L’âge d’or du d-Cinema

Ce soir, c’est ciné ! Et pas sur notre home cinéma mural.
Ce n’est pas non plus la bonne vielle sortie familiale pour
voir et partager le dernier blockbuster dans une salle à grand spectacle. Non, ce soir, Festival de Cannes oblige, nous allons assister à la diffusion de deux films de la sélection officielle, projetés simultanément dans une centaine de salles réparties sur la planète. Nous pourrons même participer au choix du film auquel sera attribuée la Palme du public, en votant directement sur nos smartphones. Est-ce tout ? Peu de chose aurait donc fondamentalement changé depuis qu’un Platon imagina une séance pour des spectateurs hypnotisés par des images projetées tout au fond d’une caverne symbolique. Si les spectateurs se retrouvent toujours dans une même salle, comme pour la première projection payante au Grand Café à Paris en 1896, les progrès n’ont cessé d’accompagner ce « Septième Art » devenu également une industrie culturelle puissante.

« L’ère digitale a changé la classique salle de cinéma en un véritable lieu de spectacle numérique, largement ouverte sur d’autres domaines (concerts, matchs, théâtres, …) »

Préachats de films : Canal+ baisse, Orange monte

En fait. Le 17 mai, au Festival de Cannes, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a dressé le bilan de l’année 2009. Si la fréquentation des salles est un record (201 millions d’entrées), les investissements dans 230 films français ont été en recul de 26,3 % à 1,1 milliard d’euros.

En clair. Bien que le cinéma français « demeure relativement dynamique tant en volume, au-dessus des 200 films, qu’en investissement, au-dessous du milliard
d’euros », comme l’a constaté Véronique Cayla, présidente du CNC, sur la Croisette,
« la diminution des investissements est bien réelle ». Et de mettre en garde : « Dans
ce contexte de tension économique, (…) nous devons donc être prudents, et accorder dans les mois à venir une attention redoublée à l’évolution de la production cinématographique française ». Si les sociétés de production et les chaînes de télévision demeurent les principaux financiers des films « d’initiative française », le premier pourvoyeur de fonds du cinéma en France – Canal+, filiale du groupe Vivendi – a diminué l’an dernier son enveloppe de 5,3 % à 164,79 millions d’euros répartis entre 134 films (dont 121 français). De son côté, le bouquet de chaînes thématiques CinéCinéma (1), qui appartient aussi au groupe Canal+, a vu sa participation augmenter de 18,8 % à près de 20 millions d’euros pour 112 films (dont 103 français). Quant aux préachats de films par TPS Cinéma, également contrôlé par le groupe Canal+, ils sont aussi en baisse, de 46,6 % à 11,90 millions d’euros répartis entre 34 films (dont 33 français). La chaîne cryptée, dont l’accord de décembre 2009 avec le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) vient d’être signé par le Blic (2), contribue encore pour environ 20% de l’ensemble des investissements dans les films
« agrées » en 2009. Mais il faut désormais compter sur un nouvel entrant : Orange Cinéma Séries. La filiale de France Télécom tend à compenser la baisse en 2009 de l’investissement de la seule chaîne cryptée dans le cinéma. Orange Cinéma Séries a en effet augmenté ses préachats de 46,5 % sur un an à 7,22 millions d’euros pour 13 films, dont 6,49 millions dans 12 films français (dont 6 avec les droits de première fenêtre payante). Mais le Septième Art français peut aussi compter sur d’autres sources de financement : les aides publiques du CNC, dont le Compte de soutien à l’industrie des programmes (Cosip) de plus en plus alimenté par les fournisseurs d’accès à Internet (lire EM@ 8 p. 6), les conventions triennales avec les collectivités locales ou encore le crédit d’impôt. En attendant que la vidéo à la demande et la télévision de rattrapage soient mises à leur tour à contribution. @

Le marché de la VOD franchit les 100 millions d’euros

En fait. Le 17 mai, la publication du bilan 2009 du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) est l’occasion de revenir sur le marché émergent de la vidéo à la demande (VOD) payante en France : 82,4 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2009, en croissance de 54,8 % sur un an, selon NPA-GfK.

En clair. Selon les estimations de Edition Multimédi@, le marché français de la vidéo
à la demande (VOD) payante – à l’acte ou à l’abonnement – vient de franchir pour la première fois les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires. Si le rythme de croissance devrait se maintenir cette année au même niveau que l’an passé, à savoir environ
55 %, les 150 millions d’euros de revenus pourraient même être atteints fin 2010. D’autant que les plateformes de VOD recensées en France sont maintenant une cinquantaine, les services étant comptés qu’une fois lorsqu’il sont proposés en marque blanche.
Elles peuvent être accessibles par le Web, via un canal de « TVIP » (1) ou à partir
d’un baladeur multimédia, voire d’une console de jeux vidéo. Et 5.000 films de cinéma sont actuellement disponibles sur les huit principales plateformes que sont Arte VOD, Canaplay, Club Vidéo, France Télévisions, Orange, TF1 Vision, Universciné et Virginmega. La croissance de la VOD devrait se maintenir aussi grâce au raccourcissement de la « chronologie des médias », selon laquelle un nouveau film est disponible en VOD (et en DVD) quatre mois après sa sortie en salle (2). Est-ce suffisant pour éviter le piratage de films en ligne ? Selon l’institut Harris Interactive qui a mené une enquête sur Internet pour le CNC, ce sont les films et séries américains qui arrivent largement en tête de la consommation de VOD en France (47,9 %), suivis par les films et séries français récents (30,3 %). En valeur, d’après le baromètre de NPA-GfK déjà rendu public en avril, 98,3 % des transactions payantes de VOD se sont faites sous forme locative en streaming ou en téléchargement temporaire sur un total de 22,9 millions transactions payantes (en hausse de 64,1 % sur un an). Et 96,5 % du chiffre d’affaires est réalisé sous forme de paiement à l’acte, contre 3,5 % avec des formules mensuelles d’abonnement illimité. Ce dernier mode de consommation génère néanmoins 21,9 % des volumes de consommation. « Le prix moyen par transaction locative est en légère baisse sur la période (- 5,4 % à 3,55 euros) », indique le bilan
du CNC. Quoi qu’il en soit, l’essentiel du volume de transaction payantes de VOD s’effectue sur la TVIP. D’ailleurs, selon l’Arcep, près de la moitié des abonnés ADSL reçoivent la télévision par cet accès.
« Le nombre de transaction payante sur la TVIP augmente de 61 %, tandis que celle réalisées sur Internet ne progressent que de 13,3 % », précise-t-on. @

Cinéma : avoir le choix entre salle et vidéo

L’industrie du Septième Art est dépendante financièrement de la « chronologie des médias ». Grâce aux exclusivités de diffusion (de la salle à la télé, en passant par le DVD et la VOD), les producteurs de films peuvent préfinancer leurs œuvres. Mais le numérique change tout.

Jean-Luc Godard présente hors compétition, au 63e Festival de Cannes, son
« Film Socialisme ». Signe particulier : la sortie en salle de cinéma a lieu le 19 mai et le téléchargement en vidéo à la demande (VOD) est proposé pour 7 euros durant les deux jours précédents ! Cette disponibilité en ligne et en avantpremière s’inscrit en dehors de ce que les professionnels du Septième Art appellent, la « chronologie des médias », laquelle instaure en France un délai obligatoire de quatre mois – voire de trois en cas
de dérogation – entre la projection d’un film dans les salles obscures et sa disponibilité
en VOD ou en DVD, puis à la télévision (1). Et ce, en contrepartie d’une exclusivité d’exploitation, qui permet au cinéma français de se préfinancer auprès de chaque
« fenêtre de diffusion ».

Projet de décret « SMAd » : les critiques du Bloc…

En fait. Le 23 avril, le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) a répondu au ministère de la Culture et de la Communication à la consultation publique sur le projet de décret portant sur médias de services audiovisuels
à la demande (VOD et télévision de rattrapage en tête).

En clair. La quinzaine d’organisations du cinéma qui composent le Bloc, dont l’APC,
le SPI ou encore la SRF, ne sont pas pleinement satisfaits du projet de décret
« SMAd ». Dans leur courrier du 23 avril – que Edition Multimédi@ s’est procuré –,
elles ont fait part à la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), de plusieurs désaccords avec le texte proposé. A commencer par les
15 millions d’euros de chiffre d’affaires au-delà desquels les services de vidéo à la demande (VOD) sont obligés d’investir dans des films européens et/ou français sous forme de préfinancement ou coproduction (1) (*) (**). « Nous demandons la suppression de ce seuil dans la mesure où il ne correspond pas à la réalité économique actuelle, voire à moyen terme », explique le Bloc, tout en suggérant que le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) puisse prévoir un « mécanisme progressif ». Sur l’assiette prise en compte pour le calcul des obligations, le Bloc demande à ce que le chiffre d’affaires de la régie publicitaire soit intégré dans celui de l’éditeur de VOD, si
ce dernier la contrôle ou si celle-ci le contrôle. En outre, est contestée l’analogie avec
le niveau de contribution cinématographique des chaînes de télévision en fonction de
la « première fenêtre » (entre 10 et 22 mois) ou de la « seconde fenêtre » (entre 22 et 36 mois).
« Nous sommes (…) opposés à toute référence au délai de mise à disposition des œuvres dans la détermination de l’existence d’une obligation. (…) Nous demandons donc que l’ensemble des services de [VOD] soit soumis à une obligation de production, dès lors que ceux-ci diffusent plus de 10 œuvres cinématographiques ». Quant au niveau d’investissement dans la production indépendante, il n’est pas assez élevé selon le Bloc qui demande un taux de 75 % et non de 50 %, comme le prévoit le projet de décret. Si les niveaux d’investissement pour la VOD par abonnement et la VOD gratuite sont jugés suffisants, il n’en va pas de même pour la VOD à l’acte pour laquelle le Bloc demande une révision à la hausse (12 % à 15 % pour les services dédiés au cinéma notamment). « Un minimum garanti par abonné » est exigé pour la VOD par abonnement. Enfin, concernant la catch up TV, le Bloc se dit « opposé à toute globalisation des obligations d’investissement des services linéaires et des services de télévision de rattrapage » et suggère là aussi un « minimum garanti ayants droit ». @