées à disposition d’un tiers, c’est-à-dire un « destinataire de données » (9), sur simple demande d’un utilisateur. Naturellement, le tiers ne sera pas libre d’exploiter les données à sa guise. Elles ne pourront être traitées qu’aux fins et dans les conditions déterminées avec l’utilisateur. Le détenteur de données devra permettre l’exercice de ces droits, sans retard injustifié, de manière aisée, sécurisée et sans frais pour les utilisateurs.

Nombreux garde-fous et exceptions
Si le Data Act prend le soin de préciser que le détenteur des données ne peut refuser d’accéder aux demandes des utilisateurs sous couvert du droit à la protection des bases de données (10), les droits prévus par ce règlement ne sont pas absolus et un certain nombre de garde-fous et d’exceptions ont été mis en place dans un but d’équité. Ainsi, les données générées ne pourront pas, dans le cadre du droit à la portabilité, être transmises aux entreprises désignées comme « gatekeepers » par le « Digital Markets Act » (11), telles qu’Amazon ou Google. De l’autre côté, les PME seront, sous certaines réserves (12), exemptées des obligations d’accès et de partage des données aux utilisateurs et aux tiers. Il sera par ailleurs strictement interdit à l’utilisateur ou au destinataire d’utiliser les données – auxquelles il a eu accès suite à une demande de droit d’accès ou de partage – afin de concevoir un produit concurrent (13).
Comme le RGPD avant lui, le Data Act souhaite préserver le secret des affaires des détenteurs de données (14). Il adopte néanmoins une approche différente de celle pratiquée en application du RGPD, en estimant que le secret des affaires ne devrait pas constituer un obstacle absolu à l’accès et/ou au partage des données.

Détenteur de données et mise à disposition
Le Data Act invite donc les détenteurs de données (ou les détenteurs de secret d’affaires s’il ne s’agit pas de la même entité) à recenser les données et métadonnées protégées en tant que secret d’affaires et à convenir avec l’utilisateur et/ou le tiers de mesures techniques et organisationnelles nécessaires (clauses contractuelles types, accord de confidentialité, protocoles d’accès stricts, normes techniques et application de codes de conduites) pour préserver leur confidentialité.
Exceptionnellement, le détenteur de données pourra refuser de partager les données s’il démontre, sur la base d’éléments objectifs, des « circonstances exceptionnelles » et qu’il est « très probable » qu’il subisse un « préjudice économique grave » en dépit des mesures techniques et organisationnelles prises par l’utilisateur ou le destinataire. Le Data Act précise également que le détenteur de données devra convenir des modalités de mise à disposition des données avec un destinataire, dans des conditions, équitables, raisonnables, non discriminatoires et de manière transparente. Ainsi, toute différence de traitement envers les destinataires de données sera interdite. Le détenteur de données sera en droit d’obtenir une compensation pour les coûts engendrés par la mise à disposition des données à des destinataires, mais les modalités de calcul seront fixées par des lignes directrices de la Commission européenne.
Par ailleurs, parfaitement conscient de la propension de certains acteurs à tirer profit de déséquilibres contractuels, le législateur européen a pris le soin d’énumérer les clauses abusives ou présumées abusives dans le cadre des relations entre entreprises liées à l’accès et au partage des données. Enfin, les organismes du secteur public pourront accéder aux données et aux métadonnées à des fins d’intérêt public lorsqu’ils démontrent un besoin exceptionnel. Ce dernier pourra notamment être matérialisé par l’urgence et l’absence de moyens alternatifs permettant d’obtenir les données utiles, de manière efficace dans des conditions équivalentes.
La régulation du marché du cloud. De leur côté, les fournisseurs de « services de traitement de données » (15) (à savoir les acteurs du cloud, fournisseurs de IaaS, PaaS et SaaS) devront prendre toutes les mesures, notamment commerciales, contractuelles, organisationnelles et techniques, afin de permettre aux clients de changer de fournisseurs de services cloud. Ils devront ainsi s’abstenir de mesures freinant le client dans ses démarches de changement, qu’ils s’agissent des modalités de résiliation du contrat après changement de fournisseur, du portage de ses données, ou encore du découplage entre les services IaaS et PaaS/SaaS.
De manière assez étonnante au regard des pratiques déjà installées sur le sujet, le législateur est venu fixer le contenu impératif minimum du contrat entre un client et un fournisseur de services cloud, notamment au niveau des clauses dites de réversibilité, en prévoyant entre autres des délais impératifs maximum pour le lancement du processus de réversibilité (inférieur à 2 mois) ou pour la récupération des données (minium 30 jours), une clause garantissant l’effacement intégral des données suite à l’opération de réversibilité, etc.
Les fournisseurs de services cloud doivent, depuis le 11 janvier 2024, réduire les « frais de changement de fournisseur » (16) – en les limitant aux coûts directement liés au processus de réversibilité que le Data Act estime être les frais liés au transfert des données d’un fournisseur à un autre ou les frais pour des actions de support spécifique pendant le processus de changement de fournisseur (17) – puis, à compter du 12 janvier 2027, les supprimer. Anticipant le Data Act, le projet de loi français SREN prévoit quant à lui la suppression immédiate des « frais de transfert » des fournisseurs de services en nuage. Le texte est toutefois fortement critiqué par la Commission européenne. Enfin, dans le but de faire émerger un environnement cloud multifournisseur qui permettra aux clients de mettre en œuvre des stratégies durables sans se retrouver dépendant d’un fournisseur (18) les institutions européennes misent sur des normes harmonisées et des spécifications d’interopérabilité qui seront adoptées par la Commission européenne (19).

Projet de loi français SREN critiqué
Le Data Act s’en remet de manière singulière aux Etats membres pour déterminer le régime des sanctions applicables en cas de non-respect de ses dispositions (20). Le projet de loi SREN, qui anticipe l’adoption du Data Act mais qui n’est pas encore adopté et fait l’objet de vives contestations et critiques au niveau européen, prévoit que l’autorité de contrôle pour réguler les acteurs du cloud est l’Arcep. Et les sanctions proposées vont, pour une personne morale, de 1 million d’euros à 3 % du chiffre d’affaires de l’exercice précédent, voire 5 % en cas de réitération. @