Nouvelle chronologie des médias : premiers effets

En fait. Le 18 janvier, le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN) s’est félicité que les ventes en France de DVD et de disque optique haute définition Blu-ray ont – pour la première fois depuis quatre ans – enregistré en 2009 une croissance de 0,5 % en valeur, à 1,38 milliard d’euros.

En clair. La nouvelle chronologie des médias issue de l’accord du 6 juillet dernier et officialisée par l’arrêté du 9 juillet (1) vient de produire ses premiers effets. Elle avait ramené à quatre mois le délai de diffusion d’un film entre sa sortie en salle de cinéma et
sa distribution en vidéo physique (DVD, Blu-ray) ou sa diffusion en vidéo à la demande (VOD). Cette dernière ne bénéficiait pas auparavant d’un alignement sur la « fenêtre »
du DVD, lequel était alors encore à six mois après la sortie du film en salle. Résultat :
les ventes de disques optiques cinématographiques ont repris des couleurs, notamment des fêtes de fin d’année, où les succès de l’été dernier, comme « L’Age de Glace 3 », ont pu parvenir à temps dans les bacs.
Selon les premiers chiffres de l’institut d’études GfK – commentés par le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), qui n’avait pourtant pas été signataire de l’accord
du 6 juillet –, les ventes en France de DVD et Blu-ray ont progressé de 0,5% en valeur, à 1,38 milliard d’euros l’an dernier (contre -8 % en 2008), et de 12 % en volume, à 94 millions d’unités écoulées (dont 4,5 millions de Blu-ray). Toujours en 2009, il s’est vendu 280.000 lecteurs de Blu-ray (2). On est loin des 2 milliards d’euros frôlés il y a cinq ans, mais il s’agit tout de même de la première croissance après quatre ans de déclin. Toujours grâce à la chronologie des médias raccourcie, la VOD est elle aussi en progression – bien que partant de plus bas – avec un chiffre d’affaires dépassant, en 2009, les 80 millions d’euros (soit un bond sur un an de 51 %). Au passage, se profile une bataille entre les films en ligne et les films optiques.
Si le SEVN parle de « coup d’arrêt à la baisse du marché », il prévient néanmoins que
« cette stabilisation du marché ne pourra néanmoins être maintenue en 2010 que si les actions promises dans la lutte contre le téléchargement illégal [Hadopi, ndlr] sont effectivement mises en place ». La réduction des fenêtres de diffusion des films après leur sortie en salle a-t-elle limité la tentation au piratage sur Internet des internautes cinéphiles impatients ? Selon le syndicat, cela y contribue. Mais des voix s’élèvent pour dire que les quatre mois paraissent encore trop long. Faut-il aller plus loin et, comme le suggérait le producteur de films Luc Besson, pousser jusqu’à une simultanéité entre salle et Internet (voir EM@ n°4, p. 8 et 9), voire DVD/Blu-ray ? Poser la question, c’est déjà envisager la faisabilité… @

Accord Canal+ : le Blic ne fait pas bloc avec le Bloc

En fait. Le 21 décembre 2009, le Bureau de liaison des industries cinématographiques (Blic) a fait part de sa colère après la signature, sans lui,
d’un accord entre les producteurs ou réalisateurs indépendants de films (Bloc, UPF, ARP) et Canal+, le premier pourvoyeur de fonds du Septième Art français.

En clair. L’accord du 18 décembre 2009 entre la chaîne cryptée et une partie du cinéma français va laisser des traces entre les « gros » du Blic (Bureau de liaison
des industries cinématographiques) et les « petits » du Bloc (Bureau de liaison des organisations du cinéma). La filiale TV du groupe Vivendi, premier pourvoyeur de fonds du Septième art français avec plus de 150 millions d’euros investis chaque année, a semé la zizanie entre les différentes organisations de cette industrie culturelle. Si les producteurs de films français (notamment indépendants) réunis au sein du Bloc, de l’UPF et de l’ARP s’en tirent à bon compte – relèvement de la contribution de Canal+
de 9 % à 10% en y intégrant les droits de « catch up TV » sur sept jours et la prime au succès (1) –, il n’en va pas de même du côté du Blic. En effet, ses membres, que sont les salles de cinéma (FNCF), les distributeurs de films (FNDF), des producteurs de cinéma (API), parmi lesquels Pathé, Gaumont, UGC ou encore MK2, ainsi que les industries techniques (FICAM) et les éditeurs de vidéo (SEVN), n’ont pas signé l’accord. Car Canal+ ne financera plus la distribution des films (6,5 millions d’euros) et les exploitants de salles (13,5 millions d’euros). En revanche, la chaîne cryptée crée une fondation d’entreprise « dont l’objet sera notamment d’apporter une aide à l’exploitation et à la distribution indépendantes ».
Le PDG de Canal+, Bertrand Méheut, explique que les exploitants et les distributeurs ont « moins besoin » de son financement (2) et qu’il investira 7 millions d’euros la première année en ciblant sur « les plus fragiles » (notamment en zone rurale). Selon Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), la chaîne du cinéma « met [ainsi] fin à une politique qui avait,
au bénéfice des plus forts, vidé de son sens et de sa pertinence la généreuse idée d’André Rousselet [fondateur de Canal+] de soutien aux maillons les plus faibles du cinéma français, la petite et la moyenne exploitation et la distribution indépendante ». Ce recadrage n’est pas du goût du Blic qui a fait part de sa « stupéfaction » et de son
« immense déception », dénonçant « la démarche de Canal+ visant à mettre fin au partenariat historique qui liait la chaîne cryptée à l’ensemble des métiers de la filière cinématographique ». Et d’ « appeler les responsables de Canal+ à reprendre au plus vite les discussions en vue du renouvellement de l’accord global ». @

Vidéo : Hulu s’apprête à débarquer en Europe

En fait. Le 22 décembre 2009, Warner Music Group (WMG) – deuxième maison de disques américaine – a signé un accord avec le site américain Hulu de vidéo sur Internet, lequel avait noué un mois plus tôt un partenariat avec EMI Music.
Au programme : clips, concerts et interviews.

En clair. Il ne reste plus à Hulu qu’à se déployer au-delà des Etats-Unis pour en faire profiter tous les internautes de la planète ! Ce que ce site de vidéo en ligne s’apprête
à faire cette année, moins de deux ans après sa création – en mars 2007 – par Fox (News corp), ABC (Walt Disney), NBC Universal (General Electric/Comcast) et Providence Equity Partners. « Nous avons l’intention de rendre, à l’avenir, Hulu accessible partout dans le monde. Pour cela, nous travaillons à acquérir des droits et licences dans chaque zone géographique. Ce qui prend du temps. Mais de plus en plus de fournisseurs sont décidés à donner à leurs programmes une plus large audience », indique à EM@ Brandon Boone, porte-parole de la société basée à Los Angeles. La Grande-Bretagne serait le premier pays de conquête : le groupe audiovisuel britannique ITV pourrait en effet rejoindre la plateforme de catch up TV américaine. En France, TF1, M6 et Canal+ (1) réfléchissent depuis l’an dernier aux « dangers » de l’arrivée
de Hulu et à lancer une plateforme commune de télévision de rattrapage. Pour l’heure, seuls les internautes connectés des Etats-Unis peuvent y avoir accès (2). Au-delà des films et séries issus des grandes chaînes américaines, proposés gratuitement en
« catch up TV », Hulu élargit ainsi aux vidéoclips, aux concerts enregistrés et aux interviews d’artistes sa plateforme. En l’espace d’un mois, les majors du disques EMI Music et Warner Music Group (WMG) ont signé un accord aux Etats- Unis avec ce concurrent de Youtube, la filiale de partage vidéo de Google. « Nous développons notre stratégie de vidéos financées par la publicité pour fournir aux artistes une approche plus souple afin de promouvoir et vendre leur musique », a indiqué le vice-président de WMG, Michael Nash. Contrairement à Youtude ou Dailymotion, Hulu est uniquement alimenté par les détenteurs des droits sur les œuvres qu’ils diffusent. Hulu revendique 1.700 œuvres audiovisuelles à son catalogue et prévoyait d’atteindre les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2009. Des revenus équivalents à son concurrent Youtube, lequel affiche néanmoins une part de marché de vidéo vues de 37,7 % (aux Etats-Unis à octobre 2009, selon Comscore) contre seulement 3,1% pour Hulu. Le partage de la valeur se fait sur la base des recettes publicitaires générées par la télévision en ligne. Le marché du « premium video » est en forte croissance. Les vidéos de Hulu sont aussi sur AOL, MSN, MSN ou encore Yahoo. @

Exclusivités du Net : élargir les pouvoirs du CSA

En fait. Le 11 janvier, le Premier ministre a reçu le rapport de Marie-Dominique Hagelsteen sur « les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision payante ». François Fillon « décidera dans les prochaines semaines des suites à donner aux recommandations ».

En clair. Orange a du souci à se faire sur les exclusivités mises en place pour ses deux bouquets de télévision payants Orange Sport et Orange Cinéma Séries (1), dont la distribution est réservée à ses seuls abonnés « triple play » (Internet, téléphone et télévision). L’opérateur historique a ainsi choisi de ne pas commercialiser ses chaînes
via d’autres fournisseurs d’accès à Internet (FAI). En pratiquant une double exclusivité
(celle de la distribution et celle d’accès), voire une triple exclusivité (avec l’édition),
France Télécom a pris un double risque, voire un triple risque : être accusé de pratique (anti)concurrentielle, limiter son audience télévisée à quelques abonnés (pas plus de 350.000 à fin 2009), et se voir reprocher d’inciter les abonnés des FAI concurrents à visionner illégalement en streaming ses programmes. « La stratégie d’Orange comporte nombre d’inconvénients [appauvrir l’éventail de choix des consommateurs] qui ne rendent pas son maintien souhaitable. (…) Elle est aussi susceptible d’induire des distorsions de concurrence », estime le rapport Hagelsteen. En cela, il rejoint l’avis
de l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2009 (voir EM@ n° 2, pages 8 et 9) jugeant
« qu’une plus grande ouverture du marché de gros de la télévision payante était souhaitable, mais que l’exclusivité (…) que pratique Orange ne constituait pas la réponse adéquate à cette situation ». Mais, contrairement aux sages de la rue de l’Echelle qui souhaitaient voir le législateur fixer rapidement « des règles du jeu
claires » (2), la commission Hagelsteen est réticente à ce qu’une loi encadre l’exclusivité de transport. Motif : « très faible adhésion [des acteurs concernés] ».
Elle lui préfère « une législation de nature procédurale consistant à mettre sous surveillance ces pratiques d’exclusivités de transport là où elles se déploient ».
En revanche, est partagée la nécessité « de mettre en place une véritable régulation
ex ante du marché de gros de la télévision payante » (notamment dans le sport et le cinéma). Bien que Canal+ y soit farouchement opposé, le rapport Hagelsteen propose de doter le CSA d’un pouvoir d’injonction d’offrir (« must offer ») qui pourrait porter sur toute chaîne éditée par un acteur puissant sur le marché de gros (avec encadrement
du prix), ainsi que sur les services de médias audiovisuels à la demande correspondants. @

L’Etat français vole au secours de ses industries culturelles face à Internet

Musique, cinéma et audiovisuel, livre… Les industries de la culture n’ont pas su s’adapter à Internet, ou ne savent pas comment s’y prendre. En France, l’année 2010 marque la reprise en main de leur avenir par le gouvernement. Jusqu’à
130 millions d’euros pourraient être nécessaires sur trois ans pour les aider.

Trois jours. Le 6 janvier, la mission « Création & Internet » remettait son rapport au ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand. Le 7 janvier,
le président de la République, Nicolas Sarkozy, présentait ses vœux aux professionnels du monde de la culture. Le 8 janvier, le ministre de la Culture installait
la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi).