Pas de film français sur YouTube et Dailymotion ?

En fait. Le 29 novembre, Edition Multimédi@ a voulu savoir auprès de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), l’une des quatre signataires
de l’accord annoncé le 25 novembre avec YouTube, et de l’Association des producteurs de cinéma (APC) si les films de cinéma français étaient concernés.

En clair. C’est le flou artistique ! « Accord avec Google pour diffuser du cinéma français sur YouTube », titrait Reuters le jour de l’annonce de l’accord entre le site avec trois sociétés de gestion collective de droits d’auteurs : SACD, Scam (1) et ADAGP (2),
soit moins de deux mois après avoir signé avec la Sacem (3). YouTube et Dailymotion peuvent-ils pour autant diffuser des films du cinéma français ? Doivent-ils se limiter
à la mise en ligne de vidéos musicales ou de productions audiovisuelles, voire des animations vidéo ? « Je ne vois pas en quoi les sociétés d’auteurs peuvent autoriser la diffusion des œuvres de cinéma sur des plateformes vidéo comme YouTube sans les producteurs, lesquels sont les seuls habilités à négocier les droits de diffusion de leurs films », nous explique Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC. Pour lui, ces accords ne permettent pas la mise à disposition de films français sur YouTube. Les accords passés par les sites web de partage vidéo avec les sociétés d’auteurs n’engagent donc pas les producteurs de cinéma français, d’autant qu’il n’y a pas de gestion collective des droits dans le Septième Art, contrairement à la filière musicale
où il y a gestion collective et minima garantis.
Pour le directeur général de la SACD, Pascal Rogard, « les œuvres cinématographiques font partie [de notre] répertoire ». Et de citer l’exemple de « Valse avec Bachir », un film d’animation documentaire, que YouTube et Dailymotion ont retransmis dans le cadre de leur accord avec la chaîne Arte et son service Arte+7
de catch up TV. « Bien entendu, l’accord ne couvre que les œuvres licitement mises
en ligne par les détenteurs de droit. Et c’est pour cela que les sites communautaires négocient avec des sociétés [de production de films] comme EuropaCorp », poursuit Pascal Rogard,. YouTube négocie toujours avec le groupe de Luc Besson, dont il a
déjà diffusé le film documentaire « Home » en 2009. Contacté par Edition Multimédi@, Anthony Zameczowski, directeur partenariats YouTube France et Europe de l’Est (4) explique être « en discussion avec tous les producteurs et diffuseurs de fiction française, dont certains ont déjà des chaînes sur YouTube, comme Lagardère Active, Arte, EuropaCorp, Universal Pictures ou encore Gaumont ». Comme pour Disney, il s’agit d’aller au-delà des bandes annonce. Reste que ni les plateformes Internet ni les sociétés d’auteurs n’ont pris la peine d’informer les organisations du cinéma français (Bloc, APC, UPFI, …) de leurs accords. @

Walt Disney : un géant fragilisé par le numérique ?

En fait. Le 11 novembre, le groupe Walt Disney a publié les résultats de son
année fiscale achevée le 2 octobre 2010 : bénéfice net en hausse de 20 % à
près de 4 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires en augmentation de 5 %
à 38 milliards. Un conglomérat en quête de stratégie numérique.

En clair. Le plus gros conglomérat au monde avec ses 144.000 salariés (dont 300 personnes en France) et ses cinq grandes activités – réseaux de télévisions, parcs
et hôtels, studio de cinéma, produits, médias interactifs – termine son année fiscale sur une fausse note : notamment une baisse significative de la télévision (réseau câblé sportif ESPN, Disney Channel et chaîne ABC) durant son quatrième trimestre, tant en chiffre d’affaires (- 7 %) qu’en résultat opérationnel (- 18 %). Comme cette activité pèse pour 45 % du total des revenus du groupe, ce fléchissement dû à un « changement dans les recettes de la TV payante » a déçu. Le modèle de la TV payante subirait-il
le contrecoup de la vidéo sur le Net ? Cinq ans après le départ de son ancien PDG, Michael Eisner, Disney semble chercher une vraie stratégie numérique. Il n’a pas le contrôle de Hulu – plateforme de VOD et de catch up TV dans laquelle Disney/ABC a coinvesti en 2007 avec Fox et NBC Universal – et regarde déjà du côté de l’Apple TV. ABC a réduit ses effectifs et se numérise, tandis que Disney espère que sa plate-forme de VOD, KeyChest, sera prête en fin d’année. Heureusement, le succès record de
« Toy Story 3 » au cinéma et en DVD (Blu-Ray compris) a compensé le manque à gagner. L’acquisition de Pixar en 2006 commence à porter ses fruits et Disney en espère encore beaucoup lors de la sortie à l’été 2011 de « Cars 2 » (1), qui sera aussi en exclusivité sur la PS3. Au printemps dernier, Disney a annoncé la fermeture des studios ImageMovers Digital. Disney est, en outre, tenté de bousculer la chronologie des médias, « Alice au pays des merveilles » ayant déclenché une polémique en Europe après sa sortie DVD moins de trois mois après sa sortie en salle. Dans la branche produits (rentable) et les médias interactifs (déficitaire), le DG de Disney, Robert Iger, a précisé qu’il allait maintenant « moins investir dans les consoles de jeu, mais plus dans les jeux vidéo en ligne ». En juillet dernier, Disney a fait deux acquisitions : Playdom, éditeur spécialisé dans les jeux pour réseaux communautaires comme MySpace avec Mobster ou encore Facebook avec Treetopia ; Tapulous, éditeur de jeux pour l’iPhone/iPod/iPad, pour « devenir le leader du divertissement mobile ». Quant aux livres numériques, Disney entend adapter sa e-librairie DineyDigitalBooks aux tablettes. « Les médias numériques évoluent encore, nous en sommes au début
du début », avait lancé Robert Iger en début d’année. @

Futur décret SMAd : désaccord entre cinéma et vidéo

En fait. Le 26 octobre, NPA Conseil a organisé la 12e édition de son colloque
« Quelles stratégies industrielles pour les médias numériques ? », sur fond de multiplication des écrans (télé, PC, mobile, TV connectée…). Il a été beaucoup question de l’avis surprise du CSA contre le projet de décret SMAd.

En clair. L’avis défavorable que le CSA a rendu au gouvernement le 27 septembre sur
le projet de décret fixant les obligations d’investissement des SMAd (1) – vidéo à la demande et télévision de rattrapage – dans les films de cinéma français et européens, n’en finit pas de faire des vagues. La filière cinématographique (UPF, APC, SPI, ARP, …) a exprimé sa surprise et son désaccord avec le CSA. Lors du colloque «NPA Conseil-Le Figaro », Marc Tessier – président de Video Futur et président du Syndicat des éditeurs de vidéo à la demande (SEVD) – s’est félicité de cet avis. « Le CSA a eu la sagesse d’adopter un taux progressif avec une clause de réexamen dans 18 ou 24 mois. Cela aurait été une anomalie que d’appliquer aux SMAd un taux [de contribution financière calculée sur le chiffre d’affaires] identique à celui de la télévision. Nous n’avons pas les mêmes marges ! », a-t-il souligné. Le président du CSA, Michel Boyon, a profité du colloque pour rappeler le caractère « nouveau » de ces services audiovisuels à la demande, lesquels affichent encore une « rentabilité fragile » et sont confrontés à une « concurrence frontale de services transnationaux », avec la crainte de voir débarquer en Europe les Google TV, Apple TV et autres Hulu. Si l’on y ajoute les « difficultés d’accès aux droits de diffusion », le régulateur a préféré conseiller au gouvernement de ne pas prendre le risque de voir les SMAd nationaux se délocaliser hors de France pour échapper à des « obligations excessives ». Et comme l’a relevé Laurence Franceschini, directrice générale de la DGMIC (2), « c’est la première fois que le CSA communique
sur l’aspect “défavorable” d’un avis ». Si les plateformes de VOD se sont dite rassurées, notamment par la voix de la Fédération française des télécoms demandant une progressivité des obligations sur sept ans, les chaînes de télévision – TF1, M6, Canal+, … –, qui misent aussi sur la délinéarisation, le sont aussi. Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, a profité du débat pour ironiser :
« Je soutiens l’avis du CSA car (…) lorsque la Mafia raquette une pizerria, elle attend qu’il y ait de l’argent. Alors qu’en France, on raquette la pizerria avant même de savoir si elle a de l’argent ! ». Ce qui n’a pas manqué d’agacer Hervé Rony et Pascal Rogard, directeurs généraux respectivement de la Scam (3) et de la SACD (4), soucieux de
« préserver la diversité culturelle ». @

… et le « marché unique » des contenus numériques

En fait. Le 30 septembre, s’est achevée la consultation publique de la Commission européenne sur la neutralité des réseaux. Une autre, terminée le
30 juillet, portait sur l’avenir des contenus des industries culturelles face au numérique. Car Neelie Kroes prépare aussi un « marché unique » des contenus.

En clair. Il ne suffit pas de poser des « tuyaux » partout ; encore faut-il les remplir de contenus. Parallèlement au plan (très) haut débit, la commissaire européenne Neelie Kroes, en charge de l’Agenda numérique, prépare plusieurs actions pour un « marché unique » des contenus (1). Après deux consultations publiques sur les « contenus créatifs en ligne » – en 2006 et en 2010 (EM@1, p. 4) –, la Commission européenne s’est déjà fixé l’objectif à 2015, puis à 2020, de lever les « sept obstacles les plus importants » pour décloisonner la « mosaïque de marchés en ligne nationaux ». La première action qu’a envisagée Neelie Kroes – ancienne commissaire européen en charge de la Concurrence – est de « simplifier l’acquittement et la gestion des droits d’auteur et l’octroi de licences transnationales », à commencer par « renforcer le régime et la transparence de la gestion des droits (en ligne) et l’octroi de licences paneuropéennes en proposant une directive-cadre sur la gestion collective des droits d’ici à 2010 ». Le vote du Parlement européen en faveur du rapport Gallot sur « le renforcement de l’application des droits de propriété » (avec création d’un Observatoire européen de la contrefaçon et du piratage) et les négociations internationales sur le texte « anti-contrefaçon » dit ACTA (2) prévu d’ici la fin de l’année (EM@9, p. 3 et EM@ 16, p. 8) devraient complérer la réforme vis à vis des ayants droits. La musique est en première ligne mais l’audiovisuel et le cinéma se seront pas en reste. L’audiovisuel devrait faire l’objet cette année, d’un « livre vert » où « les problèmes posés par la distribution en ligne d’œuvres audiovisuelles » seront identifiés. En outre, une
« communication interprétative sur la directive européenne SMA [services de médias audiovisuels, dont ceux à la demande]» est sur le point de sortir. Et sera publiée
« d’ici à 2011 » une « recommandation sur la promotion de la numérisation du cinéma européen » et « autres contenus créatifs ». Et pour l’année 2012, Neelie Kroes proposera des mesures pour « la libération du potentiel des industries de la culture et de la création » sur la base des enseignements de la consultation publique qui s’est achevée le 30 juillet dernier. C’est dans ce contexte des contenus pour les réseaux que la Commission européenne s’apprête à mettre son grain de sel dans le débat sur la neutralité du Net, dont la consultation publique s’est terminée le 30 septembre dernier. @

Inquiétudes sur la 2e version du décret « SMAd »

En fait. Le 13 septembre, l’Association des services Internet communautaires (Asic) s’est inquiétée de la deuxième mouture du projet de décret sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAd). Le Bureau de liaison des organisations du cinéma (Bloc) a lui aussi fait part de ses griefs.

En clair. Après les multiples critiques sur la première mouture du projet de décret SMAd (lire EM@13 p. 3), qui prévoit les obligations de financement des films français et européens par les éditeurs de services de vidéo à la demande (VOD) ou de télévision de rattrapage (catch up TV), une nouvelle série de griefs portent cette fois
sur la seconde version du texte. Les professionnels de l’Internet et du cinéma avaient jusqu’à la semaine dernière pour rendre leurs commentaires détaillés au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). Ce dernier va rendre son avis ces prochains jours, avant l’envoi du texte au Conseil d’Etat. Selon nos informations, le Bloc s’est opposé à l’instauration d’un seuil de chiffre d’affaires (1) pour le déclenchement des obligations des SMAd en matière de dépenses dans les films et d’exposition sur leur site en ligne. Explication : « Créer un seuil revient à provoquer une distorsion entre les SMAd et donc une déstabilisation du marché, les petites plateformes ayant tout intérêt à se différencier par le non-respect des obligations des plates-formes de VOD plus importantes. Ce qui inciterait en outre les SMAd situés à l’étranger à ne pas appliquer
la réglementation française dans la mesure où nombre de SMAd situés en France ne la respecterait pas ». De plus, le Bloc demande que le décret établisse une contribution spécifique à la création cinématographique, distincte de la contribution à la production audiovisuelle, sur la base de l’ensemble du chiffre d’affaires des SMAd. Le Bloc a en outre fait valoir que la chronologie des médias ne peut être modifiée par ce décret dans la mesure où la loi prévoit qu’elle doit relever d’un accord interprofessionnel. En l’occurrence, celui signé le 6 juillet 2009 qui fixe le délai applicable à la VOD sur abonnement à 36 mois (2). Quant à la proportion d’œuvres européennes et d’œuvres d’expression originales françaises sur le site (respectivement 60 % et 40 %) et aux obligations d’exposition sur la page d’accueil des œuvres européennes et françaises, elles satisfont le Bloc. Cette dernière disposition n’est pas du goût de l’Association des services Internet communautaires (Asic) : « Impossible à réaliser », affirme-t-elle. Et
de se déclarer  « inquiète quant à l’adoption d’un texte qui tend au final à affirmer que l’Internet est de la télévision ». Autrement dit : il faut séparer la catch up TV/VOD des sites de contenus générés par les utilisateurs. @